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Original
 
2A.145/2001
[AZA 0/2]
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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7 mai 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Müller. Greffière: Mme Rochat.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
L.________, représenté par la Fondation suisse du Service sociale international, à Genève,
contre
la décision prise le 16 février 2001 par le Département fédéral de justice et police;
(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- L.________, ressortissant du Zimbabwe (ex-Rhodésie), est arrivé en Suisse le 3 octobre 1971 et a été rejoint peu après par son épouse et son fils J.________, né en 1970; un second enfant, C.________ est né en 1974. La famille L.________ avait obtenu l'asile le 7 mars 1972, mais elle a renoncé au statut de réfugiés pour retourner dans son pays d'origine au mois de février 1976; elle est toutefois revenue en Suisse le 23 mai 1977.
Par jugement du 8 novembre 1984, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé le divorce des époux L.________. Au mois de mai 1989, L.________ s'est rendu au Zimbabwe à la suite du décès de son frère et de sa soeur. Il y est resté jusqu'au 23 décembre 1999, date où il est revenu à Genève dans le cadre d'un visa touristique. Il a ensuite déposé une demande d'autorisation de séjour et a produit une déclaration de son fils cadet, s'engageant à prendre en charge ses frais d'entretien.
B.- Le 5 juillet 2000, l'Office de la population du canton de Genève a proposé à l'Office fédéral des étrangers de mettre l'intéressé au bénéfice d'une autorisation annuelle de séjour, sur la base de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823. 21).
Par décision du 17 juillet 2000, l'Office fédéral des étrangers a cependant refusé d'exempter L.________ des mesures de limitation.
C.- Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Département fédéral de justice et police l'a rejeté, par décision du 16 février 2001. Il a notamment estimé que même si L.________ avait séjourné en Suisse pendant dix-sept ans, et était parti dans des circonstances particulières, il avait vécu dix ans dans son pays d'origine, où il s'était investi dans l'exploitation de la ferme de son frère, et n'était revenu à Genève qu'en raison de la détérioration progressive des conditions économiques, sociales et politiques au Zimbabwe.
D.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, L.________ conclut à l'annulation de la décision du Département fédéral de justice et police du 16 février 2001 et demande au Tribunal fédéral de prononcer son exemption des mesures de limitation.
Le Département fédéral de justice et police conclut au rejet du recours.
E.- Par ordonnance du 23 avril 2001, le Président de la IIe Cour de droit public a admis la demande de mesures provisionnelles tendant à ce que le recourant soit autorisé à séjourner en Suisse durant la procédure.
Le 3 mai 2001, le recourant a sollicité un délai pour pouvoir répliquer aux arguments soulevés par le Département dans sa réponse au recours.
Considérant en droit :
1.- a) La voie du recours de droit administratif est en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation en vertu des art. 97 ss OJ (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405; 119 Ib 33 consid. 1a p. 35; 118 Ib 81 consid. 1 p. 82). Dans la mesure où il tend à l'annulation de la décision attaquée et à faire constater que la recourante remplit les conditions d'exemption aux mesures de limitation, le présent recours, qui satisfait en outre aux exigences formelles des art. 97 ss OJ, est donc recevable.
b) Selon l'art. 110 al. 4 OJ, un second échange d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement. Or, en l'espèce, le Tribunal fédéral dispose d'un dossier complet et de tous les éléments nécessaires pour statuer. Quant à la réponse au recours du Département, elle ne fait que préciser certains points, mais ne contient rien de nouveau. Les conditions pour ordonner un second échange d'écritures, comme l'a sollicité le recourant, ne sont donc pas réunies.
2.- Le recourant soutient essentiellement qu'il avait l'intention de revenir à Genève après l'enterrement de sa soeur en 1989, mais qu'il est finalement resté au Zimbabwe par devoir filial et familial. Il avait cependant connu des problèmes de réadaptation dans son pays d'origine, qui se sont aggravés en raison des conditions économiques et sociales actuelles.
a) Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population en Suisse et celui de la population étrangère résidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi (cf. art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE, selon lequel un étranger n'est pas compté dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas et pas souhaitable du point de vue politique.
Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions pour une reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement.
Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Pour l'appréciation du cas d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. Seules sont donc déterminantes les circonstances qui sont propres à l'intéressé personnellement ou à ses proches vivant avec lui en Suisse (ATF 123 II 125 consid. 3 p. 128).
b) En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a vécu en Suisse pendant plus de dix-sept ans et qu'il était titulaire d'un permis d'établissement lorsqu'il est retourné au Zimbabwe en 1989. Même si, au départ, il est parti pour des raisons familiales, sans intention de s'y installer, il y a séjourné ensuite pendant plus de dix ans pour y travailler dans la ferme de son frère. Il s'est ainsi volontairement éloigné de ses fils alors âgés respectivement de dix-neuf et quatorze ans, sans que des circonstances extérieures le contraignent à demeurer aussi longtemps au Zimbabwe. A cet égard, les raisons financières qu'il allègue ne sont pas convaincantes, d'autant plus que ses deux fils lui ont rendu visite en 1994 et qu'ils auraient vraisemblablement aussi eu la possibilité de le faire revenir en Suisse à cette époque. Or, une telle rupture aussi longue avec la Suisse s'oppose à ce que le recourant puisse maintenant revenir à Genève à sa guise. La jurisprudence ne confère en effet aucun "droit au retour en Suisse" à celui qui, après y avoir résidé de nombreuses années, décide de quitter notre pays pour s'installer à l'étranger, sans que des circonstances exceptionnelles ne l'aient amenées à ce départ, comme cela avait été le cas du ressortissant italien jugé dans l'arrêt publié aux ATF 117 Ib 317 ss, lequel était retourné six ans dans son pays d'origine pour s'occuper de ses parents malades. Il est vrai que, sous l'angle de l'octroi d'une exception aux mesures de limitation, ces étrangers ne peuvent être considérés comme des immigrants ordinaires et que l'on ne saurait faire totalement abstraction des années qu'ils ont passées en Suisse avant leur départ (arrêt non publié du 5 mars 1999 en la cause Poblete Cruz, consid. 3a).
Toutefois, dans l'appréciation d'ensemble de leur situation, ces années ne pèsent pas aussi lourd que s'ils n'avaient jamais quitté la Suisse, de sorte que leur situation n'est notamment pas comparable à celle des requérants d'asile bien intégrés en Suisse et qui y ont séjourné pendant dix ans ou plus, sans pouvoir retourner dans leur pays d'origine (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113).
c) En ce qui concerne la protection de la vie familiale garantie par l'art. 8 CEDH, elle n'a pas de portée propre dans le cadre d'une procédure d'exception aux mesures de limitation qui ne porte pas sur le droit de séjourner en Suisse. Les motifs d'ordre familial ne sont alors pris en considération qu'en présence d'un cas d'extrême gravité, s'ils sont liés à cette situation (arrêt non publié du 4 décembre 1998 en la cause Rodic et du 9 mars 1994 en la cause Jedaied). Or cette circonstance n'est pas réalisée en l'espèce et le recourant ne se trouve pas non plus dans une situation de dépendance par rapport à son fils cadet, dès lors qu'il serait capable d'être indépendant et de travailler.
Dans ces conditions, il ne se justifie pas de l'exempter des mesures de limitation selon l'art. 13 lettre f OLE. 3.- Il résulte de ce qui précède que le Département fédéral de justice et police n'a pas violé le droit fédéral, ni abusé de son pouvoir d'appréciation en prenant la décision attaquée, de sorte que le recours doit être rejeté, avec suite de frais à la charge du recourant (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours.
2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge du recourant.
3. Communique le présent arrêt en copie à la représentante du recourant et au Département fédéral de justice et police.
__________
Lausanne, le 7 mai 2001 ROC/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,