[AZA 0/2]
5P.11/2002
IIe COUR CIVILE
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25 avril 2002
Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
Dame G.________, demanderesse, représentée par Me André Malek-Ashgar, avocat à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 16 novembre 2001 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante à la compagnie d'assurances X.________, défenderesse et intimée;
(art. 9 Cst. ; contrat d'assurance)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le 23 novembre 1990, dame G.________ a contracté auprès de la compagnie d'assurances X.________ une assurance maladie complémentaire dont la prime annuelle s'élevait à 1'143 fr.; la police d'assurance contenait une réserve excluant de la couverture d'assurance le fibrome utérin et ses suites éventuelles.
Le 3 janvier 1997, dame G.________ a contracté auprès de X.________ une nouvelle assurance maladie individuelle complémentaire dont la prime s'élevait à 3'575 fr. par an, payable trimestriellement. Un litige survenu entre les parties au sujet de la suppression de la réserve réclamée par l'assurée a été résolu par transaction. C'est ainsi que les parties ont signé le 3 novembre 1998 une nouvelle police d'assurance maladie aux mêmes conditions de prime, mais sans la réserve d'assurance que X.________ avait décidé de supprimer définitivement.
B.- Dame G.________ a fait l'objet de sommations de X.________ pour le paiement des primes échues au 1er octobre 1997, au 1er janvier 1998, au 1er juillet 1998 et au 1er octobre 1998. Elle ne s'est pas davantage acquittée dans les délais de la prime échue au 1er avril 1999. Elle a affirmé avoir écrit le 12 mai 1999 à X.________ pour lui demander de pouvoir payer ses primes pour l'année entière en une seule fois et cela au plus vite; X.________ a affirmé n'avoir jamais reçu ce courrier.
Le 23 juin 1999, suite au non-paiement de la prime du deuxième trimestre de l'année 1999, X.________ a adressé à dame G.________ une sommation recommandée qui portait l'injonction de payer dans les quatorze jours la prime trimestri-elle et l'avertissement qu'à défaut de paiement, l'assurance serait suspendue pour tout sinistre subséquente. Dame G.________ n'a pas pris connaissance de ce courrier, qui a été retourné à l'issue du délai de garde avec la mention "non réclamé", car elle a séjourné en Espagne du 17 juin au 4 juillet 1999 suite au décès du second mari de sa mère.
Le 22 juillet 1999, la prime du deuxième trimestre 1999 n'ayant toujours pas été payée ensuite de la sommation recommandée du 23 juin 1999, X.________ a écrit à dame G.________ qu'elle n'entendait pas poursuivre le recouvrement du montant des primes mais qu'elle se départissait du contrat, avec effet au 31 mars 1999, en application de l'art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221. 229.1).
Dame G.________, qui a affirmé n'avoir pas reçu ce courrier, a versé le 2 août 1999 à X.________ un montant de 2'761 fr. 80 à titre de paiement pour les primes d'assurance maladie jusqu'au 31 décembre 1999. X.________ a immédiatement envoyé à dame G.________ un décompte de remboursement de ce montant en mentionnant comme cause du remboursement l'annulation du contrat d'assurance maladie individuelle en application de l'art. 21 al. 1 LCA.
C.- Le 23 décembre 1999, dame G.________ a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action tendant à la constatation que le contrat d'assurance maladie individuelle du 3 novembre 1998 n'avait pas été valablement résilié. X.________ a conclu au rejet de l'action.
Par jugement du 5 septembre 2000, le Tribunal de première instance a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 16 novembre 2001, sur appel de la demanderesse, par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
D.- Contre l'arrêt de la Cour de justice, dame G.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral, en concluant à la constatation que le contrat d'assurance maladie individuelle du 3 novembre 1998 n'a pas été valablement résilié. Pour le cas où le recours en réforme ne serait pas recevable au regard de l'art. 46 OJ, la recourante interjette parallèlement un recours de droit public dans lequel elle formule les mêmes critiques que dans son recours en réforme, mais sous l'angle de la prohibition de l'arbitraire (art. 9 Cst.).
L'intimée n'a pas été invitée à présenter des observations sur le recours de droit public.
Considérant en droit :
1.- a) En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette disposition est justifiée par le fait que, si le Tribunal fédéral devait d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substituerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le recours de droit public, faute de décision susceptible d'être attaquée par cette voie (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'y déroger en l'espèce.
b) Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis, sans être lié par les arguments et les conclusions présentés par les parties (ATF 127 III 41 consid. 2a; 126 III 274 consid. 1 et les arrêts cités).
c) Le recours de droit public n'est recevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ que si la prétendue violation de droits ou de normes énumérés à l'alinéa premier de cette disposition ne peut pas être soumise par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (ATF 124 III 134 consid. 2b). Il convient dès lors d'examiner ci-après si la voie du recours en réforme est ouverte en l'espèce au regard de l'art. 46 OJ.
2.- a) Selon l'art. 46 OJ, dans les contestations civiles portant sur des droits de nature pécuniaire autres que ceux visés à l'art. 45 OJ, le recours en réforme n'est recevable que si, d'après les conclusions des parties, les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent une valeur d'au moins 8'000 fr. Afin de faciliter le contrôle de la recevabilité du recours en réforme, les autorités cantonales sont tenues de constater dans leur décision si cette valeur litigieuse est atteinte (art. 51 al. 1 let. a OJ), ce que la Cour de justice a omis de faire en l'espèce.
Dans les contestations portant sur la validité de la résiliation d'un contrat de bail à loyer, la jurisprudence considère comme valeur litigieuse le montant total des loyers de la période pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé peut être donné ou l'a été effectivement (ATF 111 II 384 consid. 1; 109 II 153 consid. 1a; 86 II 56 consid. 1). C'est également ainsi que la valeur litigieuse doit être calculée en l'espèce, où la contestation porte sur la validité de la résolution du contrat d'assurance liant les parties. La valeur litigieuse se définit en effet comme la valeur de l'objet du litige exprimée en une somme d'argent (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, 1990, n. 2 ad art. 36 OJ); or l'objet du présent litige est la continuation du contrat d'assurance comme tel, et non une hypothétique prestation d'assurance ou le paiement des primes depuis 1990, comme se hasarde à le dire la recourante dans son recours en réforme connexe.
b) En l'occurrence, ni la police d'assurance du 3 novembre 1998, ni celle du 3 janvier 1997 ne mentionnent la durée pour laquelle l'assurance litigieuse, qui prévoit une prime annuelle de 3'575 fr., a été conclue. Dès lors que la police du 23 novembre 1990 porte la mention "durée de l'assurance:
vie entière", il y a lieu d'admettre que le contrat litigieux, conclu en continuation des contrats précédents, a été conclu pour une durée indéterminée. Étant donné par ailleurs que rien dans le dossier n'indique que le contrat aurait pu être résilié ou qu'il a effectivement été résilié au moment où la cour cantonale a statué, et que le montant total des primes afférentes à la période postérieure à la résolution litigieuse dépassait déjà alors la somme de 8'000 fr., le recours en réforme doit être considéré comme recevable au regard de l'art. 46 OJ. Par conséquent, le recours de droit public se révèle irrecevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ (cf. consid. 1c supra).
3.- En définitive, le recours de droit public doit être déclaré irrecevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, l'intimée n'ayant pas été invitée à procéder sur le recours de droit public.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Déclare le recours irrecevable.
2. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la charge de la recourante.
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-tice du canton de Genève.
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Lausanne, le 25 avril 2002 ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,
Le Greffier,