[AZA 0/2]
5C.253/2000
IIe COUR CIVILE
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6 mars 2001
Composition de la Cour: M. Bianchi, Juge présidant,
M. Raselli et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.
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Dans la cause civile pendante
entre
X.________, Assurance maladie et accident, défenderesse et recourante, représentée par Me Pascal Marti, avocat à Genève,
et
Dame Z.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Henri Nanchen, avocat à Genève;
(assurance complémentaire à l'assurance-maladie)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Dame Z.________, née en 1971, est assurée depuis le 1er juillet 1985 en matière d'assurance-maladie auprès de la Fondation X.________, qui assure les risques de maladie et d'accidents sous le nom de X.________, assurance maladie et accident (ci-après: X.________ ou la caisse). En 1997 et 1998, elle bénéficiait de l'assurance obligatoire de soins ("Basis") selon la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assu-rance-maladie (LAMal; RS 832. 10), ainsi que d'une assurance complémentaire selon la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221. 229.1) pour l'hospitalisation en division privée ou en clinique (chambre à un lit) avec limitation du choix de l'établissement ("Optima Plus").
B.- L'art. 2 des conditions spéciales d'assurance (CSA) pour l'assurance complémentaire "Optima Plus" en vigueur depuis le 1er janvier 1997 dispose que X.________ "assume la prise en charge des actes médicaux et paramédicaux nécessaires à l'assuré pendant son hospitalisation lorsqu'ils sont prodigués par un fournisseur de soins agréé; si l'assuré n'a pas recours à un fournisseur de soins agréé, les frais de traitement sont remboursés jusqu'à fr. 200.- par jour".
L'art. 3 CSA prévoit que X.________ "assume la prise en charge du séjour hospitalier (chambre à 1 lit) et de l'encadrement médical forfaitaire facturés par un établissement hospitalier agréé; pour les établissements hospitaliers non agréés, les frais hôteliers sont couverts jusqu'à fr. 200.- par jour". L'art. 6 CSA précise que "la compagnie s'engage à remettre à l'assuré une liste à jour des fournisseurs de soins agréés" et qu'"[a]u moment où il a connaissance d'une modification de la liste des fournisseurs de soins agréés, l'assuré peut demander l'étendue de sa couverture d'assurance à la catégorie d'assurance complémentaire "Ultra", moyennant l'adaptation correspondante de sa prime.. "
Jusqu'au 31 décembre 1996, les conditions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire "Optima Plus" disposaient ce qui suit: "X.________ assume le paiement de tous les frais d'actes médicaux et paramédicaux nécessaires à l'assuré pendant son hospitalisation, à la condition toutefois que les traitements aient été dispensés par des fournisseurs de soins ayant passé convention à cet effet avec la caisse ou, à défaut, dont le nom figure dans une liste remise aux assurés au début de chaque année civile" (art. 3 CSA); "En couverture des frais hôteliers (...) et de l'encadrement médical facturé forfaitairement, X.________ prend en charge la totalité de la facturation établie par les établissements avec lesquels elle a passé convention ou, à défaut, figurant dans une liste remise aux assurés au début de chaque année civile" (art. 4 CSA).
C.- En novembre 1996, X.________ a adressé à tous ses assurés genevois désirant être hospitalisés en secteur privé une lettre circulaire les informant que dès le 1er janvier 1997, les couvertures "Optima", "Optima Plus", "Materna" et "Materna Plus" permettraient à ceux qui en bénéficiaient de se faire hospitaliser en division privée à l'Hôpital cantonal universitaire de Genève, à la clinique de la Tour à Meyrin, à la clinique de la Colline à Genève, à la Clinique de Genolier et à l'Hôpital de Nyon; les assurés qui voulaient conserver une totale liberté dans le choix de l'établissement hospitalier pouvaient souscrire une nouvelle catégorie d'assurance "Ultra" à un tarif de primes adapté aux risques assurés.
La liste susmentionnée a été annulée et remplacée le 20 février 1998 par une nouvelle "liste des fournisseurs de soins agréés". Le seul établissement agréé sur territoire genevois était l'Hôpital cantonal universitaire de Genève.
D.- Le 13 août 1998, dame Z.________ a informé X.________ qu'elle devait subir une opération chirurgicale au niveau des trompes et qu'elle souhaitait absolument se faire opérer par son gynécologue. Comme celui-ci n'opérait que dans le canton de Genève, et plus précisément à la clinique des Grangettes, à l'hôpital de la Tour et à la clinique Champel-Elysée, elle demandait à la caisse confirmation de la prise en charge de l'intervention dans l'un de ces établissements.
Par courrier du 21 août 1998, la caisse a répondu que selon les conditions d'assurance relatives à la catégorie "Optima Plus", la prise en charge intégrale du traitement et du séjour hospitalier n'était assumée que dans la mesure où l'établissement hospitalier choisi figurait sur la liste des fournisseurs de soins agréés communiquée aux assurés; à défaut, les prestations allouées par ladite assurance complémentaire étaient limitées forfaitairement à 200 fr. par jour pour les frais de traitement et à 200 fr. par jour pour les frais hôteliers, à quoi s'ajoutait le forfait journalier de 342 fr. par jour octroyé au titre de la catégorie "Basis".
E.- Le 6 novembre 1998, dame Z.________ a subi l'intervention projetée à la clinique des Grangettes. Le 14 janvier 1999, elle a transmis à la caisse les factures relatives aux frais de traitement et de séjour à la clinique du 6 au 8 novembre 1998, d'un montant total de 13'345 fr. 80. Selon décompte des prestations du 12 février 1999, X.________ a pris en charge un montant de 2'046 fr., soit 846 fr. sur l'assurance "Basis" et 1'200 fr. sur l'assurance complémentaire "Optima Plus". L'échange de correspondance qui a suivi est demeuré stérile, chacune des parties campant sur ses positions.
F.- A l'occasion d'un courrier du 23 décembre 1998, X.________ a transmis à dame Z.________ une ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le 6 janvier 1997 par la Cour de justice du canton de Genève. Cette ordonnance, rendue sur la base de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart; RS 251), interdisait à la Conférence suisse des assureurs maladie COSAMA ainsi qu'à la Fondation X.________ d'exclure sept cliniques genevoises, dont celle des Grangettes, des possibilités d'hospitalisation avec prise en charge intégrale des frais pour les assurés bénéficiant d'une couverture des frais d'hospitalisation dans le secteur privé.
Dans son courrier du 23 décembre 1998, la caisse précisait qu'ensuite de la dénonciation au 31 décembre 1997 de la convention tarifaire qui liait les cliniques privées genevoises à l'ensemble des assureurs-maladie, des pourparlers étaient intervenus entre les différents partenaires en vue de la conclusion de nouveaux accords; aucune entente n'ayant pu être trouvée, X.________ avait adressé à ses assurés genevois, à la fin du mois de février 1998, une nouvelle liste des fournisseurs de soins agréés.
La procédure en validation des mesures provisionnelles prononcées le 6 janvier 1997 a été retirée avec désistement d'instance et d'action le 13 janvier 2000.
G.- Le 2 décembre 1999, dame Z.________ a saisi le Tribunal administratif du canton de Genève, fonctionnant comme tribunal cantonal des assurances, d'une demande tendant au paiement par X.________ d'un montant de 11'299 fr. 80 - soit la différence entre les frais relatifs à l'intervention du 6 novembre 1998 (13'345 fr. 80) et le montant pris en charge par la caisse (2'046 fr.) - avec intérêt à 5% l'an dès le 14 janvier 1999. La défenderesse s'est opposée à la demande.
Statuant par arrêt du 10 octobre 2000, le Tribunal administratif a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 11'299 fr. 80 avec intérêt à 5% l'an dès le 15 février 1999.
H.- Contre cet arrêt, la défenderesse exerce en parallèle un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Le premier a été déclaré irrecevable par arrêt de ce jour. Dans le second, la défenderesse demande au Tribunal fédéral, après avoir complété l'état de fait de l'arrêt attaqué (art. 64 al. 2 OJ), de réformer celui-ci dans le sens du rejet des prétentions de la demanderesse. Il n'a pas été demandé de réponse.
Considérant en droit :
1.- Le litige relatif à des prétentions fondées sur l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie proposée par une caisse maladie constitue une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire au sens de l'art. 46 OJ (ATF 124 III 44 consid. 1a/aa, 229 consid. 2b). La valeur litigieuse minimale prescrite par cette disposition étant atteinte en l'espèce, le recours en réforme, déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ), est recevable.
2.- a) L'autorité cantonale a retenu qu'en limitant le choix des établissements en novembre 1996, la défenderesse n'avait fait que respecter les termes des conditions générales d'assurance - qu'elle pouvait en principe édicter librement - et que l'on ne saurait dès lors lui reprocher une violation du principe de la fidélité contractuelle (arrêt attaqué, consid. 2). Les juges cantonaux ont toutefois considéré que la défenderesse était tenue de prendre en charge l'intégralité des frais relatifs à l'opération subie le 6 novembre 1998 par la demanderesse, pour les motifs suivants:
"3. Le Tribunal de céans a récemment jugé que suite
à l'ordonnance de mesures provisionnelles de la
Cour de Justice du 6 janvier 1997, la caisse n'é- tait pas autorisée à écarter de la liste des fournisseurs
de soins l'une des cliniques requérantes,
soit en l'occurrence la Générale-Beaulieu (ATA F.
du 28 mars 2000). Cette manière de voir ne peut
qu'être confirmée en l'espèce, s'agissant également
de l'une des cliniques requérantes, et cela nonobstant
le retrait de la procédure devant la Cour de
justice. En effet, les faits pertinents pour la solution
du litige se sont passés alors que l'ordonnance
sur mesures provisionnelles était en vigueur.
Toute autre solution consacrerait une inégalité de
traitement à l'égard des caisses qui ont spontanément
respecté lesdites mesures provisionnelles.
Dès lors, il faut admettre que la caisse n'était
pas autorisée à écarter de la liste des fournisseurs
dont elle acceptait de rembourser les prestations
la clinique des Grangettes.. "
b) aa) La défenderesse reproche d'abord au Tribunal administratif d'avoir fondé son arrêt sur un état de fait incomplet en ignorant totalement le fait, pourtant dûment prouvé et essentiel, que la Fédération genevoise des assureurs-maladie a dénoncé avec effet au 31 décembre 1997 la convention tarifaire d'hospitalisation qui la liait à l'Association des cliniques privées de Genève.
bb) La défenderesse se plaint ensuite d'une violation du principe de la liberté contractuelle (art. 19 CO), qui implique que dans le domaine de l'assurance-maladie complémentaire, les droits et obligations des parties découlent exclusivement du contrat. Or en l'espèce, les conditions spéciales de l'assurance "Optima Plus" prévoient que le remboursement intégral des frais d'actes médicaux et paramédicaux nécessaires à l'assurée pendant son hospitalisation n'intervient que si le fournisseur de soins a passé convention à cet effet ou, à défaut, si son nom figure sur une liste remise aux assurés, et la clinique des Grangettes ne remplissait aucune de ces deux conditions en 1998. Selon la défenderesse, la demanderesse ne saurait se prévaloir de l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 6 janvier 1997 par la Cour de justice, pour différentes raisons: d'abord, elle n'était pas partie à cette procédure; ensuite, l'ordonnance en question fait référence à une convention tarifaire qui était caduque depuis le 1er janvier 1998; enfin, les mesures provisionnelles ordonnées sont elles-mêmes devenues caduques ensuite du retrait de l'action tendant à leur validation.
Au surplus, les mesures provisionnelles pouvaient tout au plus bloquer provisoirement la situation juridique et empêcher la défenderesse de limiter sa couverture en choisissant parmi les établissements conventionnés; en revanche, elles n'ont en aucun cas pu donner aux assurés plus de droits qu'ils n'en avaient en vertu du contrat, à savoir leur offrir une couverture intégrale pour les établissements non conventionnés.
Dès lors que la convention d'hospitalisation a été dénoncée pour le 31 décembre 1997 par la Fédération genevoise des assureurs-maladie, laquelle n'était pas partie à la procédure devant la Cour de justice, les cliniques privées devaient être considérées en 1998 comme des établissements non conventionnés, pour lesquels les conditions spéciales de l'assurance "Optima Plus" ne prévoyaient pas la couverture intégrale des frais d'hospitalisation, mais seulement le remboursement de montants forfaitaires. En refusant d'appliquer au cas d'espèce les règles contractuelles relatives à l'indemnisation des assurés ayant été hospitalisés dans des établissements non conventionnés, le Tribunal administratif aurait transgressé le fondement même du contrat.
cc) La défenderesse invoque enfin l'absence de bonne foi de la demanderesse dans les prétentions que celle-ci fait valoir à son encontre. La demanderesse a en effet échangé avant l'opération chirurgicale de novembre 1998 plusieurs correspondances avec la défenderesse, laquelle lui a indiqué très clairement, avec référence aux articles des conditions spéciales de l'assurance "Optima Plus", la couverture qu'elle prendrait en charge en cas d'hospitalisation dans un établissement non conventionné.
3.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités).
S'il y a lieu de compléter les constatations de l'autorité cantonale, le Tribunal fédéral annule, par arrêt motivé, la décision attaquée et renvoie l'affaire à cette autorité en l'invitant à compléter au besoin le dossier et à statuer à nouveau (art. 64 al. 1 OJ). Lorsqu'il ne s'agit que de les compléter sur des points purement accessoires, le Tribunal fédéral peut cependant le faire lui-même en tant que cela lui est possible sur le vu du dossier et statuer sur le litige (art. 64 al. 2 OJ).
b) En l'espèce, l'arrêt attaqué présente plusieurs lacunes sur des points de fait accessoires, qui peuvent être comblées sur le vu du dossier. Ainsi, la teneur des conditions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire "Optima Plus" peut être constatée comme cela a été fait sous lettre B ci-dessus. De même, les constatations de l'autorité cantonale sur l'ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le 6 janvier 1997 par la Cour de justice du canton de Genève (cf. lettre F supra) peuvent être complétées en ce qui concerne la formulation exacte du dispositif de cette décision ainsi que sa motivation (cf. consid. 3c infra). Enfin, il y a lieu de constater, comme le sollicite la défenderesse (cf. consid. 2b/aa supra) et dans la mesure où ce fait ne ressort pas suffisamment clairement de l'arrêt attaqué - qui ne le rapporte qu'indirectement à travers les courriers de la défenderesse qui y font référence (cf. lettre F supra) -, que la Fédération genevoise des assureurs-maladie, dont la défenderesse est membre, a dénoncé le 30 juin 1997, avec effet au 31 décembre 1997, la convention tarifaire d'hospitalisation qui la liait à l'Association des cliniques privées de Genève.
c) Dans son ordonnance de mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 - rendue sur requête de l'Association des cliniques privées de Genève (ci-après: l'ACPG) et des cliniques membres de cette association -, la Cour de justice du canton de Genève a constaté que l'ACPG avait conclu avec la Fédération genevoise des assureurs-maladie, dont X.________ est membre, une convention concernant "les questions ayant trait à la couverture des soins relevant des assurances privées".
En 1996, la Conférence suisse des assureurs maladie (COSAMA) a annoncé sa décision d'introduire au plus tard dès le 1er janvier 1997 un produit d'assurance complémentaire pour frais d'hospitalisation en établissements privés, caractérisée par un choix limité des établissements en contrepartie de primes réduites par rapport à celles fortement augmentées pour l'hospitalisation sans restriction dans le choix de l'établissement.
X.________ a mis en oeuvre cette décision de COSAMA par circulaire à ses assurés de novembre 1996 (cf.
lettre C supra).
La Cour de justice a considéré que la décision de la COSAMA de lancer un nouveau produit d'assurance, même dépourvue d'effet contraignant à l'égard de ses membres, constitu-ait une "pratique concertée d'entreprises entraînant une res-triction de la concurrence", au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, puisqu'elle avait pour objectif de réduire le nombre des cliniques privées admises dans le cercle des établissements autorisés à dispenser leurs soins dans les limites tracées par le nouveau produit d'assurance. Comme le nouveau produit d'assurance avec limitation du choix de l'établissement annoncé par X.________ impliquait la fixation de nouvelles conditions tarifaires avec les établissements privés qui y participeraient, et que le maintien des anciennes conditions d'hospitalisation en privé ou semi-privé ne serait proposé aux assurés qu'au prix d'une augmentation de prime de 28 fr.
par mois, la décision de COSAMA mise à exécution par X.________ tombait sous le coup de l'art. 5 al. 3 let. a LCart, qui vise les accords "qui fixent directement ou indirectement des prix"; elle constituait en outre une discrimination par "répartition en fonction des partenaires commerciaux" au sens de l'art. 5 al. 3 let. c LCart. Comme la personne qu'une restriction illicite à la concurrence entrave dans l'accès à la concurrence ou l'exercice de celle-ci peut demander la suppression ou la cessation de l'entrave (art. 12 al. 1 LCart), et que constitue en particulier une entrave à la concurrence le refus de traiter des affaires ou l'adoption de mesures discriminatoires (art. 12 al. 2 LCart), la Cour de justice a considéré que les requérantes avaient rendu vraisemblable qu'elles étaient victimes d'une entrave à la concurrence.
Statuant sur mesures provisionnelles, la Cour de justice a dès lors "interdit à la Conférence suisse des assureurs maladie COSAMA et à la Fondation X.________ d'exclure [sept cliniques genevoises dont la clinique des Grangettes] des possibilités d'hospitalisation, avec prise en charge intégrale des frais aux conditions de la convention d'hospitalisation liant l'ACPG à la Fédération genevoise des assureurs maladie, offertes aux assurés des caisses-maladie membres de Conférence suisse des assureurs maladie COSAMA, notamment la caisse maladie X.________, bénéficiant d'une couverture des frais d'hospitalisation dans le secteur privé.. "
4.- a) Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA (art. 12 al. 3 LAMal; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa, 229 consid. 2b) et au droit des obligations pour tout ce qui n'est pas réglé par la LCA (art. 100 al. 1 LCA). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance. En l'espèce, il faut donc se référer aux conditions spéciales de l'assurance "Optima Plus". C'est toutefois à tort que la défenderesse se réfère (cf. consid. 2b/bb supra) aux conditions spéciales d'assurance en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996, selon lesquelles le paiement intégral des frais d'actes médicaux et paramédicaux et des frais hôteliers était soumis à la condition alternative que les fournisseurs de soins aient passé convention à cet effet avec la caisse ou que leur nom figure dans une liste remise aux assurés au début de chaque année civile (cf. lettre B supra). Les prétentions de la demanderesse doivent au contraire être examinées au regard des conditions spéciales d'assurance en vigueur depuis le 1er janvier 1997, comme l'a retenu la cour cantonale (cf. consid. 2a supra) et comme la défenderesse l'a elle-même fait dans son courrier du 21 août 1998 à la demanderesse (cf. lettre D supra).
b) Selon les conditions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire "Optima Plus" en vigueur depuis le 1er janvier 1997, la défenderesse assume la prise en charge des actes médicaux et paramédicaux ainsi que du séjour hospitalier facturés par un fournisseur de soins agréé selon la liste remise à l'assuré; si ce dernier n'a pas recours à un fournisseur de soins agréé, la défenderesse rembourse jusqu'à 200 fr. par jour pour les frais de traitement et autant pour les frais hôteliers (cf. lettre B supra).
Il n'est pas contesté que la clinique des Grangettes ne figurait pas sur la liste des fournisseurs de soins agréés par la défenderesse en 1997 ni en 1998 (cf. lettre C supra).
L'autorité cantonale a néanmoins considéré qu'en vertu de l'ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le 6 janvier 1997 par la Cour de justice, la défenderesse n'était pas autorisée à écarter la clinique des Grangettes de la liste des fournisseurs de soins agréés dont elle acceptait de rembourser intégralement les prestations (cf. consid. 2a supra).
Il convient dès lors d'examiner ci-après (cf. consid. 4c à 4e infra), à la lumière des griefs de la défenderesse (cf. consid. 2b/bb supra), si ce raisonnement est conforme au droit fédéral.
c) L'autorité cantonale a retenu que l'ordonnance de mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 était en vigueur lorsque les faits pertinents pour la solution du litige se sont produits (cf. consid. 2a supra), la procédure en validation de ces mesures provisionnelles ayant été retirée avec désistement d'instance et d'action le 13 janvier 2000 seulement (cf. lettre F in fine supra). Contrairement à ce que soutient la défenderesse (cf. consid. 2b/bb supra), il importe peu que ces mesures soient caduques depuis le 13 janvier 2000. Il s'agit en effet de prendre en considération la situation juridique telle qu'elle existait au moment où les éventuelles prétentions de la demanderesse sont nées.
Il convient dès lors d'examiner si la demanderesse, qui n'était pas partie à la procédure de mesures provisionnelles qui a abouti à l'ordonnance du 6 janvier 1997, peut se prévaloir de l'interdiction qui y a été faite à la défenderesse d'exclure notamment la clinique des Grangettes, des possibilités d'hospitalisation avec prise en charge intégrale des frais pour les assurés bénéficiant d'une couverture des frais d'hospitalisation dans le secteur privé.
d) Selon le principe de la relativité subjective de la chose jugée, les jugements n'ont en principe d'effet qu'entre ceux qui ont été parties au procès, leurs héritiers ou ayants droit, de sorte qu'ils ne nuisent ni ne profitent aux tiers (Habscheid, Droit judiciaire privé suisse, 2e éd., 1981, p. 318; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n. 13 ad art. 99 LPC et n. 1 ad art. 145 LPC; Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 1979, p. 371 ss; ATF 93 II 11 consid. 2c p. 17; 89 II 429 consid. 4 in limine et les arrêts cités). Cette limitation quant aux personnes de la portée de la chose jugée est justifiée principalement par le fait qu'un jugement ne doit pas pouvoir être opposé à un tiers qui n'a pas participé au procès et n'a donc pas pu y défendre ses intérêts (Guldener, op. cit. , p. 373/374; Habscheid, Schweizerisches Zivilprozess- und Gerichtsorganisationsrecht, 2e éd., 1990, n. 502; Kummer, Das Klagerecht und die materielle Rechtskraft nach schweizerischem Recht, 1954, p. 140). Le principe de la relativité subjective des jugements peut toutefois trouver des limites dans des impératifs posés par le droit matériel (Guldener, op. cit. , p. 374; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit. , n. 13 ad art. 99 LPC et n. 4 ad art. 145 LPC; Habscheid, op. cit. , p. 319). Il convient ainsi de s'écarter du principe de la relativité subjective de la chose jugée lorsque cela apparaît approprié en vue d'une réalisation conséquente des objectifs du droit matériel et que cela ne porte pas atteinte aux droits de tiers; une telle décision dépend entièrement des droits et rapports juridiques en cause dans le cas concret (Kummer, op. cit. , p. 142; Rapp, Urteilswirkungen gegenüber Dritten, in Zivilprozessrecht, Arbeitsrecht, Kolloquium zu Ehren von Professor Adrian Staehelin, 1997, p. 39).
En l'espèce, le but de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 était de prévenir une entrave à la concurrence résultant de l'adoption de mesures discriminatoires en obligeant la défenderesse à faire bénéficier ceux de ses assurés qui désiraient ou devaient se faire hospitaliser dans une des cliniques privées requérantes de conditions équivalentes à celles qui leur étaient offertes pour l'hospitalisation dans des établissements concurrents (cf. Tercier, Droit privé de la concurrence, in Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, Band V/2, Kartellrecht, 2000, p. 350/351). Il apparaît dès lors approprié, en vue de la réalisation conséquente des objectifs de la législation anticartellaire et au regard du but de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 - qui était comme on vient de le voir de prévenir une entrave à la concurrence résultant d'une discrimination des cliniques privées requérantes à travers les conditions offertes par la défenderesse à ses assurés -, de considérer que la demanderesse peut se prévaloir de cette ordonnance lors même qu'elle n'était pas partie à la procédure au terme de laquelle celle-ci a été rendue. La défenderesse ayant quant à elle pu défendre ses intérêts dans cette procédure, elle n'a pas d'intérêt légitime à invoquer la relativité subjective de la chose jugée (cf. Rapp, op.
cit. , p. 39).
e) Dès lors que la défenderesse n'était pas fondée, en vertu de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 dont la demanderesse peut se prévaloir, à écarter la clinique des Grangettes de la liste des établissements dont elle remboursait intégralement les prestations, c'est à bon droit que les juges cantonaux l'ont condamnée à rembourser les frais effectifs de l'intervention du 6 novembre 1998.
En effet, du fait des mesures provisionnelles ordonnées par la Cour de justice, les assurés de la défenderesse pouvaient prétendre aux prestations prévues pour les fournisseurs de soins agréés au sens des art. 2, 3 et 6 des conditions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire "Optima Plus" en vigueur depuis le 1er janvier 1997 (cf. lettre B supra) également pour l'hospitalisation dans l'une des cliniques requérantes.
Peu importe que l'ordonnance du 6 janvier 1997 fît référence à la prise en charge intégrale des frais "aux conditions de la convention d'hospitalisation liant l'ACPG à la Fédération genevoise des assureurs maladie" (cf. consid. 3c supra). Cette formulation, par laquelle la Cour de justice n'a fait que reprendre les conclusions prises par les requérantes elles-mêmes, ne saurait avoir pour effet que la défenderesse n'est plus tenue de verser ses prestations ensuite de la dénonciation de ladite convention au 31 décembre 1997. En effet, l'ordonnance du 6 janvier 1997 visait à éviter la dis-crimination des cliniques requérantes par rapport aux établissements hospitaliers concurrents figurant sur la liste des fournisseurs de soins agréés par la défenderesse, pour lesquels les conditions spéciales d'assurance applicables prévoyaient la prise en charge intégrale des frais de traitement et des frais hôteliers (cf. consid. 4a et b supra). Or selon les propres allégations de la recourante, cette liste comprenait des établissements tant conventionnés que non conventionnés.
La dénonciation de la convention d'hospitalisation au 31 décembre 1997 ne saurait ainsi avoir de conséquences sur les prétentions de la demanderesse, contrairement à ce que soutient la défenderesse (cf. consid. 2b/bb supra).
f) Enfin, l'argument selon lequel la demanderesse connaissait la position de la défenderesse avant même l'opération chirurgicale de novembre 1998 et n'exercerait donc pas ses prétentions selon les règles de la bonne foi (cf. consid. 2b/cc supra) apparaît dénué de toute pertinence. La demanderesse n'a en effet jamais varié dans la position juridique qu'elle a adopté dès avant son hospitalisation; le simple fait qu'elle connaissait la position contraire de la défenderesse avant la naissance des prétentions résultant de cette hospitalisation ne fait nullement apparaître l'exercice ultérieur de ces prétentions comme contraire à la bonne foi.
5.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. La défenderesse, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que la demanderesse n'a pas été invitée à répondre au recours et n'a en conséquence pas assumé de frais pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi Fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.
2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge de la recourante.
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et au Tribunal administratif du canton de Genève.
__________Lausanne, le 6 mars 2001 ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Juge présidant, Le Greffier,