[AZA 7]
I 242/00 Sm
IIe Chambre
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier
Arrêt du 11 avril 2001
dans la cause
H.________, Canada, recourante,
contre
Office de l'AI pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, Vevey, intimé,
et
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
A.- H.________ présente depuis la petite enfance une myopathie des ceintures dont l'étiologie n'est pas connue.
Elle a vécu dès sa naissance au Canada, pays dont elle est, avec la Suisse, double nationale. En septembre 1997, H.________ est venue s'installer en Suisse afin d'y poursuivre, à l'université de Lausanne, les études qu'elle avait entreprises en septembre 1995 à l'université d'Ottawa.
Respectivement le 10 et le 20 octobre 1997, elle a présenté une demande de prestations AI et une demande d'allocation pour personnes impotentes.
Par décision du 30 juillet 1999, l'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après : l'office) lui a dénié le droit à une rente d'invalidité, au motif que la condition d'assurance n'était pas réalisée au moment déterminant.
B.- H.________ a recouru contre cette décision.
Par jugement du 12 octobre 1999, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours.
C.- H.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle requiert implicitement l'annulation, en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité.
L'Office AI pour le canton de Vaud a renoncé à se déterminer sur le recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a préavisé son rejet.
Considérant en droit :
1.- a) Sous réserve de l'art. 39 LAI (droit à une rente extraordinaire), le droit aux prestations de l'assurance-invalidité suppose, conformément à l'art. 6 al. 1 LAI, que la condition d'assurance soit réalisée lors de la survenance de l'invalidité. Cette condition est valable aussi bien pour les ressortissants suisses que pour les étrangers.
Aux termes de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 118 V 82 consid. 3a et les références).
b) S'agissant du droit à une rente, la survenance de l'invalidité se situe au moment où celui-ci prend naissance, conformément à l'art. 29 al. 1 LAI, soit dès que l'assuré présente une incapacité de gain durable de 40 pour cent au moins (variante I) ou dès qu'il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant une année sans interruption notable (variante II), mais au plus tôt le 1er jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de l'assuré (art. 29 al. 2 LAI; RCC 1984 p. 464 sv.).
En vertu de l'art. 26bis al. 1 RAI, l'invalidité d'un assuré qui a commencé sa formation professionnelle est évaluée, si l'on ne peut raisonnablement exiger de lui qu'il entreprenne une activité professionnelle, comme celle des personnes sans activité lucrative (art. 27 al. 1 RAI).
Autrement dit, c'est en fonction de l'empêchement que l'assuré éprouve à suivre sa formation scolaire ou professionnelle que l'invalidité doit être évaluée (RCC 1982 p. 474 consid. 1b).
2.- a) Les premiers juges considèrent que la survenance de l'invalidité de la recourante, en relation avec son droit à une rente d'invalidité, est antérieure à sa venue en Suisse en septembre 1997. A leurs yeux, il est en effet "patent que la recourante présentait dans ses activités habituelles d'étudiante une entrave importante ou un empêchement de les accomplir, justifiant une invalidité supérieure à 40 % dès l'âge de 18 ans", soit dès le mois de janvier 1994. Ils fondent leur opinion sur le fait que, selon les pièces médicales au dossier, la recourante n'a plus pu monter les escaliers dès l'âge de 16 ans, qu'elle a dû utiliser une chaise roulante dès l'âge de 18 ans, et qu'elle doit être considérée comme impotente depuis son adolescence.
Pour sa part, la recourante soutient que son handicap ne l'empêchait pas de suivre à peu près normalement ses études lorsqu'elle est arrivée en Suisse. Selon elle (cf.
sa lettre du 27 juillet 1999 à l'office), c'est seulement après sa deuxième année passée à l'université de Lausanne qu'elle a commencé à éprouver certaines difficultés, en particulier liées à un état d'"épuisement total"; elle a alors sollicité et obtenu la permission, sur présentation d'un avis médical, "de réduire les cours à 18 périodes par semaine".
b) La recourante est étudiante et n'est au bénéfice d'aucune formation professionnelle. On ne peut dès lors raisonnablement exiger de sa part qu'elle entreprenne une activité lucrative, et l'évaluation de son invalidité doit se faire, comme l'ont à bon droit considéré les premiers juges, en fonction de la gêne que représente son atteinte à la santé pour l'accomplissement de sa formation scolaire puis universitaire (arrêt non publié A. du 4 juillet 1986, I 302/85/, consid. 3d).
c) Cela étant, le cursus scolaire de la recourante, qui est entrée à l'université d'Ottawa à l'âge de 19 ans (en 1995), ne permet pas déduire, comme l'ont fait les premiers juges, que son invalidité remonte à janvier 1994 déjà (mois où elle a atteint l'âge de 18 ans). On ne voit en effet pas qu'elle accusât à cette époque un retard dans sa scolarité. Au reste, dans un "rapport initial" du 8 juillet 1998, une collaboratrice de l'office relevait expressément, en reconstituant le parcours scolaire théorique que la recourante aurait idéalement suivi en Suisse sans atteinte à la santé, que son entrée à l'université n'aurait pu intervenir, au plus tôt, avant l'année 1994. Que celle-ci soit, dans les faits, intervenue une année plus tard n'autorise aucune conclusion dans le sens d'un retard scolaire.
D'une part, on ignore à quel âge se fait d'ordinaire l'entrée à l'université dans le système éducatif canadien.
D'autre part, on ne saurait dire, en ce qui concerne la Suisse, que des études universitaires entreprises à l'âge de 19 ans soient le signe d'un retard scolaire.
C'est donc bien plutôt après qu'elle a commencé ses études à l'université d'Ottawa, en 1995, que la recourante a pris du retard dans sa formation et que son invalidité doit être réputée comme étant survenue. A ce propos, le rapport précité de l'office précise ceci :
"compte tenu de ses études au Canada, Mlle H.________ est dispensée de certaines branches, mais étant donné la difficulté de ces études et de son grave handicap, elle a besoin de plus de temps que les autres étudiants pour faire le programme complet. Elle effectue actuellement sa 1ère année en HEC sur 2 ans et aura vraisemblablement toujours besoin du double de temps pour faire ses études".
Ces indications ne sont toutefois pas suffisamment circonstanciées pour permettre de situer précisément la survenance de l'invalidité : d'une part, on ignore si c'est dès le début de ses études universitaires au Canada que la recourante a eu "besoin du double de temps" ou seulement plus tard, le cas échéant après sa venue en Suisse (comme elle l'a laissé entendre dans sa lettre précitée du 27 juillet 1999 à l'office); d'autre part, il semble que ce n'est pas uniquement en raison de son atteinte à la santé que la recourante a, selon le rapport précité, "besoin du double de temps pour faire ses études", mais également en raison de la difficulté des études qu'elle a choisies, facteur qui ne doit, il va sans dire, pas être pris en considération comme une gêne imputable à l'invalidité.
d) Contrairement à l'opinion des premiers juges, il n'est ainsi pas possible, en l'état, de déterminer si l'invalidité de la recourante est survenue antérieurement ou postérieurement à sa venue en Suisse, et donc de dire si la condition d'assurance est ou non réalisée. Le recours se révèle par conséquent bien fondé, ce qui justifie l'annulation de la décision et du jugement attaqués et le renvoi de la cause à l'office pour instruction complémentaire.
Afin de situer aussi précisément que possible le moment à partir duquel l'atteinte à la santé de la recourante a entravé le cours normal de ses études dans une mesure de 40 % environ sur une année (art. 29 al. 1 let. b LAI, en relation avec les art. 26bis et 27 RAI ), l'office veillera, en particulier, à déterminer quand a été prise et est devenue effective la décision de réduire le nombre d'heures d'enseignement suivies à l'université de Lausanne. Si nécessaire, l'office pourra prendre l'avis de médecins pour élucider cette question (cf. le rapport du 11 juin 1999 du CHUV, dans lequel il est indiqué que l'état de santé de l'assurée exerce une influence sur sa fréquentation scolaire, sans autre précision toutefois sur le moment auquel remonte cette influence et sur l'ampleur de celle-ci; cf.
aussi rapport du 8 juillet 1999 du CHUV, faisant état d'une aggravation de la situation depuis quelques mois dans le sens "d'une évolution en escaliers", sans autres précisions non plus).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est admis et le jugement du 12 octobre 1999
du Tribunal des assurances du canton de Vaud ainsi que
la décision du 30 juillet 1999 de l'Office AI pour le
canton de Vaud sont annulés, la cause étant renvoyée à
l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle
décision au sens des considérants.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 11 avril 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIe Chambre :
Le Greffier :