BGer 1E.14/2000
 
BGer 1E.14/2000 vom 01.02.2001
[AZA 0/2]
1E.14/2000
Ie COUR DE DROIT P U B L I C
**********************************************
1er février 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Jomini.
__________
Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
les époux X.________,
contre
la décision prise le 5 décembre 2000 par le Juge chargé de l'instruction près la Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, dans la cause opposant les recourants à l'Office fédéral des transports et aux Chemins de fer fédéraux suisses CFF S.A., représentés par leur Division infrastructure, service juridique, à Lausanne;
(procédure d'approbation des plans de chemins de fer)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 9 juin 2000, l'Office fédéral des transports a approuvé les plans du projet des Chemins de fer fédéraux (CFF) en vue de la construction du "tronçon genevois" d'une troisième voie entre Coppet et Genève, (sur le territoire des communes de Versoix, Genthod, Bellevue et Pregny-Chambésy; coordonnées kilométriques: de 50.655 à 52.440 et de 52.580 à 58.130). Une procédure combinée - approbation des plans et expropriation - avait été ouverte à cet effet en 1995.
Les époux X.________, copropriétaires d'une parcelle à Genthod où se trouve leur maison d'habitation (parcelle n° 1777), se sont opposés au projet des CFF lors de l'enquête publique. En approuvant les plans, l'Office fédéral des transports a rejeté leur opposition.
La réalisation du projet nécessite, selon les CFF, l'expropriation partielle de la parcelle n° 1777 (303 m2 à titre définitif et 157 m2 à titre provisoire, d'après le plan des droits à exproprier figurant dans le dossier mis à l'enquête publique). Le passage de la nouvelle voie est prévu dans cette emprise, un mur de soutènement d'un talus devant en outre être édifié entre la voie et la maison.
B.- Les époux X.________ ont recouru contre la décision d'approbation des plans auprès de la Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: la Commission de recours). D'autres recours concernant le même tronçon, actuellement pendants, ont été joints à celui des époux X.________.
Les CFF ont demandé à la Commission de recours de prononcer la levée de l'effet suspensif, qui découlait du dépôt du recours des époux X.________ ainsi que d'autres recours (cf. art. 55 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative [PA; RS 172. 021]).
Par un prononcé du 5 décembre 2000, le Juge chargé de l'instruction a retiré l'effet suspensif aux recours dirigés contre l'approbation des plans, en assortissant cette décision de trois réserves, dont celle-ci:
" Dans le secteur visé par le recours des époux
X.________, la construction du mur de soutènement
sera suspendue lorsque celui-ci aura atteint une
hauteur de trois mètres. "
Ce prononcé a été notifié aux époux X.________, à l'adresse de leur avocat.
C.- Agissant par la voie du recours de droit administratif - leur acte ayant été déposé le 27 décembre 2000 -, les époux X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Juge instructeur de la Commission de recours et de restituer l'effet suspensif à leur recours pendant devant cette autorité. En substance, les recourants soutiennent qu'en l'état de la procédure, les CFF ne peuvent pas être autorisés à effectuer des travaux sur leur propriété, en modifiant la pente d'un talus et en édifiant un mur de soutènement, car le droit d'expropriation ne leur aurait pas été accordé à titre définitif pour ces aménagements.
Les CFF concluent au rejet du recours de droit administratif.
La Commission de recours a fait part de ses observations.
L'Office fédéral des transports a renoncé à répondre au recours.
Considérant en droit :
1.- La décision attaquée est une décision incidente, prise dans le cadre de la procédure pendante devant la Commission de recours (cf. art. 45 al. 2 let. g et 55 al. 2 PA). Comme la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouverte contre la décision finale (cf. art. 98 let. e, art. 99 al. 1 let. c et al. 2 let. d OJ), elle l'est également contre la décision incidente (cf. art. 101 let. a OJ).
Les époux X.________, propriétaires d'un terrain visé par la procédure d'expropriation ouverte en relation avec les travaux litigieux, ont manifestement qualité pour recourir (art. 103 let. a OJ). Le délai de recours est en pareil cas de dix jours dès la notification de la décision (art. 106 al. 1 OJ); il a été respecté en l'espèce, quand bien même la date de la notification n'a pas été déterminée avec certitude. En effet, l'acte de recours a été déposé pendant les féries de l'art. 34 al. 1 let. c OJ (du 18 décembre au 1er janvier inclusivement) et, même dans l'hypothèse d'une notification postale le lendemain de la date de la décision (soit le mercredi 6 décembre 2000), le délai de dix jours ne parvenait pas à échéance avant le dernier jour ouvrable précédant ces féries (soit le vendredi 15 décembre 2000 - cf. art. 32 OJ).
Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.- En critiquant le retrait de l'effet suspensif en instance inférieure, les recourants font valoir en substance que certains travaux prévus sur leur parcelle (mur de soutènement et talus) modifieraient de façon inadéquate la configuration du terrain, et qu'ils ne correspondraient pas au plan d'expropriation.
Le dossier révèle que ces travaux doivent être réalisés à l'intérieur des emprises - définitive (303 m2) et provisoire (157 m2), selon le projet mis à l'enquête - définies par le plan des droits à exproprier (voir aussi le plan des profils en travers). Les CFF ne peuvent donc pas procéder aux aménagements litigieux tant que les droits réels nécessaires ne leur ont pas été transférés ou tant qu'ils n'ont pas été autorisés à prendre possession de ces droits de manière anticipée; ils l'admettent du reste eux-mêmes dans leur réponse au recours de droit administratif. La procédure d'envoi en possession anticipé est réglée à l'art. 76 de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx; RS 711) ainsi qu'à l'art. 18k al. 3 de la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF; RS 742. 101); cette décision est de la compétence du président de la Commission fédérale d'estimation (art. 76 al. 2 LEx, art. 18k al. 3 LCdF).
La procédure d'envoi en possession anticipé permet aux expropriés de faire valoir leurs droits en temps utile et d'exposer leurs objections à une réalisation immédiate du projet, avant le paiement de l'indemnité, voire avant l'issue des procédures de recours contre l'approbation des plans.
C'est pourquoi, selon la jurisprudence, l'effet suspensif ne doit en règle générale pas être accordé dans le cadre de ces procédures de recours car il faut laisser le soin au président de la Commission fédérale d'estimation d'effectuer la pesée des intérêts dans chaque cas particulier, lorsque l'envoi en possession anticipé est requis (ATF 115 Ib 94 ss). Ce principe jurisprudentiel, s'appliquant à l'origine à la procédure de recours de droit administratif au Tribunal fédéral, doit également valoir pour la procédure devant la Commission de recours, instituée à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la loi fédérale du 18 juin 1999 sur la coordination et la simplification des procédures de décision (RO 1999 3071; cf. le nouvel art. 11 LCdF). Aussi le retrait de l'effet suspensif était-il, pour ces motifs d'ordre formel, justifié. Le recours de droit administratif est en conséquence mal fondé.
3.- Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire (cf. art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ et 114 al. 1 LEx). Les recourants, qui ont procédé sans l'assistance d'un mandataire, n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ et 115 LEx).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours de droit administratif.
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.
3. Communique le présent arrêt en copie aux recourants, aux Chemins de fer fédéraux suisses CFF S.A., à l'Office fédéral des transports et à la Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.
___________
Lausanne, le 1er février 2001 JIA/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,