BGer 2A.418/2002 |
BGer 2A.418/2002 vom 04.12.2002 |
Tribunale federale
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2A.418/2002/elo
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{T 0/2}
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Arrêt du 4 décembre 2002
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IIe Cour de droit public
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Les juges fédéraux Wurzburger, président,
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Betschart et Müller,
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greffière Rochat.
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X.________, recourant,
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contre
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Commission du barreau du canton de Genève,
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rue des Chaudronniers 7, case postale 3079, 1211 Genève 3,
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Tribunal administratif du canton de Genève,
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rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.
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Suspension provisoire,
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recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 23 juillet 2002.
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Faits:
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A.
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Le 8 avril 2002, la Commission du barreau du canton de Genève a ordonné la suspension provisoire de X.________ avec effet immédiat, en raison des neuf procédures disciplinaires engagées contre lui. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif, le 23 avril 2002, puis par le Tribunal fédéral dans ses arrêts des 31 mai et 6 juin 2002 (2P.94/2002 et 2P.127/2002).
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Saisie d'une demande de reconsidération de sa décision du 8 avril 2002, la Commission du barreau a maintenu la suspension provisoire, par prononcé du 3 juin 2002.
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B.
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Statuant sur recours de X.________, le Tribunal administratif l'a rejeté par arrêt du 23 juillet 2002, en invitant toutefois l'autorité de surveillance à statuer dans les meilleurs délais.
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C.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif du 23 juillet 2002 et demande au Tribunal fédéral de l'autoriser à pratiquer la profession d'avocat jusqu'à droit connu sur les procédures disciplinaires en cours.
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Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et la Commission du barreau conclut au rejet du recours.
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D.
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Par ordonnance du 20 septembre 2002, le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté la demande d'effet suspensif, traitée comme demande de mesures provisionnelles, présentée par le recourant.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 128 II 56 consid. 1 p. 58, 66 consid. 1 p. 67).
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1.1 Depuis le 1er juin 2002, la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA; RS 935.61) et la loi genevoise sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS E 6 10) sont entrées en vigueur, de sorte que la décision attaquée a été rendue en application de l'art. 17 al. 3 LLCA et 44 al. 1 LPAv. Il y a donc lieu au préalable d'examiner si la voie du recours de droit administratif est en l'espèce ouverte au recourant.
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1.2 Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le recours de droit administratif est recevable contre des décisions, au sens de l'art. 5 PA, qui sont fondées sur le droit fédéral ou qui auraient dû l'être. Il en va de même des décisions qui se fondent sur des dispositions cantonales d'exécution du droit fédéral, dénuées de toute portée indépendante, ou lorsque l'application de la norme de droit cantonal autonome (ou indépendant) se trouve dans un rapport suffisamment étroit avec une question de droit administratif fédéral (ATF 128 II 56, consid. 1a p. 58; 126 II 171 consid. 1a p. 173 et les arrêts cités).
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1.3 La loi genevoise sur la profession d'avocat contient certes des dispositions indépendantes, notamment en ce qui concerne les examens et les questions de procédure. Toutefois, au sujet des manquements aux devoirs professionnels, son article 43 renvoie aux sanctions énoncées à l'art. 17 LLCA, ainsi qu'à la prescription de l'art. 19 LLCA. Ce renvoi découle du but poursuivi par la loi fédérale qui, à côté de la libre circulation des avocats, a clairement voulu unifier les mesures disciplinaires et donner la possibilité de recourir auprès du Tribunal fédéral (voir Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999, FF 1999 VI p. 5331 ss, spéc. p. 5372). Ainsi, en matière de sanctions, la décision prise en dernière instance cantonale dans ce domaine peut désormais être attaquée par la voie du recours de droit administratif. A cet égard, il n'y a pas lieu de faire une distinction lorsque, comme en l'espèce, la sanction prononcée n'est que provisoire et qu'elle est prévue aussi bien par le droit fédéral (art. 17 al. 3 LLCA) que le droit cantonal (art. 44 al. 1 LPAv). Le caractère temporaire de la suspension provisoire n'enlève en effet rien au fait qu'il s'agit bien d'une sanction de nature indépendante. En outre, dans la mesure où la décision relative à cette sanction est clairement une décision incidente entraînant un dommage irréparable au sens de l'art. 45 al. 2 lettre g PA (ATF 127 II 132 consid. 2 p. 136), l'art. 101 lettre a OJ ne fait pas obstacle à l'entrée en matière.
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Il s'ensuit que le présent recours, qui remplit les autres conditions des art. 97 ss OJ, est recevable comme recours de droit administratif.
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2.
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Le recourant soutient principalement que sa suspension provisoire porte atteinte à sa liberté économique et viole les principes de la légalité et de la proportionnalité.
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2.1 Il est certain que l'autorité de surveillance des avocats ne peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer que pour motifs graves, c'est-à-dire, lorsqu'il paraît vraisemblable que la procédure disciplinaire en cours va aboutir à une interdiction de pratiquer et qu'au vu de l'intérêt public en jeu, une telle mesure se justifie déjà pendant la procédure disciplinaire (FF 1999 VI p. 5374). En l'espèce, le Tribunal fédéral a pu constater, dans son arrêt du 31 mai 2002, qu'au vu des antécédents disciplinaires du recourant et des neuf procédures disciplinaires actuellement pendantes devant la Commission du barreau, il y avait urgence à ordonner la suspension provisoire du recourant. Le caractère urgent de la mesure découlait alors de l'art. 52 al. 2 de la loi genevoise du 15 mars 1985, aujourd'hui remplacé par l'art. 44 al. 1 LPAv, dont la teneur est identique, bien qu'il ne parle plus de suspension provisoire, mais d'interdiction temporaire. Comme l'art. 17 al. 3 LLCA, le droit cantonal permet donc à l'autorité de surveillance de prendre immédiatement une mesure efficace de protection de l'intérêt public, lorsque l'intérêt privé de l'avocat à pouvoir continuer à pratiquer sa profession n'apparaît pas prépondérant. Sur ce point, le recourant se contente d'expliquer pourquoi il n'aurait rien à se reprocher dans les six affaires actuellement instruites devant la Commission du barreau, en se gardant de mentionner les deux dénonciations émanant du Procureur général, de même que celle du Tribunal administratif, instruites selon l'autorité intimée sous chiffre 22/02. Ce faisant, il se prévaut uniquement de motifs ayant trait au fond du litige, mais ne présente aucun argument convaincant propre à démontrer que sa suspension provisoire serait injustifiée ou disproportionnée. Or, à ce stade de la procédure, il est certain que, si les intérêts du recourant sont affectés par la mesure prise, celle-ci paraît indispensable pour assurer la protection du justiciable. Les antécédents disciplinaires du recourant, en particulier sa suspension de trois mois confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 17 mai 2001 (2P.80 /2001), démontrent en effet que l'intéressé n'a tenu aucun compte des injonctions de l'autorité de surveillance, qui n'avait dès lors guère d'autre choix que celui de prononcer l'interdiction temporaire de pratiquer.
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2.2 Au vu de l'ensemble des circonstances, la juridiction intimée pouvait donc admettre que le préjudice subi par le recourant n'était pas prépondérant par rapport à l'intérêt public à l'empêcher immédiatement de pratiquer sa profession d'avocat.
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3.
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Invoquant l'art. 6 CEDH, le recourant se plaint aussi de la durée de sa suspension provisoire et de la violation de la présomption d'innocence.
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3.1 Il est vrai que, de par sa nature, l'interdiction provisoire de pratiquer sa profession devrait être remplacée le plus rapidement possible par une sanction définitive. La Commission du barreau a toutefois clairement démontré que la longueur de l'instruction provenait non seulement du nombre d'affaires disciplinaires en cause, mais surtout des requêtes ou des recours dont le recourant fait largement usage. Ainsi, quand bien même l'instruction pourrait, à première vue, paraître relativement longue au regard des principes découlant de l'art. 6 § 1 CEDH, le Tribunal fédéral ne peut que constater que le recourant en est le principal responsable (voir les faits retenus par la Commission du Barreau dans la décision du 3 juin 2002 et ceux mentionnés dans sa réponse au présent recours, ainsi que les arrêts rendus par le Tribunal fédéral les 31 mai et 6 juin 2002).
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3.2 En ce qui concerne le principe de la présomption d'innocence, il n'est pas applicable tel quel dans une procédure disciplinaire où l'ensemble des circonstances permettent de supposer qu'une interdiction de pratiquer sera vraisemblablement prononcée. Dans un tel cas, la présomption d'innocence ne peut en effet porter que sur l'étendue de la mesure à prendre.
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3.3 Les griefs du recourant tirés de l'art. 6 § 1 CEDH ne sont dès lors pas fondés.
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4.
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Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté avec suite de frais à la charge du recourant (art. 153a et 156 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à la Commission du barreau et au Tribunal administratif du canton de Genève.
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Lausanne, le 4 décembre 2002
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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