[AZA 1/2]
1P.377/2001
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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4 septembre 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud,
Catenazzi, Favre, et Mme Pont Veuthey, juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
le Parti socialiste fribourgeois, représenté par sa présidente Liliane Chappuis, à Fribourg, et Claude Vaucher, à Corminboeuf,
contre
l'arrêté rendu le 15 mai 2001 par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg;
(droits politiques; message relatif à un référendum)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 19 octobre 2000, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté la loi sur le statut des entreprises électriques fribourgeoises (EEF) et de leur caisse de pensions.
Celle-ci prévoit notamment la transformation des EEF en société anonyme de droit privé, avec actionnariat majoritaire de l'Etat. Le référendum lancé contre cette loi ayant abouti, la votation populaire a été fixée au 10 juin 2001, l'électorat devant simultanément se prononcer sur le crédit relatif à la construction de la route d'évitement de Bulle-La Tour-de-Trême/A189.
B.- Le 4 mai 2001, le Parti socialiste fribourgeois (PSF) et Claude Vaucher ont adressé une réclamation au Conseil d'Etat contre la publication du fascicule contenant le message de cette autorité. Celui-ci était, selon eux, rédigé de manière partiale; il comprenait douze pages, illustrées de photos sous-titrées, alors que les arguments du comité référendaire ne figuraient que sur une seule page, sans photos ni espaces. Le texte constituait une propagande partiale, alléguant les faits sans les prouver et détournant de manière déloyale les arguments du comité référendaire en les faisant passer pour absurdes, impossibles ou dangereux. Le fascicule était en outre inutilement coûteux, au regard du principe de la proportionnalité. L'adresse Internet des EEF n'avait pas à y figurer. Le Conseil d'Etat était requis d'interrompre immédiatement la distribution du fascicule litigieux, respectivement de le retirer.
C.- Par arrêté du 15 mai 2001, après avoir accordé l'effet suspensif le 8 mai précédent, le Conseil d'Etat a rejeté la réclamation. L'autorité pouvait adresser un message explicatif, sans être tenue à la neutralité. Elle pouvait engager des fonds publics proportionnés. En l'occurrence, les coûts d'élaboration et d'impression du fascicule s'élevaient à 52'000 fr., et on pouvait estimer la part se rapportant à la votation sur les EEF à 32'000 fr., alors que les neuf brochures émises lors des précédentes votations avaient coûté en moyenne 34'000 fr. Sa présentation n'était pas particulièrement luxueuse. La loi ne prévoyait pas d'exposer les arguments des référendaires dans le message de l'autorité, mais l'usage était de permettre à ceux-là de les formuler sur une page de format A4. En l'espèce, le texte remis par le comité référendaire dépassait ces limites, puisqu'il comportait 3785 caractères, mais avait été publié tel quel. Les motifs du Conseil d'Etat comportaient 12911 caractères, ce qui représentait une proportion de 3,41 à 1; il n'y avait pas de disproportion évidente. Le message ne contenait pas d'indications fallacieuses ou tendancieuses.
D.- Par acte du 2 juin 2001, le PSF et Claude Vaucher forment un recours de droit public contre cet arrêté, dont ils requièrent l'annulation. Par acte séparé, ils ont requis des mesures provisionnelles urgentes tendant à l'octroi de l'effet suspensif, à l'annulation de la votation du 10 juin 2001 et à l'arrêt de la distribution, respectivement au retrait de la brochure litigieuse.
Par ordonnance présidentielle du 5 juin 2001, la demande de mesures provisionnelles a été rejetée, l'admission du recours pouvant conduire à l'annulation de la votation.
Le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les recourants ont répliqué.
Le 10 juin 2001, les électeurs fribourgeois ont accepté, par 37901 voix contre 25771, la loi sur le statut des EEF. Ce résultat a été publié dans la feuille des avis officiels du 15 juin suivant, avec l'indication que les recours ayant trait à la validité de cette votation devaient être adressés au Conseil d'Etat, à l'intention du Grand Conseil, dans le délai de dix jours.
Considérant en droit :
1.- a) Aux termes de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des recours concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient les dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la matière. Au niveau cantonal, les droits politiques protégés selon l'art. 85 let. a OJ sont constitués par l'ensemble des droits que confèrent aux citoyens les dispositions constitutionnelles ou législatives qui définissent les conditions et modalités de l'exercice des droits politiques ou en précisent le contenu ou l'étendue. En outre, selon les règles et les principes généraux que la jurisprudence du Tribunal fédéral a développés, tout citoyen a la faculté d'exiger qu'aucun résultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne traduit pas d'une manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral (ATF 118 Ia 259 consid. 3, 117 Ia 66, 116 Ia 466 consid. 4, 113 Ia 156 consid. 2a et les arrêts cités).
b) Le recours est en l'espèce dirigé non pas contre la votation elle-même, mais contre l'acte préparatoire que constitue la distribution aux citoyens du message de l'autorité.
Les recourants concluent à l'annulation de l'arrêté du Conseil d'Etat, qui se prononçait sur une demande tendant à empêcher la distribution de ce message. Le Conseil d'Etat soutient que les recourants ne s'en prennent pas au résultat de la votation, et n'en demandent pas l'annulation; ils n'ont pas non plus recouru contre celle-ci dans le délai imparti.
Il n'y aurait dès lors plus d'intérêt actuel et pratique à l'admission du recours, de sorte que celui-ci serait irrecevable.
Cette opinion ne peut être partagée. Le recours étant dirigé contre une opération préparatoire, les recourants ne pouvaient évidemment conclure à l'annulation de la votation. Il en va autrement dès lors que celle-ci a eu lieu, la loi ayant par ailleurs été acceptée. Le vice dont se plaignent les recourants est de ceux qui pourraient entraîner, après coup, une annulation de la votation, et on ne saurait exiger des recourants qu'ils attaquent également le résultat de la votation (ATF 113 Ia 46 consid. 1c p. 50, 105 Ia 150).
L'ordonnance du 5 juin 2001 considère ainsi que le Tribunal fédéral pourrait, en cas d'admission du recours, annuler le scrutin. Le recours conserve dès lors un intérêt.
c) La qualité pour recourir en matière de votations et d'élections appartient à toute personne à laquelle la législation cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à l'élection ou à la votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 121 I 138 consid. 1, 357 consid. 2a; 119 Ia 167 consid. 1d p. 171 et les arrêts cités). Citoyen actif dans le canton de Fribourg, Claude Vaucher a qualité pour recourir. La jurisprudence reconnaît également la qualité pour recourir pour violation du droit de vote aux partis politiques et aux organisations à caractère politique formées pour l'occasion, à la condition qu'ils exercent leur activité dans la collectivité publique concernée par l'élection ou la votation en cause et qu'ils soient constitués en personne morale (ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337; 115 Ia 148 consid. 1b p. 153; 114 Ia 267 consid. 1c p. 270; 112 Ia 208 consid. 1a p. 211 et les arrêts cités). Le recours de droit public est donc également recevable en tant qu'il émane du PSF.
2.- Pour l'essentiel, les recourants reprennent les arguments soumis au Conseil d'Etat. Dans la brochure incriminée, le Conseil d'Etat s'exprimait sur douze pages, illustrées de nombreuses photographies et de sous-titres, dans des écritures de caractères différents, l'argumentation des référendaires étant limitée à une seule page, en petits caractères, sans espaces ni photographies. Cette disproportion, particulièrement évidente, engendrerait un déficit informatif.
Les arguments des référendaires, qui ne figurent même pas dans le sommaire, seraient totalement étouffés, voire tournés en dérision. Les recourants évoquent l'art. 11 al. 2 de la loi fédérale sur les droits politiques (LDP, RS 161. 1), qui exige un message court et objectif; le message en cause ne remplirait aucune de ces conditions, et constituerait une propagande partiale, contenant des informations fausses, présentant la transformation des EEF en S.A. comme la seule possibilité de préserver des emplois alors que, selon les recourants, une société de droit public représenterait une alternative sérieuse. En prétendant (p. 17) que les EEF sont un fleuron de l'économie fribourgeoise, et que les autorités et le peuple "entendent bien qu'elles le restent", le message ferait croire que les intentions des référendaires seraient opposées; il serait aussi affirmé, faussement selon les recourants, que l'interruption des réformes déjà accomplies détruirait les perspectives d'avenir des 750 collaborateurs et 105 apprentis des EEF. La référence à l'adresse Internet des EEF n'aurait pas sa place dans un tel message, dès lors que le site pourrait contenir des informations non contrôlées.
Les recourants persistent à tenir la brochure pour exagérément coûteuse. Son prix effectif global était de 52'000 fr., soit un montant nettement supérieur à la moyenne de 34'000 fr. pour les votations précédentes. Sa présentation était beaucoup plus luxueuse que les précédentes brochures; la présence de photographies, destinées à accroître l'attrait du texte, n'était pas justifiée par l'objet de la votation. Le fascicule se rapprocherait ainsi d'avantage d'un prospectus publicitaire que d'une information objective.
3.- Le résultat d'une consultation populaire peut notamment être vicié lorsque l'autorité donne, dans un message officiel relatif à une votation, une image inexacte du but et de la portée de celle-ci et qu'elle viole ainsi son devoir de présenter une information objective. Des rapports explicatifs ou recommandations de vote sont néanmoins, en soi, admissibles (G. Steinmann, Interventionen des Gemeinwesens im Wahl- und Abstimmungskampf, AJP/PJA 3/96 p. 255-269, 260). On ne saurait retenir une atteinte à la liberté de vote lorsqu'un tel message officiel contient un avis relatif à des questions d'appréciation, car il appartient en définitive à l'électeur de se faire lui-même sa propre opinion sur de telles questions.
L'idée selon laquelle la volonté démocratique doit se former à l'abri de toute influence étatique ne correspond guère à la réalité: une information active de la population fait partie des tâches du gouvernement, et celui-ci doit pouvoir, comme tous les intéressés, participer au débat politique en apportant tous les arguments permettant de trouver la solution politique la plus juste, et cela non seulement par une information objective, mais aussi au moyen de jugements de valeur. Il s'agit également pour l'Etat de contrebalancer, dans une certaine mesure, les prises de position souvent unilatérales des groupes de pressions influents de la société civile (P. Mahon, L'information par les autorités, ZSR 118/1999 II p. 199-352, qui défend un droit d'intervention plus large de l'autorité, p. 243/244). Il est actuellement admis que l'autorité compétente recommande au peuple d'accepter le projet qu'elle lui soumet et qu'elle lui adresse un message explicatif, tandis qu'une intervention plus importante dans le débat ne se justifie qu'exceptionnellement et doit répondre à des motifs pertinents. Les interventions qui faussent le débat en raison de la supériorité de l'autorité par rapport aux autres participants à la campagne, sont en tout cas inadmissibles (ibid.).
L'autorité doit en principe se borner à une information objective - mais elle n'est pas tenue à la neutralité (ATF 117 Ia 41 p. 46) - et s'abstenir de toute assertion fallacieuse sur le but et la portée du projet. Elle attente au droit de vote si elle s'écarte de ses devoirs de retenue et d'objectivité, si elle intervient en violation de prescriptions destinées à garantir la liberté des électeurs ou si elle influence l'opinion par d'autres procédés condamnables (même arrêt; Pra 2000 23 123). En particulier, son intervention est contraire au droit de vote lorsqu'elle s'accomplit de façon occulte ou que les fonds dépensés pour elle sont disproportionnés ou engagés irrégulièrement (ATF 114 Ia 427 p. 444 consid. b et c).
4.- a) Les recourants se plaignent essentiellement de la disproportion qui existerait entre le texte officiel à l'appui de la loi et la place réservée à l'argumentation des opposants. Il perdent de vue que le message explicatif que l'autorité peut adresser aux citoyens ne doit pas forcément contenir un argumentaire rédigé par les opposants et présenté de façon distincte. Cette faculté, consacrée par l'usage, n'est pas imposée par la loi cantonale sur les droits politiques; la loi fédérale (art. 11 al. 2 LDP) impose au Conseil fédéral de reprendre les arguments du comité d'initiative ou du comité référendaire, mais ne précise pas dans quelle forme.
Il peut ainsi s'agir d'un exposé séparé, mais rien n'empêche que ces arguments soient intégrés dans le texte de présentation de l'autorité, par de simples références. Ainsi, le droit à un exposé distinct dans le message officiel ne découle pas du droit constitutionnel (cf. Gion-Andri Decurtins, Die rechtliche Stellung der Behörde im Abstimmungskampf, thèse Fribourg 1992, p. 160). Par conséquent, l'argumentation relative à l'ampleur des arguments respectifs de l'autorité et des opposants tombe à faux.
b) Les recourants semblent également exiger une neutralité complète à laquelle l'autorité n'est pas tenue. Celle-ci doit, comme cela est rappelé ci-dessus, demeurer objective quant à l'objet du vote, sans tenter d'influencer l'électorat par des affirmations fallacieuses. Elle est en revanche libre d'étayer ses recommandations en évoquant les conséquences prévisibles de l'issue de la votation, dans un sens ou dans un autre. Ce faisant, elle ne doit toutefois pas faire passer de simples opinions pour des données objectives.
c) Le message (pp. 17-28 de la brochure), commence par exposer l'objet de la votation, soit la transformation d'un établissement de droit public en société anonyme de droit privé; après avoir été accepté par le Grand Conseil fribourgeois, par 69 voix contre 27, le projet de loi a fait l'objet d'un référendum. Dès la première page du message, il est fait référence aux arguments des référendaires - quant au caractère inéluctable de l'ouverture du marché - et à leur exposé, qui figure en page 27.
Selon le message, la forme de la S.A. conviendrait le mieux aux partenariats par échanges d'actions; il ne s'agit pas d'une privatisation, puisque l'Etat demeure actionnaire majoritaire. Il est mentionné que les opposants préconisent un statut de S.A. de droit public, régi par une loi spéciale, mais que ce statut ne présenterait pas la souplesse nécessaire puisqu'il ne favorise pas les échanges d'actions, l'Etat étant au surplus responsable solidaire, avec les risques que cela implique. Le message reprend ensuite ces arguments dans le détail. Il insiste sur la libéralisation du marché, la nécessité de donner aux EEF les mêmes facultés d'adaptation que ses concurrents (pp. 19/20), puis - en faisant référence à l'argumentaire des opposants, p. 21 - sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une privatisation, puisque l'Etat reste majoritaire et qu'une véritable privatisation serait soumise au Grand Conseil, puis au référendum; en page 22, le message examine la proposition des opposants de créer une S.A. de droit public, et rappelle les inconvénients déjà évoqués. Il est ensuite expliqué (p. 23) que les accords de partenariat ont déjà été conclus et que la transformation préconisée permettrait de les finaliser, faute de quoi l'avenir des 750 collaborateurs et 105 apprentis des EEF serait compromis. La qualité du service public ne changera pas (p. 24). Le message relève ensuite que les EEF sont estimées à 550 millions de fr. (et non 1 milliard comme le prétendent les opposants, p. 25), et expose la stratégie consistant à utiliser 10 à 15% du capital-actions pour sceller les partenariats, le solde, aliénable à concurrence de 51%, permettant de nouvelles alliances. Le patrimoine resterait dès lors en mains fribourgeoises. Ces possibilités d'alliances devraient permettre un approvisionnement à meilleur compte, en faveur du consommateur (p. 26). Le message reprend ensuite (p. 27) un argument des opposants selon lequel une S.A. tendrait à satisfaire prioritairement ses actionnaires, et réaffirme que l'actionnariat restera en mains fribourgeoises.
Le message expose enfin que le maintien du statut actuel empêcherait le développement des EEF, mettant en péril les emplois (p. 28).
Les arguments des opposants, exposés en page 29 du fascicule, partent des prémisses identiques, soit la qualité du service public actuel, et la nécessité de regroupements en vue de l'ouverture des marchés. Ils diffèrent en revanche sur les conséquences de la création d'une S.A. de droit privé: la rentabilité et le profit deviendraient l'objectif principal, au préjudice du service public, et les conditions de travail seraient sacrifiées. La S.A. de droit public permettrait le maintien du contrôle de la collectivité.
d) En dépit de la disproportion évidente qui existe entre la présentation des arguments du Conseil d'Etat et ceux du comité référendaire, il n'apparaît pas que l'exposé de l'autorité sur l'objet de la votation soit véritablement tendancieux.
Le message contient plusieurs références à l'argumentation principale des opposants, soit essentiellement la perte de contrôle de la collectivité publique, la dégradation des prestations et des conditions de travail. Il ne cache pas l'alternative proposée, soit la création d'une S.A. de droit public, et en évalue les inconvénients, restant dans le cadre de ce qui est encore admissible s'agissant de questions d'appréciation (ATF 106 Ia 197). On ne saurait par conséquent prétendre que les arguments des référendaires ont été simplement ignorés, ni même, comme le soutiennent les recourants, minimisés ou présentés comme absurdes.
e) Les recourants soutiennent que certains passages du message seraient tendancieux: affirmer (p. 17) que les autorités et le peuple désireraient que les EEF restent un fleuron de l'économie cantonale laisserait entendre que le but des référendaires serait différent. On peut toutefois comprendre une telle affirmation de manière plus générale, au regard du but poursuivi par le projet de loi. L'affirmation selon laquelle "adapter la forme juridique signifie passer d'un établissement de droit public à une SA de droit privé" (titre de la p. 18) ne fait que rappeler l'objet même de la loi, sans forcément faire passer ce moyen comme la seule solution possible. La nécessité d'achever les réformes déjà accomplies (p. 23) correspond à une réalité objective, puisque des partenariats ont effectivement déjà été conclus. Les recourants soutiennent que, contrairement à ce que prétend le message, il existerait "moult alternatives" aux échanges d'actions. Ils n'en proposent toutefois qu'une seule, soit la création d'une S.A. de droit public, et cette possibilité est dûment mentionnée dans le message. La menace sur les emplois n'apparaît que comme la conséquence de la perte de compétitivité de l'entreprise, si les accords préalables ne peuvent être finalisés.
L'autorité qui soutient un projet de loi doit nécessairement présenter une vision prospective, qui comporte une part d'incertitude. Elle doit exposer les objectifs de la réglementation, et indiquer en quoi elle est propre à les atteindre.
Le message ne va pas au-delà de ce devoir d'information, en indiquant, de manière certes péremptoire, que la réforme proposée permettra d'assurer la compétitivité des EEF.
La publication explicative n'est donc pas critiquable sur le fond.
f) Elle suscite en revanche d'importantes réserves quant à la forme. S'il ne nécessite pas de base légale expresse - quand bien même il est financé par les deniers publics -, le message officiel doit prendre l'aspect habituel des publications administratives (E. Grisel, Initiative et référendum populaire, Traité de la démocratie semi-directe en droit Suisse, 2ème éd., Berne 1997, p. 114 n° 225). Sur ce point également, l'autorité doit faire preuve d'une certaine réserve: le fascicule ne saurait être présenté comme un message publicitaire ou propagandiste.
Le texte du message est divisé en chapitres d'une ou deux pages, qui comportent un titre en gros caractères. Les points importants du message figurent en caractères gras.
Chaque page comprend en outre un commentaire marginal, en caractères gras de type différent, ainsi qu'une photographie assortie d'une légende. Les deux premières pages constituent un résumé du message. Celui-ci insiste à plusieurs reprises sur le fait que le patrimoine des EEF restera en mains fribourgeoises, et que le changement de statut est nécessaire au développement de l'entreprise. Une telle argumentation aurait certes pu être présentée de manière plus concise, mais l'élément le plus critiquable du message reste la présence de photographies qui n'ont aucune valeur explicative et sont assorties de légendes qui se rapprochent parfois de véritables slogans. En particulier, la photographie de la p. 22 montre un signal lumineux rouge, avec la légende: "SA de droit public:
attention danger!". Les autres illustrations sont souvent de simples symboles; elle n'ajoutent rien au contenu du message. Il est également gênant de constater que certaines de ces photographies sont les mêmes que celles qui figurent sur le dépliant du comité "OUI pour l'avenir des EEF". Le caractère purement illustratif de telles photographies et des légendes qui les accompagnent ne saurait toutefois échapper à l'électeur: elles sont situées en bas de page, et la légende est rédigée en petits caractères. Ces illustrations n'ont qu'un caractère accessoire au regard du texte principal, et leur influence sur la formation de la volonté des électeurs ne paraît pas décisive. Si, comme le relèvent les recourants, un texte agrémenté de photographies attire plus facilement l'attention du lecteur, il n'est pas démontré que les illustrations choisies augmenteraient la force de persuasion des arguments proposés.
g) En définitive, en dépit d'une forme discutable sur certains points, le message ne fait qu'étayer le point de vue de la majorité du parlement et du Conseil d'Etat, ce qui n'est pas en soi critiquable. Les opinions exprimées sont dans l'ensemble tenues pour telles, et il n'y a pas d'affirmations tendancieuses susceptibles d'influencer l'électorat de manière déloyale.
h) Les recourants critiquent également le fait que l'adresse Internet des EEF figure sur la première page du message. Ils évoquent, certes avec raison, le risque que des informations non contrôlées figurent à cette adresse, mais ne tentent pas de démontrer concrètement que ce risque se soit réalisé en l'espèce; faute de rendre vraisemblable une influence concrète sur l'électorat, l'argument tombe à faux.
i) La jurisprudence considère qu'il ne suffit pas que le message explicatif présente des lacunes pour que le scrutin soit annulé. Encore faut-il que les irrégularités constatées aient pu influencer de manière décisive le résultat de la votation (ATF 121 I 1 consid. 5b/aa p. 12, 117 Ia 48 consid. 5b; 114 Ia 446 consid. 7a; 113 Ia 302 consid. 4a, 112 Ia 338 consid. 5). Ainsi, lorsque la différence de voix est importante, seules de très graves irrégularités sont susceptibles de remettre en cause la validité du résultat (ATF 113 Ia 291 consid. 4 p. 302). En l'espèce, même si le résultat de la votation constitue un élément de fait intervenu après le dépôt du recours de droit public, il y a lieu d'en tenir compte, puisque le pouvoir de décision du Tribunal fédéral est, comme cela est rappelé ci-dessus, étendu au scrutin lui-même.
La loi sur le statut des EEF a été acceptée par 37901 électeurs contre 25771. La différence représente 19% des bulletins valables. La jurisprudence considère, dans un tel cas, que seuls des vices particulièrement importants peuvent justifier l'annulation du scrutin (cf. H.-R. Arta, Die Rechtsfolgen unzulässiger behördlicher Einflussnahmen auf kantonale und kommunale Wahlen und Abstimmungen, AJP/PJA 3/96 p. 278-285, 283 et les exemples cités). Il eut fallu en l'occurrence que 6065 votants, soit environ 10%, votent différemment pour que l'issue du scrutin se trouve modifiée. Rien ne permet d'admettre que les lacunes relevées ci-dessus aient pu influencer d'une quelconque manière le résultat du scrutin.
5.- Les recourants reprochent également au message d'être trop onéreux et de ne pas respecter le principe de la proportionnalité des coûts. Le Conseil d'Etat a retenu que les douze précédents messages auraient coûté en moyenne 34'000 fr., sans que l'on sache, selon les recourants, comment ce montant a été calculé. Par ailleurs, la brochure litigieuse aurait coûté 52'000 fr., soit 18'000 fr. de plus, sans égard au fait que deux objets étaient soumis à la votation.
Les illustrations étaient inutilement luxueuses.
a) Le Tribunal fédéral n'intervient, en vertu du principe de la proportionnalité, que dans les cas les plus manifestes, comme lors de financements occultes ou illicites, ou lorsque le message officiel se présente comme particulièrement - et inutilement - luxueux (Decurtins, op. cit.
p. 178/179, 187, qui évoque le cas d'une brochure en quatre couleurs sur papier glacé). En dehors de ces cas, et lorsque, comme en l'espèce, il est démontré que le contenu du message n'a pas eu d'influence décisive sur l'issue du scrutin, le Tribunal fédéral doit s'imposer une retenue toute particulière, car seul se trouve en jeu, en définitive, le principe général d'économie de l'administration (op. cit. note 813 p. 179).
b) Or, les explications du Conseil d'Etat font apparaître que les coûts engagés pour la confection du message ne sont pas exagérés. Rien ne permet de mettre en doute l'évaluation à 34'000 fr. des frais de confections (composition, graphisme et impression) des messages officiels pour les précédents objets. On ne voit pas pourquoi les frais d'élaboration du message à l'appui de la révision de la constitution cantonale, qui s'élèvent à 71'000 fr., ne devraient pas être pris en compte dans l'élaboration de cette moyenne. Les recourants relèvent que certaines votations précédentes portaient elles aussi sur plusieurs objets, et qu'il n'en a pas été tenu dans ce calcul. Même si le chiffre de 34'000 fr.
n'est qu'approximatif, il donne une évaluation des sommes dépensées lors des précédentes votations. Le montant de 52'000 fr. est certes sensiblement plus élevé, mais il n'apparaît pas comme disproportionné. Comme le relève le Conseil d'Etat dans sa réponse, les brochures explicatives relatives à trois objets récents (loi sur l'exercice du commerce, Constituante, loi scolaire et EMS), ont coûté respectivement 53'830 fr., 70'000 fr. et 71'804 fr., chiffres que les recourants ne contestent pas en réplique. L'investissement consenti lors de la votation litigieuse se situe en retrait de ces montants, de sorte qu'on ne saurait reprocher à l'autorité d'avoir procédé à une dépense inhabituelle dans ce domaine. Même si, comme cela est relevé ci-dessus, on peut douter de l'utilité des illustrations proposées, le message, dans son ensemble, ne constitue pas une dépense disproportionnée. En l'espèce, le papier utilisé était du papier recyclé, choisi par l'Economat cantonal, et l'usage de la quadrichromie pouvait se justifier par le fait que la même brochure se rapportait également à la votation sur la construction d'une route d'évitement; cet objet justifiait l'insertion de plans, graphiques et montages explicatifs en couleur.
Le grief doit par conséquent être écarté.
6.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Compte tenu de l'objet du litige, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours.
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
3. Communique le présent arrêt en copie aux recourants et au Conseil d'Etat du canton de Fribourg.
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Lausanne, le 4 septembre 2001 KUR/vlc
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,