«AZA 7»
I 669/00 Sm
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Vallat, Greffier
Arrêt du 21 février 2001
dans la cause
R.________, recourant, représenté par Maître Jean-Michel Conti, avocat, rue Achille-Merguin 18, Porrentruy,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, Saignelégier, intimé,
et
Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy
A.- R.________ souffre d'une myopie grave, avec dégénérescence vasculaire et cataracte présénile. Son acuité visuelle est nulle à droite et de 30 % à gauche avec correction. Sans formation professionnelle, il a exercé plusieurs activités non qualifiées dont en dernier lieu celle de manoeuvre d'usine dans une entreprise de fabrication de panneaux isolants, interrompue en 1995 pour des raisons économiques. Depuis lors, il a bénéficié de prestations de l'assurance-chômage, hormis quelques périodes d'activité pour la commune de Porrentruy, puis dans les ateliers de Caritas Jura.
R.________ a déposé une première demande de prestations de l'assurance-invalidité le 27 septembre 1993, qui a été rejetée par la Caisse de compensation du canton du Jura, le 26 septembre 1994.
En date du 1er septembre 1997, R.________ a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après : l'OAI).
A la demande de l'OAI, l'assuré a été examiné par les médecins de la Clinique ophtalmologique universitaire de X.________ (ci-après : la clinique ophtalmologique), qui ont confirmé le diagnostic de myopie grave dégénérative bilatérale avec cataracte présénile. Selon ces praticiens, R.________ est incapable de travailler dans la profession exercée jusqu'alors en raison de son acuité visuelle très fortement réduite; il est en particulier incapable d'effectuer des travaux manuels de précision; il ne peut travailler à moyenne ou grande hauteur (travaux sur des échafaudages par exemple) ou avec des machines potentiellement dangereuses; il est en outre inapte aux travaux requérant la lecture et l'écriture, aux travaux de mécanique et ne peut ni conduire de véhicules ni se servir de machines; de même, les travaux de chantier lui sont inaccessibles à cause du danger accru résultant de son acuité visuelle très réduite et de l'absence de perception de l'espace. Les médecins de la clinique ophtalmologique concluent qu'un travail simple dans un environnement familier sans dangers potentiels serait indiqué (rapport du 15 avril 1998).
L'assuré a suivi un stage au Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité (ci-après : COPAI), à Y.________, du 16 novembre au 11 décembre 1998. Selon les responsables de la réadaptation et le médecin-conseil du centre, il ne présente pas de limitations significatives de ses capacités gestuelles et fonctionnelles; en revanche, sa faible acuité visuelle le gêne dans l'ensemble des gestes de la vie quotidienne; bien qu'ayant de bonnes capacités en motricité fine, il se montre peu précis par déficit visuel; tous les travaux avec des machines présentent des dangers potentiels et doivent être évités; les rendements de l'assuré n'ont jamais dépassé 40 à 50 % dans les activités proposées et il doit constamment trouver des stratégies de compensation par le toucher; enfin, les troubles de la vision le fatiguent rapidement et, dans l'après-midi, ses rendements chutent fortement. Seules des activités répétitives simples telles que de petits montages ou travaux de manutention sont encore à sa portée (rapport d'observation professionnelle du 21 janvier 1999).
Par décision du 26 novembre 1999, l'OAI a fixé le degré de l'invalidité de R.________ à 55 % et lui a alloué une demi-rente d'invalidité pour lui-même, une demi-rente complémentaire pour son épouse ainsi que des rentes simples complémentaires pour enfants, avec effet au 1er août 1999.
B.- Saisie d'un recours de R.________, la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a rejeté par jugement du 12 octobre 2000.
C.- R.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
Le Tribunal cantonal jurassien et l'OAI se sont déterminés dans le sens du rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas émis de préavis.
Considérant en droit :
1.- Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant souffre d'une myopie grave, avec dégénérescence vasculaire et cataracte présénile, qui constitue une atteinte à la santé physique. Le recourant conteste en revanche le degré de l'invalidité retenu et prétend une rente entière.
2.- a) Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à
une rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.
Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI). La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b). Il faut enfin tenir compte, dans l'estimation du revenu d'invalide, des difficultés objectives que présente la réadaptation professionnelle de l'assuré, selon les circonstances. En particulier, on ne saurait déterminer le revenu raisonnablement exigible de l'assuré en se fondant sur des possibilités d'emploi irréalistes, ou en se bornant à prendre en considération un genre d'activité quasiment inconnu du marché du travail. On ne saurait en effet parler d'une activité au sens de l'art. 28 al. 2 LAI dans la mesure où elle n'est possible que sous une forme tellement restreinte que le marché du travail général ne la connaît pratiquement pas ou qu'à la condition de concessions irréalistes de la part d'un employeur moyen (RCC 1989 p. 331 consid. 4a).
b) En l'espèce, les premiers juges ont retenu que le recourant pouvait encore effectuer des travaux simples, comme manoeuvre, avec un rendement de 45 % et, partant, obtenir un revenu correspondant à une fraction équivalente du salaire qu'il réalisait avant de devenir invalide; ils ont admis que la perte économique ou le degré de l'invalidité du recourant, s'élevait en conséquence à 55 %, de telle sorte qu'il ne peut prétendre une rente entière.
Cette appréciation ne saurait sans plus être confirmée. On ignore en effet concrètement quelle activité le recourant peut encore exercer compte tenu de toutes les limitations posées par les experts. A cela s'ajoute que dans un rapport du 8 septembre 1998, l'OAI relevait, outre les difficultés visuelles de l'assuré, des difficultés d'ouïe, de compréhension des consignes et d'élocution. On ne sait pas non plus si le marché du travail offre réellement des emplois consistant en des activités de petits montages répétitifs ou de manutention, accessibles à un travailleur dont l'acuité visuelle est aussi restreinte que celle du recourant, et, de surcroît, dans un environnement familier et sans danger. On ignore enfin quel revenu le recourant pourrait, le cas échéant, retirer d'une telle activité.
Il faut ainsi constater que les faits tels qu'ils ressortent du dossier sont incomplets et qu'ils ne permettent
pas de se prononcer sur la question de droit litigieuse. Il s'impose donc de renvoyer la cause à l'office pour qu'il complète l'instruction et rende ensuite une nouvelle décision.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e :
I. Le recours est admis en ce sens que le jugement de la
Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la Ré-
publique et canton du Jura du 12 octobre 2000 ainsi
que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
du canton du Jura du 26 novembre 1999 sont annulés, la
cause étant renvoyée à l'office pour instruction com-
plémentaire et nouvelle décision au sens des considé-
rants.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. L'office de l'assurance-invalidité du canton du Jura
versera au recourant la somme de 2500 fr. (y compris
la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour
l'instance fédérale.
IV. La Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura statuera sur les dépens
pour la procédure de première instance, au regard de
l'issue du procès de dernière instance.
V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Chambres des assurances du Tribunal cantonal de la Ré-
publique et canton du Jura ainsi qu'à l'Office fédéral
des assurances sociales.
Lucerne, le 21 février 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier :