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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.595/2003/col
Arrêt du 11 février 2004
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
Association B.________,
recourante, représentée par Me Pierre Banna, avocat,
contre
Département de l'aménagement, de l'équipement
et du logement du canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 1211 Genève 1,
Ville de Carouge, 1227 Carouge, représentée par
Me Alain Veuillet, avocat,
Objet
autorisation de construire en zone à bâtir; qualité pour recourir d'une association,
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 26 août 2003.
Faits:
A.
L'Université de Genève est propriétaire de la parcelle n° 1708 de la commune de Carouge, à l'angle du chemin de Pinchat et du chemin Vert. Cette parcelle, partiellement bâtie, de 53'185 mètres carrés, est classée en cinquième zone, réservée aux villas en vertu de l'art. 19 al. 3 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT).
Le 31 mai 2002, la Direction des bâtiments du Département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le Département) a déposé une demande d'autorisation de construire par voie de procédure accélérée visant à ériger sur cette parcelle quatre pavillons modulaires provisoires de deux niveaux chacun, destinés à accueillir quelque 200 requérants d'asile, avec un parking de 26 places le long du chemin Vert. Ce projet devait permettre de répondre aux besoins urgents du canton de Genève en matière d'hébergement des requérants d'asile.
Par décision du 2 décembre 2002, publiée dans la Feuille d'Avis Officielle du 6 décembre 2002, le Département a accordé l'autorisation de construire requise à la condition posée sous chiffre 5 que les constructions autorisées soient limitées à une durée de dix ans. L'Association B.________, a recouru contre cette décision le 6 janvier 2003. La Ville de Carouge et divers consorts en ont fait de même.
Par décision du 21 mars 2003, la Commission cantonale de recours en matière de constructions a déclaré irrecevable le recours formé par Pic Vert au motif que cette association n'avait ni démontré que la majorité de ses membres était touchée plus que quiconque par la décision attaquée, ni établi sa qualité d'association d'importance cantonale ou active depuis plus de trois ans au sens de l'art. 145 al. 3 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI). Elle a admis le recours formé contre cette décision par la Ville de Carouge et divers consorts, annulé l'autorisation de construire du 2 décembre 2002 et renvoyé le dossier au Département pour qu'il instruise la cause dans le sens des considérants. Elle a considéré que le projet litigieux n'était pas conforme à l'affectation de la cinquième zone et qu'il ne pouvait faire l'objet d'une dérogation au sens de l'art. 26 al. 1 LaLAT, sans une enquête publique préalable.
Au terme d'un arrêt rendu le 26 août 2003, le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale) a déclaré irrecevable le recours formé contre cette décision par l'Association B.________ au motif que les statuts de cette association ne prévoyaient pas que celle-ci puisse représenter ses membres dans le cadre d'une procédure contentieuse, d'une part, et qu'elle ne se vouait pas, selon ses statuts, par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites, au sens de l'art. 145 al. 3 LCI, dans la mesure où elle avait pour but la protection des villas et, par-là même, la sauvegarde des droits et des intérêts de ses sociétaires pris en leur qualité de propriétaires. Il a admis partiellement le recours formé par le Département contre cette même décision et rétabli l'autorisation de construire du 2 décembre 2002, dont elle a modifié la condition posée sous chiffre 5 en ce sens que les quatre pavillons autorisés le sont pour une durée de trois ans, dès la fin des travaux.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle reproche au Tribunal administratif de lui avoir dénié la qualité pour recourir au terme d'une interprétation arbitraire de l'art. 145 al. 3 LCI. Sur le fond, elle dénonce une violation des art. 19 al. 3 et 26 al. 1 LaLAT.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. La Ville de Carouge s'en rapporte à justice. Le Département conclut au rejet du recours.
C.
Par ordonnance du 5 novembre 2003, le Président de la Ire Cour de droit public a déclaré sans objet la demande d'effet suspensif présentée par l'Association B.________.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La recourante est personnellement touchée par l'arrêt attaqué qui déclare son recours irrecevable faute de légitimation active. Elle a qualité pour recourir, au regard de l'art. 88 OJ, indépendamment de sa vocation pour agir au fond (ATF 121 II 171 consid. 1 p. 173 et les arrêts cités). La question est en revanche plus délicate s'agissant des griefs matériels soulevés à l'encontre de l'arrêt attaqué. Vu l'issue du recours sur le premier point soulevé, elle peut rester indécise. Le présent recours répond au surplus aux exigences des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante reproche au Tribunal administratif de lui avoir dénié de manière arbitraire la qualité pour recourir contre le projet de l'intimé en application de l'art. 145 al. 3 LCI.
