[AZA 0/2]
1P.236/2001
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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25 juin 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Kurz.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
S.________, représentée par Me Jérôme Bassan, suppléé par Me Raphaël Quinodoz, avocat à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 19 février 2001 par la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recourante à K.________, à Genève, représentée par Me Bertrand Reich, avocat à Genève, et au Procureur général du canton de Genève;
(appréciation des preuves en procédure pénale)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par jugement du 22 août 2000, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné S.________ à huit jours d'emprisonnement avec sursis (sous déduction d'un jour de détention préventive) pour le vol de quatorze pièces de lingerie au préjudice de son employeur la Boutique A.________, propriété de la société K.________. Le 16 mars 1999, un colis contenant 65 pièces de lingerie avait été livré à la boutique.
Selon les instructions de service, le colis devait être ouvert par deux employées chargées d'en faire l'inventaire, en contresignant le bulletin de livraison si le contenu était complet et en contactant le fournisseur dans le cas contraire.
S.________ prétendait qu'il manquait quatorze pièces et que le colis ne contenait pas de bulletin de livraison, ce qui l'avait obligée à établir un inventaire manuscrit, contresigné par sa collègue M.________. Après le départ de celle-ci, un second document aurait été établi, afin de corriger des inexactitudes entachant le premier. Le Tribunal a considéré que selon M.________, le colis était complet et contenait un bulletin de livraison qui avait été dûment signé par les deux employées. Par ailleurs, la livraison incomplète et l'absence de bulletin n'avaient pas été signalées immédiatement.
B.- Sur appel de S.________, la Chambre pénale genevoise a, par arrêt du 19 février 2001, réduit la peine à trois jours d'arrêts, considérant qu'il s'agissait d'une infraction d'importance mineure (art. 172ter CP). La culpabilité de l'accusée ressortait des éléments suivants: il était extrêmement rare qu'un colis ne contienne pas le bulletin de livraison. Les explications de l'accusée étaient contredites par M.________; celle-ci avait déjeuné avec l'accusée le 18 mars 1999, sans qu'il ait été question de la rédaction d'un second document. La responsable de la boutique avait affirmé n'avoir jamais reçu d'appel téléphonique de l'accusée évoquant l'absence d'un bulletin et l'établissement d'une liste manuscrite. Le fournisseur avait assuré que son envoi était complet et correspondait au bulletin de livraison.
C.- S.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt. Elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'instance cantonale afin qu'elle procède au sens des considérants.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
K.________ conclut au rejet du recours, avec suite de dépens.
Considérant en droit :
1.- Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale.
La recourante, dont la condamnation se trouve confirmée par l'arrêt attaqué - même si la peine a été réduite -, a qualité (art. 88 OJ) pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves. Les conclusions allant au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué sont irrecevables.
2.- a) Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation pénale, le Tribunal fédéral ne revoit l'appréciation des preuves que sous l'angle de l'arbitraire; il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge de la cause. A cet égard, la présomption d'innocence, garantie actuellement par les art. 32 al. 1 Cst.
et 6 par. 2 CEDH, ne fait que reprendre les principes posés dans ce domaine par la jurisprudence rendue à propos de l'art. 4 aCst. L'entrée en vigueur de l'art. 9 Cst. , qui prohibe l'arbitraire, n'a rien changé au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral dans ce domaine (ATF 127 I 38). Le recourant doit démontrer qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40/41, 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88, 120 Ia 31 consid. 2e p. 38 et 4b p. 40).
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. L'appréciation doit apparaître arbitraire tant dans ses motifs que dans son résultat. Il ne suffit pas qu'une solution différente puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40/41 et les arrêts cités).
b) La recourante reprend son argumentation à décharge.
Elle relève que, selon la responsable de la boutique, il arrivait deux ou trois fois par an que le fournisseur omette le bulletin de livraison. M.________ avait varié dans ses déclarations et s'était trouvée seule avec le colis, entre le départ de la précédente collègue, le 16 mars 1999 à 16h30 et l'arrivée de la recourante le lendemain en début d'après-midi.
En dépit de cette argumentation, dont le caractère appellatoire n'échappe pas à la cour de céans, la recourante ne parvient pas à démontrer que la version des faits retenue en dernière instance soit arbitraire. Le Tribunal de police, puis la cour cantonale, se sont fondés sur un faisceau d'indices reposant non seulement sur le caractère peu vraisemblable de l'absence du bulletin de livraison, mais aussi sur les déclarations de la collègue de la recourante. Celles-ci ont certes varié, mais pas sur les points essentiels que sont la présence du bulletin de livraison et sa conformité avec le contenu du colis. Ces explications, qui font état de l'ouverture de quatre premiers colis avec une collègue, de la mise à part du cinquième - en raison du départ de cette collègue - et de son ouverture le lendemain, avec la recourante, correspondent aux directives de la société. Tel n'est pas le cas en revanche de la version de la recourante, qui aurait dû interpeller immédiatement le fournisseur et la responsable en cas de livraison incomplète ou en l'absence de bulletin de livraison.
Elle prétend l'avoir fait, mais cela est contesté par la responsable elle-même. Enfin, le caractère fantaisiste des explications de la recourante, à propos d'un premier relevé manuscrit établi avec sa collègue (fait contesté par cette dernière) et d'un nouveau document établi par la seule recourante en raison d'un "détail", le premier document ayant au surplus disparu, apparaît comme un élément à charge supplémentaire.
Cela étant, la condamnation de la recourante ne saurait être qualifiée d'arbitraire.
3.- Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté, en tant qu'il est recevable. Un émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée, qui a procédé avec un avocat et obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens, à la charge de la recourante (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
vu l'art. 36a OJ:
1. Rejette le recours en tant qu'il est recevable.
2. Met à la charge de la recourante un émolument judiciaire de 3'000 fr.
3. Alloue à l'intimée K.________ une indemnité de dépens de 2000 fr., à la charge de la recourante.
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 25 juin 2001KUR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,