BGer 1P.447/2002
 
BGer 1P.447/2002 vom 27.01.2003
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.447/2002/col
Arrêt du 27 janvier 2003
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour
et président du Tribunal fédéral,
Fonjallaz et Catenazzi;
greffier Parmelin.
A.________,
recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat,
rue Rieter 9, case postale 236, 1630 Bulle,
contre
la société B.________,
intimé, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat,
case postale 1015, 1701 Fribourg,
Commune de Hauterive, case postale 16, 1730 Ecuvillens,
Préfet du district de la Sarine, Grand-Rue 51, case postale 96, 1702 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, route André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.
ordre de remise en état d'une étable en zone agricole
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Fribourg du 1er juillet 2002.
Faits:
A.
La société B.________ est propriétaire d'un domaine agricole, à Ecuvillens, affermé à A.________ jusqu'au 22 février 2008. Le centre d'exploitation se compose notamment de la ferme C.________, sise en zone agricole, qui abrite une étable à génisses et une remise.
En janvier 2001, la société B.________ a dénoncé son fermier pour avoir effectué à son insu et sans autorisation diverses transformations dans l'étable et la remise attenante. Le 30 janvier 2001, le Préfet du district de la Sarine a interpellé A.________ afin qu'il se détermine à ce propos et, le cas échéant, qu'il dépose un dossier de demande de permis auprès de la Commune de Hauterive. Par courrier du 26 avril 2001, l'intéressé a contesté les faits qui lui étaient reprochés en précisant que les travaux litigieux avaient été effectués au début 1996, en accord avec la propriétaire des lieux, et qu'en tout état de cause, il appartenait à cette dernière de déposer une demande d'autorisation de construire en vue d'une éventuelle régularisation.
Sur proposition de la Commune de Hauterive, le Préfet du district de la Sarine a tenu une inspection des lieux le 5 novembre 2001 en présence des parties et des représentants des autorités communales et cantonales concernées. A cette occasion, il a été constaté que A.________ avait procédé à la démolition des crèches et d'un soliveau et qu'il avait aménagé une stabulation libre en couche profonde en lieu et place de l'étable, sans avoir requis d'autorisation ou informé les autorités cantonales.
Par décision du 18 janvier 2002, le Préfet du district de la Sarine a ordonné la remise en état des lieux tels qu'ils se trouvaient avant les travaux litigieux, d'ici au 30 avril 2002, en application de l'art. 193 al. 3 de la loi cantonale du 9 mai 1983 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC), à la charge et aux frais de A.________, après avoir constaté qu'une régularisation de la situation était exclue à la suite du refus catégorique de la propriétaire des lieux de signer une demande de permis de construire.
Statuant par arrêt du 1er juillet 2002, la IIe Cour administrative du Tribunal administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a partiellement admis le recours formé par A.________ contre cette décision qu'elle a modifiée en ce sens qu'"un délai expirant à la fin du contrat de bail à ferme est imparti au recourant pour supprimer les transformations illégales qu'il a entreprises dans l'écurie litigieuse". Elle a estimé qu'en raison de ses incidences sur la protection des eaux et l'environnement, la réalisation d'une stabulation libre en couche profonde en lieu et place d'une écurie à bovins traditionnelle ne pouvait avoir lieu sans un contrôle officiel de l'Etat, par le biais d'une procédure de permis de construire. Elle a également considéré que le refus de la propriétaire des lieux de signer une demande de permis de construire empêchait une régularisation de la situation et qu'il existait un intérêt public important à ne pas tolérer des travaux entrepris sans droit et qui ne pouvaient être autorisés après coup, fût-ce pour des raisons formelles. Tenant toutefois compte du fait que la remise en état des lieux dans leur état antérieur aboutirait à créer une situation illégale au regard des normes fédérales sur la protection des animaux, elle a reporté l'exécution de cette mesure à l'échéance du contrat de bail à ferme agricole liant A.________ à la société B.________.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt qui reposerait sur une motivation arbitraire et qui consacrerait une violation du principe de la proportionnalité.
Le Préfet du district de la Sarine, le Tribunal administratif et la société B.________ concluent au rejet du recours. La Commune de Hauterive, par son Conseil communal, se réfère au procès-verbal de l'inspection des lieux du 5 novembre 2001.
L'Office fédéral du développement territorial a déposé des observations à propos desquelles les parties et autorités concernées ont eu l'occasion de se déterminer.
C.
Par ordonnance du 2 octobre 2002, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par le recourant.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 66 consid. 1 p. 67). Il vérifie en particulier la voie de droit ouverte, sans être lié par la dénomination de l'acte de recours (ATF 121 I 173 consid. 3a p. 175 et les arrêts cités).
Voie de droit subsidiaire, le recours de droit public n'est pas recevable si la violation alléguée peut être soumise au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale, par une action ou un autre moyen de droit quelconque (art. 84 al. 2 OJ; ATF 126 I 97 consid. 1c p. 101; 126 V 252 consid. 1a p. 253 et les arrêts cités).
Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, le recours de droit administratif est ouvert contre les décisions fondées sur le droit public fédéral - ou qui auraient dû l'être -, rendues par les autorités énumérées à l'art. 98 OJ. Il est également recevable contre des décisions fondées sur le droit cantonal et sur le droit fédéral, dans la mesure où la violation de dispositions de droit fédéral directement applicables est en jeu (ATF 126 V 252 consid. 1a p. 254; 123 II 16 consid. 2a p. 20, 359 consid. 1a/aa p. 361; 121 II 161 consid. 2a et les arrêts cités). Le recours de droit administratif est en particulier ouvert contre les décisions de dernière instance cantonale concernant des autorisations exceptionnelles de construire en dehors de la zone à bâtir, fondées sur l'art. 24 LAT (art. 34 al. 1 LAT; cf. ATF 123 II 499 consid. 1a); il en va de même lorsque la décision attaquée confirme la démolition d'une construction ou d'une installation réalisée sans autorisation, alors qu'une dérogation selon l'art. 24 LAT aurait été requise, qu'elle se fonde directement sur cette disposition (cf. ATF 105 Ib 272 consid. 1c p. 276) ou, comme en l'espèce, sur une disposition du droit cantonal (cf. ATF 118 Ib 234 consid. 1b p. 237).
Seul le recours de droit administratif est donc ouvert en l'occurrence, quand bien même l'arrêt attaqué ne mentionnait pas cette voie de droit (cf. art. 35 PA en relation avec l'art. 1er al. 3 PA; ATF 123 II 231 consid. 8a p. 237/238; 98 Ib 333 consid. 2a p. 337); le recours de droit public, irrecevable, peut cependant être traité comme un recours de droit administratif car il satisfait aux conditions de recevabilité de ce moyen de droit.
2.
L'arrêt attaqué émanant d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ). Il n'est en revanche pas tenu par les motifs invoqués et peut appliquer d'office les dispositions du droit public de la Confédération dont le recourant ne se serait pas prévalu, ou que l'autorité cantonale aurait omis d'appliquer, pourvu qu'elles se rapportent à l'objet du litige (art. 114 al. 1 OJ; ATF 128 II 34 consid. 1c p. 37 et les arrêts cités).
3.
Le recourant ne conteste plus, à juste titre, que les travaux entrepris dans l'étable pour permettre la stabulation libre du bétail étaient soumis à une autorisation de construire en vertu tant du droit fédéral (art. 22 al. 1 LAT) que du droit cantonal (art. 72 let. f du règlement d'application de la LATeC), dans la mesure où ils sont de nature à entraîner une charge supplémentaire sur l'environnement ou pour les installations d'équipement existantes par rapport à celle liée à l'exploitation d'une écurie traditionnelle (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259; 120 Ib 379 consid. 3c p. 383; 119 Ib 442 consid. 3 p. 445). Il conteste en revanche que le refus de la propriétaire des lieux de signer la demande de permis de construire puisse faire obstacle à la mise en oeuvre d'une procédure d'autorisation de construire qui aurait éventuellement permis de régulariser la situation.
Cette question peut demeurer indécise. L'irrégularité formelle des travaux ne constitue en effet pas un motif suffisant pour justifier à elle seule la remise en état des lieux à la charge et aux frais du recourant, comme l'a retenu la cour cantonale, quand bien même cette irrégularité ne pourrait être réparée ultérieurement en raison du refus de la propriétaire des lieux de déposer une demande de permis de construire ou de signer une telle demande. Pareille mesure ne pourrait se justifier que si les travaux entrepris sans autorisation devaient se révéler non conformes au droit matériel (ATF 108 Ia 216 consid. 4c p. 219; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69; Magdalena Ruoss Fierz, Massnahmen gegen illegales Bauen, thèse Zurich 1998, ch. 2.6, p. 120 et ss; voir également l'arrêt 1P.693/1995 du 14 mai 1996, consid. 3, s'agissant d'un cas où l'autorité avait cru à tort pouvoir confirmer un ordre de remise en état des lieux sans examiner la conformité au droit matériel des travaux entrepris illicitement sous prétexte que l'un des copropriétaires refusait de signer la demande de régularisation). En considérant qu'une remise en état des lieux s'imposait au regard de l'intérêt public à ne pas tolérer des travaux que le recourant n'aurait pas été en droit d'exécuter sans l'accord de la propriétaire des lieux, malgré leur conformité au droit matériel, la cour cantonale a violé le droit fédéral. Cela ne signifie pas encore que le recours doive être admis.
Le Tribunal administratif a admis la conformité des travaux entrepris au droit matériel sur la base des avis formulés par les représentants des services cantonaux intéressés lors de l'inspection des lieux effectuée le 5 novembre 2001. A cette occasion, le représentant de l'Office cantonal de la protection de l'environnement a certes considéré que, du point de vue de la protection des eaux et de la garde du bétail, les conditions fixées à l'art. 12 de la loi fédérale sur la protection des eaux étaient respectées, selon les informations reçues du recourant. Il a cependant relevé que la capacité de la fosse à purin existante serait insuffisante, compte tenu du fait - contesté il est vrai par le recourant - que les eaux usées domestiques en provenance de la ferme se déverseraient également dans cette installation. Or, une stabulation libre en couche profonde ne saurait être tenue pour conforme au droit si l'élimination des engrais de ferme qu'elle génère n'est pas assurée conformément à la loi fédérale sur la protection des eaux. La cour cantonale ne pouvait dès lors admettre la conformité des travaux litigieux aux normes fédérales sur la protection des eaux sans avoir au préalable tranché cette question. Le Tribunal fédéral ne dispose pas des éléments nécessaires pour se prononcer sur ce point et n'est dès lors pas en mesure de vérifier si les travaux entrepris sans autorisation pouvaient être tolérés malgré leur illégalité formelle, en vertu du principe de la proportionnalité, parce qu'ils sont conformes au droit matériel ou qu'ils ne lui portent qu'une atteinte mineure (ATF 123 II 359 consid. 6b/aa p. 368/369 et les arrêts cités).
En l'état, il n'est donc pas établi que les travaux exécutés sans autorisation dans l'étable de la ferme C.________ sont en tous points conformes aux dispositions applicables et qu'ils pourraient ainsi être tolérés en dépit de leur illégalité formelle. Seules des informations claires et précises de la part du recourant sur les travaux réalisés et sur les autres faits importants pour évaluer leur incidence sur l'environnement, comme le prévoit d'ailleurs la jurisprudence cantonale (RFJ 1997, p. 119), permettraient de résoudre cette question. L'arrêt attaqué doit ainsi être annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif pour que celui-ci complète l'instruction sur ce point et qu'il statue à nouveau (art. 114 al. 2 OJ).
4.
Le recours, traité comme recours de droit administratif, doit par conséquent être admis, aux frais de l'intimée qui succombe (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Cette dernière versera en outre une indemnité de dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours, traité comme recours de droit administratif, est admis au sens des considérants. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif du canton de Fribourg pour nouvelle décision.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la société B.________.
3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à la charge de la société B.________.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à la Commune de Hauterive, au Préfet du district de la Sarine, au Tribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 27 janvier 2003
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: