[AZA 0/2]
5C.38/2001
IIe COUR CIVILE
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10 décembre 2001
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffière: Mme Revey.
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Dans la cause civile pendante
entre
D.________, défendeur et recourant, représenté par Me Pierre Boivin, avocat à Fribourg,
contre
B.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat à Fribourg;
(droit de passage à pied et à char)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- En 1997, B.________ SA a acquis de X.________ les deux parcelles juxtaposées nos uuu et vvv du registre foncier de la Commune de Y.________. Un chemin en ligne droite, sis sur celles-ci, les sépare des parcelles contiguës nos eee et ddd appartenant à D.________, fils de M.________. Selon les extraits du registre foncier, les art. eee et ddd bénéficient chacun d'une servitude de passage sur les art. uuu et vvv, lesquels en sont réciproquement grevés. Le libellé de la servitude est identique et a la teneur suivante:
CH passage à pied et à char de 4 m de large, en faveur
des nos ddd et eee
D passage à pied et à char de 4 m de large, à charge
des nos uuu et vvv
B.- Par demande du 14 janvier 1998, B.________ SA a ouvert action contre D.________. Elle a conclu à ce qu'il soit constaté que le défendeur ne bénéficie que d'une servitude permettant de passer à pied et à char sur ses art. uuu et vvv, à l'exclusion de tout autre véhicule, et que cette servitude ne profite qu'à l'art. eee, à l'exclusion de l'art.
ddd. La société a en outre requis la modification correspondante du registre foncier, à savoir la radiation de la servitude de passage inscrite en faveur de l'art. ddd. Elle a encore demandé qu'interdiction soit faite au défendeur, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de passer sur le chemin actuellement utilisé au moyen de véhicules automobiles.
Enfin, elle a conclu à ce que la haie de thuyas et les sapins plantés en limite soient enlevés. D.________ a conclu au rejet de la demande. Statuant le 16 juin 1999, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a rejeté l'action et mis les dépens à charge de la demanderesse.
C.- a) Par arrêt du 11 décembre 2000, la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a partiellement admis le recours interjeté par la demanderesse et a réformé le jugement attaqué comme suit:
"I.1 Il est constaté que l'assiette de la servitude de
passage à pied et à char de 4 m de large grevant
les art. uuu et vvv RF de la Commune de Y.________
en faveur de l'art. eee RF de la Commune de
Y.________ longe la limite nord-ouest de l'art. uuu
et de l'art. vvv jusqu'au point polygone z et que
cette servitude permet l'accès à l'art. eee à pied
et au moyen de tous véhicules automobiles.
Partant, le chef de conclusions tendant à ce qu'interdiction
soit faite à D.________ d'utiliser cette
servitude au moyen de véhicules automobiles est rejeté.
2 Il est constaté que l'assiette de la servitude de
passage à pied et à char de 4 m de large grevant
les art. uuu et vvv RF de la Commune de Y.________
en faveur de l'art. ddd RF de la Commune de
Y.________ longe la limite nord-ouest de l'art. uuu
et de l'art. vvv sur toute sa longueur et que cette
servitude ne permet l'accès à l'art. ddd qu'à pied
et à char.
Partant, interdiction est faite à D.________ d'utiliser
cette servitude au moyen de véhicules automobiles.
Le chef de conclusions tendant à la rectification
du registre foncier est rejeté.
3 (...) (haie de thuyas)
II. (...) (règlement des frais et dépens)"
b) La Cour d'appel a notamment retenu les faits suivants:
En 1962, la Commune de Y.________ a vendu à M.________ l'art. ddd (ci-après art. ddd ancien) puis, en 1967, une surface détachée d'un art. fff ancien, qui fut alors réunie à l'art. ddd ancien. Cette opération a engendré l'art. ddd agrandi, dont D.________ est devenu propriétaire ultérieurement.
En 1993, celui-ci a fait diviser l'art. ddd agrandi, ce qui a créé l'art. ddd actuel d'une part et l'art. eee d'autre part. De son côté, X.________ a acquis l'art. uuu puis, en 1967, la parcelle voisine n° vvv (ci-après art. vvv ancien), à laquelle il a réuni l'art. www, toujours en 1967, pour constituer l'art. vvv actuel.
Les art. uuu et vvv ancien étaient grevés d'une servitude de passage "à pied et à char" en faveur des art. ddd et fff anciens. En 1967, T._________, notamment, a signé un verbal de modification du 17 juillet 1967 (n° 333/12'291), qui a complété le libellé de la servitude par la mention "de 4 m de large selon plan". Sur le plan, la servitude a été dessinée le long de l'art. uuu et de l'art. vvv ancien jusqu'au point polygone z (qui marquait la limite de cet art. vvv ancien).
Après agrandissement des art. ddd et vvv, M.________ et T.________, notamment, ont signé un second verbal de modification du 17 juillet 1967 également (n° 335/12'293), par lequel la servitude en cause a été inscrite à charge de l'art.
vvv, en faveur de l'art. ddd agrandi. Sur le plan, elle a été dessinée jusqu'à la nouvelle extrémité de l'art. vvv (commune à l'art. ddd agrandi), sur toute sa longueur, donc bien au-delà du point polygone z.
En 1972, pour des motifs inconnus, la mention "selon plan" a été barrée. Le tracé de la servitude a ainsi disparu du plan cadastral.
Le père du défendeur, qui était géomètre, avait acquis l'art. ddd ancien en 1962 comme terrain à bâtir. En 1969, il y avait construit un chalet en bois, dans lequel il entreposait des bornes et le matériel nécessaire à son bureau de géomètre. A l'époque, on accédait déjà à ce chalet au moyen de véhicules automobiles. Ensuite de la division de l'art.
ddd agrandi survenue en 1993, le chalet s'est retrouvé sur la nouvelle parcelle eee. Plus tard, D.________ a érigé une villa avec garage sur cet art. eee et a déplacé le chalet sur la parcelle ddd actuelle, en zone à bâtir. Il accède à sa villa en voiture en empruntant le chemin de servitude, qui traverse l'art. uuu, puis suit sur quelques mètres la limite entre les art. eee et vvv jusqu'à l'endroit où l'on peut tourner à droite pour entrer sur l'art. eee. L'accès à l'art.
ddd se fait également par le chemin de servitude litigieux, qui n'est pas aménagé, mais carrossable.
B.________ SA a entamé la construction de deux bâtiments sur l'art. vvv. Le 26 avril 1999, la société a revendu la parcelle uuu à des tiers.
c) En droit, les juges cantonaux ont interprété l'assiette et le contenu de la servitude litigieuse en se référant aux art. 738 et 739 CC . Ils ont considéré ce qui suit:
L'assiette de la servitude n'était plus déterminée, étant donné la suppression de la mention "selon plan" et la disparition de son tracé du plan cadastral. En conséquence, elle s'exerçait sur l'entier des parcelles uuu et vvv. Elle devait toutefois être exercée de la manière la moins dommageable en application de l'art. 737 al. 2 CC et pourrait ainsi être déplacée en vertu de l'art. 742 al. 1 CC pour tenir compte de projets de construction.
Pour définir le contenu de la servitude, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la volonté subjective des parties l'ayant modifiée en 1967 et 1972, car celles-ci ne participaient pas au litige actuel. Seule était ainsi déterminante la volonté objective selon le principe de la confiance. Les deux fonds dominants devaient être examinés séparément, car leurs circonstances de droit et de fait divergeaient. En substance, il convenait dès lors de traiter, d'une part, l'art. eee jusque peu après le point polygone z (soit une surface correspondant à l'art. ddd ancien) et, d'autre part, le solde de l'art. eee ajouté à l'art. ddd actuel (soit une surface équivalant à la parcelle détachée en 1967 de l'art.
fff ancien pour former l'art. ddd agrandi).
En 1969, l'art. ddd ancien, alors englobé dans l'art.
ddd agrandi, supportait l'ancien chalet, auquel on accédait déjà au moyen de véhicules automobiles. Objectivement, les parties avaient donc en vue cette utilisation en signant le verbal de modification de 1967, puis en barrant la mention "selon plan" en 1972, bien qu'elles n'aient pas modifié le libellé "à pied et à char". Certes, le chalet avait été remplacé depuis par une villa familiale avec garage, mais cela n'entraînait pas une aggravation de la servitude. Il fallait ainsi conclure que la servitude litigieuse en faveur de l'art. eee permet l'accès à la villa à pied et au moyen de tous véhicules automobiles, son assiette longeant la limite nord-ouest de l'art. uuu et vvv jusqu'au point polygone z.
S'agissant de la parcelle détachée en 1967 de l'art. fff ancien, il fallait retenir en bref que la servitude grevant les art. uuu et vvv en sa faveur, modifiée en 1967 et 1972, n'avait pas été constituée dans le but de desservir une surface bâtie au moyen de véhicules automobiles; elle n'avait du reste pas été utilisée de la sorte. Dans ces conditions, la demanderesse n'avait pas à supporter la charge accrue qui résulterait d'un changement de destination de cette parcelle, ce qui serait le cas si elle était aménagée pour y construire des villas ou des locatifs. Il fallait ainsi conclure que la servitude litigieuse en faveur de l'art. ddd ne permet l'accès à ce dernier qu'à pied et à char, à l'exclusion de tous véhicules automobiles, son assiette longeant la limite nord-ouest de l'art. uuu et vvv sur toute sa longueur.
Par ailleurs, il convenait de relever que B.________ SA n'avait jamais allégué sa bonne foi dans sa demande, de sorte qu'elle ne pouvait plus s'en prévaloir.
D.- D.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 11 décembre 2000. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation partielle ainsi qu'à sa réforme: principalement, il demande l'annulation des chiffres I.1 et I.2 et leur réforme en ce sens qu'il est constaté que l'assiette de la servitude de passage à pied et à char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv en faveur des art. eee et ddd longe la limite nord-ouest des art.
uuu et vvv sur toute sa longueur et que cette servitude permet l'accès aux art. eee et ddd à pied et au moyen de tous véhicules automobiles; partant, le chef de conclusions tendant à ce qu'interdiction lui soit faite d'utiliser cette servitude au moyen de véhicules automobiles doit être rejeté.
Pour le surplus, il requiert en substance de confirmer le solde du ch. I.2 et le ch. I.3. Il demande encore que les dépens de première instance et de seconde instance soient mis à la charge de l'intimée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire à l'instance cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement.
L'intimée conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Considérant en droit :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2p. 202; 127 III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).
a) Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, dans une contestation civile dont la valeur litigieuse a été évaluée à 32'000 fr., le recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
b) Les dépens des instances cantonales ne sont pas régis par le droit fédéral. Le recours est donc irrecevable dans la mesure où le recourant cherche à en obtenir de l'intimée (cf.
art. 43 al. 1 OJ). Toutefois, une telle conclusion peut être interprétée comme une conséquence de l'admission du recours (cf. art. 159 al. 6 OJ).
c) Dans la mesure où les conclusions du recourant tendent à la confirmation de l'arrêt attaqué, elles sont irrecevables, la Cour de céans ne statuant que sur les modifications demandées de l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. b OJ).
d) L'intimée a la qualité pour défendre, bien qu'elle ait vendu la parcelle n° uuu après l'ouverture de la procédure.
En effet, savoir si l'aliénateur conserve la qualité pour agir ou pour défendre est une question régie par le droit de procédure cantonal, lorsque la vente intervient avant la notification de l'arrêt attaqué (Jean-François Poudret/Suzette Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. 2, Berne 1990, n. 1.3.2.4 ad art. 43 et n. 3 ad art. 53). Or, l'arrêt attaqué reconnaît expressément à l'intimée la qualité pour agir à l'égard de la parcelle vendue n° uuu.
2.- Le recourant soutient que certaines constatations de fait de l'arrêt attaqué reposent sur une inadvertance manifeste commise par la Cour d'appel (art. 63 al. 2 OJ). Un tel grief n'est recevable que si son admission a une influence sur l'issue de la procédure. Tel n'est pas le cas en l'occurrence, dès lors que, conformément aux consid. 3 et 4 ci-dessous, les faits qui ne sont pas remis en cause par le recourant conduisent de toute façon à admettre le recours.
3.- Le recourant dénonce notamment la violation de l'art. 738 CC en reprochant aux juges cantonaux d'avoir examiné séparément le contenu de la servitude en faveur de l'art. eee de celui de la servitude en faveur de l'art. ddd actuel. D'après lui, l'assiette des servitudes grevant les art. uuu et vvv actuel en faveur des art. eee et ddd actuel s'étend jusqu'à l'extrémité de l'art. vvv actuel. En outre, ces servitudes permettent d'accéder en véhicules automobiles tant à l'art. eee qu'à l'art. ddd actuel.
a) Selon l'art. 730 al. 1 CC, la servitude est une charge imposée sur un immeuble en faveur d'un autre immeuble et qui oblige le propriétaire du fonds servant à souffrir, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d'usage notamment. La servitude est indivisible (Peter Liver, Die Grunddienstbarkeiten [Art. 730-744 ZGB], in Commentaire zurichois, 3e éd., 1980, n. 47 ad art. 730).
b) Toute servitude inscrite au feuillet d'un immeuble grève celui-ci dans son entier. Certaines servitudes cependant, notamment le droit de passage, ne s'exercent que sur une partie de l'immeuble grevé. La localisation de cet exercice, c'est-à-dire l'assiette de la servitude, peut résulter de l'exercice effectif de celle-ci, de son contrat constitutif ou encore du plan cadastral sur lequel ses limites exactes peuvent figurer (Liver, op. cit. , n. 2 s. ad art. 742).
c) A teneur de l'art. 743 al. 1 CC, si le fonds dominant est divisé, la servitude reste due, dans la règle, à chaque parcelle. Ce maintien de la servitude intégrale au profit de toutes les parcelles est la conséquence du principe de l'indivisibilité des servitudes. Ainsi, la division du fonds dominant engendre une multiplication de la servitude. Ceci vaut tout particulièrement pour les servitudes indéterminées telles que le droit de passage (Josette Moullet Auberson, La division des bien-fonds, thèse, Fribourg 1993, p. 110 ss; Liver, op. cit. , n. 46 s. ad art. 730 et n. 23 ad art. 743; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, vol. II, 2e éd., Berne 1994, n. 2311a). Pour connaître le contenu et l'étendue des servitudes après la division du fonds dominant, il y a lieu de se référer à la servitude originaire et d'interpréter celle-ci en application des art. 737 et 738 CC (Liver, op.
cit. , n. 24 ad art. 743). Les servitudes au profit des parcelles issues de la division sont ainsi nécessairement identiques à la servitude qui bénéficiait au fonds dominant avant sa division; elles sont également identiques entre elles. La multiplication de la servitude originaire ne doit toutefois pas engendrer une aggravation de la charge subie par le fonds grevé (Liver, op. cit. , n. 46 ad art. 730).
d) D'après l'art. 738 al. 1 CC, pour déterminer le contenu d'une servitude, l'inscription fait règle, en tant qu'elle désigne clairement les droits et les obligations en dérivant. L'inscription étant très sommaire, il est souvent nécessaire de recourir à d'autres éléments (Steinauer, op.
cit. , n. 2292). Selon l'alinéa 2 de la disposition précitée, le contenu de la servitude peut alors être précisé, dans les limites de l'inscription, soit par son origine, soit par la manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi.
Par origine de la servitude, on entend le titre d'acquisition, à savoir en général le contrat constitutif déposé comme pièce justificative au registre foncier (Steinauer, op.
cit. , n. 2294). Ce titre doit être interprété de manière objective selon la théorie de la confiance lorsque les parties en cause ne sont plus celles qui étaient parties à l'acte constitutif de la servitude. Pour déterminer le contenu de la servitude, on prend aussi en considération le but connu ou raisonnablement supposé de la constitution de la servitude (Liver, op. cit. , n. 96 ad art. 738; Paul Piotet, Les droits réels limités en général, les servitudes et les charges foncières, in Traité de droit privé suisse, vol. V,1,3, Fribourg 1978, p. 64 s.).
4.- a) Les parcelles eee et ddd actuelle résultent de la division de l'art. ddd agrandi. Ce dernier bénéficiait, depuis 1967, d'une servitude de passage à pied et à char de 4 m de large, à charge des art. uuu et vvv actuel. En 1993, lors de la division de l'art. ddd agrandi, la servitude de passage à pied et à char de 4 m de large a été inscrite sur les feuillets des art. eee et ddd actuel comme droit à charge des art. uuu et vvv actuel et, réciproquement, sur les feuillets des art. uuu et vvv actuel comme charge en faveur des art. eee et ddd actuel. L'arrêt attaqué ne mentionne pas que ces servitudes auraient été modifiées depuis 1993. La servitude restant due à chaque parcelle résultant de la division du fonds dominant (art. 743 al. 1 CC; cf. supra, consid. 3c), force est de retenir en l'espèce que la servitude de passage bénéficiant à l'art. eee et celle en faveur de l'art. ddd actuel demeurent toutes deux identiques à la servitude originaire de passage à pied et à char de 4 m de large qui profitait à l'art. ddd agrandi à charge des art. uuu et vvv actuel; elles sont au surplus identiques l'une à l'autre.
La résolution du présent litige exige ainsi d'examiner l'assiette et le contenu de la servitude qui bénéficiait à l'art. ddd agrandi. En omettant de procéder à cet examen, l'autorité cantonale a violé le droit fédéral.
b) De 1967 à 1972, l'assiette de la servitude était constituée par le chemin de servitude situé sur les art. uuu et vvv, longeant l'art. ddd agrandi jusqu'à l'extrémité de l'art. vvv, comme dessiné sur les plans mentionnés par les deux verbaux de modification de 1967. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que l'exercice de la servitude aurait été déplacé par la suite, notamment en raison du biffage, en 1972, de la mention "selon plan" et de la radiation subséquente du tracé sur le plan cadastral. Au contraire, la Cour d'appel retient que l'accès aux parcelles eee et ddd se fait encore par le chemin de servitude. L'assiette d'une servitude pouvant découler de son exercice (cf. supra consid. 3b), il y a lieu d'admettre en l'espèce que celle de la servitude bénéficiant à l'art. ddd agrandi est demeurée celle dessinée en 1967. La servitude restant due à chaque parcelle résultant de la division du fonds dominant, il faut constater en l'occurrence que l'assiette des servitudes de passage bénéficiant aux art. eee et ddd correspond à celle indiquée sur le plan cadastral en 1967, à savoir le long de la limite nord-ouest des art. uuu et vvv jusqu'à l'extrémité de ce dernier.
c) Quant au contenu de la servitude, le litige porte sur la question de savoir si le terme "char" englobe ou non les véhicules automobiles.
Le libellé de la servitude qui bénéficiait à l'art. ddd agrandi, soit "passage à pied et à char de 4 m de large", n'est pas clair. D'un côté, il ne signifie pas que le droit de passage est restreint à une utilisation agricole, mais d'un autre côté, il n'exclut pas le trafic automobile. Le fait que ce libellé n'ait pas été modifié lors de la division du fonds dominant en 1993 ou de la vente des fonds servants en 1997 ne contribue pas à l'éclaircir, ni dans un sens, ni dans un autre.
L'origine de la servitude est constituée par les deux verbaux de modification du 17 juillet 1967. Le premier vise à élargir à 4 m de large le droit de passage à pied et à char bénéficiant à l'art. ddd ancien à charge des art. uuu et vvv ancien jusqu'à la limite de celui-ci, soit le point polygone z, et se réfère à l'indication de son tracé sur le plan cadastral. Le second tend à prolonger cette servitude au profit de l'art. ddd agrandi, à charge de l'art. vvv agrandi jusqu'à l'extrémité de ce dernier, soit bien au-delà du point polygone z; il mentionne également le tracé de cette prolongation sur le plan cadastral.
Il reste à examiner le but des modifications introduites par ces deux verbaux. S'agissant de l'élargissement, on peut supposer raisonnablement qu'il avait pour objectif d'adapter la servitude à des moyens plus modernes de transport. Ce dernier point est confirmé par la manière dont la servitude a été exercée dès 1969 (deux ans plus tard), soit en utilisant des véhicules automobiles pour accéder au chalet alors sis sur l'actuel art. eee. Aujourd'hui encore du reste, l'accès à l'art. eee se fait en véhicule automobile par le chemin de servitude. Quant à la prolongation de la servitude au-delà du point polygone z, une personne raisonnable conçoit qu'elle visait à rendre l'art. ddd agrandi accessible jusqu'à son terme. En effet, la servitude existante permettait déjà d'entrer sur une partie de cette parcelle, soit jusqu'au point polygone z. Par ailleurs, la prolongation comptant également 4 m de large, cela signifie raisonnablement qu'elle était tout autant destinée à permettre le trafic automobile, sans quoi le maintien d'un tel élargissement sur la prolongation n'aurait guère de sens.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, dans son contenu, la servitude de passage à pied et à char bénéficiant à l'art. ddd agrandi a été conçue en 1967 pour permettre le passage à pied et au moyen de tous véhicules automobiles. La division du fonds dominant ayant pour effet de multiplier la servitude au profit de chaque parcelle, il sied de considérer en l'occurrence que les servitudes de passage à pied et à char de 4 m de large bénéficiant à l'art. eee ainsi qu'à l'art. ddd actuel consistent de même en un droit de passage à pied et au moyen de tous véhicules automobiles.
d) En conclusion, l'assiette de la servitude de passage à pied et à char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv en faveur des art. eee et ddd longe la limite nord-ouest des art. uuu et vvv sur toute leur longueur, étant précisé que cette servitude permet l'accès aux art. eee et ddd à pied et au moyen de tous véhicules automobiles.
Par ailleurs, cette interprétation ne se heurte pas à l'art. 973 CC (effet de l'inscription à l'égard des tiers de bonne foi), dès lors que la Cour d'appel a explicitement constaté que l'intimée n'avait jamais invoqué sa bonne foi dans sa demande.
5.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 159 al. 6 OJ). La charge des frais et dépens de l'instance fédérale incombe à l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable, et réforme les chiffres I/1 et I/2 en ce sens qu'il est constaté que l'assiette de la servitude de passage à pied et à char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv RF de la Commune de Y.________ en faveur des art. eee et ddd RF de la Commune de Y.________ longe la limite nord-ouest des art. uuu et vvv sur toute leur longueur, étant précisé que cette servitude permet l'accès aux art. eee et ddd à pied et au moyen de tous véhicules automobiles.
2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
3. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.,
b) une indemnité de 5'000 fr. à payer au
recourant à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
__________
Lausanne, le 10 décembre 2001 RED/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,
La Greffière,