BGer 6S.443/2001 |
BGer 6S.443/2001 vom 10.05.2002 |
{T 0/2}
|
6S.443/2001/DXC
|
6S.444/2001
|
C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
|
***********************************************
|
10 mai 2002
|
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
|
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et M. Karlen,
|
Juges. Greffier: M. Denys.
|
______________
|
Statuant sur les pourvois en nullité
|
formés par
|
T.________, représenté par Me Vincent Spira, avocat à
|
Genève, et A.________, cette dernière agissant tant en
|
son nom qu'en qualité de représentante légale de ses en-
|
fants mineurs B.________ et C.________, représentée par
|
Me Robert Assael, avocat à Genève,
|
contre
|
l'arrêt rendu le 11 mai 2001 par la Cour d'assises du
|
canton de Genève dans la cause qui oppose les recourants
|
à X.________, actuellement détenu à la prison de Champ-
|
Dollon, à Thônex, représenté par Me Didier Plantin, avo-
|
cat à Genève;
|
(tort moral [art. 47 CO])
|
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
|
les f a i t s suivants:
|
A.- X.________ a été engagé en 1986 en qualité de
|
vendeur par un grand magasin à Genève. Il travaillait au
|
rayon des vins. Le 16 décembre 1997, vers 12 h 45, à
|
l'issue d'un entretien avec le chef du personnel puis
|
avec le directeur de l'établissement, il a été licencié
|
sur-le-champ. Après avoir quitté ses interlocuteurs, il
|
s'est muni d'un couteau au rayon de la coutellerie et a
|
cherché en vain un collègue à qui il voulait faire peur.
|
Il s'est rendu à la cave et a alors frappé son supérieur
|
hiérarchique direct, Y.________, d'un coup de couteau
|
dans la région du ventre. La lame effilée a perforé l'ar-
|
tère iliaque commune droite de Y.________, ce qui a en-
|
traîné sa mort.
|
B.- Par arrêt du 23 septembre 1999, la Cour d'assi-
|
ses genevoise a condamné X.________, pour lésions corpo-
|
relles graves, à la peine de six ans de réclusion et à
|
l'expulsion du territoire suisse pour une durée de dix
|
ans. Elle a alloué à A.________, compagne de Y.________
|
et mère de ses deux enfants, une indemnité pour tort mo-
|
ral de 30'000 francs, et à T.________, frère de la vic-
|
time, une indemnité de 15'000 francs.
|
A.________ et T.________ ont formé un pourvoi can-
|
tonal en cassation contre cet arrêt. Ils ont principale-
|
ment soutenu que la Cour d'assises avait violé le droit
|
fédéral en ne retenant pas la qualification de meurtre.
|
Le Procureur général s'est aussi pourvu en cassation et
|
s'est plaint de ce que la Cour d'assises n'avait pas re-
|
tenu l'homicide par négligence en concours idéal avec les
|
lésions corporelles graves.
|
Par arrêt du 19 mai 2000, la Cour de cassation ge-
|
nevoise a admis le pourvoi du Procureur général. Elle a
|
en revanche déclaré irrecevables les pourvois de
|
A.________ et de T.________, pour le motif que ceux-ci
|
n'avaient pas exposé en quoi l'arrêt entrepris les lésait
|
dans leurs prétentions civiles.
|
Par arrêt du 17 août 2000, le Tribunal fédéral a
|
admis le pourvoi en nullité formé par A.________ et
|
T.________ et a annulé l'arrêt du 19 mai 2000 dans la me-
|
sure où il déclarait les pourvois cantonaux formés par
|
ces derniers irrecevables. Le Tribunal fédéral a jugé
|
qu'il apparaissait clairement que le sort des prétentions
|
civiles des recourants pouvait être influencé négative-
|
ment par le fait que l'arrêt de la Cour d'assises ne re-
|
tenait que l'infraction de lésions corporelles graves;
|
même en l'absence de motivation sur ce point, la Cour de
|
cassation genevoise pouvait aisément constater que les
|
conclusions en tort moral des victimes étaient suscepti-
|
bles d'être modifiées si la qualification de meurtre
|
était retenue; elle avait par conséquent violé l'art. 8
|
al. 1 let. c LAVI en déclarant irrecevables les pourvois
|
cantonaux des victimes pour le seul motif qu'elles
|
n'avaient pas exposé en quoi leurs prétentions civiles
|
étaient touchées par la sentence de la Cour d'assises.
|
Statuant à nouveau par arrêt du 19 janvier 2001, la
|
Cour de cassation genevoise a annulé l'arrêt de la Cour
|
d'assises du 23 septembre 1999 et a renvoyé la cause de-
|
vant cette autorité pour nouvelle décision.
|
C.- Par arrêt du 11 mai 2001, la Cour d'assises ge-
|
nevoise a condamné X.________, pour meurtre, à six ans et
|
demi de réclusion et à dix ans d'expulsion du territoire
|
suisse. Elle l'a par ailleurs condamné à payer une indem-
|
nité pour tort moral de 30'000 francs à A.________ (qui
|
avait conclu au paiement de 80'000 francs), de 20'000
|
francs à chacun des enfants B.________ et C.________ (qui
|
avaient chacun conclu au paiement de 80'000 francs) et de
|
5'000 francs à T.________ (qui avait conclu au paiement
|
de 35'000 francs), chaque montant portant intérêts à 5 %
|
l'an dès le 17 décembre 1997.
|
D.- En ce qui concerne leurs conclusions civiles,
|
A.________, agissant tant pour elle-même que pour ses
|
enfants, et T.________ ont formé un pourvoi en cassation
|
cantonal contre l'arrêt du 11 mai 2001.
|
Ils se sont également chacun pourvus en nullité au
|
Tribunal fédéral contre cet arrêt quant aux conclusions
|
civiles, sollicitant à titre préalable la suspension de
|
la procédure dans l'attente de la décision sur le pourvoi
|
en cassation cantonal. Le 4 juillet 2001, le Tribunal fé-
|
déral a agréé cette requête et a ordonné la suspension
|
jusqu'à droit connu sur l'issue de la procédure devant la
|
Cour de cassation genevoise.
|
Par arrêt du 14 décembre 2001, la Cour de cassation
|
genevoise a déclaré irrecevables les pourvois cantonaux
|
interjetés par A.________ et T.________ pour le motif que
|
la procédure genevoise excluait tant pour l'accusé que la
|
partie civile la voie du pourvoi cantonal
|
lorsque celui-ci portait sur une contestation purement
|
civile.
|
E.- Dans son pourvoi en nullité au Tribunal fédé-
|
ral, A.________ conteste le montant des indemnités pour
|
tort moral allouées par la Cour d'assises dans son arrêt
|
du 11 mai 2001. Elle conclut à la réforme de cette déci-
|
sion en ce sens qu'il lui est alloué 80'000 francs ainsi
|
que 50'000 francs à chacun de ses enfants, ces montants
|
portant intérêts à 5 % l'an dès le 17 décembre 1997. Elle
|
sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
|
Le pourvoi en nullité interjeté par T.________
|
porte également sur l'indemnité pour tort moral. Il con-
|
clut à la réforme de l'arrêt de la Cour d'assises du
|
11 mai 2001 en ce sens qu'il lui est alloué 35'000 francs
|
avec intérêts à 5 % l'an dès le 17 décembre 1997.
|
Invité à se déterminer sur la recevabilité des
|
pourvois en nullité, le Procureur général genevois a in-
|
diqué qu'il n'entendait pas formuler d'observations.
|
Considérant en droit :
|
1.- Les pourvois en nullité des recourants sont di-
|
rigés contre la même décision et contiennent des griefs
|
similaires à propos de l'insuffisance des indemnités pour
|
tort moral octroyées. Indépendamment du fond, ils posent
|
un problème identique de recevabilité. Il se justifie
|
donc de les traiter simultanément dans un seul arrêt
|
(ATF 125 IV 206 consid. 1 p. 209).
|
2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
|
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis
|
(ATF 126 IV 107 consid. 1 p. 109).
|
a) Les pourvois en nullité interjetés portent uni-
|
quement sur les conclusions civiles jugées par la Cour
|
d'assises genevoise. Le pourvoi en nullité est ouvert, à
|
l'exclusion du recours en réforme, pour se plaindre de la
|
décision civile rendue dans le cadre de la procédure pé-
|
nale, lorsque les conclusions civiles ont été jugées en
|
même temps que l'action pénale (art. 271 al. 1 PPF;
|
ATF 118 II 410 consid. 1 p. 412). Si le Tribunal fédéral
|
n'est pas saisi en même temps de l'action pénale et qu'un
|
recours en réforme sans égard à la valeur litigieuse
|
n'est pas possible (cf. art. 45 OJ), le pourvoi sur l'ac-
|
tion civile n'est recevable que pour autant que celle-ci
|
atteigne la valeur litigieuse requise pour un recours en
|
réforme (art. 271 al. 2 PPF), soit 8'000 francs (art. 46
|
OJ). En l'espèce, les conclusions civiles litigieuses en
|
instance cantonale dépassent largement cette valeur mini-
|
male.
|
b) aa) L'art. 268 ch. 1 PPF prévoit que le pourvoi
|
en nullité est recevable "contre les jugements qui ne
|
peuvent pas donner lieu à un recours de droit cantonal
|
pour violation du droit fédéral. Font exception les juge-
|
ments des tribunaux inférieurs statuant en instance can-
|
tonale unique".
|
Cette disposition, inspirée de l'art. 48 OJ relatif
|
au recours en réforme, tend à éviter que les jugements de
|
tribunaux inférieurs statuant comme instance unique puis-
|
sent être portés directement devant le Tribunal fédéral;
|
un pourvoi en nullité contre les jugements d'instances
|
inférieures n'est admissible que si elles se sont pronon-
|
cées en deuxième instance, en qualité d'autorité de re-
|
cours cantonale (ATF 116 IV 78 consid. 1 p. 78/79).
|
L'idée est de décharger le Tribunal fédéral de cas tout à
|
fait mineurs qui sont jugés en instance cantonale unique
|
par un tribunal inférieur (cf. Bernard Corboz, Le pourvoi
|
en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral, SJ
|
1991 p. 68). Dans la pratique, l'exclusion du pourvoi en
|
nullité en vertu de l'art. 268 ch. 1 2ème phrase PPF est
|
rare car c'est le plus souvent comme autorité de recours
|
que les tribunaux inférieurs statuent en dernière ins-
|
tance cantonale (cf. Martin Schubarth, Nichtigkeitsbe-
|
schwerde 2001, Berne 2001, n° 28, p. 16/17).
|
bb) Il est généralement admis qu'une cour d'assi-
|
ses, instaurée pour connaître de la grande criminalité,
|
ne constitue pas un tribunal inférieur et échappe donc à
|
la limitation prévue par l'art. 268 ch. 1 2ème phrase PPF
|
lorsqu'elle statue en instance cantonale unique (cf.
|
Bernard Corboz, op. cit., p. 68; Erhard Schweri, Eidge-
|
nössische Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen, Berne
|
1993, n° 151 p. 65; cf. aussi FF 1964 p. 923). Bien sûr,
|
conformément à l'art. 268 ch. 1 1ère phrase PPF, si un
|
recours cantonal contre l'arrêt d'une cour d'assises per-
|
met un libre examen du droit fédéral, c'est-à-dire que
|
l'autorité de recours dispose de la même cognition que
|
celle du Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité,
|
c'est alors la décision de cette autorité qui équivaut à
|
une décision de dernière instance cantonale et contre la-
|
quelle le pourvoi en nullité doit être formé. Par recours
|
cantonal, il faut entendre tous les moyens de droit can-
|
tonal quelle que soit leur nature, qui permettent de re-
|
voir librement l'application du droit fédéral (ATF 102 IV
|
59 consid. 1a p. 60; Erhard Schweri, op. cit., n° 117 ss,
|
p. 56-58). L'existence ou non d'un recours cantonal sus-
|
ceptible de faire contrôler librement le droit fédéral
|
est donc décisive, sans qu'il importe de savoir si ce re-
|
cours cantonal doit être qualifié d'ordinaire ou d'extra-
|
ordinaire.
|
Selon la jurisprudence, la Cour d'assises zuri-
|
choise ne constitue pas une juridiction inférieure, de
|
sorte qu'un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral est
|
recevable (ATF 92 IV 152). Il faut à cet égard souligner
|
que la procédure zurichoise ne prévoit aucun recours can-
|
tonal contre un arrêt de la Cour d'assises, qui permet-
|
trait à une autorité supérieure d'examiner librement la
|
violation du droit fédéral (cf. Niklaus Schmid, Straf-
|
prozessrecht, 3ème éd., Zurich 1997, n° 1075 in fine; cf.
|
aussi Martin Schubarth, op. cit., n° 24, p. 16). C'est à
|
cette lumière qu'il faut lire l'ATF 92 IV 152 précité.
|
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a jugé que la Cour
|
d'assises tessinoise présentait le caractère d'une juri-
|
diction inférieure car il existait contre les décisions
|
de cette autorité deux voies de recours cantonales, une
|
sur le plan pénal, l'autre sur le plan civil, lesquelles
|
permettaient notamment un libre examen du droit fédéral.
|
Il a en outre confirmé le statut de tribunal inférieur de
|
la Cour d'assises tessinoise pour les décisions prises en
|
instance cantonale unique où elle accordait au lésé, dans
|
un procès pénal, une indemnité à titre provisoire au sens
|
d'une disposition de la procédure tessinoise (ATF 96 I
|
629 consid. 1 p. 632/633).
|
cc) Dans son arrêt du 11 mai 2001, la Cour d'assi-
|
ses genevoise a statué tant sur l'action pénale que sur
|
les conclusions civiles.
|
Selon l'art. 36 de la loi genevoise sur l'organisa-
|
tion judiciaire, la Cour d'assises est composée du prési-
|
dent de la Cour de justice ou du juge délégué par lui,
|
qui la préside, et de douze jurés; elle connaît des in-
|
fractions au Code pénal passibles de réclusion pouvant
|
dépasser cinq ans, à propos desquelles le procureur géné-
|
ral entend requérir une peine supérieure à cinq ans, ain-
|
si que des infractions à la loi fédérale sur les stupé-
|
fiants, à propos desquelles le procureur général entend
|
requérir une peine supérieure à cinq ans.
|
Instaurée pour traiter de la criminalité la plus
|
aiguë, la Cour d'assises genevoise est également compé-
|
tente pour se prononcer "sur les dommages-intérêts récla-
|
més par la partie civile, s'il y a condamnation ou cons-
|
tatation de l'irresponsabilité" (art. 327 al. 5 du Code
|
de procédure pénale genevois [CPP/GE]). C'est donc préci-
|
sément lorsqu'il existe un lien étroit entre l'action pé-
|
nale et les prétentions civiles que la Cour d'assises
|
peut juger ces questions ensemble.
|
Les arrêts de la Cour d'assises peuvent faire l'ob-
|
jet d'un pourvoi en cassation auprès de la Cour de cassa-
|
tion genevoise (art. 339 let. c CPP/GE). Cette voie de
|
droit cantonale permet un libre examen du droit pénal
|
(cf. art. 340 let. a CPP/GE; Jacques Droin, Le pouvoir
|
d'examen de la Cour genevoise de cassation à la lumière
|
d'arrêts récents, in Etudes en l'honneur de Dominique
|
Poncet, Genève 1997, p. 32). Elle est ouverte au procu-
|
reur général, à l'accusé et à la partie civile dans la
|
mesure où la décision touche ses prétentions civiles ou
|
peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières
|
(art. 338 CPP/GE). Il s'ensuit que, sur le plan pénal, la
|
Cour d'assises genevoise ne statue pas en instance canto-
|
nale unique. Il en va différemment au plan civil. En ef-
|
fet, la Cour de cassation genevoise a jugé dans son arrêt
|
du 14 décembre que les conclusions civiles ne pou-
|
vaient pas faire l'objet d'un pourvoi cantonal par l'ac-
|
cusé ou la partie civile, en relevant notamment que cela
|
avait très probablement échappé au législateur cantonal.
|
dd) La Cour d'assises genevoise a donc ceci de par-
|
ticulier qu'elle occupe un rang inférieur au plan pénal -
|
c'est-à-dire qu'elle est juridictionnellement subordonnée
|
à la Cour de cassation genevoise qui peut, sur recours,
|
examiner librement le droit pénal fédéral -, cependant
|
qu'au plan civil, elle statue en première et dernière
|
instance cantonale.
|
Il s'ensuit qu'un pourvoi en nullité sur le plan
|
pénal est exclu contre un arrêt de la Cour d'assises
|
compte tenu de l'existence d'une voie cantonale de re-
|
cours (art. 268 ch. 1 1ère phrase PPF). A cet égard, le
|
statut de la Cour d'assises genevoise correspond à celui
|
de juridiction inférieure caractérisant la Cour d'assises
|
tessinoise (cf. ATF 96 I 629 précité).
|
Lorsque la Cour d'assises genevoise se prononce sur
|
les conclusions civiles, son statut est également celui
|
d'une juridiction inférieure. Ainsi qu'on l'a vu, la Cour
|
d'assises genevoise a pour principale fonction de juger
|
les affaires pénales les plus graves. Ce n'est que dans
|
la mesure où elle prononce une condamnation pénale
|
qu'elle statue sur les prétentions civiles en rapport.
|
L'aspect civil doit céder le pas face à l'organisation
|
cantonale quant à l'action pénale. En effet, rien ne jus-
|
tifie d'appréhender les aspects pénal et civil de manière
|
indépendante dans l'examen des critères de l'art. 268
|
ch. 1 PPF. Au contraire, la Cour d'assises genevoise doit
|
être appréciée comme une entité, en ayant à l'esprit
|
qu'elle a pour fonction première de juger au pénal en
|
tant que juridiction inférieure. Il n'y a pas lieu de re-
|
tenir qu'elle statue en une autre qualité au plan civil.
|
Son statut est donc celui d'une juridiction inférieure,
|
qui se prononce en instance cantonale unique, faute d'un
|
recours cantonal sur le plan civil. Dans ces conditions,
|
la restriction prévue à l'art. 268 ch. 1 2ème phrase PPF
|
trouve application. La voie du pourvoi en nullité sur les
|
conclusions civiles contre un arrêt de la Cour d'assises
|
genevoise est ainsi fermée (contra: Bernhard Sträuli,
|
Pourvoi en nullité et recours de droit public au Tribunal
|
fédéral, Berne 1995, n° 292 et 786, qui considère que la
|
Cour d'assises n'est pas un tribunal inférieur car ses
|
arrêts peuvent uniquement faire l'objet que d'un pourvoi
|
en cassation cantonal, qui est une "voie de recours ex-
|
traordinaire").
|
Par ailleurs, ouvrir le prononcé civil de la Cour
|
d'assises genevoise - en supposant qu'elle ne soit pas un
|
tribunal inférieur sur le plan civil - à un pourvoi en
|
nullité alors que l'aspect pénal ne pourrait pas simulta-
|
nément être soumis au Tribunal fédéral mais devrait être
|
attaqué par le biais d'une voie de recours cantonale,
|
comporterait un risque évident de complications, voire
|
même de jugements contradictoires (cf. ATF 96 I 629 con-
|
sid. 1b in fine p. 633). L'art. 271 PPF a précisément été
|
introduit pour permettre le contrôle simultané par le
|
Tribunal fédéral des aspects pénal et civil d'un jugement
|
cantonal et éviter les difficultés liées à des voies de
|
droit dissociées (cf. FF 1943 p. 170 ss). Encore peut-on
|
relever que l'interdépendance entre les prononcés pénal et
|
civil est au centre de la loi fédérale sur l'aide aux
|
victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5) - les recourants
|
sont d'ailleurs eux-mêmes des victimes au sens de
|
l'art. 2 al. 2 LAVI -, dont le but consiste à faciliter
|
aux victimes l'obtention de leurs prétentions civiles
|
dans le procès pénal (ATF 120 Ia 101 consid. 2e p. 107/
|
108). Lorsqu'une autorité est valablement saisie d'un re-
|
cours de l'accusé ou de la victime portant sur le plan
|
pénal, sa décision influe aussi sur les prétentions civi-
|
les, à propos desquelles elle doit donc se prononcer (cf.
|
Peter Gomm/Peter Stein/Dominik Zehntner, Kommentar zum
|
Opferhilfegesetz, Berne 1995, n° 17 ad art. 9, p. 159/
|
160). Un pourvoi en nullité sur les conclusions civiles
|
ne saurait donc être envisagé lorsque le prononcé pénal
|
peut encore être attaqué en instance cantonale.
|
3.- a) En vertu de l'art. 268 ch. 1 2ème phrase
|
PPF, la voie du pourvoi en nullité sur les conclusions
|
civiles est fermée à l'égard d'un arrêt de la Cour d'as-
|
sises genevoise, laquelle a le statut d'une juridiction
|
inférieure (cf. supra, consid. 2b/dd). La voie du recours
|
en réforme le serait d'ailleurs aussi, l'art. 48 OJ ex-
|
cluant l'accès au Tribunal fédéral contre des décisions
|
de tribunaux inférieurs (cf. Jean-François Poudret, Com-
|
mentaire de la loi fédérale sur l'organisation judi-
|
ciaire, Berne 1990, art. 48 OJ, n° 1.2.3, p. 299). Ainsi,
|
en matière de prétentions civiles jugées par la Cour
|
d'assises, l'organisation judiciaire genevoise exclut
|
l'accès au Tribunal fédéral.
|
Selon la jurisprudence, les règles de compétence
|
cantonales qui ont pour effet d'exclure le recours en
|
réforme au Tribunal fédéral dans les causes qui en sont
|
susceptibles violent le principe de la force dérogatoire
|
du droit fédéral (ATF 119 II 183 consid. 4 et 5 p. 185
|
ss). Cette jurisprudence - le principe de la force déro-
|
gatoire du droit fédéral repose désormais sur l'art. 49
|
al. 1 Cst., qui a remplacé l'art. 2 Disp. trans. aCst. -
|
s'applique pleinement au pourvoi en nullité sur les seu-
|
les conclusions civiles dans les cas où il tient lieu de
|
recours en réforme (cf. art. 271 al. 1 PPF). En vertu du
|
droit fédéral, le canton de Genève a donc l'obligation
|
d'adapter sa procédure et d'instaurer également une voie
|
cantonale de recours contre les arrêts de la Cour d'assi-
|
ses sur le plan civil, pour les affaires susceptibles de
|
faire l'objet d'un pourvoi en nullité sur les conclusions
|
civiles. La présente cause en est susceptible puisque les
|
conclusions litigieuses en instance cantonale dépassent
|
la valeur minimale de 8'000 francs (cf. art. 46 OJ et 271
|
al. 2 PPF).
|
b) Sur le plan civil, les recourants ont formé con-
|
tre l'arrêt de la Cour d'assises du 11 mai 2001 un pour-
|
voi en cassation cantonal et les présents pourvois en
|
nullité, dont le traitement a été suspendu jusqu'à droit
|
connu sur le pourvoi cantonal. Par arrêt du 14 décembre
|
2001, la Cour de cassation genevoise a déclaré irreceva-
|
ble le pourvoi cantonal, cette voie de droit n'étant pas
|
ouverte contre le prononcé civil d'un arrêt de la Cour
|
d'assises. Les recourants n'ont pas déposé de pourvoi en
|
nullité au Tribunal fédéral contre cette décision d'irre-
|
cevabilité, à la différence du cas traité dans l'ATF 119
|
II 183 précité, où le Tribunal fédéral avait obligé le
|
tribunal suprême cantonal à entrer en matière sur le re-
|
cours cantonal déposé devant lui. Il n'en reste pas moins
|
que l'absence d'une voie cantonale de recours prive les
|
recourants d'un accès au Tribunal fédéral. Peu importe
|
qu'ils aient uniquement déféré devant le Tribunal fédéral
|
l'arrêt de la Cour d'assises du 11 mai 2001 et non celui
|
de la Cour de cassation genevoise du 14 décembre 2001. En
|
effet, ils n'ont pas à pâtir d'un agencement procédural
|
incertain alors que la faute dans la rédaction et l'orga-
|
nisation des règles de procédure incombe au canton de
|
Genève (cf. ATF 123 II 231 consid. 8b p. 238/239). Par
|
conséquent, il se justifie de renvoyer les mémoires de
|
pourvoi à l'autorité cantonale dont la compétence paraît
|
la plus probable - la Cour de cassation genevoise en
|
l'occurrence, laquelle connaît déjà du pourvoi en cassa-
|
tion cantonal sur le plan pénal contre un arrêt de la
|
Cour d'assises -, qui s'en saisira comme recours cantonal
|
et examinera les moyens soulevés par les recourants ou
|
qui se chargera d'obtenir la désignation de l'autorité
|
cantonale compétente pour en traiter (ATF 126 IV 107 con-
|
sid. 4 p. 112); les recourants ayant agi en temps utile
|
devant le Tribunal fédéral, le délai de recours cantonal
|
sera réputé observé (art. 32 al. 4 let. b OJ).
|
4.- Vu le sort des pourvois, il ne sera pas perçu
|
de frais de justice. Il ne sera pas non plus alloué d'in-
|
demnité, aucune partie n'obtenant gain de cause quant au
|
fond. Sur ce point, il incombera à l'autorité cantonale
|
compétente pour statuer de se déterminer en fonction de
|
sa décision quant au fond. La requête d'assistance judi-
|
ciaire n'a ainsi plus d'objet.
|
Par ces motifs,
|
le Tribunal fédéral :
|
1. Déclare irrecevables les pourvois de T.________
|
et de A.________, cette dernière agissant tant en son nom
|
qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mi-
|
neurs B.________ et C.________.
|
2. Transmet les affaires à la Cour de cassation du
|
canton de Genève.
|
3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué
|
d'indemnité.
|
4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
|
taires des parties, au Procureur général du canton de
|
Genève, à la Cour d'assises et à la Cour de cassation ge-
|
nevoise.
|
_____________
|
Lausanne, le 10 mai 2002
|
Au nom de la Cour de cassation pénale
|
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
|
Le Président,
|
Le Greffier,
|