[AZA 0/2]
4C.61/2001
Ie COUR CIVILE
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14 juin 2001
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Ramelet.
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Dans la cause civile pendante
entre
la Société Coopérative X.________, défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Micheli, avocat à Lausanne,
et
Z.________, demandeur et intimé, représenté par Me Pierre del Boca, avocat à Lausanne;
(contrat d'architecte; dommages; rémunération du mandataire)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Plusieurs personnes, souhaitant construire un bâtiment d'habitation et devenir propriétaires de leur logement familial, ont constitué à cette fin, par des statuts adoptés le 6 décembre 1990, une société coopérative appelée Société Coopérative X.________ (ci-après: la coopérative).
La coopérative a conclu un contrat avec un ingénieur civil et un contrat d'architecte avec Z.________ (ci-après: l'architecte), chargeant celui-ci de l'étude et de la réalisation du bâtiment, y compris la direction des travaux; dans ce dernier contrat, il a été convenu d'appliquer le règlement SIA 102 du 28 janvier 1984.
La coopérative a signé, le 31 mai 1991, une promesse de vente en vue d'acquérir une parcelle sur le territoire de la commune de W.________. Par acte du 25 octobre 1991, la parcelle a été acquise par treize personnes, à savoir douze membres de la coopérative et la coopérative elle-même pour un treizième. La coopérative a ensuite cédé la part qu'elle avait acquise à L.________ et J.________.
Les travaux ont débuté en janvier 1992 et le bâtiment était en état d'être habité dès la fin novembre 1992.
Par acte notarié du 26 novembre 1992, l'immeuble a été constitué en propriété par étages entre les treize copropriétaires, la coopérative ne figurant pas au nombre de ceux-ci.
En ce qui concerne la réalisation du bâtiment (comprenant treize appartements et un parking souterrain), divers défauts de l'ouvrage ont été invoqués.
B.- Le 21 juin 1995, l'architecte a déposé devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois une demande en paiement dirigée contre la coopérative, réclamant à cette dernière la somme de 50 538 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 1994, ce montant correspondant à un solde d'honoraires demeuré impayé. En cours d'instance, l'architecte a réduit ses conclusions à 40 470 fr. avec intérêts à 5% dès le 21 juin 1995.
Dans sa réponse du 23 octobre 1995, la coopérative a conclu au déboutement du demandeur et lui a réclamé, à titre reconventionnel, 300 000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 1995, somme correspondant à des dommages-intérêts dont elle s'estimait créancière pour mauvaise exécution du contrat.
Par jugement du 29 août 2000, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné Z.________ à payer à la défenderesse la somme de 6193 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 16 novembre 1995. En substance, la cour cantonale a rejeté la demande en dommages-intérêts présentée par la coopérative, considérant que celle-ci n'avait pas prouvé avoir subi elle-même un dommage. Se fondant sur une expertise, la cour cantonale a déterminé le montant des honoraires dus à l'architecte et l'a réduit de 5000 fr. pour tenir compte d'une mauvaise exécution (défaut d'information concernant l'exiguïté des places de stationnement, l'une d'elles étant même inutilisable); elle est ainsi parvenue à la conclusion que l'architecte avait perçu trop d'honoraires et l'a condamné à payer la différence.
C.- La Société Coopérative X.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant la violation de diverses règles de droit fédéral, elle conclut à la réforme du jugement attaqué, demandant que l'intimé soit condamné à lui payer la somme de 143 593 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 1997, la cause étant retournée à la cour cantonale pour statuer à nouveau sur les frais de la procédure devant elle; subsidiairement, la recourante requiert l'annulation du jugement critiqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale.
L'intimé propose le rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- a) Interjeté par une partie qui n'a pas obtenu l'entier de ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
b) Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
2.- a) Selon les constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ) -, les parties sont convenues que l'intimé, en sa qualité d'architecte professionnel, établirait les plans et dirigerait les travaux, moyennant une rémunération que la recourante s'obligeait à lui payer. On se trouve donc en présence d'un contrat d'architecte global.
D'après la jurisprudence, lorsqu'un architecte est chargé d'établir des plans, des soumissions ou des projets de construction, il se conclut un contrat d'entreprise (art. 363 CO); s'il est chargé des adjudications et de la surveillance des travaux, il s'agit d'un mandat (art. 394 CO); si sa mission englobe des activités relevant des deux catégories, le contrat est mixte et relève, suivant les prestations, du mandat ou du contrat d'entreprise (ATF 114 II 53 consid. 2b; 110 II 380 consid. 2; 109 II 462 consid. 3c et 3d).
Dans le cas du contrat complet (comme celui d'espèce), la jurisprudence a posé qu'il fallait appliquer les règles du mandat pour ce qui concerne la faculté de mettre fin au contrat (ATF 110 II 380 consid. 2; 109 II 462 consid. 3d).
Elle a retenu la même solution en ce qui concerne la responsabilité de l'architecte pour une mauvaise évaluation du coût des travaux (cf. ATF 119 II 249 consid. 3b), bien qu'elle admette l'existence d'un contrat d'entreprise lorsque l'architecte est chargé exclusivement d'élaborer un devis écrit (ATF 114 II 53 consid. 2b). Cette évolution de la jurisprudence (cf. également ATF 122 III 61 consid. 2) semble aller dans le sens préconisé par une partie de la doctrine, qui voudrait que la responsabilité de l'architecte global soit soumise exclusivement aux règles du mandat (cf. Peter Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n° 58 ss et les références citées, p. 19 s.).
En l'espèce, la recourante se plaint notamment de certains défauts de la construction qui seraient dus aux plans établis par l'architecte. Savoir si les règles du contrat d'entreprise relatives à la garantie des défauts (art. 367 ss CO) pourraient être applicables à l'architecte global lorsque les manquements qui lui sont reprochés concernent les plans est une question qui n'a pas été tranchée par la jurisprudence récente.
Il faut cependant rappeler que le droit du maître à une réduction du prix est un droit formateur, que seul le maître de l'ouvrage peut choisir d'exercer ou non (cf. ATF 107 III 106 consid. 2). Or, comme la recourante, qui est représentée par un avocat, se réfère expressément à l'art. 398 CO et à l'art. 97 CO, le Tribunal fédéral ne saurait exercer à sa place un droit formateur alors qu'elle a manifestement choisi de se placer sur un autre terrain juridique.
b) Dès lors que la défenderesse, invoquant l'art. 97 CO, a opté pour demander des dommages-intérêts en raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat, toute discussion sur la qualification juridique de l'accord ou sur l'étendue de l'obligation contractuelle de l'architecte est vaine in casu pour les raisons qui vont être maintenant exposées.
L'art. 97 al. 1 CO prévoit que lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.
Sur la base d'une telle disposition, le demandeur doit, entre autres conditions, apporter la preuve qu'un dommage lui a été causé (art. 8 CC; Wolfgang Wiegand, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 60 ad art. 97 CO; Rolf H. Weber, Commentaire bernois, n. 316 ad art. 97 CO).
Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4a; 126 III 388 consid. 11a et les arrêts cités). Le dommage peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (cf. ATF 122 IV 279 consid. 2a; 121 IV 104 consid. 2c).
Dire s'il y a eu un dommage et quelle en est la quotité est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF 127 III 73 consid. 3c; 126 III 388 consid. 8a; 123 III 241 consid. 3a). C'est en revanche une question de droit de dire si la notion juridique de dommage a été méconnue (ATF 127 III 73 consid. 3c; 120 II 296 consid. 3b).
c) Comme la recourante n'est pas propriétaire de l'immeuble, les imperfections techniques dont elle se plaint n'affectent pas la valeur d'un bien qui soit à l'actif de son patrimoine.
Il lui incombait donc de prouver son dommage d'une autre manière, en établissant soit une diminution de ses créances, soit une augmentation de ses dettes.
Il est vrai que les rapports entre la recourante et ses membres constituent pour l'intimé une res inter alios acta et qu'il n'est pas question de statuer définitivement à ce sujet, les membres n'étant pas parties à la présente procédure et n'ayant pas eu l'occasion de s'exprimer et de fournir leurs moyens de preuve. Il n'empêche qu'il incombait à la recourante, dans la présente procédure, d'établir son dommage et, par voie de conséquence, de fournir tous les éléments propres à cette démonstration.
La coopérative aurait pu acheter l'immeuble, puis vendre ou louer les appartements à ses membres. Dans une telle structure juridique, les membres auraient été en mesure de faire valoir la garantie des défauts (art. 205 al. 1, 259a al. 1 CO) et de provoquer ainsi, pour la recourante, un gain manqué. Cette construction juridique doit cependant être d'emblée écartée, puisqu'il est établi que la coopérative n'a pas acquis l'immeuble.
On aurait aussi pu imaginer que les membres chargent la coopérative de réaliser la construction en tant qu'entrepreneur général. Dans cette hypothèse également, ils auraient pu faire valoir la garantie des défauts (art. 368 CO) et provoquer un gain manqué pour la recourante. Il ne ressort cependant pas de l'état de fait souverain que la défenderesse se soit engagée à l'égard de ses membres à livrer les appartements achevés, assumant à leur égard une obligation de résultat. En tout état de cause, il n'est pas constaté - ce qui lie le Tribunal fédéral - que la recourante aurait subi une perte sur des sommes qui lui étaient dues par ses membres.
Selon l'état de fait cantonal, il apparaît plutôt que les membres ont créé la société coopérative sans comprendre ou accepter toutes les conséquences de cette construction juridique. Dans un premier temps, les contrats ont été conclus au nom de la société coopérative, les membres pensant probablement qu'ils agissaient tous ensemble. Au moment d'acquérir la propriété, chaque membre a voulu agir en son propre nom, rejetant l'existence de la personne morale distincte qu'ils avaient créée. A l'égard de celle-ci - mais la recourante n'a rien établi de précis - il semble que les membres se soient bornés à convenir qu'ils la couvriraient de toutes les obligations découlant pour elle des contrats qu'elle avait conclus. Il ressort cependant des constatations cantonales que la recourante n'a pas prouvé que les imperfections alléguées l'auraient privée d'une somme due par l'un ou l'autre des membres. Il s'agit là d'une question d'appréciation des preuves, qui ne peut être revue dans un recours en réforme (cf. ATF 126 III 189 consid. 2a et les références).
La cour cantonale n'a donc pas méconnu la notion juridique de dommage. Constatant qu'aucun préjudice n'était prouvé, elle n'a pas violé le droit fédéral en rejetant l'action fondée sur l'art. 97 CO.
3.- a) En ce qui concerne les honoraires de l'architecte, la recourante soutient qu'ils auraient dû être diminués pour tenir compte de la mauvaise exécution du contrat.
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a passé en revue la jurisprudence et la doctrine relatives aux effets d'une mauvaise exécution sur la rémunération du mandataire (ATF 124 III 423 consid. 3b). Il est parvenu à la conclusion que le mandataire, même en cas d'exécution défectueuse du mandat, a droit à des honoraires pour l'activité qu'il a exercée en conformité avec le contrat. Ce n'est que dans le cas où l'exécution défectueuse du mandat est assimilable à une totale inexécution, se révélant pour le mandant inutile ou inutilisable, que le mandataire peut perdre son droit à rémunération; il en est de même lorsque la rémunération du mandataire est elle-même constitutive du dommage causé par l'exécution défectueuse (ATF 124 III 423 consid. 4a).
L'autorité cantonale a constaté que les places de stationnement étaient partiellement inutilisables et a enlevé les honoraires relatifs à cette prestation par 5000 fr. La détermination de ce montant, qui relève des faits, n'est pas critiquée et il n'y a pas lieu d'y revenir.
b) La recourante reproche à la Cour civile d'avoir retenu qu'il lui incombait d'apporter la preuve des prestations inutilisables.
Il appartient au mandataire de prouver les prestations qu'il a fournies, de manière à permettre la détermination de la somme qu'il réclame (art. 8 CC). En revanche, si le mandant entend faire valoir, par exception, que le mandataire n'a pas droit à ses honoraires en raison d'une mauvaise exécution, il lui incombe d'en apporter la preuve s'il n'a pas refusé la prestation (Walter Fellmann, Commentaire bernois, n. 541 ad art. 394 CO). La position adoptée par la cour cantonale, conforme à la doctrine, ne viole en rien le droit fédéral. Que la cour cantonale ait maladroitement employé, une seule fois, l'expression de "comportement fautif" ne change rien à la question.
c) La recourante fait enfin grief à l'autorité cantonale d'avoir mal compris l'expert judiciaire.
Il s'agit là d'une pure question d'appréciation des preuves, qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
Au demeurant, il est exact de dire que la jurisprudence en matière de réduction des honoraires (ATF 124 III 423 consid. 3b) ne correspond pas au mécanisme de la garantie des défauts (en matière de vente, de contrat d'entreprise ou de bail), où il suffit d'établir un défaut notable pour que la contre-prestation doive être réadaptée.
4.- Il suit de là que le recours doit être rejeté, le jugement attaqué étant confirmé. Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué;
2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. à la charge de la recourante;
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.
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Lausanne, le 14 juin 2001ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,