[AZA 0/2]
4C.385/2001
Ie COUR CIVILE
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8 mai 2002
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
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Dans la cause civile pendante
entre
X.________ AG, appelée en cause et recourante, représentée par Me Philipp Ganzoni, avocat à Genève,
et
Y.________, défendeur et intimé, représenté par Me Jean Patry, avocat à Genève;
(LFors; actions identiques)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- X.________ AG, dont le siège est en Thurgovie, produit des machines textiles. De 1987 à 1995, Y.________ a été un membre influent du comité exécutif du conseil d'administration de la société. A des dates non précisées, il aurait demandé à A.________, président du conseil d'administration de Z.________ S.A. (ci-après: Z.________), d'intervenir en faveur de X.________ AG dans le cadre d'une vente de machines textiles en Syrie. X.________ AG a versé à Z.________ par deux fois des honoraires de 1 000 000 DM; elle a refusé en revanche de payer un tel montant pour une prétendue troisième intervention.
B.- Le 2 juin 1998, Z.________ a ouvert action contre Y.________, à Genève. Elle concluait à ce que le défendeur soit condamné à lui verser la somme de 820 600 fr.
(contre-valeur de 1 000 000 DM), plus intérêts.
Y.________ a dénoncé formellement le litige à X.________ AG. S'adressant spontanément au Tribunal de première instance du canton de Genève, X.________ AG a conclu à ce qu'elle soit autorisée à participer aux côtés de Y.________ à la procédure pendante entre Z.________ et Y.________, notamment en y prenant des conclusions, sans que cette participation n'implique pour X.________ AG une renonciation à son for naturel, ni la reconnaissance de la validité du droit de recours de Y.________ contre elle-même. Par jugement du 30 avril 1999, le Tribunal de première instance a débouté X.________ AG de toutes ses conclusions. En appel, la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance.
Le 7 septembre 2000, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public que X.________ AG avait formé contre cette décision.
Le 3 janvier 2000, à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale, Y.________ a déposé une demande d'appel en cause de X.________ AG. Cette demande a été déclarée irrecevable par jugement du 28 septembre 2000 du Tribunal de première instance.
Par lettre du 13 novembre 2000 adressée en copie à X.________ AG, Y.________ a fait savoir au Tribunal de première instance qu'il déposerait une nouvelle demande d'appel en cause après l'entrée en vigueur, prévue le 1er janvier 2001, de la loi fédérale du 24 mars 2000 sur les fors en matière civile (LFors; RS 272). Ce qu'il fit en date du 3 janvier 2001. En effet, l'entrée en vigueur simultanée de l'art. 8 LFors, de l'art. 57A al. 2 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire et de l'art. 104 de la loi de procédure civile genevoise (LPC/GE) permettait désormais l'appel en cause d'un tiers non domicilié dans le canton de Genève.
Quelques jours plus tôt, le 20 décembre 2000, X.________ avait déposé devant le Juge de paix d'Arbon une requête en conciliation dirigée contre Y.________. Ses conclusions étaient libellées ainsi:
"1.Es sei der Beklagte gerichtlich zu verpflichten, der
Klägerin den Betrag von CHF 68'406. 25 nebst 5% Zins ab
14. September 2000 anzuerkennen und zu bezahlen, im Sinn einer Teilsumme und unter ausdrücklichem Vorbehalt des Nachklagerechtes;
2. In der von der Klägerin gegen den Beklagten angehobenen
Betreibung Nr. ... W des Betreibungsamtes Arve-Lac
(Genève) vom 8./14. September 2000 sei für den Teilbetrag
von CHF 68'406. 25 nebst 5% Zins ab 14. September 2000 der
Rechtsvorschlag des Beklagten aufzuheben;
3. Es sei festzustellen, dass der Beklagte der Klägerin für
allen weiteren Schaden, Kosten und Entschädigungsfolgen
haftet und ersatzpflichtig ist, welche der Klägerin aus
einer allfälligen gerichtlich auferlegten Zahlungsverpflichtung
gegenüber der Z.________ SA, Panama,
betreffend eine bestrittene Provisionszahlung, insbesondere
aus dem in Genf zwischen der Z.________ SA,
Panama, und dem Beklagten anhängigen Streitverfahren
erwachsen, einschliesslich aller damit zusammenhängendenden
oder nachfolgenden Haupt-, Zwischen- oder
Nebenverfahren.
4. Es sei festzustellen, dass der Beklagte verpflichtet ist,
die Klägerin von allen Ansprüchen der Z.________ SA,
Panama, freizustellen bzw. diese zu eigenen Lasten ohne
Rückgriff gegenüber der Klägerin zu tragen, insbesondere
dass ihm kein Freistellungs- oder Rückgriffsanspruch
gegenüber der Klägerin aus einem allfälligen Unterliegen
des Beklagten in der vor dem Tribunal de Première
Instance, Genève, unter Geschäftsnummer C/.../1998 gegen
ihn von der Z.________ SA angehobenen Forderungsklage
zusteht, lautend auf die Forderungssumme von CHF
820'600.-- (...), nebst Zinsen zu 5% seit dem 24.
September 1997, sowie Kosten und Entschädigungsfolgen.. "
Le Juge de paix a délivré l'autorisation de citer le 31 janvier 2001. X.________ AG a déposé la demande le 1er mars 2001 devant le Tribunal de district d'Arbon.
A l'audience d'introduction devant le Tribunal de première instance du canton de Genève, X.________ AG a soulevé un incident d'incompétence ratione loci. Par jugement du 26 avril 2001, le tribunal a déclaré recevable l'appel en cause déposé par Y.________ à l'encontre de X.________ AG, mais a suspendu la cause jusqu'à ce que le Tribunal de district d'Arbon ait statué sur sa compétence dans la cause introduite le 20 décembre 2000.
Statuant le 12 octobre 2001 sur appel de Y.________, la Chambre civile de la Cour de justice a annulé la suspension prononcée en première instance.
C.- X.________ AG interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation du jugement de première instance.
Y.________ propose le rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- L'arrêt attaqué ne constitue pas une décision finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ, mais une décision incidente prise séparément du fond (cf. ATF 123 III 414 consid. 2 p. 417). Aux termes de l'art. 49 al. 1 OJ, le recours en réforme est recevable contre une telle décision pour violation des prescriptions de droit fédéral sur la compétence à raison de la matière ou sur la compétence territoriale, soit locale, soit internationale. Le Tribunal fédéral a rangé parmi les décisions sur la compétence la suspension de cause ordonnée sur la base de l'art. 21 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après: Convention de Lugano ou CL; RS 0.275. 11) (ATF 123 III 414 consid. 2b et c p. 418/419). Rien ne s'oppose à qualifier de la même manière la décision par laquelle, comme en l'espèce, le tribunal suprême d'un canton refuse de suspendre la cause en application de l'art. 35 LFors, qui est le pendant, en droit interne, de l'art. 21 CL (cf. Message du 18 novembre 1998 concernant la loi sur les fors, in FF 1999 III, p. 2632, où le Conseil fédéral insiste sur le lien très étroit existant entre les questions relatives aux actions identiques et la compétence territoriale). Le recours est par conséquent recevable.
2.- a) La présente espèce met en jeu l'art. 35 LFors, qui a trait aux actions identiques. L'alinéa 1 de cette disposition prévoit que, lorsque des actions portant sur le même objet de litige entre les mêmes parties sont introduites devant plusieurs tribunaux, tout tribunal saisi ultérieurement sursoit à la procédure jusqu'à ce que le tribunal saisi en premier lieu ait statué sur sa compétence.
Selon l'arrêt attaqué, l'action négatoire de l'appelée en cause en Thurgovie a été introduite avant l'appel en cause devant la juridiction genevoise. Cependant, la cour cantonale, se fondant sur l'arrêt publié aux ATF 105 II 229, a nié l'identité entre l'action en constat négative et l'action condamnatoire; elle a ainsi considéré que l'une des conditions cumulatives d'une suspension au sens de l'art. 35 al. 1 LFors n'était pas réalisée dans le cas particulier.
b) L'appelée en cause reproche à la Chambre civile d'avoir violé le droit fédéral en ne reconnaissant pas l'identité des deux actions en cause. Premièrement, la cour cantonale aurait faussement qualifié d'action condamnatoire l'appel en cause formé à Genève, alors que cette procédure ne tendrait qu'à faire constater l'existence d'un droit de recours du défendeur à l'égard de l'appelée en cause; la jurisprudence citée à l'appui du refus de la suspension ne serait dès lors pas déterminante, s'agissant de deux actions en constatation, l'une négative, l'autre positive. Au demeurant, l'appelée en cause est d'avis que la notion étendue d'identité des objets adoptée par la jurisprudence dans le cadre de l'art. 21 CL est également valable pour interpréter l'art. 35 LFors; ainsi, tant le Tribunal fédéral, à l'ATF 123 III 414, que la Cour de Justice des Communautés Européennes (ci-après:
CJCE) ont admis qu'une action en exécution et une action en négation de droit étaient identiques dans la mesure où elles étaient fondées sur le même contexte de faits.
3.- Il convient à présent d'examiner les deux actions introduites par l'appelée en cause, respectivement le défendeur.
a) Il ne fait aucun doute que l'action engagée en Thurgovie met aux prises les mêmes parties que celles opposées dans l'appel en cause genevois. A cet égard, le rôle des parties dans chacune des procédures est sans importance; que X.________ AG soit, d'un côté, demanderesse et, de l'autre côté, appelée en cause contre laquelle sont prises des conclusions récursoires, ne l'empêche pas de se prévaloir de l'exception de litispendance (Peter Ruggle/Kristina Tenchio-Kuzmic, Bundesgesetz über den Gerichtsstand in Zivilsachen, in Kommentar zum Schweizerischen Zivilprozessrecht, n. 6 et 7 ad art. 35, p. 351; Franz Kellerhals/Andreas Güngerich, GestG-Kommentar, Berne 2001, n. 4 ad art. 35, p. 277; Felix Dasser, Kommentar GestG, Zurich 2001, n. 8 et 10 ad art. 35, p. 856; Yves Donzallaz, Commentaire de la loi fédérale sur les fors en matière civile, n. 28, p. 739 et n. 38, p. 744; Jean-Marc Reymond, L'exception de litispendance, thèse Lausanne 1990, p. 205/206, p. 208/209, p. 243/244 et p. 302).
La condition de l'identité subjective est réalisée.
b) L'application de l'art. 35 LFors suppose en outre l'identité de l'objet du litige. En relation avec l'exception de chose jugée, le Tribunal fédéral a admis que tel était le cas lorsque, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits (ATF 123 III 16 consid. 2a p. 18; 121 III 474 consid. 4a p. 477 et l'arrêt cité).
L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (ATF 123 III 16 consid. 2a p. 19; 121 III 474 consid. 4a p. 478; cf. également Donzallaz, op. cit. , n. 31, p. 740/741).
aa) La conclusion principale de l'appel en cause tend à "condamner X.________ AG à relever et garantir M.
Y.________ de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui dans le cadre de la cause N° C/... en capital, intérêts et frais". Quoi qu'en dise l'appelée en cause, cette action récursoire est bien de nature condamnatoire, car elle tend à l'exécution d'une prestation en faveur du défendeur (cf. Charles Ceppi, Les conclusions en procédure civile - supplément, p. 9).
Parmi les conclusions de la demande déposée devant le Tribunal de district d'Arbon, seule la quatrième, par laquelle l'appelée en cause veut notamment faire constater l'absence de recours du défendeur au cas où ce dernier perdrait son procès contre Z.________, repose sur le même fondement juridique et le même complexe de faits que l'appel en cause formé à Genève. A priori, il y a identité de l'objet du litige. Cependant, la question de l'éventuelle identité entre une action négatoire et une action condamnatoire est controversée; elle mérite dès lors un plus ample examen dans le cadre de la LFors.
bb) Dans l'arrêt publié aux ATF 105 II 229, rendu en application d'une convention bilatérale d'exécution de décisions judiciaires, le Tribunal fédéral a rejeté l'exception de litispendance, faute d'identité entre une action négatoire de droit antérieure et une action condamnatoire déposée postérieurement; il a considéré comme déterminant à cet égard le fait qu'en cas de rejet, l'action en constat négative n'excluait pas une action en paiement ultérieure (consid. 1b p. 233). En revanche, cette jurisprudence a été expressément écartée dans le cadre de la Convention de Lugano.
S'inspirant des arrêts rendus par la CJCE, le Tribunal fédéral a jugé que l'action tendant à faire constater, en Suisse, que les demanderesses ne devaient rien à la défenderesse en raison des faits exposés dans la demande déposée en Grande-Bretagne, portait sur le même objet et la même cause au sens de l'art. 21 CL que l'action condamnatoire introduite outre-Manche par la défenderesse (ATF 123 III 414 consid. 5 p. 422/423; cf. également ATF 125 III 346 consid. 4b). En effet, le but visé par l'art. 21 CL est d'éviter que les tribunaux des Etats contractants rendent des décisions exécutoires contradictoires; or, ce but ne peut être atteint que si la disposition sur la litispendance s'applique à toutes les procédures judiciaires où ce risque existe (ATF 123 III 414 consid. 5 p. 422).
Les auteurs sont partagés sur la question. Pour certains, la jurisprudence de l'ATF 105 II 229 est valable sous l'empire de la LFors. Ils en tirent la conclusion qu'il ne peut y avoir identité objective si l'action négatoire précède l'action condamnatoire (Ruggle/Tenchio-Kuzmic, op.
cit. , n. 14 ad art. 35, p. 354; Kellerhals/Güngerich, op.
cit. , n. 7 et note de pied 2 ad art. 35, p. 278). Sans prendre réellement position, Donzallaz observe que la jurisprudence très extensive de la CJCE et du Tribunal fédéral à propos de l'art. 21 CL conduit parfois à des résultats choquants, notamment en cas de procès dilatoire ou de blocage (op. cit. , n. 42 et 43 ad art. 35 et note de pied 2864 décrivant le procédé dit de l'Italian Torpedo, p. 746). Pour Dasser, le cas d'une action négatoire antérieure à une action condamnatoire relève de l'art. 36 LFors, relatif aux actions connexes; la suspension supposerait alors l'existence d'un intérêt particulier à la constatation demandée (op. cit. , n. 17 ad art. 35, p. 858). Le même auteur relève pourtant que l'entrée en vigueur de la LFors peut être l'occasion d'adapter la jurisprudence suisse à la solution européenne (op.
cit. , n. 17 ad art. 35, p. 858/859). C'est précisément l'opinion de Isaak Meier, qui estime que la notion d'actions identiques doit s'interpréter de la même manière à l'art. 21 CL et à l'art. 35 LFors (GestG - Konzept des neuen Rechts und erste Antworten auf offene Fragen, in Revue de l'Avocat 1/2001, p. 29).
L'art. 35 LFors tend à éviter des jugements contradictoires au cas où des actions identiques sont introduites à plusieurs endroits (Message concernant la LFors, in FF 1999 III, p. 2632; Jacques Haldy, Présentation générale des nouveaux fors fédéraux, in Les nouveaux fors fédéraux et les nouvelles organisations judiciaires, CEDIDAC 2001, p. 21).
Cette disposition poursuit donc le même but que l'art. 21 CL (cf. ATF 123 III 414 consid. 5 p. 422). Du reste, le Conseil fédéral souligne le parallélisme entre l'art. 36 du projet (= art. 35 LFors) et l'art. 21 CL; en note de bas de page, il se réfère même expressément à l'arrêt publié aux ATF 123 III 414, rendu en application de l'art. 21 CL (FF 1999 III, p. 2632/2633; Donzallaz, op. cit. , n. 18 ad art. 35, p. 734; Haldy, op. cit. , p. 21).
Vu l'analogie entre les deux dispositions et leur but semblable, on ne voit pas pourquoi la notion de l'identité de l'objet du litige développée par la jurisprudence dans le cadre de la Convention de Lugano ne serait pas valable également dans le cadre de la LFors (cf. Donzallaz, op.
cit. , n. 30 ad art. 35, p. 740, pour lequel l'objet du litige se définit de la même manière à l'art. 35 LFors et à l'art. 21 CL). Si elles opposent les mêmes parties et portent sur le même complexe de faits, une action négatoire et une action condamnatoire doivent ainsi être considérées comme identiques au sens de l'art. 35 LFors (cf. ATF 123 III 414 consid. 5 p. 423). Peu importe à cet égard que l'action en négation de droit précède ou suive l'action en exécution, car il serait contraire à la logique de faire dépendre la notion d'identité de l'ordre d'introduction des procédures: soit les actions sont identiques, soit elles ne le sont pas (cf. Dasser, op.
cit. , n. 18 ad art. 35, p. 859). Par ailleurs, le risque de blocage évoqué plus haut ne doit pas être surestimé. Les tribunaux suisses ne paraissent pas avoir pour habitude de laisser les affaires s'enliser. On peut dès lors compter sur la rapidité du juge saisi en premier à se prononcer sur sa compétence, voire à rendre une décision d'irrecevabilité en cas de défaut d'intérêt manifeste à la constatation.
Au demeurant, cette solution s'impose indépendamment du parallélisme existant entre l'art. 35 LFors et l'art. 21 CL. En effet, la jurisprudence consacrée à l'ATF 105 II 229 ne peut être reprise pour les raisons exposées ci-après. Selon l'arrêt susmentionné, il n'y a litispendance que si la première procédure permet d'aboutir à un jugement ayant autorité de chose jugée, c'est-à-dire qui tranche définitivement le sort de la prétention faisant l'objet des deux procédures.
Or, en cas de rejet de l'action en négation de droit, le défendeur n'obtient pas le résultat que l'admission de ses conclusions condamnatoires lui assurerait. Tirant argument de ce cas de figure, le Tribunal fédéral a refusé de qualifier d'identiques les actions négatoire et condamnatoire (ATF 105 II 229 consid. 1b p. 233). Cette jurisprudence a été critiquée par Kummer (Die privatrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre 1979, in RJB/ZBJV 117/1981, p. 162 ss; approuvé par Poudret, COJ II, n. 1.3.2.6 ad art. 43, p. 117; cf. également Reymond, op. cit. , p. 221). Comme cet auteur le fait observer avec pertinence, la coexistence des deux actions crée un risque de décisions contradictoires. Or, l'art. 35 LFors, qui tend précisément à éviter des jugements contradictoires, doit être interprété de manière à écarter un tel risque. En l'occurrence, si aucun des deux procès n'est suspendu, le Tribunal de district d'Arbon pourrait, par hypothèse, reconnaître le principe de la dette de l'appelée en cause envers le défendeur, en rejetant l'action négatoire, alors que le juge genevois, qui doit trancher cette question préalablement, pourrait y répondre négativement et rejeter l'appel en cause; le risque de décisions contradictoires existe donc. A l'inverse, un jugement thurgovien antérieur admettant l'action en constat négative aurait autorité de chose jugée et rendrait la procédure genevoise sans objet.
Mais, dans cette hypothèse-là également, des motifs d'économie du procès plaident pour ne pas laisser les deux instances se dérouler en parallèle. La suspension de la seconde procédure sur la base de l'art. 35 LFors apparaît dès lors comme le moyen adéquat pour éviter des jugements contradictoires ou un procès inutile lorsqu'une action en négation de droit est opposée à une action condamnatoire.
Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé l'art. 35 LFors en considérant que l'action négatoire introduite en Thurgovie n'était pas identique à l'appel en cause genevois.
4.- Cela étant, le défendeur, dans son mémoire de réponse, conteste l'antériorité de l'action introduite à Arbon par l'appelée en cause.
a) L'art. 38 du projet de LFors prévoyait que la litispendance est créée par l'ouverture de l'action. Cette solution n'a pas été retenue par le Parlement, qui ne voulait pas d'un concept unifié au plan fédéral. C'est dès lors au regard du droit cantonal qu'il conviendra de définir la litispendance, afin de déterminer le juge saisi en premier (Ruggle/Tenchio-Kuzmic, op. cit. , n. 18ss ad art. 35, p. 355ss; Kellerhals/Güngerich, op. cit. , n. 8 ad art. 35, p. 278; Dasser, op. cit. , n. 18ss ad Vorbemerkungen zu Art. 35-36, p. 848ss; Donzallaz, op. cit. , n. 9 ad art. 35, p.
726).
b) En droit thurgovien, le § 90 de la loi de procédure civile du 6 juillet 1988 traite de la litispendance. Son alinéa 1 a la teneur suivante:
"Klage und Widerklage werden mit der Einlassung in den
Rechtsstreit und, wo kein Vermittlungsvorstand stattfindet,
mit dem Eintreffen der erforderlichen Eingabe beim
Gericht rechtshängig. "
Même si la formulation adoptée n'est pas des plus claires, il est admis que la litispendance est créée par le dépôt de la requête en conciliation (Ruggle/Tenchio-Kuzmic, n. 25 ad art. 35, p. 357). Comme l'appelée en cause a introduit la procédure de conciliation en Thurgovie le 20 décembre 2000, son action en constat négative est antérieure à l'appel en cause formé par le défendeur à Genève le 3 janvier 2001.
Les conditions d'une suspension au sens de l'art. 35 LFors sont réunies en l'espèce. Il ne s'impose dès lors pas de se prononcer sur l'éventuelle application de l'art. 36 LFors, préconisée par l'appelée en cause à titre subsidiaire.
5.- a) Enfin, il convient d'examiner le moyen tiré de l'abus de droit, écarté en instance cantonale mais repris par le défendeur dans son mémoire de réponse.
b) Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'adjectif "manifeste" indique qu'il convient de se montrer restrictif dans l'admission de l'abus de droit (arrêt 4C.225/2001 du 16 novembre 2001, consid. 2b). Ce principe vaut également dans le domaine de la procédure (ATF 123 III 220 consid. 4d p. 238; 111 II 62 consid. 3, 429 consid. 2d p. 438; 107 Ia 206 consid. 3a). Il peut y avoir abus de droit, par exemple, lorsqu'une institution juridique est détournée de son but (ATF 122 II 134 consid. 7b, 289 consid. 2a; 122 III 321 consid. 4a) ou lorsque l'exercice d'un droit ne répond à aucun intérêt (ATF 123 III 200 consid. 2b p. 203).
c) Le défendeur reproche à l'appelée en cause de s'être dépêchée d'introduire action en Thurgovie ("forum running") afin de pouvoir soulever à Genève l'exception de litispendance.
En réalité, le juge genevois n'avait pas à juger si ce reproche était fondé et si le comportement décrit constituait un abus de droit. En effet, il appartiendra au juge thurgovien d'examiner les conditions de l'action en constat négative, qui suppose précisément un intérêt du demandeur, en particulier pour éviter un abus de droit (sur cette question, voir Gion Jegher, Mit schweizerischer negativer Feststellungsklage ins europäische Forum Running - (Gedanken anlässlich BGE 123 III 414), in RDS 1999/118 I, p. 31ss, spéc. p. 41ss).
Quant à se prévaloir d'une action antérieure, il ne saurait s'agir d'un abus de droit puisque, dans le système de l'art. 35 LFors, le juge saisi en second lieu devrait même prononcer la suspension d'office, si cette tâche ne se heurtait pas à des difficultés pratiques (Haldy, op. cit. , p. 21).
6.- En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours et d'annuler l'arrêt attaqué. Comme dans le jugement de première instance, la suspension sera limitée à la procédure d'appel en cause.
Le défendeur, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera à l'appelée en cause une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et dit qu'il est sursis à la procédure d'appel en cause jusqu'à ce que le Tribunal de district d'Arbon ait statué sur sa compétence dans la cause introduite le 20 décembre 2000 par X.________ AG contre Y.________;
2. Renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale;
3. Met un émolument judiciaire de 9000 fr. à la charge du défendeur;
4. Dit que le défendeur versera à l'appelée en cause une indemnité de 9000 fr. à titre de dépens;
5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 8 mai 2002 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,