[AZA 0/2]
4P.180/2001
Ie COUR CIVILE
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9 janvier 2002
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.
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Statuant sur le recours de droit public formé
par
X.________ GmbH, représentée par Me Markus Jungo, avocat à Fribourg,
contre
l'arrêt rendu le 5 juin 2001 par la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui oppose la recourante à M.________, et à la Caisse de chômage Y.________, à Fribourg, tous deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat à Fribourg;
(art. 9 Cst. ; contrat de travail)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- M.________ travaillait depuis plus de douze ans pour la société W.________ S.A. Le 1er février 2000, les rapports de travail ont été repris par la société X.________ GmbH.
Le 3 mars 2000, X.________ GmbH a résilié le contrat de travail de M.________ avec effet immédiat. Ce congé immédiat a été confirmé le 6 mars 2000.
B.- Le 24 mars 2000, M.________ a assigné X.________ GmbH en paiement de 20 000 fr., intérêts en sus, à titre de salaire et d'indemnité pour renvoi abrupt.
Par jugement du 18 septembre 2000, la Chambre des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine a condamné la défenderesse à payer au demandeur 8754 fr.90, à titre de salaire brut (y compris le montant de 2428 fr.90 sur lequel la défenderesse avait passé expédient), ainsi qu'un montant net de 11 245 fr.10, à titre d'indemnité, le tout avec intérêts.
Elle a, en outre, condamné la défenderesse à payer à la Caisse de chômage Y.________ un montant net de 9785 fr.10.
Par arrêt du 5 juin 2001, la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a confirmé ce jugement.
C.- La défenderesse attaque cet arrêt par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral. Elle en demande l'annulation. Parallèlement, elle a interjeté un recours en réforme.
Le demandeur et intimé conclut au rejet du recours.
Quant à la Cour d'appel, elle déclare n'avoir pas d'observations à formuler au sujet de ce dernier.
Considérant en droit :
1.- La recourante reproche à la Chambre des prud'hommes, suivie par la Cour d'appel, d'avoir violé le principe de disposition en allouant aux parties davantage que ce qu'elles ont demandé.
Selon l'art. 4 al. 1 du Code de procédure civile fribourgeois (CPC/FR), le juge est lié par les conclusions des parties; il ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qu'elle demande, ni moins que ce que l'autre partie reconnaît lui devoir.
Devant la Chambre des prud'hommes, le demandeur a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer 20 000 fr., intérêts en sus; il n'a pas déduit de sa demande le montant réclamé par la Caisse de chômage. En outre, cette dernière a réclamé à la défenderesse 9785 fr.10.
Ainsi, en condamnant la recourante à verser au demandeur 8754 fr.90 plus 11 245 fr.10, soit un total de 20 000 fr., la cour cantonale ne lui a pas alloué davantage que ce qu'il réclamait. De même, en condamnant la recourante à verser à la Caisse de chômage 9785 fr.10, la cour cantonale ne lui a pas non plus alloué davantage que ce qu'elle demandait.
Aucun de ces montants ne dépasse le petitum de chacune des parties.
Le grief doit être rejeté.
2.- Selon l'art. 26 al. 3 de la loi fribourgeoise sur la juridiction des prud'hommes (LJP/FR), cette juridiction connaît des causes de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 20 000 fr. La recourante reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en allouant aux deux parties demanderesses un montant total supérieur à 20 000 fr.
La cour cantonale a jugé que le plafond de la valeur litigieuse s'applique séparément à chacune des demandes jointes, de sorte que l'art. 26 al. 3 LJP/FR précité n'exclut pas la compétence de la juridiction des prud'hommes lorsque le montant total des demandes jointes dépasse 20 000 fr.
On ne saurait taxer d'arbitraire l'interprétation de la cour cantonale. En effet, la Chambre des prud'hommes était saisie de deux demandes différentes, formulées par deux parties demanderesses distinctes et dont aucune ne dépassait 20 000 fr. Le texte même de l'art. 26 al. 3 LJP/FR précité n'impose nullement de considérer que de telles demandes jointes ne représentent qu'une seule cause, au sens de cette disposition (dans le même sens, Fabienne Hohl, La subrogation de la caisse de chômage et ses effets sur le procès civil, in Mélanges Poudret, Lausanne 1999, p. 86). A tout le moins, la motivation de la cour cantonale n'est pas insoutenable.
D'ailleurs, en interprétant l'art. 343 al. 3 CO, dont le libellé est semblable à celui de l'art. 26 al. 3 LJP/ FR, le Tribunal fédéral a admis qu'en cas de demandes jointes, que la jonction ait lieu d'entrée de cause ou ultérieurement, seule doit être prise en considération la valeur initiale de chacune des demandes jointes (SJ 1998, p. 91; cf.
Hohl, ibid.). En l'occurrence, l'arrêt cantonal reprend, par analogie, cette interprétation, à laquelle il se réfère expressément.
Ce faisant, il ne suit nullement un raisonnement insoutenable.
Le grief doit être rejeté.
3.- La procédure fédérale est gratuite puisqu'elle a trait à un différend résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42), ne dépasse pas le plafond de 30 000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er juin 2001 (RO 2001 p. 2048) et applicable aux procédures déjà pendantes à cette date.
La recourante, qui succombe, devra indemniser l'intimé conformément à l'art. 159 al. 1 OJ.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours;
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
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Lausanne, le 9 janvier 2002 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,