Tribunale federale
Tribunal federal
{T 1/2}
1P.575/2002 /col
Arrêt du 12 décembre 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi,
greffier Zimmermann.
Mohammed Sani Abacha, Gidado Road 8, Nassarawa, Kano, Nigeria,
recourant, représenté par MMes Bruno de Preux et Pierre de Preux, avocats, rue François Bellot 6, 1206 Genève,
contre
Abubakar Bagudu, 18A Suez Crescent, Wuse, Abuja, Nigeria, représenté par Me Vincent Jeanneret, avocat, cours de Rive 10, case postale 3054, 1211 Genève 3,
République fédérale du Nigeria,
représentée par Me Enrico Monfrini, avocat, place du Molard 3, 1204 Genève,
intimés,
Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
procédure pénale,
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 25 septembre 2002.
Considérant:
Que le Juge d'instruction du canton de Genève a inculpé Abubakar Attiku Bagudu et Mohammed Sani Abacha de participation à une organisation criminelle, de blanchiment d'argent, d'escroquerie, de gestion déloyale, subsidiairement de gestion déloyale des intérêts publics;
Que les inculpés sont soupçonnés d'avoir détourné des fonds publics au détriment de la République fédérale du Nigeria (ci-après: la République fédérale), partie civile;
Que cette procédure a été désignée sous la rubrique P/12983/1999;
Que le 23 juillet 2001, le Juge d'instruction a disjoint de cette cause celle, concernant Bagudu et Abacha, en relation avec certains comptes saisis et certaines sociétés impliquées;
Que cette nouvelle procédure a été désignée sous la rubrique P/9806/2001;
Que le 23 juillet 2001, le Juge d'instruction a communiqué cette procédure au Procureur général, en application de l'art. 185 CPP/GE;
Qu'Abacha a recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève, en demandant que la cause soit renvoyée au Juge d'instruction pour un complément d'instruction portant notamment sur l'interrogatoire de témoins;
Qu'au cours de cette procédure, le Procureur général a manifesté son intention de déléguer la poursuite pénale aux autorités de la République fédérale;
Que le 25 septembre 2002, la Chambre d'accusation a rejeté le recours;
Que selon la cour cantonale, les mesures complémentaires réclamées seraient superflues;
Qu'agissant par la voie du recours de droit public, Mohammed Sani Abacha demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 25 septembre 2002 et de renvoyer la cause à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants;
Qu'il invoque les art. 9 et 29 al. 2 Cst. ;
Que sous réserve des décisions préjudicielles et incidentes relatives à la compétence et à la récusation (art. 87 al. 1 OJ), le recours de droit public n'est recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes prises séparément que s'il peut en résulter un dommage irréparable (art. 87 al. 2 OJ);
Que la décision de "soit-communiqué" au sens de l'art. 185 CPP/GE est de nature incidente, car elle doit obligatoirement être suivie d'une décision du Procureur général selon les art. 197 à 200 CPP/GE (arrêt 1P.359/2000 du 28 juin 2000, consid. 1b; cf. ATF 128 I 215 consid. 2 p. 216/217; 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122 I 39 consid. 1a/aa p. 42, et les arrêts cités);
Que par dommage irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ, on entend exclusivement le dommage juridique, irrémédiable ultérieurement, notamment par le jugement final (ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94; 126 I 207 consid. 2 p. 210; 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42, et les arrêts cités);
Que pour le cas où le recourant serait renvoyé devant une juridiction genevoise, il disposerait de la faculté de réitérer ses demandes d'auditions de témoins et requérir un complément d'instruction (cf. notamment les art. 51, 223, 256, 284 et 289 CPP/GE);
Que la perspective d'une éventuelle délégation de la poursuite à une autorité étrangère est encore lointaine, sur le vu de la prise de position du Procureur général du 14 novembre 2002;
Que de toute manière, une telle délégation, si elle était ordonnée, ne constituerait pas un motif de déroger à la règle de l'art. 87 al. 2 OJ;
Que le Tribunal fédéral, comme juge constitutionnel, ne peut être érigé en garant de la régularité de la procédure pénale étrangère;
Que le recours est ainsi irrecevable au regard de l'art. 87 al. 2 OJ;
Que les frais en sont mis à la charge du recourant (art. 156 OJ);
Que la République fédérale, intimée ayant conclu au rejet du recours, a droit à des dépens (art. 159 OJ);
Qu'il n'y a pas lieu d'allouer des dépens pour le surplus;
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera une indemnité de 1000 fr. en faveur de la République fédérale du Nigeria, à titre de dépens. Il n'est pas alloué de dépens pour le surplus.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Juge d'instruction, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
Lausanne, le 12 décembre 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: