[AZA 0/2]
5P.94/2002
IIe COUR CIVILE
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13 mai 2002
Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mmes Nordmann
et Hohl, juges. Greffier: M. Ponti.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
L.________, et V.________, toutes deux représentées par Me Daniel Richard, avocat à Genève;
contre
l'arrêt rendu le 18 janvier 2002 par la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose les recourantes à E.________, intimée, représentée par Me Edouard Balser, avocat à Genève,
(arbitraire, droit d'être entendu)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- a) G.________ est décédé le 12 janvier 1992 lors d'un accident de voiture en Italie, laissant pour seules héritières sa deuxième femme E.________ et ses filles L.________ et V.________, issues de son premier mariage.
Précédemment, en exécution des engagements pris dans le cadre du divorce ayant mis fin au mariage avec sa première femme B.________, G.________ avait transféré à chacune de ses filles, par convention des 30 juillet et 13 août 1987, respectivement par acte authentique du 1er septembre suivant:
- 25 actions de la SI X.________, ainsi que la moitié
d'une créance contre cette société, d'un montant
de 665'623 fr. au 31 décembre 1986;
- 12 actions, ainsi que la copropriété par moitié
d'une 25e action, de la SI Y.________, de même que
la moitié d'une créance chirographaire contre
cette dernière, d'une valeur de 94'631 fr. 88 au
31 décembre 1986;
- la moitié de sa part sur l'immeuble Z.________,
dont il était copropriétaire pour une demie, ses
filles reprenant, avec l'autre copropriétaire, la
dette hypothécaire de 2'000'000 fr. y relative.
Peu après, B.________ a acquis l'autre part de copropriété de l'immeuble de Z.________Belle-Fontaine. Par acte du 17 novembre 1987, elle et ses filles ont vendu celui-ci dans son intégralité à un tiers, pour le prix de 3'700'000 fr. Le transfert de propriété a eu lieu par inscription au registre foncier du 21 décembre 1987.
b) Par convention du 15/18 juin 1990, L.________ et V.________ ont cédé à W.________, leur grand-père, les actions de la SI X.________ qu'elles avaient reçues, de même que la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires envers la SI. Le prix des actions cédées a été payé par la remise de 50% du capital-actions de la SI Y.________ pour une valeur de 1'778'544 fr. et par le versement d'une soulte de 203'355 fr., pour un total de 1'981'899 fr.; la créance chirographaire que les soeurs V.________ et L.________ détenaient envers la SI X.________ leur a été rachetée pour le montant de 517'308 fr. Après cette opération, V.________ et L.________ détenaient la totalité du capital-actions de la SI Y.________.
L'expertise ordonnée par la suite par le Tribunal de première instance a estimé la valeur nette du capital-actions de la SI Y.________ au moment du décès de G.________ (janvier 1992) à 2'690'000 fr., après déduction de la valeur vénale brute de l'hypothèque inscrite au passif du bilan; l'expert, dans son rapport du 31 mars 2000, a par ailleurs précisé ne pas avoir tenu compte de l'impact fiscal de la liquidation d'une société immobilière, parce qu'en 1992 cet aspect n'influençait pas encore la valeur des actions.
c) Le 16 avril 1991, G.________ avait rédigé, avant d'épouser en secondes noces E.________, un testament olographe par lequel il attribuait 25% de ses biens à sa nouvelle épouse, "équivalent à sa part légitime (réserve)", et le 75% à ses filles, à répartir de façon égale entre elles. Par contrat de mariage du 21 mai 1991, les futurs époux avaient par ailleurs choisi le régime de la séparation de biens, selon le droit suisse.
Le 5 avril 1994, E.________ a informé l'exécuteur testamentaire qu'elle entendait demander le rapport des trois donations faites par le défunt à ses enfants, en application de l'art. 626 al. 2 CC.
Le 8 novembre 1994, les héritières ont conclu une convention de partage, avec clause arbitrale, réservant expressément le sort des trois donations litigieuses.
B.- Le 19 avril 1995, E.________ a ouvert action en rapport et en réduction à l'encontre de L.________ et V.________ (aujourd'hui mariée P.________). Les défenderesses s'y sont opposées, invoquant notamment la prescription de l'action, mais nullement une éventuelle renonciation de la demanderesse à la réduction.
Par jugement du 20 juin 1996, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné le rapport à la succession de feu G.________ des donations en faveur de ses filles selon convention des 30 juillet/13 août 1987, à l'exclusion des fruits, dit que les modalités et l'étendue de ce rapport feraient l'objet d'une décision ultérieure, constaté le caractère réductible de la donation faite à L.________ et V.________, selon acte notarié du 1er septembre 1987, de la part de copropriété pour moitié de l'immeuble Z.________, ordonné la réunion à la succession des sommes représentant le produit de la vente de ladite part de copropriété (1'850'000 fr.) et les intérêts courus sur ce capital (370'000 fr.), condamné les défenderesses aux dépens et, enfin, rejeté toutes autres conclusions.
Par arrêt du 25 avril 1997, la Cour de justice du canton de Genève a annulé ce jugement. L'autorité cantonale a considéré que les donations faites par le défunt à ses filles n'étaient pas rapportables, en raison du testament par lequel il les avait instituées héritières dans une proportion excédant leurs parts légales. En modifiant ainsi la répartition successorale prévue par la loi, et en réduisant du même coup sa seconde femme à sa réserve, le défunt avait en effet clairement manifesté sa volonté de favoriser ses enfants au détriment de sa nouvelle épouse, de sorte qu'il n'y avait aucune raison de compléter cette volonté en cherchant à rétablir une égalité à laquelle le défunt s'était manifestement opposé.
Saisi d'un recours en réforme exercé par E.________, le Tribunal fédéral, par arrêt du 2 mars 1998, a partiellement admis le recours et annulé l'arrêt de la Cour de justice.
Il a considéré que les donations n'étaient certes pas rapportables, mais qu'elles étaient sujettes à réduction en application de l'art. 527 ch. 3 CC; à la différence de la Cour de justice, qui avait jugé prescrite l'action introduite par la seconde épouse du défunt, il a constaté que celle-ci pouvait faire valoir son droit à la réduction dans le cadre de la procédure pendante par voie de l'exception imprescriptible prévue par l'art. 533 al. 3 CC. De ce fait, la cause a été renvoyée aux autorités cantonales genevoises pour qu'elles examinent - au besoin après complément d'instruction - le mérite des prétentions de la demanderesse quant à la reconstitution de sa réserve (cf. arrêt 5C.155/1997).
C.- Statuant ensuite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, la Cour de justice, par arrêt du 4 septembre 1998, a ordonné la réunion à la succession du bénéfice net que chacune des filles du défunt a retiré de la vente de l'immeuble Z.________ (378'500 fr. chacune) et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour instruire et statuer sur la réduction des donations des actions des deux SI, un complément d'instruction étant nécessaire pour déterminer leur valeur au moment de l'ouverture de la succession.
Ce dernier, par jugement du 18 janvier 2001, a ordonné la réunion à la masse successorale d'un montant total de 4'243'158 fr., comprenant, en plus du bénéfice net retiré par les soeurs V.________ et L.________ de la vente de l'immeuble Z.________, déjà fixé par l'arrêt de la Cour de justice du 4 septembre 1998 (757'000 fr.), les montants perçus en espèces lors de la cession des actions de la SI X.________ et de la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires envers la SI (720'658 fr.), la valeur en janvier 1992 du 100% du capital-actions de la SI Y.________ (estimé par l'expert à 2'690'500 fr.) et la moitié du bénéfice net de l'exercice 1988 de la SI Y.________ (75'000 fr.). Constatant que la réserve de E.________ était lésée, selon le testament du 16 avril 1991, du quart de ce montant, le Tribunal a condamné V.________ et L.________ à payer chacune la moitié de la somme de 1'060'789 fr. 50 à l'intimée; il a enfin condamné les premières nommées solidairement aux dépens de la procédure, comprenant une indemnité de procédure de 50'000 fr. à titre de participation aux honoraires d'avocat de E.________, et débouté les parties de toutes autres conclusions.
Par arrêt du 18 janvier 2002, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement précité, condamné les recourantes aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'un émolument complémentaire à l'Etat de 5'000 fr., et débouté les parties de toutes autres conclusions.
D.- Le 22 février 2002, L.________ et V.________ ont formé, parallèlement, un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Dans le recours de droit public, invoquant une violation du droit d'être entendu et de l'interdiction de l'arbitraire, ainsi qu'une violation arbitraire des art. 533 al. 3, 617 et 618 CC comme des art. 255 et 312 de la loi de procédure civile genevoise, elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué, à ce que E.________ soit déboutée de toutes autres ou contraires conclusions et soit condamnée à tous les frais et dépens des procédures fédérale et cantonale.
L'intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse.
Considérant en droit :
1.- En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette disposition est justifiée par le fait que, si le Tribunal fédéral devait d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substituerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le recours de droit public, faute de décision susceptible d'être attaquée par cette voie (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'y déroger en l'espèce.
2.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Le jugement attaqué ne peut être attaqué par aucun autre moyen de droit sur le plan cantonal ou fédéral dans la mesure où les recourantes invoquent la violation directe de droits de rang constitutionnel, de sorte que les règles de la subsidiarité absolue et relative du recours de droit public (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ) sont respectées. Les recourantes sont personnellement touchées par la décision attaquée; elles ont donc qualité pour recourir (art. 88 OJ). Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
b) Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire, le Tribunal fédéral ne procède pas à un libre examen de toutes les circonstances de la cause et ne rend pas un arrêt au fond, qui se substituerait à la décision attaquée. Il se borne à contrôler si l'autorité cantonale a observé les principes que la jurisprudence a déduits de l'art. 9 Cst (art. 4 aCst.). Son examen ne porte d'ailleurs que sur les moyens invoqués par le recourant et motivés conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c; 126 III 534 consid. 1b; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495; 122 I 70 consid. 1c p. 73).
c) Le Tribunal fédéral ne qualifie d'arbitraire (sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 126 I 168 consid. 3a; ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b) l'appréciation des preuves que si l'autorité cantonale a admis ou nié un fait en se mettant en contradiction évidente avec les pièces et éléments de son dossier. Une jurisprudence constante reconnaît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation dans ce domaine (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst. , que si le juge cantonal a abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas compte (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371; 100 Ia 119 consid. 4 p. 127), lorsque des constatations de fait sont manifestement fausses (ATF 121 I 113 consid. 3a), ou enfin lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait insoutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p. 88). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même se révéler préférable (ATF 125 II 10 consid. 3a); pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a).
3.- Dans un premier moyen, les recourantes se plaignent d'une violation de l'art. 9 Cst. - et spécifiquement de l'interdiction de l'arbitraire - dans la mesure où la Cour de justice aurait refusé d'examiner et d'apprécier la convention de partage du 8 novembre 1994; selon elles, une juste interprétation de cette convention aurait dû conduire les juges cantonaux à constater que l'intention des parties était d'exclure toute prétention éventuelle tendant à réunir à la succession les donations litigieuses.
a) En vertu de l'art. 66 al. 1 in fine OJ, l'autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Le juge auquel la cause est renvoyée voit donc sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui adéjà été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b p. 277; 103 IV 73 consid. 1 p. 74) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui (ATF 104 IV 276 consid. 3d p. 278). Le Tribunal fédéral est aussi lié par son arrêt de renvoi; il ne peut dès lors se fonder, à l'occasion d'un nouveau recours, sur des considérations qu'il avait écartées ou dont il avait fait abstraction dans sa précédente décision (ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95).
Lorsqu'une cause est renvoyée notamment pour que l'autorité cantonale répare une omission et statue à nouveau sur l'état de fait complété, sa nouvelle décision peut faire l'objet d'un recours; le recourant ne sera toutefois admis à se prévaloir que d'un seul moyen, à savoir que le juge cantonal aurait méconnu les directives du Tribunal fédéral en établissant ou en appréciant les faits à élucider (ATF 111 II 94 consid. 2 et arrêts cités).
b) L'arrêt du Tribunal fédéral du 2 mars 1998 a confirmé le premier arrêt de la Cour de justice dans la mesure où il déclarait les donations litigieuses non soumises à rapport. S'agissant en revanche de la réduction, il a retenu que l'art. 527 ch. 3 CC était en principe applicable et que l'intimée "pouvait, en sa qualité d'héritière réservataire, faire valoir son droit à réduction dans le présent procès par voie de l'exception imprescriptible prévue par l'art. 533 al. 3 CC". Le Tribunal fédéral a dès lors constaté que le recours de l'intimée devait être partiellement admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale "pour qu'elle examine le mérite des prétentions de la recourante quant à la reconstitution de sa réserve, au besoin après un complément d'instruction (art. 64 al. 1OJ)".
Les recourantes ne prétendent pas que la Cour de justice a violé les principes que la jurisprudence a dégagés de l'art. 66 al. 1 OJ. En soutenant que la réduction des donations litigieuses peut être remise en cause en raison de la prétendue renonciation de l'intimée dans la convention de partage, les recourantes s'en prennent à une question qu'elles n'avaient pas invoquée dans la procédure de recours précédente, et que le Tribunal fédéral n'a donc pas examinée dans son arrêt de renvoi. Or, le Tribunal fédéral est aussi lié par son arrêt de renvoi, et ne peut pas se fonder, à l'occasion d'un nouveau recours, sur des considérations dont il avait fait abstraction dans sa précédente décision (ATF 111 II 94 consid. 2). Ce premier grief est donc irrecevable.
4.- a) Les recourantes invoquent ensuite une violation du droit d'être entendu; elles reprochent aux autorités cantonales d'avoir refusé d'ordonner les enquêtes qui auraient permis d'interpréter correctement la convention de partage signée le 8 novembre 1994, et surtout de prouver que la réelle intention de E.________ était de renoncer à faire valoir ses prétentions tendant à réunir à la succession les donations litigieuses.
Ce moyen est tout aussi irrecevable que le précèdent, parce qu'il concerne une question - à savoir l'interprétation de la convention de partage - que le Tribunal fédéral ne peut revoir, étant lié par son arrêt de renvoi du 2 mars 1998 (cf. consid 3b ci-dessus).
b) Les recourantes se plaignent également d'une application arbitraire de l'art. 533 al. 3 CC. Ce grief est toutefois irrecevable, le recours de droit public n'étant ouvert au regard de l'art. 84 al. 2 OJ que si la prétendue violation de droits ou de normes énumérés à l'alinéa premier de cette disposition ne peut pas être soumise par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (ATF 124 III 134 consid. 2b). Or les griefs relatifs à l'application du droit civil fédéral doivent être soulevés par la voie du recours en réforme (cf. art. 43 al. 1 OJ) lorsque celui-ci est ouvert, ce qui est le cas en l'espèce.
c) Les recourantes soutiennent aussi (cf. p. 4, ch. 11, du recours) que la Cour de justice aurait admis de façon arbitraire les conclusions en partage prises par l'intimée pour la première fois dans ses dernières écritures après enquêtes et ignoré les règles applicables au partage d'une succession. Ce grief, annoncé au début du recours, n'a pas été repris ni motivé par la suite, de sorte qu'il doit être déclaré irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).
5.- Selon les recourantes, les juges cantonaux auraient rendu une décision fondée sur une application arbitraire du droit cantonal et fédéral, en refusant de tenir compte de l'impact fiscal d'une éventuelle liquidation d'une SI et d'ordonner une expertise de l'immeuble qui tienne compte de cet aspect. De plus, en rejetant la demande des recourantes de mettre en oeuvre une expertise complémentaire, ils auraient violé leurs droits d'être entendues.
a) Lorsque l'autorité cantonale juge une expertise concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que si l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, de quelqu'autre façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables que, même sans connaissances spécifiques, le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer. Les normes de procédure cantonales se réfèrent, essentiellement, à ces principes. Selon l'art. 267 LPC/GE, le juge qui n'est pas suffisamment éclairé par un rapport d'expertise judiciaire peut en ordonner un nouveau par le même ou par un autre expert; la jurisprudence cantonale a toutefois précisé qu'un rapport complémentaire se justifie seulement si le premier rapport est incomplet, obscur ou équivoque, et lorsque la comparution personnelle de l'expert n'a pas suffi à réparer ses vices et insuffisances; une contre-expertise, en revanche, ne saurait être ordonnée au seul motif qu'une partie critique l'opinion du premier expert (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit. , n. 1 et 2 ad art. 267 LPC).
En tout cas, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite plutôt à examiner si l'autorité cantonale pouvait se rallier sans arbitraire au résultat de l'expertise (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5P.457/2000 du 20 avril 2001, consid. 4a).
b) Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend notamment celui de faire administrer les moyens de preuves, pour autant que ceux-ci soient requis dans les formes prévues par le droit cantonal et qu'ils apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ib 12 consid. 4 p. 17, 492 consid. 5b/ bb p. 505; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139 et les arrêts cités).
L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 V 180 consid. 1a; 121 I 54 consid. 2c). Pour satisfaire cette exigence, il suffit que le juge mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 consid. 2c et les arrêts cités).
c) Dans le cas d'espèce, l'expertise requise visait à déterminer, selon la méthode d'évaluation usuelle, la valeur vénale du capital-actions de la SI Y.________ au 12 janvier 1992, date de l'ouverture de la succession de G.________. Dans son rapport du 31 mars 2000, l'expert a rappelé que son évaluation tenait expressément compte des paramètres et des usages en matière d'estimation de la valeur de sociétés immobilières en 1992, et que celle-ci était déterminée en premier lieu par la valeur des actions sur le marché dans une libre transaction d'achat et vente; par contre, il ne fallait pas encore tenir compte de l'impact fiscal lié à une liquidation de la SI, puisque les dispositions légales destinées à encourager leurs liquidation avaient été introduites seulement à partir de 1995. L'expert en a conclu que l'estimation de l'impact fiscal était sans influence sur la valeur vénale du capital-actions d'une SI à la date déterminante, ce qu'il a d'ailleurs confirmé lors de sa comparution personnelle devant le Tribunal de première instance. À cette occasion, il a en outre précisé que la question d'une éventuelle liquidation de la SI en 1992 ne se posait même pas, car les mesures d'allégement fiscal dans ce domaine n'avaient été prises qu'à partir de 1995. Or, vu ce qui précède, l'autorité intimée pouvait, sans tomber dans l'arbitraire, considérer que l'expert avait répondu de manière satisfaisante aux questions qu'il était appelé à résoudre, et que des mesures d'instruction complémentaires étaient inutiles.
d) On pourrait certes se demander si la méthode utilisée par l'expert pour calculer la valeur du capital-actions de la SI Y.________ (moyenne pondérée de la valeur de rendement et de la valeur intrinsèque de l'immeuble, moins l'hypothèque grevant l'immeuble) est correcte. La valeur des actifs d'une succession se détermine en principe par le prix offert dans une libre transaction, sur un marché en conditions normales, par un tiers désireux mais non obligé d'acheter (cf. Daniel Staehelin, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 474 CC, p. 82). Or, suivant ces principes, la valeur des actions d'une société immobilière ne correspond pas forcément à la seule valeur vénale de l'immeuble (à l'actif) sous déduction de l'hypothèque au passif; d'autres facteurs - qui n'ont pas été pris en compte par l'expert - tels, par exemple, la rentabilité de la société (profits) ou l'existence au bilan d'un capital propre dissimulé (cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 2P.25/1990 du 29 avril 1991; art. 24 al. 1 let. c et 29 de la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, RS 642. 14) peuvent influencer la valeur des actions d'une SI.
On remarque toutefois que les recourantes ne critiquent pas la méthode d'estimation de la valeur de la SI utilisée par l'expert, et, en tout cas, pas pour les motifs qu'on vient de mentionner; elles se bornent en effet à répéter que l'expert ne pouvait pas ignorer la charge fiscale en cas de liquidation de la SI en janvier 1992 et se plaignent que les juges cantonaux n'ont pas donné suite au complément d'expertise apte à la déterminer. Or la charge fiscale due à la liquidation pouvait être laissée de côté par l'expert, qui devait évaluer la société immobilière et la valeur des actions lors de la mort du de cujus et non les frais d'une éventuelle liquidation de cette société.
En définitive, il n'y a pas lieu de revenir sur la valeur des actions au vu de l'existence au bilan d'éventuels postes qui pourraient influencer leur évaluation, les recourantes n'ayant pas soulevé cet argument conformément aux exigences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. consid. 2b supra). Les griefs tirés d'une violation arbitraire du droit cantonal de procédure et d'une violation du droit constitutionnel d'être entendu se révèlent ainsi irrecevables.
6.- Enfin, les recourantes prétendent que l'arrêt attaqué violerait arbitrairement les art. 617 et 618 CC . À leurs yeux, les juges cantonaux auraient procédé au partage des biens successoraux sans connaître ni la valeur de l'immeuble au moment du partage, ni le montant fiscal à déduire de la valeur du capital-actions, comme l'exigent les articles susmentionnés.
Ce moyen revient toutefois exclusivement à critiquer l'application des art. 617 et 618 CC . Ressortissant ainsi au droit fédéral, il est, une fois de plus, irrecevable dans un recours de droit public (cf. consid. 4b supra).
7.- Il résulte de ce qui précède que le recours de droit public formé contre le jugement cantonal du 18 janvier 2002 doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les recourantes, qui succombent, supporteront les frais judiciaires, solidairement entre elles ( art. 156 al. 1 et 7 OJ ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le recours.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
2. Met à la charge des recourantes, solidairement entre elles, un émolument judiciaire de 20'000 fr.
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 13 mai 2002 PIT/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE
Le Président,
Le Greffier,