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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.195/2002 /ech
Arrêt du 13 novembre 2002
Ire Cour civile
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Carruzzo.
A.________,
recourant, représenté par Me Louis Waltenspuhl, avocat,
rue Beauregard 9, 1204 Genève,
contre
Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève, Assistance juridique,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
procédure civile genevoise; assistance judiciaire
(recours de droit public contre la décision de la Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève du 12 août 2002)
Faits:
A.
A.________ et B.________ ont acheté le capital-actions de la SI Y.________, propriétaire des immeubles ... à Genève. Par la suite, A.________ a repris la part de B.________ et décidé de liquider la société immobilière. L'ensemble de cette opération a été financé par des prêts bancaires.
Le 30 juillet 1997, la Banque X.________ (ci-après: la Banque), après avoir fait expertiser les immeubles en question, a octroyé à A.________ un prêt de 9'950'000 fr., garanti par la remise de deux cédules hypothécaires, respectivement de 6'8000'000 fr. et 3'500'000 fr.
Au mois de février 2000, la Banque, qui a par la suite cédé sa créance à Z.________, a introduit une poursuite en réalisation du gage immobilier à l'encontre de A.________, réclamant le paiement de 6'800'000 fr. et 3'500'000 fr. La mainlevée provisoire de l'opposition formée par A.________ ayant été prononcée, ce dernier a ouvert une action en libération de dette. Il soutient en substance que l'expertise effectuée à la demande de la Banque a surévalué les immeubles et que la Banque l'a ainsi trompé sur la valeur des biens en cause.
B.
Pour son action en libération de dette, A.________ a sollicité l'assistance juridique.
Par décision du 10 décembre 2001, la présidente du Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté la requête, en considérant que l'action en libération de dette ne présentait pas de chances de succès.
La présidente de la Cour de justice, par décision du 27 février 2002, a confirmé ce refus, mais en retenant que A.________ n'était pas dans l'indigence.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral, par arrêt du 5 avril 2002, a annulé cette décision, en observant que l'autorité cantonale n'avait pas tenu compte du fait que le requérant devait verser à bref délai un émolument d'introduction d'un montant très important.
Examinant la cause à nouveau, la présidente de la Cour de justice, par décision du 12 août 2002, a admis l'indigence, mais confirmé le refus de l'assistance juridique, en considérant que les chances de succès de l'action en libération de dette n'étaient pas suffisantes.
C.
A.________ a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il se plaint exclusivement du fait que la présidente, sans motifs, n'a pas procédé à son audition, bien qu'il ait sollicité cette mesure. Invoquant un déni de justice, une violation de son droit à une décision motivée et une application arbitraire de l'art. 143A al. 3 de la loi genevoise d'organisation judiciaire (ci-après: OJ/GE), il conclut à l'annulation de la décision attaquée avec suite de dépens et sollicite par ailleurs sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. Sa requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 22 octobre 2002.
L'autorité intimée s'est référée à la décision attaquée, sans contester que le recourant ait sollicité son audition et sans expliquer pourquoi elle n'avait pas procédé à celle-ci.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente qui cause un dommage irréparable, de sorte que le recours de droit public est immédiatement ouvert contre une telle décision (art. 87 al. 2 OJ; ATF 125 I 161 consid. 1; 121 I 321 consid. 1). La décision attaquée n'étant susceptible d'aucun autre recours sur le plan fédéral ou cantonal, la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée, qui lui refuse l'assistance judiciaire, si bien qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
Hormis certaines exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, il revêt un caractère purement cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 III 279 consid. 1b; 126 III 524 consid. 1b).
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c).
2.
Le recourant reproche exclusivement à la présidente de la Cour de justice de ne pas l'avoir entendu oralement sans aucune motivation, alors qu'il avait sollicité une telle mesure. Il y voit un déni de justice formel, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst.
2.1 Au sens strict, un déni de justice formel n'est réalisé que lorsqu'une autorité se refuse à statuer alors qu'elle y est obligée (ATF 124 V 130 consid. 4 p. 133; 107 Ib 160 consid. 3b p. 164).
Au stade actuel de la procédure, la seule question posée à l'autorité cantonale était de savoir si l'assistance judiciaire devait ou non être accordée. En refusant l'assistance judiciaire, l'autorité intimée a statué sur ce qui était demandé et on ne saurait parler d'un déni de justice formel. Savoir quelle procédure elle devait suivre avant de prendre cette décision et quelles mesures préparatoires elle devait éventuellement ordonner est une autre question.
2.2 Le recourant soutient que son droit d'être entendu, sous la forme du droit à une décision motivée, a été violé, parce que l'autorité intimée n'a pas procédé à son audition sans fournir la moindre motivation.
Il a été déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., notamment, l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180 consid. 1a).
En l'espèce, l'autorité cantonale a clairement expliqué pourquoi elle refusait l'assistance judiciaire: elle a considéré que l'action en libération de dette n'avait pas de chances suffisantes de succès et elle en a expliqué les raisons. On ne saurait donc dire que le refus de l'assistance judiciaire n'est pas suffisamment motivé.
Le grief, tel qu'il est formulé, est étroitement dépendant des règles de procédure applicables. Lorsqu'une autorité est entièrement libre de recourir ou non a une mesure préparatoire, on doit normalement déduire d'une décision immédiate sur le fond que l'autorité a estimé que la mesure préparatoire sollicitée n'était pas nécessaire pour statuer. Cette motivation - l'inutilité de la mesure - est contenue implicitement dans la décision sur le fond, sans que l'on puisse y voir une violation du droit à une décision motivée; la seule question qui se pose alors est de savoir si la mesure a été écartée arbitrairement ou si le droit à la preuve a été violé. Contrairement à ce que soutient le recourant, son audition, dans les circonstances d'espèce, ne constitue pas une mesure probatoire, parce que les allégués d'un requérant doivent encore être prouvés.
2.3 Le recourant se plaint enfin d'une violation arbitraire de l'art. 143A al. 3 OJ/GE, qui traite du droit d'être entendu.
Le droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les dispositions de procédure applicables; les principes déduits de l'art. 29 al. 2 Cst. constituent une garantie minimale subsidiaire (ATF 126 I 15 consid. 2a; 125 I 257 consid. 3a, 417 consid. 7a). Le respect du droit cantonal de procédure ne peut être examiné par le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, que sous l'angle de l'arbitraire, tandis que le respect des garanties minimales est contrôlé librement (ATF 121 I 54 consid. 2a, 120 Ia 220 consid. 3a).
En l'espèce, le recourant n'invoque pas, à juste titre, les garanties minimales déduites de l'art. 29 al. 2 Cst. En effet, le droit constitutionnel ne confère pas au justiciable le droit de choisir entre une expression orale ou une expression écrite (Müller, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 105 ad art. 4 aCst.). En l'espèce, le recourant a pu s'exprimer par écrit sans aucune limitation, dans sa requête d'assistance judiciaire, puis dans son recours à la présidente de la Cour de justice; son droit de s'exprimer, tel qu'il est garanti par la Constitution fédérale, a donc été respecté (sur le droit de s'exprimer: cf. ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 II 132 consid. 2b p. 137; 124 V 180 consid. 1a, 372 consid. 3b p. 375).
Il faut donc examiner si le droit de procédure applicable, c'est-à-dire le droit cantonal, donne plus largement le droit d'être entendu en permettant au requérant de faire valoir ses allégués et moyens non seulement par écrit, mais aussi oralement.
L'art. 143A al. 3 OJ/GE prévoit qu'en cas de refus ou de retrait de l'assistance juridique par le président du Tribunal de première instance, la personne qui l'a sollicitée peut recourir par écrit dans les 30 jours dès la notification de la décision auprès du président de la Cour de justice. La deuxième phrase de cet alinéa ajoute: «en règle générale, le recourant est entendu».
S'agissant de droit cantonal, le Tribunal fédéral ne peut examiner si cette disposition a été violée que sous l'angle restreint de l'arbitraire.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a).
La disposition cantonale prévoit tout d'abord un recours écrit, puis ajoute que le recourant, en règle générale, est entendu. Il en résulte à l'évidence que le droit d'être entendu, tel qu'il est régi dans cette procédure cantonale, ne s'épuise pas dans la faculté de s'exprimer par écrit. Comme le législateur ne parle pas du dépôt d'un mémoire, il faut en déduire qu'il envisage la faculté de s'exprimer oralement en plus de celle de s'exprimer par écrit dans l'acte de recours. L'opinion inverse, que le Tribunal fédéral a émise quelque dix ans plus tôt, sans plus ample motivation, ne peut pas être maintenue (arrêts 4P. 50/1992, du 16 juin 1992, consid. 6c/aa et 4P.29/1992 du 7 avril 1992, consid. 2b). Cette conception large du droit d'être entendu, pour laquelle le législateur genevois a opté, s'explique probablement par le fait que le justiciable, auquel l'assistance judiciaire a été refusée, n'est peut-être pas assisté d'un avocat et qu'il lui est plus ou moins difficile de présenter un exposé bien construit dans son acte de recours.
Sans doute le justiciable pourrait-il renoncer valablement à la faculté de s'exprimer oralement, mais une telle renonciation ne ressort nullement du dossier soumis au Tribunal fédéral. Le recourant affirme au contraire qu'il a sollicité cette audition et l'autorité intimée, dans ses observations, ne le conteste pas.
Il est vrai que la disposition cantonale ne prévoit l'audition qu'en règle générale, ce qui montre que des exceptions sont possibles. La formule «en règle générale» signifie clairement que l'audition est la règle, et non pas l'exception. L'audition ne peut donc être refusée que dans des circonstances particulières.
Or, la décision attaquée et les observations de l'autorité intimée ne contiennent aucune explication qui permettrait de comprendre pourquoi l'audition a été refusée en l'espèce.
L'émolument d'introduction étant très élevé dans ce cas, il faut compter sérieusement avec l'éventualité que le refus de l'assistance judiciaire empêche le recourant de mener son action en libération de dette. En raison des sommes réclamées, on ne saurait soutenir que les intérêts en jeu sont minimes. L'autorité intimée a confirmé le refus de l'assistance judiciaire en considérant que les arguments que le recourant entendait faire valoir dans son action en libération de dette étaient inconsistants; il était donc particulièrement important de bien connaître ses moyens. Or, le droit cantonal donne, en règle générale, une chance au recourant de compléter son acte de recours par des explications orales. On ne discerne aucun motif qui justifierait, par exception à la règle générale, de le priver de cette faculté. En ne procédant pas à l'audition du recourant qui sollicitait cette mesure, l'autorité intimée a appliqué l'art. 143A al. 3 OJ/GE d'une manière incompréhensible, donc arbitraire.
Ainsi, le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par le droit cantonal, a été violé. Il s'agit d'un grief de nature formelle, qui doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment du point de savoir si le respect du droit d'être entendu aurait ou non entraîné une décision différente sur l'objet de la requête (cf. ATF 126 V 130 consid. 2b p. 132; 124 V 183 consid. 4a; 121 III 331 consid. 3c p. 334).
3.
Comme l'autorité cantonale dont la décision a fait l'objet du recours agissait dans l'exercice de ses attributions officielles sans que l'intérêt pécuniaire du canton ne soit en cause, il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, le canton de Genève, qui succombe, devra verser des dépens au recourant (art. 159 al. 1 OJ).
Ce dernier ne doit pas verser d'émolument pour la procédure devant le Tribunal fédéral et il pourra manifestement recouvrer ses dépens auprès du canton; il faut donc considérer que sa demande d'assistance judiciaire est sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Le canton de Genève est condamné à verser au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
4.
La demande d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale est sans objet.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève.
Lausanne, le 13 novembre 2002
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: