Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.136/2002 /ech
Arrêt du 20 juin 2003
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, président, Favre et Chaix, juge suppléant.
Greffière: Mme Aubry Girardin.
Parties
Masse en faillite A.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christophe Piguet, avocat, place St.-François 5,
case postale 3860, 1002 Lausanne,
contre
X.________ S.A.,
demanderesse et intimée, représentée par Me Daniel Pache, avocat, case postale 3485, 1002 Lausanne.
Objet
contrat de travail; salaire
(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 9 mai 2001).
Faits:
A.
A.a Du 21 août 1989 jusqu'au 31 mai 1990, A.________ a travaillé pour le compte de X.________ S.A., une société dont le but est la fourniture de produits et de services dans le domaine de l'organisation, en particulier informatique. L'activité de A.________ consistait à veiller au marketing et à fidéliser les clients de son employeur.
Aucun contrat de travail n'a été signé par les parties. Le seul document produit est un "plan de commission" rédigé à la main par B.________, administrateur de X.________ S.A., le 27 juillet 1989 et comportant des annotations qui y ont été portées ultérieurement au crayon gris. Ce plan fait notamment état d'un "revenu minimum garanti" et comporte la mention suivante "le revenu est composé du salaire brut et d'une indemnité forfaitaire de déplacement (max. autorisé par la loi env. 2 kf.)", soit 2'000 fr. Apparemment, il était prévu d'établir sur cette base un contrat écrit, lequel n'a cependant jamais été rédigé.
A.b Au cours de son emploi, A.________ a rempli des fiches de vacation, faisant état d'un nombre d'heures très variable, allant de 47 heures 05 en avril 1990 à 154 heures 45 en février 1990. Sur la base de ces fiches, il a reçu de X.________ S.A. entre septembre et novembre 1989 un montant total de 17'300 fr. sous la forme de trois chèques avec la mention "avance sur honoraires" ou "avance sur commissions et honoraires".
Comme la collaboration entre les parties permettait d'être optimiste pour l'avenir, B.________ et A.________ ont signé, le 28 décembre 1989, une convention prévoyant le versement d'un montant de 140'000 fr. à ce dernier à titre de commissions. Ce texte précisait qu'un décompte justifiant ces commissions serait établi chaque fin de mois et viendrait réduire ce montant considéré comme une avance. Un décompte de clôture serait établi au terme de la relation contractuelle pour solde de tout compte, avec remboursement de la soulte éventuelle. La convention prévoyait également la remise en garantie d'une cédule hypothécaire au porteur.
Il est établi que A.________ exerçait des activités annexes lorsqu'il était employé par X.________ S.A. Le nombre d'heures qu'il a annoncées au cours de son emploi correspond à un taux d'activité de 62,55 % si l'on se fonde sur une semaine de travail de 42 heures 30 et à un taux de 59,10 % pour une semaine de travail de 45 heures.
A.c Un litige est survenu entre les parties au sujet du paiement des allocations familiales, des rapports d'activité et du remboursement forfaitaire des frais de A.________. Le 27 avril 1990, ce dernier a réclamé le versement des allocations familiales et le paiement de ses frais par le versement d'un montant forfaitaire de 2'000 fr. II a évoqué le fait que le contrat de travail cessait ses effets à fin mai 1990 et qu'il allait dans l'intervalle remplir ses obligations militaires et prendre son solde de vacances. Tout en contestant les réclamations de A.________, X.________ S.A. a accepté cette résiliation dans un courrier du 16 mai 1990.
Le 26 juin 1990, X.________ S.A. a adressé à A.________ un décompte de commissions se soldant par un montant de 23'700 fr. en faveur de ce dernier. Deux jours plus tard, elle déclarait résilier le prêt accordé par la convention du 28 décembre 1989 et entendait réclamer un taux d'intérêt de 7,5 % l'an sur le solde à rembourser dès le 1er janvier 1990. Le 26 juin 1991, elle a fait valoir un taux d'intérêt de 10 % dès le 1er juillet 1991.
Le 3 août 1993, X.________ S.A. et B.________ ont signé une convention, notifiée à A.________, dans laquelle la société se reconnaît seule détentrice des droits mentionnés dans le contrat du 28 décembre 1989 que son administrateur avait certes signé en son nom, mais qui la lie elle uniquement.
B.
Le 27 août 1993, X.________ S.A. a assigné A.________ en paiement de 129'861 fr. avec intérêt à 7,5 % l'an dès le 1er janvier 1990, puis à 10 % dès le 1er juillet 1991. A.________ a conclu à sa libération et, reconventionnellement, au paiement de 3'618 fr. 65 avec intérêt de droit, invoquant expressément la compensation. Il a également demandé qu'il soit ordonné à X.________ S.A. de lui restituer la cédule hypothécaire remise en garantie conformément à la convention du 28 décembre 1989. A la suite de la faillite personnelle de A.________ le 22 avril 1999, la masse en faillite a décidé de continuer le procès.
Par jugement du 9 mai 2001, dont la motivation a suivi le 14 mars 2002, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné la masse en faillite de A.________ à verser à X.________ S.A. la somme de 123'498 fr. 60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990 et a mis à la charge de la défenderesse les frais de justice, ainsi que les dépens de la demanderesse. Pour fixer le montant du salaire, les premiers juges ont écarté le "plan de commission" du 27 juillet 1989 au motif qu'il s'agissait d'un brouillon au contenu inintelligible. Ils se sont fondés sur les allégués des parties lors de la procédure pour retenir un salaire mensuel de base ascendant, pour une activité à temps complet, à 6'400 fr., montant qu'ils ont réduit au prorata d'un taux d'activité de 60 %. Ils ont rejeté les prétentions en paiement d'une indemnité de vacances et d'une indemnité forfaitaire pour frais de 2'000 fr. par mois, car elle n'était établie ni par le "plan de commission", ni par les témoins entendus. Enfin, ils ont considéré la somme de 140'000 fr. comme une avance sur salaire qui devait être restituée dans la mesure où elle excédait les créances de A.________.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 28 août 2002, qui a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté par la masse en faillite de A.________.
C.
Contre le jugement de la Cour civile du 9 mai 2001, la masse en faillite de A.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme du jugement entrepris dans le sens du rejet de l'action de X.________ S.A. et de la condamnation de cette société à restituer à la masse en faillite, respectivement à A.________, la cédule hypothécaire remise en garantie conformément à la convention du 28 décembre 1989, avec suite de dépens. A titre subsidiaire, elle conclut à ce que A.________ en faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la somme de 61'880 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, que cette somme soit portée à l'état des charges et à l'état de collocation en gage mobilier avec droit de gage sur la cédule hypothécaire au porteur au capital de 50'000 fr. et à ce que les dépens dus à X.________ S.A. soient très sensiblement réduits. Plus subsidiairement encore, elle requiert que A.________ en faillite soit reconnu débiteur de X.________ S.A. de la somme de 123'498 fr. 60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, reprenant pour le surplus les conclusions formées à titre subsidiaire.
X.________ S.A. (la demanderesse) conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens.
D.
Alors que la procédure sur le recours en réforme était pendante, la masse en faillite de A.________ a formé un recours de droit public à l'encontre de l'arrêt de la Chambre des recours du 28 août 2002. Le Tribunal fédéral a rejeté ce recours par arrêt de ce jour.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 444 CPC vaud.) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 34 al. 1 let. a et 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
1.2 En règle générale, il n'est pas procédé à un second échange d'écritures (cf. art. 59 al. 4 2ème phrase OJ). Il n'est fait exception à ce principe que dans les cas où la réponse au recours contiendrait des arguments nouveaux et pertinents justifiant, en vertu du droit d'être entendu, que la partie recourante puisse s'exprimer à nouveau (ATF 124 III 382 consid. 5d et la référence citées). En l'espèce, de telles circonstances n'existent pas, de sorte que rien ne justifie de donner suite à la requête de la défenderesse tendant à un nouvel échange d'écritures.
1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c). L'acte de recours doit contenir les motifs à l'appui des conclusions; ils doivent indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste cette violation (art. 55 al. 1 let. c 1ère phrase OJ).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547). II ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2c2e/cc p. 29; 127 III 248 consid. 2c).
2.
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir adapté le salaire mensuel de base en fonction d'un taux d'activité inférieur à un temps complet. Elle y voit une violation des art. 322 CO et 8 CC.
2.1 De l'avis de la défenderesse, les parties se sont entendues sur une rétribution de base afférente à une activité à temps complet. A partir de là, point ne serait besoin de rechercher le nombre d'heures effectivement réalisées par le travailleur et toute réduction du salaire en fonction d'un taux d'activité réel violerait le droit fédéral.
Aux termes de l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective. En l'absence de salaire usuel, de contrat-type ou de convention collective se rapportant à l'activité exercée par l'employé concerné, seule entre en considération la rémunération convenue par les parties.
La cour cantonale a retenu, de manière à lier le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les parties s'étaient accordées sur une rétribution de base ascendant, pour une activité à temps complet, à 6'400 fr. Il s'agit donc du salaire convenu au sens de l'art. 322 CO. Reste cependant à déterminer si les parties ont prévu que le travailleur déploierait son activité à temps complet (art. 319 al. 1 CO) ou à temps partiel (art. 319 al. 2 CO). A suivre la défenderesse, la cour cantonale aurait violé l'art. 8 CC dans l'examen de cette question.
2.2 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125 III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC, en l'absence d'une disposition spéciale contraire, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6). En principe, c'est au créancier d'établir les circonstances propres à fonder sa prétention, alors que c'est le débiteur qui doit établir les circonstances propres à rendre cette prétention caduque. En matière de droit au salaire tiré d'un rapport de travail, cette répartition du fardeau de la preuve signifie que le travailleur doit apporter la preuve des circonstances de fait nécessaires à démontrer la conclusion d'un contrat de travail, de même que le montant du salaire convenu (art. 322 al. 1 CO). Pour sa part, l'employeur qui s'oppose au paiement du salaire doit démontrer l'extinction du rapport de travail. Cette obligation lui incombe quelle que soit la cause de l'extinction: résiliation (valable) ou annulation conventionnelle du contrat, par exemple (ATF 125 III 78 consid. 3b et les références citées).
L'art. 8 CC ne règle cependant pas comment et sur quelles bases le juge peut forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25). En effet, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de l'application de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invoquer impérativement dans un recours de droit public, est alors recevable (ATF 127 III 248 consid. 3a; 122 III 219 consid. 3c p. 223).
2.3 En l'espèce, le fardeau de la preuve d'un salaire fixé pour un emploi convenu à temps complet incombait à la seule défenderesse, en tant que masse en faillite de l'employé concerné. II ne s'agit en effet pas ici d'examiner des circonstances propres à démontrer l'extinction du droit au salaire, mais bien celles relatives à l'existence - et plus précisément à l'étendue - de ce droit. A cet égard, on peut relever que les variations chaque mois dans les heures accomplies pour l'employeur ne remettent pas en cause la qualification de travail à temps partiel (Pascale Byrne-Sutton, Le contrat de travail à temps partiel, thèse Genève 2001, p. 83).
En déclarant ne rien vouloir déduire de témoignages apparemment contradictoires sur la question du taux d'activité du travailleur, la cour cantonale n'a donc pas violé la règle sur le fardeau de la preuve. Quant à l'appréciation qu'elle a fait des éléments en présence (activités accessoires avérées du travailleur; fiches de vacation faisant état d'un nombre très variable d'heures et expertise judiciaire), elle échappe à l'examen du Tribunal fédéral en instance de réforme. Dans l'arrêt parallèle rendu ce jour sur le recours de droit public dirigé contre la décision de la Chambre des recours cantonale, la position de cette autorité, qui avait considéré que l'appréciation des premiers juges était exempte de tout arbitraire sur ce point, a du reste été confirmée par la Cour de céans.
2.4 Contrairement à ce que prétend la défenderesse, le salaire arrêté par les premiers juges doit être considéré comme un salaire brut, ce qui est communément le cas (Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 126). Cette conclusion se justifie d'autant plus que la défenderesse ne fait pas valoir des circonstances de fait exceptionnelles dans lesquelles le travailleur aurait été fondé à croire à l'existence d'un salaire net (cf. Schönenberger/Staehelin, Commentaire zurichois, no 24 ad art. 322 CO). Le résultat auquel est parvenue la cour cantonale ne viole donc pas le droit fédéral.
Par conséquent, tous les griefs soulevés par la défenderesse en rapport avec le montant de son salaire sont mal fondés.
3.
La défenderesse fait grief à la cour cantonale d'avoir écarté ses prétentions en paiement d'une indemnité forfaitaire de 2'000 fr. par mois: elle aurait méconnu la notion d'indemnité forfaitaire en exigeant du travailleur qu'il apporte la preuve de ses dépenses effectives et elle aurait comparé la situation d'une autre employée au bénéfice d'une indemnité forfaitaire de 300 fr., sans que l'état de fait ne permette de connaître l'activité réelle de cette employée.
Ces critiques générales, sans référence à une norme précise de droit fédéral susceptible d'avoir été violée, devraient entraîner l'irrecevabilité du recours sur ce grief (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. Hohl, Procédure civile, tome II, Berne 2002, no 3245). De surcroît, ce qui n'est pas non plus envisageable dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ), ces critiques s'écartent de l'état de fait des premiers juges qui ont estimé que ni le principe ni le montant d'une indemnité forfaitaire pour frais ne pouvaient être tenus pour établis. Enfin, cette constatation de fait se trouve en parfait accord avec l'absence de force probante que la cour cantonale a accordée au plan de commissions dont la défenderesse se réclame à tort.
Il en découle que, sur ce point également et dans la mesure de sa recevabilité, le recours apparaît mal fondé.
4.
4.1 La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir considéré la somme de 140'000 fr. remise à l'employé comme une avance sur salaire, plutôt que comme un bonus. Dans la mesure où la critique s'en prend à l'appréciation des preuves à disposition des premiers juges et consiste en considérations de nature essentiellement appellatoire, le recours est irrecevable (cf. ATF 127 III 543 consid.2c p. 547).
Dans le jugement querellé, il a été procédé à une interprétation de la convention du 28 décembre 1989. Une violation de l'art. 18 CO susceptible de constituer un grief recevable en réforme pourrait entrer en ligne de compte. Or, la défenderesse ne se hasarde pas à articuler une telle critique, contrairement à ce que lui impose l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Au surplus, une violation du droit fédéral en rapport avec cette interprétation ne saute pas aux yeux, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à faire porter son examen sur cette question (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II 1 ss, 59 note 469).
Le grief soulevé est donc mal fondé, à supposer qu'il puisse être considéré comme recevable.
4.2 La défenderesse invoque la nullité de la convention du 28 décembre 1989 : celle-ci serait contraire à l'ordre public et immorale au sens de l'art. 20 CO; lui reconnaître sa validité, comme l'ont fait les premiers juges, violerait ainsi l'art. 27 al. 2 CC.
Selon la jurisprudence, l'objectif de protection de la liberté personnelle recherché par cette dernière disposition n'entraîne pas la nullité des engagements excessifs - laquelle doit être constatée d'office - mais confère simplement à la partie liée de manière excessive le droit de refuser l'exécution du contrat (ATF 129 III 209 consid. 2.2). En l'occurrence, la question de savoir si le travailleur s'est lié de manière excessive à la demanderesse en acceptant une avance de salaire correspondant à deux ans environ de travail peut rester indécise. D'une part, cet engagement contractuel ne l'a pas empêché de rapidement résilier son contrat de travail; d'autre part, le droit qu'il aurait de refuser d'exécuter le contrat conduirait à la même solution que celle retenue par la cour cantonale, à savoir la restitution de la somme de 140'000 fr., sous imputation des montants dus à titre de salaire. Enfin, la défenderesse ne peut tirer argument de l'art. 27 CC pour tenter de modifier la qualification juridique qu'a retenue la cour cantonale pour la somme de 140'000 fr. (cf. supra consid. 4.1.).
Le grief soulevé est ainsi dénué de pertinence et, par voie de conséquence, infondé.
4.3 La défenderesse relève enfin que la convention du 28 décembre 1989 a été signée par l'administrateur de la demanderesse et non par la société elle-même; quant à la cession de créance subséquente, elle serait nulle, car il s'agirait d'un contrat avec soi-même, puisque l'administrateur a signé cet acte à la fois pour lui-même et pour le compte de la demanderesse.
Cette argumentation, même si elle n'a pas été soumise à la cour cantonale, est en principe recevable si elle repose sur le même état de faits que celui retenu dans la décision attaquée (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311 s.). A cet égard, la violation éventuelle d'une norme de procédure cantonale (cf. art. 4 CPC vaud.) ne devrait pas empêcher l'application des normes de droit fédéral.
Selon les constatations de la cour cantonale, la cession de créance litigieuse a été passée entre l'administrateur d'une part, et la demanderesse, d'autre part. Cette formulation empêche de tenir pour avéré que l'administrateur en question aurait agi seul pour la demanderesse. Dans la mesure où la défenderesse ne se réclame pas de l'une des exceptions prévues par les art. 63 al. 2 ou 64 OJ sur ce point, le Tribunal fédéral ne peut s'écarter de l'état de fait souverainement constaté par les premiers juges, ce qui rend vaine l'argumentation de la défenderesse, exprimée pour la première fois devant le Tribunal fédéral.
Au demeurant, l'interdiction de principe de conclure un contrat avec soi-même se fonde sur le risque de conflits d'intérêt et tend à éviter que le représenté ne soit lésé (cf. ATF 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361 consid. 3a). Or, en l'espèce, la cession est dans l'intérêt de la société et les circonstances permettent d'exclure d'emblée que l'administrateur ait abusé de son pouvoir de représentation pour conclure avec lui-même. En outre, la société a en quelque sorte ratifié cet accord en agissant contre son ancien employé. On ne voit donc pas ce qui justifierait de considérer le contrat de cession comme nul.
5.
5.1 La défenderesse a pris des conclusions subsidiaires tendant à ce qu'elle ne soit pas elle-même condamnée au paiement, mais à ce que la créance de la demanderesse contre A.________ soit portée à l'état de collocation de la masse en faillite à titre définitif.
Développée pour la première fois devant le Tribunal fédéral, cette argumentation est recevable, car elle repose sur le même état de fait que celui retenu dans la décision attaquée (cf. supra consid. 4.3). II est en effet constant qu'à la suite de la faillite personnelle de l'ancien employé de la demanderesse en cours de procédure, la masse en faillite a décidé de continuer le procès intenté par la demanderesse, comme le lui permet l'art. 63 al. 3 de l'Ordonnance du Tribunal fédéral du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite (RS 281.32; ci-après : OAOF). Or, cette disposition précise que, selon l'issue du litige, la créance contestée sera ou bien radiée ou bien colloquée définitivement. II s'agit dès lors d'un procès en collocation dont le jugement liera tous les créanciers et la poursuite de l'instance déjà liée a pour but d'éviter la mise en oeuvre d'un (nouveau) procès en collocation devant le juge qui a prononcé la faillite (ATF 112 III 36 consid. 3a p. 39; 109 III 31 consid. 4 p. 35).
En condamnant directement la masse en faillite défenderesse, la juridiction inférieure a donc méconnu le droit fédéral que constitue l'art. 63 al. 3 OAOF (cf. Corboz, op. cit., p. 31). Dans la mesure où l'état de fait dont est saisi le Tribunal fédéral est suffisant, il convient de réformer l'arrêt cantonal et de colloquer définitivement la créance de la demanderesse contre la défenderesse, en application de l'art. 63 al. 3 OAOF.
5.2 En revanche, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer, comme le voudrait la défenderesse dans ses conclusions, sur le sort de la cédule hypothécaire remise en garantie conformément à l'accord du 28 décembre 1989. Ce sera à l'administration de la faillite d'en tenir compte le cas échéant.
6.
La défenderesse se plaint encore de ce que les dépens mis à sa charge seraient choquants, car exorbitants et bien supérieurs à ceux alloués d'ordinaire. Cette question, dans la mesure où elle dépend de l'application du droit cantonal de procédure, échappe à la cognition du Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (cf. Corboz, op. cit., p. 36). La défenderesse se garde d'ailleurs bien d'invoquer la violation d'une règle de droit fédéral, de sorte que son recours sur ce chef doit être déclaré irrecevable.
7.
En définitive, le recours est entièrement rejeté, sous réserve d'une modification du dispositif liée à la faillite de l'ancien employé de la demanderesse. Cette réforme très partielle de la décision cantonale ne change rien aux prétentions de la demanderesse, de sorte qu'elle n'amène pas le Tribunal fédéral à modifier l'attribution des émoluments de justice et des dépens, qui seront mis à la charge de la défenderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis.
2.
Le point I du jugement attaqué est annulé et il est prononcé que la créance de la demanderesse, d'un montant de 123'498 fr. 60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juin 1990, est colloquée à titre définitif dans la masse en faillite de A.________. Le jugement entrepris est confirmé pour le surplus.
3.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.
4.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 20 juin 2003
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: