Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2P.93/2002/viz
Arrêt du 11 septembre 2002
IIe Cour de droit public
Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Müller et Berthoud, juge suppléant,
greffière Rochat.
A.________,
recourant, représenté par Me Daniel Perdrizat, avocat,
rue du Concert 2, case postale 2849, 2001 Neuchâtel 1,
contre
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel,
Château, 2001 Neuchâtel 1.
autorisation d'une ouverture prolongée de certains magasins durant l'Expo .02,
recours de droit public contre l'arrêté du Conseil d'Etat
du canton de Neuchâtel du 27 mars 2002.
Faits:
A.
Dans le canton de Neuchâtel, la loi sur la police du commerce du 30 septembre 1991 sur la police du commerce (LPCom) règle la question de l'ouverture usuelle des magasins de la manière suivante:
« Art. 9 1Du lundi au samedi, les magasins peuvent être ouvert dès 6 heures.
2Ils doivent être fermés:
a) à 18 heures 30, du lundi au vendredi;
b) à 17 heures, le samedi;
c) à 18 heures au plus tard la veille des jours fériés, lorsque ces jours ne tombent pas un dimanche. »
Les ouvertures tardives et prolongées sont prévues à l'article 10 LPCom, ainsi libellé:
« Art. 101) 1Les magasins peuvent être ouverts:
a) jusqu'à 22 heures un soir par semaine dans les quinze jours précédant Noël;
b) deux autres soirs de l'année;
c) jusqu'à 20 heures le jeudi soir.
2A la requête des commerçants, et après avoir pris l'avis des milieux intéressés, notamment des associations professionnelles, le Conseil communal désigne chaque année ces quatre soirs de fermeture tardive.
3L'article 9, alinéa 2, lettre c, est réservé ».
En outre, sous réserve des magasins d'alimentation (art. 15 LPCom), les magasins sont en principe fermés le dimanche et les jours fériés, ainsi que le 2 janvier, le lundi de Pâques, le lundi de Pentecôte, le lundi du Jeûne fédéral et le 26 décembre (art. 14 LPCom). Les cas particuliers et les circonstances exceptionnelles sont définis aux art. 17 et 18 LPCom. Cette dernière disposition prévoit que:
« Art. 18 En cas de circonstances exceptionnelles de caractère commercial ou touris- tique et sur préavis du Conseil communal et des associations professionnelles inté- ressées, le Conseil d'Etat peut autoriser les magasins d'une commune, ou certains d'entre eux, à ouvrir le dimanche, ou l'un des autres jours mentionnés à l'art. 14, ou à rester ouverts jusqu'à 22 heures, indépendamment des quatre soirs de fermeture tardive prévus à l'art. 10. »
B.
Le 27 mars 2002, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel a adopté, en se fondant notamment sur l'art. 18 LPCom, l'arrêté concernant l'autorisation d'une ouverture prolongée de certains magasins durant l'Expo.02 (ci-après: l'arrêté cantonal), dont la teneur est la suivante:
Article premier.-1Les magasins des communes du canton ont la faculté d'être ouverts:
a) du lundi au vendredi de 6 heures à 21 heures,
b) le samedi de 6 heures à 19 heures,
c) le lundi de Pentecôte, le 1er août et le lundi du Jeûne fédéral de 6 heures à 17 heures.
2Restent réservées les dispositions de l'Ordonnance 2 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT2; RS 822.112) habituellement applicables à certains types de commerces.
Art. 2.- 1Les magasins qui feront usage de l'autorisation accordée par le présent arrêté sont tenus de se conformer strictement aux dispositions de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11) et de ses ordonnances.
2Des contrôles réguliers seront effectués par les autorités compétentes.
Art. 3.- Le Conseil d'Etat encourage les partenaires sociaux à trouver un accord sur les conditions de travail, répondant à la situation particulière d'Expo.02.
Art. 4.- 1La durée de validité du présent arrêté est fixée du mercredi 15 mai 2002 au dimanche 20 octobre 2002.
2Le présent arrêté sera publié dans la Feuille officielle.
Cet arrêté a été publié dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel du 3 avril 2002.
C.
Agissant le 19 avril 2002 par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêté cantonal et d'assortir son recours de l'effet suspensif. Il invoque la violation des principes de la séparation des pouvoirs, de la légalité, de la proportionnalité et de l'égalité de traitement.
Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
Les parties ont confirmé leurs conclusions lors d'un second échange d'écritures.
D.
Par ordonnance du 6 mai 2002 le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée à l'appui du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48 et les arrêts cités).
2.
2.1 Selon l'art. 84 OJ, la voie du recours de droit public n'est ouverte que si l'acte attaqué émane d'une autorité cantonale agissant en vertu de la puissance publique et qui affecte d'une façon quelconque la situation de l'individu, en lui imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'Etat, soit sous la forme d'un arrêté de portée générale, soit sous celle d'une décision particulière (ATF 125 I 119 consid. 2a p. 121; 121 I 173 consid. 2a p. 174 et les arrêts cités). Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, les dispositions de l'arrêté cantonal sont des mesures juridiques de portée générale. Le recours est dès lors recevable sous l'angle de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ.
2.2 L'exigence de l'épuisement des voies de droit cantonales prévue par l'art. 86 al. 1 OJ s'applique également aux recours de droit public formés contre les arrêtés cantonaux de portée générale (ATF 124 I 11 consid. 1a p. 13; 119 Ia 197 consid. 1b p. 200; 321 consid. 2a p. 324). Le droit neuchâtelois ne prévoyant aucune procédure de contrôle abstrait des normes cantonales de portée générale, le présent recours, formé directement devant le Tribunal fédéral, est donc recevable.
2.3 En vertu de l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être adressé au Tribunal fédéral dans les 30 jours dès la communication, selon le droit cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaqués. Dans le cas particulier, l'arrêté cantonal a été promulgué dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel parue le 3 avril 2002, de sorte que le recours du 19 avril 2002 a été déposé en temps utile.
2.4 Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la qualité pour recourir, au sens de l'art. 88 OJ, est reconnue à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour avec une certaine vraisemblance (ATF 125 I 173 consid. 1b p. 174, 474 consid. 1 p. 477; 125 II 440 consid. 1c p. 442). Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268/269 et les références citées).
Ces exigences relatives à la qualité pour recourir s'appliquent en particulier pour celui qui invoque le principe de la séparation des pouvoirs qui, en l'espèce, constitue l'un des deux motifs principaux du recours; il en va de même des moyens tirés de la violation des principes d'égalité, de proportionnalité et d'application arbitraire de l'art. 18 LPCom, qui n'ont pas de portée indépendante par rapport au grief principal relatif à la séparation des pouvoirs (ATF 122 I 90 consid. 2b p. 92). En outre, ce principe ne confère pas au citoyen un droit de portée générale à ce qu'aucun acte étatique ne soit pris en violation des règles de compétence, mais il le protège seulement contre une lésion de ses droits personnels par des actes d'une procédure ne respectant pas les règles de compétence (ATF 123 I 41 consid. 5b p. 42 et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, les prescriptions cantonales et communales relatives à la fermeture des magasins ne peuvent tendre qu'au respect du repos nocturne et dominical ainsi qu'à la protection, le cas échéant, des personnes qui ne sont pas soumises à la loi sur le travail, comme les propriétaires de magasins, les membres de leurs familles et les employés supérieurs (ATF 122 I 90 consid. 2c p. 93). Dans le cas particulier, le recourant ne fait pas partie du cercle de ces personnes; il fait uniquement valoir que l'arrêté cantonal heurterait son droit à la tranquillité et au repos pendant la nuit et pendant les jours ordinaires de fermeture des magasins. Or, par rapport aux heures d'ouverture usuelles de l'art. 9 LPCom, l'arrêté entrepris se borne à donner aux magasins la possibilité de rester ouverts jusqu'à 21 heures du lundi au vendredi et jusqu'à 19 heures le samedi, soit pendant des heures qui, par définition, ne sont pas de nature à perturber le repos nocturne du recourant. En ce qui concerne la faculté d'ouvrir les magasins pendant les trois jours fériés durant la période d'Expo 02 (art. 1er al. 1 lettre c de l'arrêté cantonal), le recourant n'indique pas en quoi il serait personnellement touché et ne démontre pas davantage que ces ouvertures pourraient troubler sa tranquillité. En particulier, il n'allègue pas être domicilié à proximité d'un commerce dont il aurait à supporter les nuisances.
Il s'ensuit que le recourant n'est manifestement pas touché dans ses intérêts personnels par l'arrêt litigieux, de sorte qu'il ne saurait se plaindre, de manière abstraite et en sa seule qualité de citoyen domicilié dans le canton de Neuchâtel, d'une violation du principe de la séparation des pouvoirs.
2.5 Invoquant aussi une violation du principe de l'égalité de traitement, le recourant critique le fait que l'arrêté cantonal s'applique à l'ensemble des magasins du canton et non pas uniquement à ceux situés à proximité de l'arteplage de Neuchâtel.
Même si le recourant n'est pas touché dans ses intérêts juridiquement protégés par la réglementation attaquée, la jurisprudence lui reconnaît la qualité pour recourir s'il prétend que l'arrêté cantonal mis en cause favorise des tiers et serait donc contraire au principe de l'égalité de traitement. Il faut toutefois qu'il existe un lien de corrélation entre sa situation et celle des tiers, de sorte que l'avantage qui leur est accordé constitue un désavantage pour lui (ATF 124 I 159 consid. 1c p. 162).
Cette condition n'est pas remplie en l'espèce. Dès lors que le recourant n'est ni propriétaire, ni exploitant d'un magasin concerné par l'arrêté cantonal, que ce soit dans la région de Neuchâtel ou dans la ville de la Chaux-de-Fonds, il ne saurait en effet sérieusement soutenir qu'il serait désavantagé, d'une manière quelconque, par rapport aux commerçants visés par la réglementation attaquée. Il n'a ainsi pas la qualité pour se plaindre d'une violation du principe de l'égalité de traitement entre commerçants.
3.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être déclaré irrecevable.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au Conseil d' Etat du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 11 septembre 2002
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: