BGer C 355/2000
 
BGer C 355/2000 vom 28.03.2001
[AZA 7]
C 355/00 Sm
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Métral,
Greffier
Arrêt du 28 mars 2001
dans la cause
Secrétariat d'état à l'économie, Bundesgasse 8, Berne, recourant,
contre
1. B.________,
2. Office cantonal de l'emploi, groupe réclamations, rue
des Glacis-de-Rive 4-6, Genève, intimés,
et
Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève
A.- B.________ a travaillé jusqu'au 31 août 1998 au service de l'Etat de Genève, avant de fonder, le 26 novembre 1998, la société C.________ SA . Cette société, dotée d'un capital de 200 000 fr., avait pour but l'édition de magazines, l'organisation de voyages, la production de films et l'organisation d'activités à but culturel ou éducatif.
B.________ en était l'administrateur unique et l'actionnaire principal, à raison de plus de 99 % du capital social.
L'activité de C.________ SA consista à réaliser et éditer un magazine sur les voyages. Toutefois, dès le printemps 1999, elle fut en proie à des difficultés financières qui la contraignirent à renoncer à la publication de ce magazine. La dernière parution eut lieu au mois de juin 1999, après quoi la société informa ses abonnés, le 29 août 1999, qu'elle mettait fin à son activité.
Le 13 septembre 1999, B.________ présenta une demande d'indemnités journalières à la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse de chômage). Le 21 septembre 1999, il démissionna de son poste d'administrateur en faveur de son épouse, à qui il céda également ses actions.
Par décision du 27 octobre 1999, la caisse de chômage lui refusa l'octroi d'indemnités journalières, au motif que son épouse ou lui-même exerçait une influence déterminante sur C.________ SA et que la perte de travail alléguée n'était pas suffisamment contrôlable. Dans une lettre datée du 2 novembre 1999, elle exposa encore qu'elle ne modifierait pas son point de vue tant que C.________ SA ne serait pas liquidée. B.________ interjeta un recours contre la décision de la caisse de chômage. Le 14 février 2000, l'inscription au Registre du commerce de la dissolution et de l'entrée en liquidation de C.________ SA fut requise.
Le 2 mars 2000, le Groupe réclamations de l'Office cantonal genevois de l'emploi (ci-après : Groupe réclamation de l'OCE) admit le recours déposé par B.________ et annula la décision de la caisse de chômage du 27 octobre 1999, en invitant celle-ci à donner suite à la demande d'indemnités de l'assuré.
B.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) recourut contre cette décision devant la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage (ci-après : la Commission). Par jugement du 25 mai 2000, la Commission rejeta le recours.
C.- Le seco interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation. Il conteste le droit de l'intimé à des indemnités de chômage pour la période du 1er septembre 1999 au 14 février 2000, soit jusqu'à la requête d'inscription au registre du commerce de la dissolution et de l'entrée en liquidation de C.________ SA. La Commission et le Groupe réclamation de l'OCE concluent au rejet du recours, alors que la caisse de chômage en propose l'admission. L'intimé ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).
En l'espèce, le litige porte sur le droit de l'intimé à des indemnités de chômage pour la période du 1er septembre 1999 au 14 février 2000.
2.- Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail lorsqu'il remplissent les conditions décrites aux lettres a à d de l'art. 31 al. 1 LACI. Une réduction de l'horaire de travail peut consister non seulement en une réduction de la durée quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle de travail, mais aussi en une cessation d'activité pour une certaine période, sans résiliation des rapports de travail (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb). N'ont toutefois pas droit à l'indemnité prévue dans la disposition citée les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l'horaire n'est pas suffisamment contrôlable (art. 31 al. 3 let. a LACI), de même que les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise (art. 31 al. 3 let. c LACI).
Par ailleurs, selon la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage (art. 8 ss LACI) lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante.
Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais des dispositions sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (même arrêt).
Dans ce sens, il existe donc un étroit parallélisme entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La situation est en revanche différente lorsque le salarié se trouvant dans une position assimilable à celle d'un employeur quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même quand l'entreprise continue d'exister, mais qu'un tel salarié, par suite de résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage (même arrêt).
3.- C.________ SA est entrée en liquidation cinq mois après que l'intimé s'est inscrit comme demandeur d'emploi.
D'après le recourant, ce dernier disposait encore, avant l'inscription de l'entrée en liquidation, d'une influence considérable sur les décision de cette société, dont il n'est pas démontré qu'elle avait alors cessé toute activité.
Aussi, allouer des indemnités de chômage à l'intimé reviendrait à détourner les dispositions légales en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail.
Pour leur part, les premiers juges ont considéré que toutes les démarches entreprises par l'intimé depuis l'été 1999, en particulier sa démission de la fonction d'administrateur et son dessaisissement de ses actions, puis l'inscription au registre du commerce de la dissolution et de l'entrée en liquidation de C.________ SA, s'inscrivaient dans la perspective de mettre un terme à l'activité de cette société.
La perte de travail de l'intimé n'avait ainsi pas un caractère provisoire et passager, de sorte qu'il n'y a pas lieu de nier son droit à des indemnités de chômage jusqu'au 14 février 2000.
Cette dernière argumentation ne peut être suivie. Tout d'abord, si l'intimé a renoncé à son poste d'administrateur et à ses actions en faveur de son épouse, il a néanmoins conservé une influence sur les décisions de C.________ SA et se trouvait de facto dans une position assimilable à celle d'un employeur. Ensuite si, durant la période litigieuse, il considérait réellement que l'exploitation de C.________ SA avait totalement et définitivement cessé, on ne voit pas pourquoi il en a retardé la dissolution jusqu'au mois de février 2000. En refusant de mettre la société en liquidation avant cette date, malgré les injonctions de la caisse de chômage, l'intimé a manifesté par actes concluants sa volonté de maintenir l'entreprise en vie et de se réserver la possibilité d'en poursuivre ou d'en reprendre dès que possible l'exploitation, dans le cadre du large but social fixé dans les statuts. Il n'est dès lors pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu'il avait définitivement quitté l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, ni qu'il avait rompu tout lien avec la société. Dans ces conditions, il ne pouvait prétendre des indemnités de chômage pendant la période litigieuse de sorte que le recours doit être admis et le jugement attaqué, ainsi que la décision sur recours de l'OCE, annulés.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est admis et le jugement de la Commission
cantonale de recours en matière d'assurance-chômage du
canton de Genève du 25 mai 2000 ainsi que la décision
sur recours de l'Office cantonal de l'emploi du canton
de Genève du 2 mars 2000 sont annulés.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse cantonale genevoise de chômage et à la Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage
du canton de Genève.
Lucerne, le 28 mars 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier :