[AZA 0/2]
5P.216/2001
IIe COUR CIVILE
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30 août 2001
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Fellay.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
X.________ ,
contre
l'arrêt rendu le 18 mai 2001 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose le recourant à Y.________ , représentée par Me Henri Leu, avocat à Genève, et l' Etat de G e n è v e , Chambre destutelles , représenté par Me Michel Bergmann, avocat à Genève;
(art. 9 Cst. ; responsabilité du curateur)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Z.________ est décédé le 10 juin 1989 à Genève, en laissant pour héritiers son épouse A.________ et ses deux enfants X.________ (ci-après: le recourant), né en 1976 et B.________ né en 1980. Vu le conflit potentiel entre ces derniers et leur mère, la Chambre des tutelles du canton de Genève a désigné Y.________ en qualité de curatrice chargée de représenter les enfants dans la liquidation de la succession en application de l'art. 392 ch. 2 CC.
Le défunt était copropriétaire avec son épouse, chacun pour la moitié, d'un immeuble sis à Thônex, estimé fiscalement à 1'100'000 fr. Il avait en outre conclu deux assurances vie, l'une en faveur de ses enfants, qui a donné lieu au versement d'une somme de 201'838 fr. 10, l'autre en faveur de son épouse, d'un montant de 250'000 fr. Enfin, son fonds de prévoyance a versé un capital décès de 400'000 fr., qui devait se répartir entre l'épouse pour moitié et les enfants à raison d'un quart chacun. Au total, la succession présentait un actif de 2'010'139 fr. 05 et un passif de 1'104'823 fr. 05.
La curatrice a approuvé l'inventaire en date du 27 avril 1990 avec l'accord de la Chambre des tutelles. Le 10 juillet 1990, celle-ci a autorisé la curatrice, pour le compte des pupilles, à accepter la succession du défunt. Il résultait en effet des documents en possession de la justice de paix que la succession était active. L'immeuble de Thônex, malgré son estimation fiscale à 1'100'000 fr. et son évaluation à 1'120'000 fr. par les architectes C.________ et D.________ en octobre 1991, n'a pu être vendu qu'en mars 1997 pour le prix de 800'000 fr.
L'acte de partage a été signé en avril 1999. Le recourant a ensuite déclaré avoir été contraint par sa mère de signer, sans toutefois invalider l'acte. A la même époque, il a signé avec sa mère une convention réglant leurs comptes internes, selon laquelle il avait touché d'elle la somme de 39'156 fr.
B.- Le 29 octobre 1997, le recourant a formé devant le Tribunal de première instance de Genève une demande en paiement contre l'Etat de Genève et la curatrice pour un montant en capital de 400'000 fr. au minimum, montant qu'il a ensuite réduit à 161'863 fr. 05 ou 174'032 fr. 55. Selon lui, l'immeuble n'avait pas été vendu immédiatement et avait perdu de la valeur; la curatrice aurait dû mettre en garde la mère à propos de cette perte de valeur, eu égard aux droits des enfants. En outre, les montants provenant des assurances avaient été laissés en mains de la mère, sans contrôle; de plus, ils avaient été portés pour leur valeur entière dans la succession en dépit de l'art. 476 CC; sans les assurances, la succession aurait présenté un actif net de 48'677 fr. 90, ce qui aurait dû inciter la curatrice à la répudier.
La curatrice a contesté toute responsabilité et tout dommage. Elle a fait valoir notamment que la curatelle instaurée était une curatelle de représentation, et non pas de gestion. S'agissant des sommes d'assurance, elles avaient été versées à la mère en sa qualité de détentrice de l'autorité parentale, à charge pour elle de pourvoir à leur administration; elles avaient fait l'objet de placements et avaient été représentées dans le partage.
L'Etat de Genève a contesté sa légitimation passive:
tant que la responsabilité des organes de tutelle n'était pas rapportée et que le dommage non couvert par ceux-ci n'était pas établi, il ne pouvait pas être recherché en responsabilité; la demande formée à son encontre était donc prématurée.
Débouté par le tribunal de première instance, le demandeur a interjeté appel auprès de la Cour de justice du canton de Genève. Par arrêt du 18 mai 2001, celle-ci a rejeté l'appel et confirmé le jugement de première instance.
C.- Par actes du 22 juin 2001, le demandeur a formé simultanément un recours de droit public et un recours en réforme contre l'arrêt de la Cour de justice. Dans son recours de droit public, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué pour arbitraire dans l'appréciation des preuves. Il se plaint également d'une violation de son droit d'être entendu. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Une réponse n'a pas été requise.
Considérant en droit :
1.- a) Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours est en principe recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ. Il l'est aussi du chef de l'art. 84 al 2 OJ, l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne pouvant être critiquée que par la voie du recours de droit public pour arbitraire.
b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public est de nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 I 104 consid. 1b et les références). Les conclusions du recourant qui sortent de ce cadre sont donc irrecevables.
2.- a) Une décision est arbitraire, selon la jurisprudence relative à l'art. 9 Cst. (ATF 126 I 168 consid. 3a et les références), lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain.
Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable, encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ibid.).
Cela vaut notamment en ce qui concerne l'appréciation des preuves. Dans ce domaine, le Tribunal fédéral reconnaît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid. 1b). Il n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst. , que si l'autorité cantonale abuse de ce pouvoir, en particulier lorsqu'elle a admis ou nié un fait en se mettant en contradiction évidente avec les pièces du dossier ou en interprétant celles-ci d'une manière insoutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b), lorsqu'elle a méconnu des preuves pertinentes ou s'est fondée exclusivement sur une partie des moyens de preuve (ATF 118 Ia 28 consid. 1b; 112 Ia 369 consid. 3), ou lorsque des constatations de fait reposent sur une inadvertance manifeste ou sont pour quelque autre raison évidemment fausses et donc arbitraires (ATF 116 Ia 85 consid. 2b; 101 Ia 298 consid. 5; 98 Ia 140 consid. 3a).
Toutefois, en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, celui qui forme un recours pour arbitraire ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel, où l'autorité de recours revoit librement l'application du droit (ATF 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a; 107 Ia 186 et la jurisprudence citée). En particulier, il ne peut se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise et une indication exacte des pièces ou des autres moyens de preuve du dossier, que la décision attaquée repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 120 Ia 369 consid. 3a; 86 I 226).
b) En l'espèce, le recourant procède par simples affirmations et se borne à alléguer de façon toute générale le caractère arbitraire de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la Cour de justice, comme si le Tribunal fédéral pouvait revoir librement l'arrêt attaqué. Dans ces conditions, le recours est manifestement irrecevable.
Il est vrai que le recourant semble faire grief à l'autorité cantonale d'avoir ignoré l'existence d'une charge hypothécaire égale à 90% de l'évaluation du bien immobilier, ce qui aurait dû inciter la curatrice à évaluer les risques d'une acceptation de la succession et, en fin de compte, à la répudier; mais ce grief se confond plutôt avec celui d'application arbitraire du droit fédéral. Or, un tel grief doit être soulevé par la voie du recours en réforme; il est irrecevable dans le cadre du présent recours de droit public.
3.- A l'appui de son grief de violation du droit d'être entendu, le recourant reproche aux juges cantonaux de n'avoir rien dit à propos de sa condamnation aux dépens en première instance, alors que celle-ci était attaquée pour arbitraire, eu égard à ses ressources et aux positions des parties adverses.
a) La décision sur le montant à reconnaître à titre de dépens n'a en principe pas à être motivée, le juge étant en effet en mesure de se rendre compte de la nature et de l'ampleur des opérations que le procès a nécessitées. Lorsqu'il existe un tarif ou une règle légale fixant des minima et des maxima, le juge ne doit motiver sa décision que s'il sort de ces limites, ou si des éléments extraordinaires sont invoqués par la partie. L'exigence d'une motivation dans le domaine de la fixation des dépens, posée de manière générale, risquerait bien d'aboutir à des formules stéréotypées qui ne différeraient guère de l'absence de motivation. Le Tribunal fédéral ne motive d'ailleurs pas, en principe, ses décisions en cette matière pour les causes qui sont portées devant lui (ATF 111 Ia 1).
b) Le tribunal de première instance a retenu que le demandeur, qui succombait entièrement, devait verser aux parties adverses des dépens comprenant une équitable indemnité à titre de participation aux honoraires de chacun de leurs conseils.
Lors même qu'il savait que le montant des dépens relevait de l'appréciation du juge, dont la décision ne serait revue qu'en cas d'arbitraire, le recourant a demandé dans son appel une réduction de l'indemnité totale de 12'000 fr.
(6'000 fr. pour chaque partie), afin de tenir compte de ses ressources et de la position financière nettement plus enviable des parties adverses. L'arrêt attaqué ne dit rien sur ce grief.
c) Dès lors que les critères invoqués par le recourant n'entraient pas nécessairement dans ceux qui servent à fixer l'indemnité de procédure selon la loi (art. 181 al. 3 LPC gen.) et que les indemnités mises à sa charge étaient raisonnables, l'arrêt attaqué pouvait confirmer la décision de première instance sans autre motivation sur ce point, et donc sans violer le droit d'être entendu du recourant. Par ailleurs, comme ce dernier l'a lui-même exposé dans son appel en s'appuyant sur un commentaire de la loi cantonale (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile, n. 4 ad art. 181), la décision sur les dépens ne peut être revue qu'en cas d'arbitraire; or, les critères invoqués par le recourant, qui n'étaient même pas prévus par la loi, ne pouvaient en tout état de cause motiver un grief d'arbitraire.
4.- Il résulte de ce qui précède que le recours est irrecevable.
Faute de chance de succès (art. 152 OJ), la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Déclare le recours irrecevable.
2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.
3. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 1'000 fr.
4. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 30 août 2001 FYC/vlc
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,