[AZA 1/2]
1P.126/2001
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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8 octobre 2001
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud
et Favre. Greffier: M. Jomini.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
May Bittel, à Versoix, Michael Bittel, à Céligny, et Patrick Vogt, à Lausanne, tous trois représentés par Me Henri-Philippe Sambuc, avocat à Vessy/Genève,
contre
l'arrêté pris le 8 janvier 2001 par le Conseil d'Etat du canton de Vaud, relatif à la création de trois aires provisoires de stationnement temporaire pour les gens du voyage, le Conseil d'Etat étant représenté par Me Denis Sulliger et Me Minh Son Nguyen, avocats à Vevey;
(aménagement du territoire)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a pris le 8 janvier 2001 un arrêté relatif à la création de trois aires provisoires de stationnement temporaire pour les gens du voyage, dont le texte est le suivant:
Le Conseil d'Etat du canton de Vaud,
vu les articles 5 et 7 de la Constitution
fédérale,
vu l'article 36, alinéa 2 de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
(LAT),
vu l'article 5 de la loi du 4 décembre 1985 sur
l'aménagement du territoire et les constructions,
vu le préavis du Département de la sécurité et
de l'environnement et du Département des infrastructures,
arrête:
Article premier.- Compte tenu du manque avéré
d'aires de stationnement pour les gens du voyage
sur le territoire cantonal, de la récente dégradation
des relations entre la population et les
gens du voyage, ainsi que des risques importants
pour la sécurité publique et pour la propriété qui
en découlent, le Conseil d'Etat prend les dispositions
nécessaires suivantes.
Le présent arrêté a pour objet de permettre à
titre provisoire et urgent la création de trois
aires de stationnement pour les gens du voyage et
d'arrêter à cette fin la procédure y relative.
Art. 2.- Ces trois aires sont réparties sur le
territoire cantonal et localisées de la manière
suivante:
Région Ouest - Parcelle n° 718, située au
lieu-dit "Les Allevays" sur la commune de Saint- Cergue (propriété de la commune de Nyon);
Région Nord - Parcelle n° 33, située au lieu-
dit "En Rozaigue" sur la commune d'Orbe (propriété
de l'Etat de Vaud);
Région Lausanne - Parcelle n° 1042 (ancienne
n° 262), située sur la commune de Cheseaux-sur- Lausanne (propriété de l'Etat de Vaud).
Art. 3.- Les gens du voyage peuvent occuper
ces aires pendant les mois de mars à novembre pour
de courts séjours.
Art. 4.- En dérogation aux procédures ordinaires
prévues par la LATC, les aires de stationnement
mentionnées à l'article 2 peuvent être aménagées
de manière provisoire, sommaire et réversible.
Art. 5.- Le Département de la sécurité et de
l'environnement (DSE) est chargé d'engager les procédures
ordinaires prévues par la LATC afin d'obtenir
une planification adéquate et un permis de
construire pour chacune des trois aires mentionnées
à l'article 2, dans un délai maximal de trois ans à
compter de l'adoption du présent arrêté.
Art. 6.- Comme c'est le cas pour les aires
déjà existantes à Payerne et Rennaz, l'Etat assurera
la gestion de ces nouvelles aires. L'encaissement
des taxes de stationnement sera en principe
effectué par la gendarmerie cantonale vaudoise et
ces taxes tiendront compte des coûts de nettoyage
et/ou de remise en état des lieux.
Art. 7.- Le présent arrêté entre en vigueur
dès son adoption par le Conseil d'Etat. Il prend
fin à l'issue des procédures prévues à l'article 5,
mais au plus tard le 31 décembre 2003.
Art. 8.- Le Département de la sécurité et de
l'environnement et le Département des infrastructures
sont chargés conjointement de son exécution.
L'arrêté a été publié tel quel dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud le 19 janvier 2001.
B.- May Bittel, Michael Bittel et Patrick Vogt, citoyens suisses appartenant à la communauté des gens du voyage suisses, ont remis le 15 février 2001 au Tribunal fédéral un recours de droit public dirigé contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 8 janvier 2001. Leurs conclusions sont les suivantes:
1. Constater que les recourants, membres de la
communauté des Gens du voyage suisses, ont des
droits constitutionnels et des droits résultant de
conventions internationales à voyager et s'arrêter
sur tout le territoire de la Confédération sans
discrimination.
2. Constater en particulier que la création
par le canton de Vaud de places de stationnement
officielles et obligatoires destinées aux Tziganes
étrangers se déplaçant en grand nombre ne peut
avoir pour effet de limiter les droits des recourants
ou de les discriminer.
3. Ordonner en conséquence à l'Etat de Vaud de
respecter ces droits dans l'application de l'arrêté
dont recours.
4. Annuler l'art. 1 al. 1 de l'arrêté dont recours.
5. Annuler l'art. 3 de l'arrêté dont recours.
6. Annuler l'art. 6, 2e phrase, de l'arrêté
dont recours.
7. Condamner l'Etat de Vaud à verser
100'000 fr. à titre de réparation juste et adéquate
au sens de l'art. 6 de la Convention internationale
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, pour la formulation, le but et les
effets discriminatoires de l'arrêté dont recours,
montant à régler au profit de l'association "Action
Sinti et Jenisch suisses" pour ses actions en faveur
des Gens du voyage suisses.
8. Débouter l'Etat de Vaud de toutes autres ou
contraires conclusions.
9. Le condamner en tous les dépens.
Les recourants se plaignent de la violation de divers droits et principes garantis par la Constitution fédérale (art. 5, 8 al. 2, 13, 24, 27 Cst.), par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ( art. 8 et 14 CEDH [RS 0.101]), par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( art. 17 et 27 Pacte ONU II [RS 0.103. 2]), par la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 2 al. 1 de cette Convention [RS 0.104]) et par le droit constitutionnel non écrit (prétendue liberté immémoriale des gens du voyage suisses de voyager et de s'arrêter sur tout le territoire de la Confédération).
Dans sa réponse, le Conseil d'Etat conteste la recevabilité d'une partie des conclusions des recourants (conclusions 1, 2, 3 et 7); il conclut pour le reste au rejet du recours de droit public.
Les recourants, invités à déposer un mémoire complétif après avoir eu connaissance de la motivation présentée par le Conseil d'Etat (cf. art. 93 al. 2 OJ), persistent dans leurs conclusions.
C.- Les recourants ont sollicité d'emblée que des débats soient ordonnés, conformément à l'art. 91 al. 2 OJ.
Les parties ont dès lors été citées à une audience de la Ie Cour de droit public, le 26 septembre 2001, au cours de laquelle elles ont plaidé.
En cours d'instruction, les recourants ont encore requis que la délibération du Tribunal fédéral ait lieu en séance publique.
D.- Les recourants ont demandé à être dispensés de l'obligation de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés (cf. art. 150 al. 1 OJ). Le Président de la Ie Cour de droit public a fait droit à cette requête.
E.- Deux autres recours de droit public ont été formés contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 8 janvier 2001:
l'un par la commune d'Orbe (cause 1P.110/2001) et l'autre par les communes de Gingins et de Trélex (cause 1P.127/2001). Ces recours ont été déclarés irrecevables par des arrêts rendus le 3 avril 2001 (jugements partiels) et le 30 juillet 2001.
Ces derniers ont été communiqués pour information aux actuels recourants.
Considérant en droit :
1.- Conformément à la règle de l'art. 36b OJ, le Tribunal fédéral statue sur le présent recours par voie de circulation.
2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2 p. 201 et les arrêts cités).
a) Les recourants agissent, à l'encontre de l'arrêté du Conseil d'Etat du 8 janvier 2001, par la voie du recours de droit public pour violation de droits constitutionnels des citoyens, au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ. Selon la jurisprudence relative à cette disposition, ce recours n'est recevable que si l'acte attaqué, pris sous la forme d'un arrêté de portée générale ou d'une décision particulière, affecte d'une façon quelconque la situation juridique du justiciable, notamment en lui imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer (ATF 125 I 119 consid. 2a p. 121; 113 Ia 232 consid. 1 p. 234 et les arrêts cités).
b) L'arrêté attaqué est insolite. Comme le Tribunal fédéral l'a relevé dans ses arrêts sur les recours des communes d'Orbe, de Gingins et de Trélex (cf. supra, let. E), il contient différentes mesures, décisions ou prescriptions.
aa) En particulier, son art. 4 équivaut à une autorisation de construire pour l'aménagement immédiat d'une aire de stationnement pour les gens du voyage aux trois emplacements mentionnés à l'art. 2. Ces autorisations - à tout le moins à Orbe (région Nord) et à Saint-Cergue (région Ouest) - doivent satisfaire aux conditions des art. 22 et 24 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) et, en vertu du droit fédéral, une voie de recours auprès d'une autorité judiciaire cantonale doit être ouverte (art. 98a al. 1 OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT). C'est pourquoi, en tant que les recours précités étaient dirigés contre les autorisations d'aménager les aires de stationnement d'Orbe et de Saint-Cergue, les affaires ont été transmises au Tribunal administratif du canton de Vaud (arrêts du 3 avril 2001 dans les causes 1P.110/2001 et 1P.127/2001).
Les actuels recourants ne contestent pas les autorisations de construire délivrées à titre dérogatoire, selon l'art. 4 de l'arrêté attaqué, pour les trois aires de stationnement concernées; ils prétendent du reste qu'ils pourraient choisir d'y séjourner. C'est pourquoi leur recours n'a pas, à l'instar des recours formés par les communes précitées, été partiellement transmis au Tribunal administratif cantonal.
bb) L'arrêté attaqué prévoit par ailleurs, à son art. 5, que les "procédures ordinaires", selon la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC), devront être engagées par l'administration cantonale "afin d'obtenir une planification adéquate et un permis de construire pour chacune des trois aires mentionnées à l'art. 2". L'objectif d'aménagement du territoire est encore décrit dans d'autres dispositions de l'arrêté, notamment aux art. 1er et 3. A ce propos - comme cela a été exposé dans les arrêts du 30 juillet 2001 dans les causes 1P.110/2001 et 1P.127/2001 -, l'arrêté attaqué n'a pas véritablement un caractère général et abstrait, puisqu'il se rapporte à l'utilisation, dans des conditions bien définies, de trois terrains désignés de façon précise.
Il n'est pas évident de définir la portée de cet arrêté au regard des règles du droit fédéral et cantonal de l'aménagement du territoire. Il n'a pas pour objet de créer des zones réservées au sens de l'art. 27 LAT ou de l'art. 46 LATC, dans le périmètre desquelles les communes concernées ne pourraient plus prendre de mesures d'aménagement du territoire susceptibles d'entraver l'établissement de futurs plans d'affectation, et il ne contient pas d'autre disposition qui modifierait d'ores et déjà, de façon immédiate et contraignante, le régime d'utilisation du sol défini par les plans d'affectation communaux en vigueur. Il ne saurait, au surplus, être assimilé à un élément du plan directeur cantonal, car ni son contenu ni sa forme ne correspondent aux définitions légales des art. 6 ss LAT et 25 ss LATC; de ce point de vue, il est donc exclu de lui reconnaître une force obligatoire pour les autorités, par une application analogique de l'art. 9 al. 1 LAT. Dans les arrêts précités du 30 juillet 2001, le Tribunal fédéral a considéré que cet arrêté n'affectait pas les communes recourantes dans leur situation juridique de collectivités compétentes pour l'aménagement de leur territoire; il devait plutôt être interprété comme une directive ou une ordonnance interne, destinée au Département cantonal de la sécurité et de l'environnement (chargé d'engager les procédures ordinaires selon la LATC - art. 5 de l'arrêté), qui ne crée pas d'obligations à la charge des tiers ou des communes (consid. 2c/bb des arrêts du 30 juillet 2001).
c) Dans les arrêts précités, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé spécialement sur la portée des art. 1er, 3 et 6, 2e phrase, de l'arrêté, dont les recourants demandent l'annulation.
aa) Selon les recourants, la formulation de l'art. 1er de l'arrêté serait discriminatoire et contraire aux principes énoncés à l'art. 2 al. 1 let. a de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, parce qu'il assimilerait tous les membres de la communauté des gens du voyage à des délinquants menaçant l'intégrité physique et les biens de la population.
L'art. 1er de l'arrêté attaqué ne contient manifestement aucune règle générale et abstraite affectant la situation juridique des gens du voyage ou d'autres citoyens. Cette disposition, même incluse dans le texte de l'arrêté, a la fonction d'un exposé des motifs, censé justifier l'adoption des "dispositions nécessaires" (cf. art. 1er al. 1 in fine) énoncées aux art. 2 ss de l'arrêté. En d'autres termes, le Conseil d'Etat entend ainsi exposer le contexte et le fondement des mesures d'aménagement du territoire qu'il a adoptées ou prévues (autorisations exceptionnelles selon l'art. 4, planification et autorisations ordinaires ultérieures selon l'art. 5).
Cet exposé des motifs n'est, à l'évidence, pas une synthèse de l'analyse sociale et politique, par les autorités cantonales, de la situation des gens du voyage. En prenant acte d'une "récente dégradation des relations entre la population et les gens du voyage" et en invoquant des risques pour la sécurité des personnes et des biens, le Conseil d'Etat n'a donc pas adopté une ligne politique qui consisterait à considérer les gens du voyage exclusivement comme une menace pour la sécurité et pour la "population" (par quoi on entend manifestement la population résidente ou sédentaire, les gens du voyage formant également un groupe de population, la "population nomade" - cf. art. 1er de la loi fédérale du 7 octobre 1994 concernant la fondation "Assurer l'avenir des gens du voyage suisses" [RS 449. 1]). Quelque discutable que puisse être la formulation de l'art. 1er al. 1 de l'arrêté, elle n'a pas de véritable portée.
bb) Les recourants critiquent l'art. 3 de l'arrêté, qui évoque un temps de stationnement limité à de "courts séjours", pendant une partie de l'année seulement (de mars à novembre). Il s'agirait selon eux de restrictions inadmissibles à la liberté personnelle, à la liberté d'établissement et à la liberté économique des gens du voyage suisses.
Or, cette disposition n'est, elle non plus, pas une règle générale et abstraite affectant la situation juridique des recourants ou d'autres citoyens susceptibles d'utiliser les aires de stationnement. L'arrêté attaqué n'a pas pour objet de réglementer le séjour des gens du voyage - suisses ou étrangers - dans le canton de Vaud, ni même de fixer les conditions d'utilisation des trois aires de stationnement mentionnées à son art. 2. Aussi bien le titre de l'arrêté - "relatif à la création de trois aires provisoires de stationnement temporaire pour les gens du voyage" -, le contenu de son préambule - qui mentionne, outre des principes généraux de la Constitution fédérale (art. 5 Cst. , principes de l'activité de l'Etat régi par le droit; art. 7 Cst. , respect et protection de la dignité humaine), des normes du droit fédéral et cantonal de l'aménagement du territoire (art. 36 al. 2 LAT, art. 5 LATC) - que le texte des différents articles démontrent que l'objectif du Conseil d'Etat était de prendre exclusivement des mesures d'aménagement du territoire, en premier lieu de délivrer des autorisations de construire en dérogation aux règles ordinaires (art. 4 de l'arrêté).
Il ne s'agissait pas de définir, par cet arrêté, les modalités selon lesquelles les aires de stationnement pourraient être utilisées; néanmoins, des indications générales au sujet de la fonction de ces aires figurent dans l'arrêté, notamment à l'art. 3 (période de l'année durant laquelle ces aires devraient être accessibles, compte tenu des habitudes de la population nomade; fonction de places de stationnement temporaire, comme lieu d'étape pendant les périodes de déplacement), afin de préciser quelque peu l'objet des autorisations de construire ou des mesures de planification. Ces indications ne sauraient donc entraîner des restrictions aux droits dont les recourants se prévalent. Cela étant, il est évident que les conditions d'utilisation de ces aires de stationnement doivent faire l'objet d'une réglementation spécifique claire - et nécessairement plus détaillée que l'art. 3 de l'arrêté -, par des normes générales du droit cantonal ou par un règlement ad hoc (conditions d'admission, nombre de caravanes par emplacement, prescriptions détaillées sur la durée de stationnement, etc.); cette réglementation est toutefois indépendante des mesures et décisions prises, dans l'arrêté attaqué, en matière d'aménagement du territoire, et ce n'est pas l'objet de la présente contestation.
Il découle de cette interprétation de l'art. 3 de l'arrêté que l'autorité qui adoptera en temps voulu la réglementation d'utilisation spécifique pour les trois aires de stationnement devra tenir compte des besoins effectifs des utilisateurs, ainsi que des intérêts publics ou privés opposés, mais qu'elle ne sera pas juridiquement liée par les limitations prévues dans cet article (courts séjours, de mars à novembre uniquement). De même, les autorités de recours qui pourraient être appelées à contrôler cette future réglementation, le cas échéant, ou des décisions d'application, pourront revoir la constitutionnalité ou la légalité des restrictions qui seront fixées au sujet des périodes d'utilisation, car il ne pourra pas être objecté aux utilisateurs que les conditions-cadre ont été définitivement réglées dans l'arrêté attaqué. Cette interprétation de l'art. 3 de l'arrêté s'impose d'autant plus que l'art. 7 du même arrêté en prévoit d'ores et déjà la caducité à la fin des procédures d'aménagement du territoire nécessaires à la réalisation des aires de stationnement (mais au plus tard le 1er janvier 2004); après la planification et la mise en service de ces aires, les effets de l'arrêté cesseraient donc de plein droit.
cc) Les recourants critiquent encore l'art. 6, 2e phrase de l'arrêté, qui introduirait un "impôt tzigane illégal" et une "responsabilité collective illégale" des Tziganes.
L'art. 6 de l'arrêté indique que la gestion des aires de stationnement sera du ressort du canton, qui pourra prélever des taxes de stationnement, par le truchement de la gendarmerie; ces taxes "tiendront compte des coûts de nettoyage et/ou de remise en état des lieux". On ne saurait voir dans cette disposition une réglementation directement applicable en matière d'utilisation des aires de stationnement; elle est, de ce point de vue, comparable à l'art. 3 de l'arrêté (cf. supra, consid. 2c/bb). Les taxes de stationnement doivent nécessairement être définies de façon plus précise (à propos des débiteurs, des bases de calcul, des prestations dont la taxe est la contrepartie, etc.), dans une norme distincte.
L'objet de l'arrêté attaqué, limité à des questions d'aménagement du territoire, n'est manifestement pas de fixer d'ores et déjà ces principes et l'art. 6, 2e phrase, doit être interprété comme une simple indication, vague au demeurant, au sujet des conditions d'exploitation des aires de stationnement. Cette disposition a donc des effets analogues à l'art. 3 de l'arrêté (cf. supra, consid. 2c/bb, déjà cité).
d) Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'arrêté attaqué qui sont critiquées par les recourants, ne les affectent pas - en tant qu'utilisateurs potentiels des aires de stationnement ni à un autre titre - dans leur situation juridique.
En outre, vu son objet et son contenu, on ne saurait assimiler cet arrêté à une ordonnance administrative, destinée à fixer une pratique de l'administration dans l'application d'une loi, qui selon les cas peut être attaquée par la voie du recours de droit public pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) à cause des effets indirects qu'elle déploie, et parce que le citoyen ne pourrait pas ensuite recourir efficacement contre une décision fondée sur cette pratique (cf. ATF 122 I 44 consid. 2a p. 45 et les arrêts cités). Comme cela vient d'être exposé, l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de fixer d'ores et déjà les conditions d'exploitation des aires de stationnement, et les utilisateurs de ces futures installations conservent la possibilité de contester en temps utile les réglementations qui seront adoptées ou les décisions qui seront prises sur cette base, le cas échéant.
e) aa)Les recourants prétendent par ailleurs que la création de ces aires de stationnement aura pour effet de supprimer leur droit au voyage ou droit immémorial de voyager et de s'arrêter sur tout le territoire de la Confédération, plus particulièrement sur leur territoire traditionnel dans le canton de Vaud, constitué d'au moins soixante-deux places, car les autorités prépareraient des places de regroupement forcé des gens du voyage. Or l'arrêté n'a manifestement pas ces effets car il n'a pas pour objet de régler ces questions.
Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner plus avant la nature et la portée du "droit au voyage" invoqué par les recourants.
bb) Le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les lois fédérales (art. 191 Cst.), en particulier la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) qui définit les procédures selon lesquelles il peut être saisi. La procédure du recours de droit public pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) ne peut pas, en l'absence d'un acte attaqué affectant la situation juridique du justiciable (cf. supra, consid. 2a), être utilisée pour obtenir une décision en constatation sur l'existence d'un droit, ni pour provoquer un jugement sur des prétentions à faire valoir par voie d'action. C'est pourquoi le recours de droit public est d'emblée irrecevable, dans toutes ses conclusions.
Si les recourants entendent - comme ils l'indiquent en substance dans leur mémoire - faire évoluer le droit suisse afin que leur mode de vie et l'exercice de leurs activités traditionnelles soient garantis de manière plus claire ou plus efficace, il leur appartient - dans la mesure où la possibilité de saisir légalement les tribunaux ne leur est pas donnée - d'utiliser les voies offertes par les institutions de démocratie parlementaire et semi-directe (droit de pétition et d'initiative, par exemple). En l'occurrence et vu l'objet de la contestation, le Tribunal fédéral ne peut pas se substituer aux autorités législatives.
3.- Dans les circonstances particulières de l'espèce, il se justifie de renoncer à percevoir un émolument judiciaire ( art. 153, 153a et 156 OJ ). L'Etat de Vaud, en tant que collectivité publique, n'a pas droit à des dépens ( art. 159 al. 1 et 2 OJ ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Déclare le recours de droit public irrecevable;
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens;
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des recourants et du Conseil d'Etat du canton de Vaud.
_______________
Lausanne, le 8 octobre 2001 JIA/dxc
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,