Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5P.364/2003 /frs
Arrêt du 27 octobre 2003
IIe Cour civile
Composition
Mmes et M. les Juges Nordmann, Juge présidant,
Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Krauskopf.
Parties
S.________,
recourant, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève,
contre
Autorité de recours du Conseil de surveillance psychiatrique du canton de Genève, p.a. Cour de Justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
art. 9 Cst. etc. (examen médical en vue d'une hospitalisation non volontaire dans une clinique psychiatrique),
recours de droit public contre la décision de l'Autorité de recours du Conseil de surveillance psychiatrique du canton de Genève du 21 août 2003.
Faits:
A.
S.________, né le 23 juillet 1967, souffre de psychose chronique de type catatonique. Il a été hospitalisé à cinq reprises à la Clinique de Belle-Idée à Genève sur une base non volontaire, notamment le 18 décembre 2000 pour un risque de manifestations auto-agressives, puis le 7 mai 2001, alors que, souffrant de dénutrition, il tenait des propos incohérents.
B.
En septembre 2002, S.________ ne s'était plus présenté depuis plusieurs mois à l'atelier protégé Galife où il était censé se rendre. Le 11 octobre 2002, un collaborateur de l'association Pro Mente Sana a alerté le Conseil de surveillance psychiatrique (ci-après: CSP) à son sujet, qualifiant son cas d'urgent puisqu'il ne s'alimentait plus et que sa mère refusait d'ouvrir la porte de son appartement à tout médecin.
Par décision du 15 octobre 2002, le CSP a donc décidé de faire examiner l'intéressé par un médecin, conformément à l'art. 18 al. 1 let. b et c de la loi genevoise sur le régime des personnes atteintes d'affections mentales et sur la surveillance des établissements psychiatriques du 7 décembre 1979 (LPAAM; RS K 1 25). Il a chargé le Dr R.________, psychiatre, d'y procéder dans les meilleurs délais, celui-ci devant ordonner une hospitalisation si celle-ci se révélait nécessaire. Il a également demandé l'aide de la police pour le cas où l'intervention de celle-ci serait nécessaire.
Le 16 octobre 2002, le médecin s'est présenté au domicile de l'intéressé en compagnie de policiers. Il a sonné à la porte, puis lui a téléphoné, sans recevoir de réponse, après quoi il a fait ouvrir la porte par un serrurier. Ayant pénétré dans l'appartement, il a informé S.________ qu'il avait été mandaté par le CSP pour l'examiner. Il lui a tendu la décision de l'autorité qui lui était destinée, fait que l'intéressé conteste dans son recours. Après avoir constaté l'état de l'intéressé, le médecin a ordonné son hospitalisation non volontaire en raison d'un risque suicidaire dû à une décompensation psychotique dont les symptômes ne pouvaient être évalués si ce n'est que l'intéressé avait perdu le sens de la réalité. Il a commandé l'ambulance pour son transfert à la Clinique de Belle-Idée. L'intéressé a séjourné dans cette clinique jusqu'au 15 novembre 2002.
C.
Le 22 décembre 2002, après avoir consulté le dossier du CSP le concernant, S.________ a déposé un recours contre la décision du CSP du 15 octobre 2002 devant l'Autorité de recours du Conseil de surveillance psychiatrique. Il s'est plaint de ce que la décision, motivée de manière lacunaire, ne lui a pas été notifiée au préalable, ni à sa mère qu'il avait désignée comme représentante thérapeutique par procuration du 8 juin 2002, du fait qu'aucun contact n'a été pris avec son médecin, le Dr B.________, et du fait que l'intervention à son domicile avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier était inutile et ne respectait pas le principe de la proportionnalité, ce qui l'avait conduit à adopter une attitude d'obstruction.
Statuant le 21 août 2003, l'autorité de recours a laissé ouverte la question de savoir si le recours était ou non tardif et l'a rejeté dans la mesure où il était recevable. Elle a considéré que la décision est suffisamment motivée et que c'est à juste titre que l'intéressé a été soumis à un examen médical "impromptu".
D.
Contre cette décision, l'intéressé interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à son annulation. Il ne s'en prend pas à la privation de liberté à des fins d'assistance dont il a été l'objet, ni même à l'examen médical auquel il a été soumis, mais uniquement au fait que la décision de le soumettre à cet examen médical, avec mise en oeuvre de la force publique si nécessaire, ne lui a pas été notifiée préalablement à lui, à sa mère et à l'avocate que celle-ci avait mandatée, qu'elle ne contient pas l'indication des voies de recours et qu'elle n'est pas motivée.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16).
1.1 En vertu de l'art. 88 OJ, le recours de droit public est dirigé notamment contre une décision individuelle qui concerne personnellement le recourant. La jurisprudence en a déduit que, dans ce cas, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée, respectivement à l'examen des griefs soulevés (ATF 127 III 429 consid. 1b; 41 consid. 2b p. 42 et les arrêts cités; 120 Ia 258 consid. 1b p. 259; 118 Ia 488 consid. 1a p. 490). Cet intérêt doit encore exister au moment où le Tribunal fédéral statue; cette exigence, inspirée du souci de l'économie de la procédure, vise à garantir que celui-ci se prononce sur des questions concrètes et non pas simplement théoriques. En général, un intérêt actuel et pratique fera défaut lorsque la décision attaquée a été exécutée ou est devenue sans objet (ATF 125 I 394 consid. 4a p. 397; 125 II 86 consid. 5b p. 97 et les références). Ainsi en est-il, selon la jurisprudence, lorsque la privation de liberté à des fins d'assistance (arrêt 5P.363/2002 du 5 décembre 2002, consid. 1.2; ATF 109 Ia 169 consid. 3c p. 170/171; arrêt 5P.119/1995 du 1er mai 1995 consid. 1; arrêt 5C. 3/1997 du 20 janvier 1997, consid. 2a) ou une autre mesure privative de liberté a pris fin (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 397).
Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral renonce, exceptionnellement, à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la constitutionnalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de la cour suprême (ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166; 125 I 394 consid. 4b p. 397; 124 I 231 consid. 1b p. 233; 121 I 279 consid. 1 p. 281 et les arrêts cités). En d'autres termes, le Tribunal fédéral entre en matière, malgré l'absence d'intérêt actuel et pratique, lorsque les questions soulevées pourraient se poser à nouveau en tout temps et dans les mêmes conditions, qu'en raison de leur importance de principe il y a un intérêt public suffisant à ce qu'elles soient résolues et que leur inconstitutionnalité ne pourrait guère être examinée dans un cas d'espèce (ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166; 110 Ia 140 consid. 2a et b p. 141ss). La jurisprudence a ainsi renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique dans les cas d'une garde à vue, avec mesures d'identification, qui a été ordonnée pour un court laps de temps (ATF 107 Ia 138 consid. 2 p. 139; 125 I 394 consid. 4b p. 397 et les arrêts cités), d'une sanction disciplinaire infligée à une personne qui était détenue et qui, en raison de ce fait, risquait d'être l'objet d'une nouvelle sanction (ATF 124 I 231 consid. 1b p. 233), du refus d'une autorisation de manifester à l'occasion d'une manifestation (ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166). En revanche, la jurisprudence n'a pas admis d'exception en matière de privation de liberté à des fins d'assistance: en effet, il est possible qu'un intérêt actuel et pratique existe encore au moment où le Tribunal fédéral sera saisi puisque le séjour dans un établissement approprié n'est pas limité légalement à un bref laps de temps et que, partant, on ne peut pas dire qu'une telle mesure échapperait toujours à la censure de la cour suprême (ATF 109 Ia 169 consid. 3c p. 170/171; 5P.363/2002 du 5 décembre 2002, consid. 1.2).
1.2
1.2.1 En l'espèce, le médecin mandaté par le CSP a procédé à l'examen médical du recourant et a ordonné son hospitalisation. Celle-ci a pris fin le 15 novembre 2002. Dès lors que la décision attaquée ordonnant l'examen médical conformément à l'art. 18 al. 1 let. b et c LPAAM, à savoir la décision du CSP du 15 octobre 2002, a été exécutée, l'intérêt actuel et pratique exigé par l'art. 88 OJ fait défaut. Cet intérêt ferait également défaut à un recours qui serait dirigé contre la décision de l'hospitalisation ordonnée à la suite de l'examen médical puisque celle-ci a pris fin.
1.2.2 Lorsque, se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le recourant soutient qu'il y a lieu de faire une exception à l'exigence de l'intérêt actuel et pratique pour la question de la notification préalable de la décision du CSP, à défaut de quoi "cette question ne pourrait jamais être examinée si ce n'est une fois la décision exécutée", il se méprend sur le sens de la jurisprudence. Il ne s'agit d'admettre le contrôle judiciaire que parce que la question posée est une question de principe, que sa résolution présente un intérêt public, qu'elle peut se poser à nouveau en tout temps et que, si l'on exigeait l'existence d'un intérêt actuel et pratique, elle ne pourrait jamais être contrôlée par la juridiction constitutionnelle dans aucun cas d'espèce puisque la mesure aurait toujours pris fin au moment où le Tribunal fédéral devrait statuer.
Le recourant n'attaque pas la décision de privation de liberté à des fins d'assistance, car il semble estimer que pour ce faire, il aurait dû interjeter recours dans les 10 jours dès son prononcé. Il ne critique pas non plus la manière dont la force publique a procédé à son transfert à la Clinique. Il ne remet pas non plus en cause le fait que le CSP ait ordonné son examen médical. Il s'en prend uniquement au fait que la décision de le soumettre à cet examen médical, avec mise en oeuvre de la force publique si nécessaire, ne lui a pas été notifiée préalablement, ni à lui, ni à sa mère (à laquelle il avait donné procuration), ni à l'avocate mandatée par celle-ci, que cette décision ne contient pas l'indication des voies de recours et qu'elle n'est pas motivée.
Il est douteux que l'on puisse ainsi dissocier la question de la notification de la décision d'examen médical et celle de l'hospitalisation ordonnée sur la base de cet examen; en effet, quoi qu'en dise le recourant, ce n'est pas tant la notification préalable de la décision d'examen médical qui est en cause que la façon dont la procédure d'hospitalisation forcée doit se dérouler.
Dans la décision attaquée, la cour cantonale a exposé les motifs pour lesquels le recourant a été soumis à un examen médical "impromptu": compte tenu de ses précédentes hospitalisations, de son absence depuis trois mois de l'atelier où il devait se rendre, des inquiétudes de sa mère et de la dénonciation de Pro Mente Sana, elle a jugé que le CSP a eu raison de considérer qu'il y avait urgence et que c'est logiquement que le médecin a renoncé à en aviser préalablement la mère, puisque celle-ci avait manifesté son opposition à toute hospitalisation ou à des visites de médecins au domicile de son fils, tout en exprimant de l'inquiétude sur son état auprès de divers tiers. Le recourant conteste que les circonstances justifiant un examen d'urgence, sans notification préalable, fussent remplies dans le cas particulier et reproche au médecin d'avoir mal apprécié la situation. Il ne soulève que des griefs liés étroitement au déroulement des faits de sorte que la question de la notification préalable de la décision ne peut pas être considérée comme une question de principe qu'un intérêt public imposerait de résoudre alors que le recourant n'y a aucun intérêt actuel et pratique.
1.3 Il est sans importance que le recourant invoque la violation d'un droit de nature purement formelle, à savoir de son droit d'être entendu. L'annulation de l'arrêt attaqué n'ayant plus de portée pratique, il est superflu d'examiner ce grief (cf. ATF 123 II 285 consid. 4a p. 287; 120 Ia 165 consid. 1b p. 167).
Il s'ensuit que le recourant n'a pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ. Le présent recours est dès lors irrecevable (ATF 118 Ia 488 consid. 1a p. 490).
2.
Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à l'Autorité de recours du Conseil de surveillance psychiatrique du canton de Genève.
Lausanne, le 27 octobre 2003
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
La juge présidant: La greffière: