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Original
 
[AZA 0/2]
6S.162/2001/ROD
COUR DE CASSATION PENALE
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21 août 2001
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
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Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par
X.________, représenté par Me François de Rougemont, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêt rendu le 6 octobre 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant au Ministère public du canton deV a u d;
(fixation de la peine)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par jugement du 25 juillet 2000, le Tribunal correctionnel du district de Morges a condamné X.________, pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et faux dans les certificats, à deux ans et demi d'emprisonnement sous déduction de cent dix jours de détention préventive.
Il en ressort notamment les éléments suivants:
Né en 1960 au Congo, X.________ est arrivé en Suisse en 1983. Il a épousé une Suissesse en 1988, avec qui il a eu deux enfants, nés en 1990 et 1993. Il a obtenu la nationalité suisse en 1991. Il est divorcé depuis novembre 1997. Aidé par les services sociaux, il reçoit mensuellement 2'055 francs. A son casier judiciaire figure une condamnation prononcée en 1993 à vingt jours d'emprisonnement avec sursis, pour vol d'usage, circulation sans permis de conduire et conduite d'un véhicule en état défectueux.
Le 8 mars 1998 vers 0 h 30, X.________ a été interpellé au volant de sa voiture. Il a présenté à la police un permis de conduire international, qui s'est révélé être un faux.
Entre la fin mai et le début juillet 1998, X.________ a acquis aux Pays-Bas 45 grammes de cocaïne et a ramené cette drogue en Suisse. Il l'a vendue à divers toxicomanes. Le taux de pureté de la marchandise a été évalué à 65,2 %, ce qui représente 29 grammes de drogue pure.
Le 2 octobre 1998, X.________ s'est rendu dans un hôtel à Annemasse en France pour y rejoindre Y.________ et Z.________. Ceux-ci étaient en possession d'un kilo de cocaïne. X.________, qui a été pris au dépourvu par l'arrivée d'une si grande quantité de drogue, leur a expliqué qu'il ne disposait pas de la contre-valeur financière de la cocaïne, soit 80'000 francs, et qu'il ne connaissait pas d'acheteur potentiel. Le trio a alors pris la décision de transporter la drogue à Morges. Le 4 octobre 1998, Z.________ et X.________ ont déposé la drogue dans la cave de l'immeuble où vivait l'ex-épouse de ce dernier, alors en vacances.
Les jours suivants, X.________ a pris différents contacts dans les milieux toxicomanes vaudois et genevois dans le but d'écouler la drogue et est parvenu de cette manière à en vendre 130 grammes. Il a informé Z.________, entre-temps rentré en Belgique, des ventes réalisées et qu'il avait trouvé un acheteur pour 300 grammes.
Z.________ a alors rejoint X.________ en Suisse. Ils ont repris possession de la drogue et établi plusieurs contacts avec un intermédiaire de l'acheteur dans le but de parachever rapidement la transaction. Ils ont été interpellés par la police au domicile de X.________. Une barquette en aluminium contenant 300 grammes de cocaïne se trouvait sur la table de la cuisine et 575 grammes de ce stupéfiant emballés dans un sachet en plastique ont été découverts dans une serviette posée sur une chaise.
B.- Par arrêt du 6 octobre 2000, dont les considérants écrits ont été envoyés aux parties le 24 avril 2001, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________.
C.- Ce dernier se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la écision attaquée.
Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du pourvoi.
Considérant en droit :
1.- Le pourvoi en nullité ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, à l'exclusion de la violation de droits constitutionnels (art. 269 PPF).
Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste, la Cour de cassation est liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).
La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions devant être interprétées à la lumière de leur motivation (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités), le recourant a circonscrit les points litigieux.
2.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 63 CP.
a) Aux termes de l'article 63 CP, le juge fixera la peine d'après la culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui de la gravité de la faute; le juge doit prendre en considération, en premier lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le résultat de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution et, du point de vue subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de décision dont disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et partant sa faute (ATF 122 IV 241 consid. 1a p. 243 et les arrêts cités).
Ces principes s'appliquent aussi en matière d'infractions à la LStup. La quotité de la peine doit donc être fixée en fonction de la gravité de la faute imputable à l'auteur et non du danger que représente la drogue sur laquelle a porté le trafic. Ce danger est certes l'un des éléments pertinents pour apprécier la gravité de la faute, mais qui est à estimer conjointement avec les autres, sans revêtir une importance prépondérante.
La quantité de drogue en jeu et, le cas échéant, la pureté de celle-ci est d'autant moins déterminante que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. De même, cet élément perd de l'importance lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Lorsque l'auteur n'a pas voulu fournir une drogue particulièrement pure ou particulièrement diluée, la question du taux de pureté exact et, partant, la quantité exacte de drogue pure concernée ne joue pas de rôle pour apprécier la gravité de la faute (ATF 122 IV 299 consid. 2c p. 301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196).
L'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée et exhaustive les éléments qui doivent être pris en considération, ni les conséquences exactes qu'il faut en tirer quant à la fixation de la peine; il confère donc au juge un large pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral, qui n'interroge pas lui-même les accusés ou les témoins et qui n'établit pas les faits, est mal placé pour apprécier l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser la peine; son rôle est au contraire d'interpréter le droit fédéral et de dégager des critères et des notions qui ont une valeur générale. Il n'a donc pas à substituer sa propre appréciation à celle du juge de répression ni à ramener à une sorte de moyenne toute peine qui s'en écarterait.
Il ne peut intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que si ce dernier a fait un usage vraiment insoutenable de la marge de manoeuvre que lui accorde le droit fédéral (ATF 124 IV 44 consid. 2d p. 47; 123 IV 150 consid. 2a p. 152/153 et les arrêts cités).
b) Pour fixer la peine, le Tribunal correctionnel, auquel s'est référée la Cour de cassation cantonale, a en particulier relevé que le recourant avait mené une vie honorable durant trente-huit ans, que sa "dérive" de six mois était due notamment à ses problèmes conjugaux, à la perte de son travail et à ses conditions de vie précaires, qu'il avait été quelque peu pris au dépourvu par la quantité de drogue transportée par ses compagnons, qu'il regrettait les faits et que son repentir était sincère.
Le tribunal a opposé à ces éléments favorables que le recourant n'était pas aussi naïf qu'il voulait le faire croire, qu'il avait eu tout loisir de se retirer du trafic à plusieurs reprises mais que l'appât du gain avait été trop fort, qu'il n'avait pas mis à profit les dix-huit mois depuis sa libération préventive pour se réadapter aux conditions du marché du travail et retrouver un emploi stable, qu'il dépendait toujours de l'aide sociale et qu'il n'avait pas su prendre ses responsabilités sur le plan professionnel. Le tribunal a également tenu compte du concours d'infractions (cf. jugement de première instance, p. 20/21).
c) aa) Tout en excluant se prévaloir d'une violation de ses droits fondamentaux ou de la circonstance atténuante prévue à l'art. 64 avant-dernier alinéa CP, le recourant évoque la durée de la procédure et son comportement durant cette période, soulignant qu'il a vécu sans commettre d'infraction et qu'il a retrouvé un emploi depuis décembre 2000. Sur ce dernier point, le recourant introduit un fait nouveau, ce qui n'est pas admissible dans un pourvoi (art. 273 al. 1 let. b PPF). Qu'il n'ait par ailleurs pas commis une nouvelle infraction n'a rien de méritoire dès lors qu'un comportement conforme au droit correspond à ce que l'on doit pouvoir attendre de tout un chacun.
bb) En termes généraux, le recourant affirme que la Cour de cassation cantonale ne se serait pas livrée à une appréciation globale du cas. Dans la mesure où il critique ainsi le pouvoir d'examen de la Cour de cassation cantonale par rapport à l'autorité de première instance, il s'en prend à la procédure vaudoise, ce qu'il n'est pas habilité à faire dans un pourvoi (art. 269 PPF). Pour le reste, sa motivation ne respecte pas les exigences minimales de l'art. 273 al. 1 let. b PPF en la matière.
cc) Le recourant prétend que l'autorité n'a pas tenu compte des cent dix jours de détention préventive subis, que les buts auxquels tend l'exécution de la peine sont pour lui déjà largement atteints et qu'ainsi la peine prononcée, qui implique qu'il doive retourner en détention, ne se justifie pas.
La détention préventive et l'exécution d'une peine privative de liberté visent des buts distincts (ATF 124 I 170 consid. 2e p. 173). La mise en liberté provisoire lorsque la détention préventive ne se justifie plus, en l'espèce après cent dix jours, ne saurait en principe avoir pour conséquence que l'autorité de jugement fixe une peine ne correspondant plus à la culpabilité de l'auteur.
Que la peine infligée implique le cas échéant un retour en détention pour l'exécution du solde de la peine après imputation de la détention préventive (art. 69 CP) relève de la logique du système.
dd) L'autorité cantonale n'aurait pas tenu compte de certains aspects relatifs à la situation personnelle du recourant. Aucun des éléments évoqués n'a cependant été omis. Savoir quel poids il fallait leur accorder est une question qui dépend du large pouvoir d'appréciation du juge de répression.
ee) Le recourant conteste encore la pertinence des considérations d'ordre professionnel émises à son sujet.
Le Tribunal correctionnel a effectivement observé au stade de la fixation de la peine que le recourant n'avait pas mis à profit les dix-huit mois depuis sa libération préventive pour se réadapter aux conditions du marché du travail et retrouver un emploi stable, qu'il dépendait toujours de l'aide sociale et qu'il n'avait pas su prendre ses responsabilités sur le plan professionnel (cf. jugement de première instance, p. 21). La Cour de cassation cantonale n'a pas mis en cause cette appréciation puisqu'elle a relevé que le Tribunal correctionnel avait tenu compte de l'ensemble des éléments pertinents (cf. arrêt attaqué, p. 19).
A propos de la situation de l'auteur au moment du jugement, le juge doit tenir compte, en fixant la peine selon les principes de l'art. 63 CP, de la prise de conscience par celui-ci de sa faute et de sa volonté de s'amender. Le fait que le délinquant ait repris pied dans le monde du travail peut être un élément en ce sens (cf.
ATF 118 IV 342 consid. 2e in fine p. 349). En revanche, l'évolution de la situation professionnelle du délinquant depuis l'infraction ne saurait constituer un critère autonome et pertinent pour apprécier sa faute dans le cadre de l'art. 63 CP. En l'espèce, selon la motivation adoptée par le Tribunal correctionnel et confirmée par la Cour de cassation cantonale, il est reproché au recourant de n'avoir pas retrouvé un emploi stable, de dépendre de l'assistance sociale et de n'avoir pas su prendre ses responsabilités professionnelles. Le Tribunal correctionnel n'a pas vu en cela un indice de l'absence d'amendement du recourant puisqu'il a par ailleurs admis que celui-ci regrettait les faits et que son repentir était sincère (cf. jugement de première instance, p. 20 in fine). La situation professionnelle du recourant a donc été appréciée pour elle-même dans un sens aggravant. De la sorte, l'autorité cantonale s'est fondée sur un critère étranger à l'art. 63 CP pour fixer la peine et a en conséquence violé le droit fédéral.
3.- Le pourvoi sera donc partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle fixation de la peine.
Le pourvoi n'étant que partiellement admis, le recourant sera condamné à un émolument réduit de 500 francs (art. 278 al. 1 PPF). Celui-ci sera compensé par l'indemnité de 1'000 francs allouée à titre de dépens (art. 278 al. 3 PPF). Par conséquent, l'indemnité versée au recourant se montera à 500 francs.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Admet partiellement le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.
3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 500 francs à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.
__________
Lausanne, le 21 août 2001
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,