Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5C.95/2002 /frs
arrêt du 31 mai 2002
IIe Cour civile
Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.
P.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Pierre Ochsner, avocat, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève,
contre
M.________,
E.________,
demandeurs et intimés,
tous les deux représentés par Me Joël Crettaz, avocat, case postale 3309, 1002 Lausanne.
aliments
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 octobre 2001
Faits:
A.
E.________, né le 26 septembre 2000, est le fils de M.________ et de P.________, lequel l'a reconnu le 30 octobre 2000. Les parents n'étaient pas mariés et n'ont jamais fait ménage commun. P.________ a déjà la charge de deux filles jumelles, nées en 1991 d'un précédent mariage et qui vivent avec lui.
Sous-directeur auprès d'une banque à Genève, P.________ a réalisé en 2000 un salaire mensuel net de 12'679 fr. Ses charges mensuelles s'élèvent au total à 7'501 fr. 15; ce montant comprend 1'217 fr. 30 de primes d'assurance décès couvrant l'hypothèque d'une villa acquise en mars 2000, 627 fr. de primes d'assurance maladie pour lui-même et ses deux filles, 1'311 fr. 30 d'impôts, 1'298 fr. 05 pour un crédit auprès de la Banque Procrédit, 537 fr. 50 pour un crédit auprès de la Banque Aufina, 200 fr. de téléphone et 750 fr. de salaire pour la jeune fille au pair, plus 1'010 fr. de minimum vital pour débiteur seul avec obligation de soutien et 550 fr. pour l'entretien de ses deux filles.
Travaillant auprès d'une organisation internationale, M.________ réalise un salaire mensuel net de 6'785 fr. 40, prime d'assurance maladie déduite. Son loyer s'élève à 1'720 fr. par mois, charges comprises, et ses frais de garderie pour E.________ à 414 fr. par mois.
B.
Le 19 décembre 2000, E.________ et M.________ ont ouvert action contre P.________. Ils ont conclu à ce que celui-ci soit condamné à verser pour l'entretien de l'enfant, en mains de la mère, une contribution mensuelle indexable fixée à dire de justice; ils ont en outre conclu au paiement à la mère d'un montant de 3'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 26 septembre 2000, à titre de frais occasionnés par la naissance de E.________.
Par jugement du 30 mars 2001, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a condamné P.________ à contribuer à l'entretien de l'enfant E.________ par le versement en mains de la mère d'une pension mensuelle indexable de 1'200 fr. dès le 1er octobre 2000 jusqu'à l'âge de dix ans révolus, de 1'400 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de quinze ans révolus, et de 1'600 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de dix-huit ans révolus; elle a en outre condamné le défendeur à verser à la demanderesse la somme de 3'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 20 décembre 2000.
C.
Par arrêt du 11 octobre 2001, notifié le 8 mars 2002, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé ce jugement en ce sens qu'elle a réduit la contribution d'entretien mensuelle due par le défendeur à 1'000 fr. dès
le 1er octobre 2000 jusqu'à l'âge de dix ans révolus, 1'200 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de quinze ans révolus, et 1'400 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de dix-huit ans révolus.
Constatant que selon les tabelles zurichoises publiées par Hausheer/Spycher/Kocher/Brunner (Handbuch des Unterhaltsrechts, 1997, p. 661), l'entretien d'un enfant seul coûtait 1'200 fr. par mois durant les premières années, les juges cantonaux ont considéré qu'il fallait admettre, vu la relative aisance des parents, que M.________ et P.________ consacraient 1'500 fr. au total à l'entretien de E.________. Cette charge globale devait être répartie entre les deux parents en fonction de leurs ressources, qui étaient dans un rapport du simple (mère) au double (père), de sorte qu'il était équitable de fixer la contribution du père à l'entretien de l'enfant à 1'000 fr. par mois, plus indexation et augmentation en fonction de l'âge de l'enfant. La cour cantonale a précisé qu'on ne saurait tenir compte des charges du défendeur, car celles-ci débordaient très largement du cadre des charges nécessaires à son entretien, en particulier pour les amortissements de crédits et les coûts liés à son logement. Au demeurant, si le défendeur avait la charge de deux autres enfants, sa capacité contributive était sensiblement supérieure à celle de la mère, et la couverture de ses besoins vitaux était plus facile vu son revenu global.
D.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, le défendeur conclut avec suite de frais et dépens à la réforme de cet arrêt en ce sens que sa contribution à l'entretien de l'enfant E.________ soit fixée à 400 fr. dès le 1er octobre 2000 jusqu'à l'âge de quatre ans révolus, 600 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de dix ans révolus, 800 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de quatorze ans révolus, et 1'000 fr. dès lors et jusqu'à l'âge de dix-huit ans révolus.
Il n'a pas été demandé de réponse au recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire au sens de l'art. 46 OJ; les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignant une valeur, calculée conformément à l'art. 36 al. 4 OJ, d'au moins 8'000 fr., le recours est recevable sous l'angle de l'art. 46 OJ. Déposé en temps utile contre une décision finale prise par le Tribunal suprême du canton de Vaud et qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, le recours est par ailleurs recevable au regard des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.
2.
2.1 Selon le recourant, l'arrêt attaqué violerait à plusieurs titres l'art. 285 al. 1 CC ainsi que les principes que la jurisprudence a déduits de cette disposition.
Le recourant fait tout d'abord valoir qu'en considérant que le minimum vital des intimés doit être de l'ordre de 1'200 fr., le disponible mensuel de l'intimée serait de 3'451 fr. 40 (6'785 fr. 40 de revenu sous déduction de 1'720 fr. de loyer, 414 fr. de frais de garderie et 1'200 fr. de minimum vital), soit exactement les deux tiers de celui du recourant, qui est de 5'177 fr. 45 (12'679 fr. de revenu sous déduction de 7'501 fr. 15 de charges). La cour cantonale aurait ainsi effectué un calcul erroné en retenant que les revenus respectifs du recourant et de l'intimée se trouvent dans un rapport de deux pour un, alors qu'ils ne sont en réalité que dans un rapport de trois pour deux; partant, la décision entreprise ne correspondrait pas aux ressources des père et mère et violerait l'art. 285 CC.
Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir, sur la seule base de la relative aisance des parents, évalué la charge globale de l'entretien de l'intimé à 1'500 fr., alors que selon les normes d'insaisissabilité, la charge mensuelle d'un enfant en bas âge est de l'ordre de 200 fr. et celle d'un enfant de dix ans de l'ordre de 275 fr. En évaluant la charge d'entretien de l'intimé à un montant sept fois supérieur au minimum vital et qui serait ainsi peu proportionné aux besoins objectifs de l'enfant, la cour cantonale aurait abusé du pouvoir d'appréciation que lui réserve l'art. 4 CC dans l'application de l'art. 285 CC.
Enfin, en retenant pour l'entretien de l'intimé un montant (1'500 fr.) cinq fois supérieur au montant admis pour ses demi-sœurs (275 fr. chacune) qui sont pourtant âgées de douze ans, la cour cantonale aurait violé le principe jurisprudentiel selon lequel des frères et sœurs ont le droit d'obtenir de leurs parents des contributions d'entretien égales, proportionnées à leurs besoins objectifs (cf. ATF 116 II 110).
2.2 Les père et mère doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 1 CC). L'entretien est assuré par les soins et l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276 al. 2 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant ainsi que de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier (art. 285 al. 1 CC). Dès lors que les enfants ont droit à une éducation et à un niveau de vie correspondant à la situation et aux ressources de leurs parents, un train de vie élevé de ces derniers doit conduire à évaluer également les besoins des enfants à un niveau plus élevé (ATF 116 II 110 consid. 3a et la jurisprudence citée). La jurisprudence a par ailleurs posé le principe que les enfants d'un même débiteur doivent être financièrement traités de manière identique, proportionnellement à leurs besoins objectifs, ce qui signifie que des frais éducatifs, médicaux ou de formation spécifiques à chacun d'eux peuvent être pris en considération; l'allocation de montants distincts n'est dès lors pas d'emblée exclue, mais commande une justification particulière; la quotité de la contribution ne dépend en outre pas uniquement de la capacité contributive du parent débiteur d'aliments, mais aussi des ressources financières du parent qui a obtenu la garde; le parent auquel incombe l'entretien de plusieurs enfants dont les besoins sont semblables peut ainsi avoir à payer des montants différents, si ces enfants vivent dans des foyers disposant de moyens financiers dissemblables (ATF 126 III 353 consid. 2b et les références citées).
2.3 On ne voit pas que l'arrêt attaqué viole les principes qui viennent d'être rappelés. En particulier, la constatation de la cour cantonale selon laquelle les ressources du recourant sont environ deux fois plus élevées que celles de l'intimée est parfaitement exacte. Les calculs présentés par le recourant mettent en rapport non les revenus respectifs du recourant et de l'intimée, mais les disponibles respectifs des deux ménages; en outre, ce faisant, le recourant prend en compte pour l'intimée les seules charges véritablement nécessaires à son entretien, alors que les charges prises en compte pour lui-même débordent très largement de ce cadre, ainsi que l'autorité cantonale l'a relevé à juste titre. Quant à l'évaluation de la charge d'entretien de l'enfant E.________, elle ne saurait être mise en cause au regard des tabelles zurichoises citées par la cour cantonale, qui font état pour l'entretien global d'un enfant en bas âge d'une moyenne statistique au 1er janvier 1996 de 1'200 fr. par mois (Hausheer/Spycher/Kocher/Brunner, Handbuch des Unterhaltsrechts, 1997, p. 661), et ce pour un enfant dont les parents réalisent ensemble des revenus nettement moins élevés qu'en l'espèce (cf. ATF 116 II 110 consid. 3a). Enfin, même si les juges cantonaux ont cité parmi les charges du recourant un montant de 550 fr. au titre du minimum vital de ses deux filles, ils ont expressément fondé leur évaluation des besoins de l'enfant E.________ non sur ces charges, mais sur les ressources du recourant. Or avec un disponible de 5'177 fr. 45, le recourant est en mesure, même après paiement de la contribution à l'entretien de E.________, d'offrir à ses deux filles un niveau de vie identique à celui de leur demi-frère. En définitive, la contribution d'entretien fixée par la cour cantonale apparaît ainsi proportionnée aux besoins de l'enfant E.________ ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère, et elle ne consacre pas une inégalité de traitement entre E.________ et ses demi-sœurs.
3.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que les intimés n'ont pas été invités à procéder et n'ont en conséquence pas assumé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral ( art. 159 al. 1 et 2 OJ ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 31 mai 2002
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: