[AZA 0/2]
5P.458/2000
IIe COUR CIVILE
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11 juin 2001
Composition de la Cour: M. Bianchi, juge présidant,
Mme Nordmann et M. Merkli, juges. Greffier: M. Fellay.
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Statuant sur le recours de droit public formé
par
le canton de Z u r i c h , représenté par la caisse du Tribunal du district (Bezirksgerichtskasse) de Bülach, à Bülach,
contre
l'arrêt rendu le 27 octobre 2000 par la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dans la cause qui oppose le recourant à X.________ ;
(art. 9, 49 al. 1 et 122 al. 3 Cst. ;
mainlevée définitive de l'opposition)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 22 février 2000, le canton de Zurich a saisi la Présidente du Tribunal civil du district de Neuchâtel d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée par X.________ à sa poursuite n° 20001740 de l'Office des poursuites de Neuchâtel. Cette poursuite, d'un montant de 257 fr., mentionnait comme cause de l'obligation une facture du 7 avril 1999. Le poursuivant a joint à sa requête un jugement du 7 avril 1999 du juge unique du district de Bülach mettant notamment à la charge de la poursuivie les frais de justice d'un montant total de 317 fr. Ledit jugement précisait qu'en cas de renonciation à une motivation écrite, l'émolument judiciaire fixé à 120 fr. serait réduit de moitié. Il indiquait en outre, au ch. 6 de son dispositif, qu'il entrerait en force de chose jugée si aucune des parties n'en exigeait par écrit la motivation dans un délai de 10 jours dès sa notification.
Au cas où la motivation serait demandée, les parties disposaient d'un délai de 30 jours dès sa réception pour déposer un recours en nullité. Selon les mentions figurant au pied du jugement, celui-ci a acquis force de chose jugée le 7 avril 1999 et a été notifié aux parties le 14 mai 1999.
Par décision du 24 mars 2000, la présidente du tribunal de district a rejeté la requête de mainlevée au motif que l'indication figurant au pied du jugement selon laquelle celui-ci serait entré en force le 7 avril 1999, alors même qu'il n'avait été notifié aux parties que le 14 mai suivant, ne permettait pas d'établir qu'il n'y aurait pas eu de recours.
B.- Saisie d'un recours du poursuivant contre cette décision, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal de Neuchâtel l'a rejeté par arrêt du 27 octobre 2000, pour les motifs suivants: le poursuivant agissait en recouvrement de frais de justice, soit d'une prétention de droit public, de sorte que le Concordat sur l'entraide judiciaire pour l'exécution des prétentions de droit public (RS 281. 22) était applicable; or, la requête de mainlevée ne satisfaisait manifestement pas aux exigences des art. 3 et 4 dudit concordat.
C.- Agissant le 22 novembre 2000 par la voie d'un recours de droit public pour violation des art. 9, 49 al. 1 et 122 al. 3 Cst. , le poursuivant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal, éventuellement à la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de 257 fr., plus les frais de poursuite et les frais et dépens de la procédure de mainlevée.
L'intimée a renoncé à déposer une réponse.
Considérant en droit :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83; 125 III 293 consid. 1a et les arrêts cités).
a) L'arrêt attaqué confirme un refus de mainlevée d'opposition prononcé par le juge de district. Il s'agit d'une décision finale émanant de l'autorité suprême du canton et ne pouvant être déférée au Tribunal fédéral par un autre moyen de droit que le recours de droit public ( art. 84 al. 2 et 87 OJ ; ATF 120 Ia 256 consid. 1a p. 257). Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 90 OJ), le présent recours est donc recevable en principe.
b) Autant que le recourant demande des frais et dépens pour la procédure de mainlevée devant l'instance cantonale, sa conclusion est irrecevable. Il entend sans doute son chef de conclusions comme une conséquence de l'admission de son recours (cf. art. 159 al. 6 OJ).
c) Le recourant conclut à la mainlevée définitive de l'opposition, alors que le recours de droit public est normalement de nature purement cassatoire. Une telle conclusion est exceptionnellement recevable lorsque le Tribunal fédéral peut examiner librement le grief soulevé et que la situation est suffisamment claire; dans ces conditions, il peut prononcer lui-même la mainlevée définitive (ATF 120 Ia 256 et les arrêts cités).
Le recourant allègue notamment la violation de l'art. 122 al. 3 Cst. déclarant les jugements civils ayant force de chose jugée exécutoires dans toute la Suisse. Cette disposition correspond à l'art. 61 aCst. , dont les art. 80 et 81 LP sont une concrétisation en ce qui concerne les jugements civils portant condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés. S'agissant d'un recours motivé par le refus d'accorder la mainlevée sur la base d'un jugement civil rendu dans un autre canton, le Tribunal fédéral examine librement toutes les conditions exigées pour que ledit jugement soit déclaré exécutoire et il suffit, pour admettre le recours, qu'une interprétation ou une application simplement inexacte des art. 80 et 81 LP ait été la cause du rejet de la demande de mainlevée (ATF 97 I 235 consid. 4 p. 238; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 66 s. ad art. 80). Ainsi, la conclusion tendant au prononcé de mainlevée définitive est recevable.
2.- Doctrine et jurisprudence qualifient de jugements civils au sens de l'art. 122 al. 3 Cst. les décisions relatives aux frais de justice rendues dans un procès civil (ATF 97 I 235 consid. 5 p. 238 et les arrêts cités; cf. notamment Gilliéron, op. cit. , n. 38 et 68 ad art. 80; DanielStaehelin, in: Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 4 ad art. 80).
Le jugement du 7 avril 1999 produit par le recourant à l'appui de sa requête de mainlevée condamne l'intimée à payer à la partie demanderesse la somme de 688 fr. 25 plus accessoires et frais de poursuite, lève l'opposition dans la poursuite en cause et met les frais de justice à la charge de l'intimée. Ce jugement a été rendu, comme il le mentionne en première page, au terme d'un procès en reconnaissance de dette ("betreffend Forderung"), soit d'un procès civil. Il doit donc être qualifié de jugement civil bien que prononçant simultanément la mainlevée de l'opposition, qui n'est qu'un simple incident de la poursuite sans effet de droit matériel (Gilliéron, op. cit. , n. 83 ad art. 80; M. Guldener, Das internationale und interkantonale Zivilprozessrecht der Schweiz, p. 85; B. Knapp, in Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, n. 42 ad art. 61), étant observé cependant que la décision sur les frais d'une telle procédure incidente constitue aussi, en soi, un jugement au sens des art. 80 et 81 LP (ATF 67 I 6 consid. 2; cf.
Panchaud/Caprez, La mainlevée d'opposition, § 102, ch. 11).
La décision sur les frais de justice auxquels l'intimée a été condamnée par le jugement du 7 avril 1999 et que le recourant invoque dans la présente procédure est donc bien un jugement civil. Contrairement à ce qu'a admis la cour cantonale, le concordat sur l'entraide judiciaire pour l'exécution des prétentions de droit public (RS 281. 22) n'était par conséquent pas applicable (cf. Staehelin, loc. cit. , n. 138 s. ad art. 80).
b) Aux termes du § 190 al. 1 de la loi de procédure civile zurichoise (LPC/ZH), les jugements finaux d'un tribunal statuant définitivement passent en force de chose jugée dès qu'ils sont prononcés. L'entrée en force des jugements contre lesquels un recours ordinaire est ouvert (Berufung ou Rekurs) fait l'objet d'une réglementation différente au § 190 al. 2 LPC/ZH (cf. Frank/Streuli/Messmer, ZPO Kommentar zur zürcherischen Zivilprozessordnung, n. 1 ad Vorbemerkungen zu § 259 ss, p. 837). Lorsque le jugement a été rendu par un juge unique, les deux moyens en question (Berufung et Rekurs) sont donnés si la valeur litigieuse ouvrant le recours en réforme au Tribunal fédéral est atteinte (8'000 fr.) ou si elle ne peut être estimée eu égard à la nature de l'affaire (§ 259 al. 1 ch. 2 et § 271 LPC /ZH).
Le jugement du 7 avril 1999 a été rendu par un juge unique. La demanderesse à l'action réclamait à l'intimée 688 fr. 25 en capital plus 50 fr. de frais de poursuite et 273 fr. de frais du juge de paix. Ledit jugement ne pouvait donc pas être attaqué par l'un des deux moyens de recours ordinaires, de sorte que son entrée en force, régie par le § 190 al. 1 LPC/ZH, est intervenue à la date de son prononcé, le 7 avril 1999 (cf. Frank/Streuli/Messmer, op. cit. , n. 8 ad § 190). La mention de force de chose jugée apposée au pied de l'exemplaire du jugement produit en instance cantonale confirme d'ailleurs cette date d'entrée en force.
c) Le jugement produit, comme l'indique le ch. 6 de son dispositif, pouvait certes faire l'objet d'un recours en nullité. Ce moyen de droit extraordinaire est toutefois sans effet sur l'entrée en force et la mise à exécution du jugement, à moins que l'autorité de cassation n'en décide autrement (§ 286 al. 1 LPC/ZH).
Dans la procédure de mainlevée, qui est une procédure sur titre, il incombe au poursuivant de produire les titres probants sur les points de droit que le juge doit examiner d'office, et au poursuivi de produire les titres propres à établir les moyens qu'il soulève et qui sont fondés sur des faits extinctifs ou dirimants (Gilliéron, op. cit. , n. 9 ad art. 81). Ainsi lorsque, comme en l'espèce, le poursuivant produit un jugement muni d'une attestation d'entrée en force, le juge doit accorder la mainlevée définitive, à moins qu'il ne ressorte du dossier que le jugement en cause a fait l'objet d'un recours extraordinaire auquel l'effet suspensif a été accordé. C'est au poursuivi qu'il appartient, s'il veut faire échec à la requête de mainlevée, d'alléguer et de prouver que le jugement exécutoire produit par le poursuivant a fait l'objet, en temps utile, d'un recours extraordinaire assorti d'effet suspensif. Dans le cas particulier, l'intimée n'a pas soulevé ce moyen et le dossier ne contient aucune pièce faisant état d'un recours en nullité qu'elle aurait déposé.
d) Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs du recourant.
3.- Le Tribunal fédéral peut accorder lui-même la mainlevée définitive lorsque, comme en l'espèce, il a examiné le recours librement et que la situation juridique peut être considérée comme suffisamment claire (cf. supra, consid. 1c).
Le recourant a requis la mainlevée définitive pour 257 fr. en capital et 30 fr. de frais de poursuite (commandement de payer). Selon le jugement produit à l'appui de sa requête, les frais de justice se montent à 317 fr., se répartissant en 120 fr. d'émolument judiciaire, 60 fr. de frais de citation, 80 fr. de frais d'expédition et 57 fr. de frais de notification. Il est constant que la motivation du jugement n'a pas été requise, de sorte que, conformément à une clause expresse du jugement, il y a lieu de déduire du total de 317 fr. la moitié de l'émolument judiciaire, soit 60 fr. Les frais de justice s'élèvent ainsi à 257 fr., ce qui correspond au capital réclamé par le recourant. La loi prévoit que les frais de la poursuite, avancés par le créancier, sont à la charge du débiteur (art. 68 al. 1 LP). La mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer 257 fr. plus 30 fr. de frais de poursuite peut ainsi être prononcée.
4.- L'intimée, qui succombe, doit en principe supporter les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). Toutefois, comme l'autorité cantonale a méconnu une jurisprudence très clairement établie en qualifiant la somme mise en poursuite de prétention de droit public, il se justifie exceptionnellement de statuer sans frais. L'art. 159 al. 2 OJ étant également applicable en matière de recours de droit public, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens au canton recourant, qui a d'ailleurs agi sans le concours d'un avocat.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.
2. Prononce la mainlevée définitive de l'opposition de X.________ au commandement de payer de l'Office des poursuites de Neuchâtel du 2 février 2000, poursuite n° 20001740 introduite par le canton de Zurich.
3. Statue sans frais.
4. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 11 juin 2001FYC/vlc
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,
Le Greffier,