BGer 1P.703/2001
 
BGer 1P.703/2001 vom 08.04.2002
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.703/2001/dxc
Arrêt du 8 avril 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Thélin.
X.________,
recourante,
contre
A.________,
intimée,
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia 18, case postale, 1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
procédure pénale
(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 9 août 2001)
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
Le 24 juillet 2000, une altercation s'est produite entre X.________ et la gérante d'un commerce de Vevey. Chaque adversaire ayant déposé plainte pénale contre l'autre, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a ouvert une enquête pour lésions corporelles simples et dommages à la propriété. Lors de son audition par la police, immédiatement après les faits, X.________ a indiqué son adresse.
Au cours de cette enquête, divers envois du Juge d'instruction destinés à X.________, soit un mandat de comparution et un avis de prochaine condamnation, ont été expédiés une adresse incomplète, et sont revenus avec la mention "inconnu".
2.
Par ordonnance du 7 mars 2001, le Juge d'instruction a reconnu X.________ coupable de lésions corporelles simples et de dommages à la propriété, et l'a condamnée à quinze jours d'emprisonnement avec sursis; il a prononcé un non-lieu en faveur de l'autre prévenue.
Cette ordonnance a été envoyée à la condamnée par pli postal recommandé, de la même manière que précédemment, mais ce pli est également revenu avec la mention "inconnu". Le Juge d'instruction a alors fait publier un avis dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 23 mars 2001, selon lequel la destinataire était invitée à se présenter à l'office pour retirer l'acte. A la date du 31 mars 2001, le procès-verbal des opérations et décisions comporte la relation ci-après:
Il est précisé que dans le courant de la semaine du 26 au 31 mars, X.________ a interpellé téléphoniquement le greffier, alors en audience, pour s'étonner de la parution de l'avis dans la FAO et déclarer qu'elle allait passer dans la semaine prendre connaissance du contenu de l'ordonnance.
Ce jour, l'intéressée s'est présentée à l'office et a désiré consulter son dossier. Informée que ce dernier était au Parquet, elle s'est offusquée. Elle a déclaré être scandalisée du fait que son nom apparaisse dans la FAO. Elle a exigé une copie de l'avis paru dans la FAO, copie qui lui a été remise. Mme X.________ a ensuite voulu obtenir une copie de l'ordonnance rendue à son endroit. Une telle copie a été préparée à son intention mais comme Mme X.________ refusait de signer l'accusé de réception de ce document, celui-ci ne lui a pas été remis.
3.
Par la suite, la condamnée a mandaté un avocat qui a pris connaissance du dossier. Le 22 juin 2001, ce mandataire a communiqué au Juge d'instruction que sa cliente faisait opposition à l'ordonnance de condamnation. Elle contestait qu'une notification de ce prononcé fût valablement intervenue; en particulier, elle faisait valoir que le 31 mars 2001 était un samedi, jour où l'office était fermé, et que la notification mentionnée au procès-verbal n'avait donc pas pu avoir lieu. Elle tenait ainsi le délai légal d'opposition - dix jours, selon l'art. 267 CPP vaud. - pour respecté.
Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a statué sur l'opposition par arrêt du 9 août 2001. Il a retenu que la tentative de notification postale s'était faite à une adresse erronée et qu'elle n'était donc pas valable. Il a toutefois jugé que l'ordonnance était entrée dans la sphère de puissance de la destinataire le 31 mars 2001, lorsque celle-ci s'était présentée à l'office et avait refusé de signer l'accusé de réception, de sorte que la notification devait être considérée comme accomplie à cette date. L'opposition communiquée seulement le 22 juin suivant était donc tardive et, par conséquent, irrecevable.
4.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de prononcer, dans la cause pénale, son acquittement. Elle reproche au Tribunal cantonal d'avoir appliqué arbitrairement l'art. 267 CPP vaud. Elle persiste à contester que la notification pût être intervenue le 31 mars 2001 à l'office du Juge d'instruction.
Invitées à répondre, la partie et les autorités intimées ont renoncé à déposer des observations.
5.
Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée; toute autre conclusion est irrecevable (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5, 126 I 213 consid. 1c p. 216/217, 126 II 377 consid. 8c p. 395).
6.
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 126 I 168 consid. 3a p. 170, 125 I 166 consid. 2a p. 168, 125 II 10 consid. 3a p. 15).
Le Tribunal cantonal peut retenir sans arbitraire qu'un acte est censé notifié à son destinataire dès le moment où celui-ci refuse formellement, sans motif légitime, d'en prendre possession. Pour le surplus, la recourante ne conteste pas s'être rendue à l'office du juge dans le but de consulter le dossier et recevoir une copie de l'avis paru dans la Feuille des avis officiels; elle ne conteste pas non plus que l'on ait alors voulu lui notifier une ordonnance du Juge d'instruction. Elle n'a pas clairement démenti ces faits dans la lettre d'opposition de son avocat, du 22 juin 2001, et elle ne le fait pas non plus dans l'acte de recours qu'elle adresse au Tribunal fédéral; elle se borne à souligner le fait qu'une notification à l'office du Juge d'instruction n'a pas pu intervenir le samedi 31 mars 2001. Il est indéniable qu'au sujet de la date de cette notification, le procès-verbal est entaché d'une erreur, car il est constant que l'office était fermé ce jour-là; néanmoins, la venue de la recourante dans les locaux de l'office, dans la semaine du 26 mars 2001, et la tentative de lui notifier l'ordonnance à cette occasion, ne sont pas douteuses. Or, ces faits sont seuls décisifs et, sur la base du procès-verbal, ils peuvent sans arbitraire être tenus pour établis. Pour le surplus, la recourante insiste en vain sur l'invalidité des notifications postales tentées à une adresse autre que celle indiquée par elle; l'arrêt attaqué admet d'ailleurs son point de vue à ce sujet. Il importe également peu que l'avis publié ait indiqué, de façon erronée, que son lieu de séjour était inconnu et qu'elle était dépourvue de profession. L'arrêt attaqué échappe, dans son résultat, au grief tiré de l'art. 9 Cst., ce qui entraîne le rejet du recours.
7.
La recourante qui succombe devrait, en principe, acquitter l'émolument judiciaire; toutefois, compte tenu que les motifs de l'arrêt attaqué pouvaient prêter à discussion, il se justifie de renoncer à le percevoir.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 8 avril 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: