[AZA 0/2]
5C.85/2001
IIe COUR CIVILE
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14 mai 2001
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et Mme
Nordmann, juges. Greffier: M. Fellay.
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Dans la cause civile pendante
entre
dame A.________-L. ________, demanderesse et recourante, représentée par Me Yves Jeanneret, avocat à Genève,
et
A.________, défendeur et intimé, représenté par Me Pascal Petroz, avocat à Genève;
(divorce)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- A.________ et dame A.________, née L.________, ont contracté mariage le 30 juin 1999 à Vernier. Les époux n'ont jamais vécu ensemble et aucun enfant n'est issu de leur union. Selon les constatations de fait de l'arrêt attaqué, lesquelles ne sont plus contestées, il s'est agi d'un mariage de complaisance: la demanderesse a en particulier admis avoir épousé le défendeur dans le but d'aider celui-ci à obtenir un permis de séjour.
Tant le Tribunal de première instance, par jugement du 21 septembre 2000, que la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 16 février 2001, ont débouté la demanderesse de sa demande en divorce, déposée en septembre 1999.
B.- Agissant le 23 mars 2001 par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, la demanderesse conclut à ce que sa demande en divorce soit admise, à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle renonce à toute indemnité et à tout partage du deuxième pilier, et à ce qu'il soit prononcé que le régime matrimonial est liquidé. Subsidiairement, elle propose le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue dans le sens des considérants.
La recourante sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Une réponse n'a pas été requise.
Considérant en droit :
1.- Ayant pour objet le prononcé du divorce, la présente cause porte sur un droit de nature non pécuniaire:
le recours est donc recevable du chef de l'art. 44 OJ. Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue en dernière instance par le tribunal suprême d'un canton, le recours est également recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
2.- La recourante fait valoir que le comportement de l'intimé, qui s'oppose à la dissolution du mariage dont les fondements sont inexistants, relève de l'abus de droit.
Il serait paradoxal, estime-t-elle, que le législateur puisse avoir voulu imposer pendant quatre ans le maintien d'une union fictive, sanctionnant par là même les époux à raison du mariage de complaisance qu'ils ont contracté; l'existence d'un tel mariage devrait donc constituer un motif grave au sens de l'art. 115 CC.
a) Selon l'art. 104 CC, le mariage célébré par un officier de l'état civil ne peut être annulé qu'à raison de l'un des motifs prévus dans le chapitre IV ("De l'annulation du mariage") du titre III du Code civil. Cela signifie qu'en principe le mariage fictif, qui n'est pas mentionné comme cas de nullité, sortit tous ses effets en droit civil (ATF 121 III 149 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral du 2 avril 2001 dans la cause T. contre T., destiné à la publication; Franz Werro, Concubinage, mariage et démariage, n. 298 p. 76 et n. 378 s. p. 92).
b) Un époux peut demander unilatéralement le divorce lorsque, au début de la litispendance de la demande ou au jour du remplacement de la requête par une demande unilatérale, les conjoints ont vécu séparés pendant quatre ans au moins (art. 114 CC); toutefois, chaque époux peut demander le divorce avant l'expiration de ce délai de quatre ans, lorsque des motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC). Savoir si tel est le cas dépend des circonstances particulières de chaque espèce, de sorte qu'il n'est pas possible, ni souhaitable, d'établir des catégories fermes de motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC (ATF 126 III 404 consid. 4g/h et les références citées). La formulation ouverte de l'art. 115 CC doit précisément permettre aux tribunaux de tenir compte des circonstances du cas particulier et ainsi d'appliquer les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Il s'agit de déterminer si le maintien du lien légal peut raisonnablement être exigé sur le plan affectif, autrement dit si la réaction mentalo-émotionnelle qui pousse le conjoint demandeur à ressentir la perpétuation des liens juridiques pendant quatre ans comme insupportable est objectivement compréhensible (ATF 127 III 129 consid. 3c in fine).
3.- La recourante admet qu'elle a épousé l'intimé dans le but de l'aider à obtenir un permis de séjour et il est constant qu'il s'est agi d'un mariage de complaisance.
Selon les juges cantonaux, faute de motifs sérieux qui ne lui seraient pas imputables, la recourante n'est pas fondée à obtenir le prononcé du divorce avant l'échéance du délai de quatre ans de séparation. Cette conclusion est conforme au droit fédéral.
En effet, l'art. 115 CC exige que le motif pour lequel le divorce est demandé ne soit pas imputable au conjoint demandeur. Dans le cas de mariages fictifs, le motif du divorce est en principe imputable à tous les deux conjoints, qui connaissent dès le début le caractère fictif de leur union. Il est dès lors exclu de prononcer le divorce en application de l'art. 115 CC.
Exceptionnellement, il peut arriver que le conjoint demandeur se rende compte seulement après le mariage que l'autre époux n'a jamais eu une telle intention et n'a contracté mariage que pour se procurer des avantages en matière de police des étrangers: dans cette éventualité, le Tribunal fédéral vient de reconnaître la possibilité au conjoint trompé d'obtenir le divorce unilatéralement sur la base de l'art. 115 CC (arrêt non publié du 26 avril 2001 dans la cause dame X. contre X., consid. 3c).
En l'espèce, au contraire, le conjoint demandeur savait dès le début qu'il allait conclure un mariage de complaisance et il n'y a donc pas de place pour l'application de l'art. 115 CC, car le motif de divorce lui est manifestement imputable (Daniel Steck, Scheidungsklagen, in: Das neue Scheidungsrecht, Zurich 1999, p. 37; Ingeborg Schwenzer, Praxiskommentar Scheidungsrecht, n. 4 ad art. 114 CC). On ne saurait non plus reprocher à la partie adverse de tomber dans l'abus de droit en s'opposant au divorce, dès lors que l'application de l'art. 115 CC est indépendante de l'accord de l'autre conjoint.
4.- Manifestement mal fondé, le recours ne peut en conséquence qu'être rejeté.
L'échec prévisible des conclusions de la recourante commande le rejet de sa demande d'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ; cf. Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 5 ad art. 152) et, partant, sa condamnation aux frais (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
vu l'art. 36a OJ:
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.
2. Rejette la requête d'assistance judiciaire de la recourante.
3. Met à la charge de la recourante un émolument judiciaire de 2'000 fr.
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 14 mai 2001 FYC/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,
Le Greffier,