[AZA 0/2]
1P.432/2001
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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21 août 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Catenazzi.
Greffier: M. Parmelin.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
L.________, représenté par Me Olivier Derivaz, avocat à Monthey,
contre
la décision prise le 21 mai 2001 par la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui oppose le recourant au Juge d'instruction pénale du B a s -V alais;
(art. 30 al. 1 Cst. ; refus d'une contre-expertise)
Considérant en fait et en droit:
1.- L.________ fait l'objet d'une instruction pénale pour crime manqué de meurtre, voire d'assassinat, de lésions corporelles graves, de dommages à la propriété et d'abus et dilapidation du matériel militaire. Il lui est reproché d'avoir grièvement blessé par balles son ex-amie, A.________, à l'aide de son fusil d'assaut, le 1er janvier 2000, vers 05h00, et d'avoir endommagé un véhicule en stationnement.
Le 14 avril 2000, le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais en charge du dossier (ci-après: le Juge d'instruction pénale) a ordonné une expertise psychiatrique du prévenu, dont il a confié l'établissement au Docteur M.________, psychiatre à Sion. L'expert a rendu son rapport le 18 septembre 2000. Au terme de celui-ci, il conclut à l'existence d'un trouble de la personnalité non spécifié, correspondant à un développement mental incomplet, qui n'était toutefois pas de nature à atténuer la faculté du prévenu d'apprécier le caractère illicite de son acte, ni la faculté de se déterminer d'après cette appréciation.
Donnant suite à une requête formulée le 27 septembre 2000 par L.________, le Juge d'instruction pénale a invité l'expert à compléter son rapport sur la situation personnelle de l'expertisé le soir des faits.
Le 6 novembre 2000, l'expert a rendu son complément d'expertise. Après avoir relevé que son premier rapport lui paraissait suffisamment explicite ou implicite, puis résumé brièvement les faits qu'il estimait pertinents, il concluait en ces termes:
"En conclusion, je trouve tout à fait justifié que
Me O. Derivaz veuille tirer au clair, au mieux, la
situation et l'état psychique de l'expertisé le
31.12.1999. Mais quand l'univers de ce dernier passe de la passion à l'acte, il y a comme un court- circuitage dont les dégâts sont (le) corollaire
"d'une vie affective et de relations humaines qui
sont restées un continent noir pour l'expertisé".
Il n'appartient pas, à mon avis, ni à l'expert, ni
à tout autre, d'édulcorer un tel continent.. "
Le 27 novembre 2000, L.________ a demandé le retrait du dossier du rapport d'expertise établi le 18 septembre 2000 par le Docteur M.________ et l'administration d'une nouvelle expertise. Il reprochait en substance à l'expert de s'être écarté du mandat qui lui avait été confié et d'avoir apprécié de manière critique son attitude procédurale et celle de son conseil. Selon lui, un tel comportement était de nature à susciter un doute sur l'objectivité de l'expert lorsque ce dernier avait établi son rapport d'expertise.
Par décision du 5 janvier 2001, le Juge d'instruction pénale a écarté la requête en l'absence de motifs sérieux de mettre en doute le bien-fondé de l'expertise et de son complément.
La Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Chambre pénale ou la cour cantonale) a confirmé cette décision sur plainte du prévenu. Dans son prononcé du 21 mai 2001, elle a estimé que les conclusions du rapport d'expertise sur la responsabilité pénale du plaignant étaient claires et que ni les maladresses de langage, ni les réactions inappropriées de l'expert n'étaient de nature à discréditer son rapport au point de le rendre inutilisable ou tout simplement douteux. En conséquence, elle a considéré que les conditions d'une contre-expertise n'étaient pas réunies et que le Juge d'instruction pénale avait à juste titre refusé d'en ordonner une.
2.- Agissant par la voie du recours de droit public, L.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision.
Invoquant les art. 29 al. 1, 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH, il voit un motif de récusation de l'expert dans l'attitude de ce dernier, qui aurait fait valoir des considérations inutiles et hors de propos, dénotant sa prévention. Il requiert l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, la Chambre pénale et le Juge d'instruction pénale se réfèrent à leurs décisions respectives.
3.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 198 consid. 2 p. 201 et les arrêts cités).
a) Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public est recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1). Le recours de droit public est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il peut en résulter un préjudice irréparable (al. 2). Lorsque le recours de droit public n'est pas recevable en vertu de l'al. 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3).
En l'espèce, le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale confirmant le refus d'écarter du dossier un rapport d'expertise et de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. Il s'agit d'une décision incidente relative à l'administration des preuves, qui ne cause aucun dommage irréparable pour le recourant, puisque ce dernier pourra encore faire valoir lors des débats devant l'autorité de jugement ou à l'occasion d'un recours contre le jugement final, ses objections concernant l'impartialité de l'expert et requérir une nouvelle expertise, en application des art. 116 et 128 ch. 2 du Code de procédure pénale valaisan (cf. art. 87 al. 3 OJ; arrêt non publié du 13 janvier 1998 dans la cause R. contre Ministère public du Bas-Valais, consid. 1c).
La jurisprudence fait parfois exception à l'exigence d'un préjudice irréparable pour des raisons d'économie de procédure, lorsque le recours a pour objet des questions qui doivent être résolues avant de procéder plus avant (cf. ATF 127 I 92 consid. 1d p. 95; 124 I 255 consid. 2b/bb p. 259).
En l'espèce, rien n'impose une décision immédiate, puisque le rapport d'expertise dont le recourant sollicite le retrait de la procédure est déjà déposé et qu'il suffira pour l'autorité de jugement, au cas où elle donnerait raison au recourant sur la question du manque d'objectivité de l'expert, de l'écarter du dossier et de ne point en tenir compte. La jurisprudence fait aussi exception à l'art. 87 al. 2 OJ en cas de participation d'un expert prévenu devant l'autorité de jugement (ATF 97 I 1 consid. 1b p. 3; arrêt non publié du 7 février 1991 dans la cause C. contre Tribunal criminel de l'arrondissement de la Sarine). Une telle exception ne se justifie cependant pas pour un expert mandaté et entendu lors de l'instruction, dont on peut encore exiger la récusation d'entrée de cause devant l'autorité de jugement.
b) Le recours est par conséquent irrecevable. Celui-ci étant d'emblée dénué de toute chance de succès, il convient de refuser la demande d'assistance judiciaire et de mettre un émolument de justice à la charge du recourant, qui succombe (art. 152 al. 1 et 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
vu l'art. 36a OJ:
1. Déclare le recours irrecevable;
2. Rejette la demande d'assistance judiciaire;
3. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 500 fr.;
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction pénale du Bas-Valais et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Lausanne, le 21 août 2001 PMN/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,