2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 128 II 311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178).
2.2 L'art. 145 al. 3 LCI reconnaît la qualité pour agir auprès de la Commission cantonale de recours aux associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites. La législation genevoise ne prévoit pas, à l'instar des art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451) et 55 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), l'établissement, par l'autorité exécutive, d'une liste des associations d'importance cantonale habilitées à recourir en application de cette disposition. Il appartient dès lors aux autorités de recours de définir cette notion.
2.3 En l'espèce, le Tribunal administratif n'a pas contesté que l'Association B.________ avait une vocation cantonale et qu'elle était active depuis plus de trois ans. Il a considéré en revanche qu'elle ne se consacrait pas par pur idéal à la défense des principes de l'aménagement du territoire, au sens de l'art. 145 al. 3 LCI, dans la mesure où elle avait notamment pour but la protection des villas et, par-là même, la sauvegarde des droits et des intérêts de ses membres pris en leur qualité de propriétaires.
Cette appréciation échappe au grief d'arbitraire. Selon l'art. 2 des statuts de l'Association B.________, dans leur teneur au 15 mars 2001, l'association a pour buts essentiels la protection des villas et de leur environnement et le maintien des villas dans les régions du canton de Genève où elles sont implantées, d'une part, ainsi que le développement de la zone villas, afin de lutter contre une urbanisation excessive et inadéquate du canton, d'autre part. Suivant l'art. 3 des statuts, la qualité de membre est réservée aux habitants ou aux propriétaires d'une villa ou maison particulière, respectivement aux personnes qui envisagent l'acquisition d'une villa dans les cinq ans, qui souscrivent aux buts de l'association et qui entendent manifester la volonté de participer à la conservation des villas dans les régions du canton de Genève où elles sont implantées.
Le Tribunal administratif pouvait, de manière soutenable, admettre qu'au travers du but de protection des villas et de leur environnement, l'association entendait si ce n'est principalement, à tout le moins de manière accessoire, protéger la qualité de vie et, partant, les intérêts privés de leurs habitants, qui constituent l'essentiel de ses membres. L'ouverture d'une permanence juridique en faveur de ces derniers tend à confirmer que l'association recourante ne poursuit pas exclusivement un but idéal, mais également la défense des droits et des intérêts de ses membres. La cour cantonale n'a donc pas fait preuve d'arbitraire en admettant que l'Association B.________ ne se consacrait pas par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire au sens de l'art. 145 al. 3 LCI. Enfin, la recourante ne conteste pas que la qualité pour agir en application de cette disposition puisse être réservée aux associations qui se vouent exclusivement par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites. Cette interprétation est en accord avec la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral en application de l'art. 12 al. 1 LPN, dont l'art. 145 al. 3 LCI reprend pour l'essentiel la teneur. Celle-ci ne reconnaît la qualité pour agir au sens de cette disposition-là qu'aux associations qui se vouent principalement à la protection de la nature et du paysage ou à des tâches semblables. Il ne suffit donc pas que les statuts mentionnent la protection de la nature et du paysage parmi les buts de l'association pour recourir (ATF 119 Ib 305 consid. 2b p. 308; 98 Ib 120 consid. 1 p. 124, concernant un cas où le Tribunal fédéral a dénié la qualité pour agir selon l'art. 12 al. 1 LPN à des associations sportives, qui ne se vouaient qu'à titre accessoire à la protection de la nature et du patrimoine).
2.4 Vu ce qui précède, le Tribunal administratif n'a pas violé l'art. 9 Cst. en admettant que l'association recourante ne pouvait se réclamer d'un but exclusivement idéal au sens de l'art. 145 al. 3 LCI et en refusant de lui reconnaître la qualité pour agir en application de cette disposition pour ce motif. Le fait que l'Association B.________ soit régulièrement consultée par les autorités genevoises sur des questions d'aménagement du territoire ou de protection de l'environnement n'y change rien, dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elle poursuit à titre accessoire un but idéal dans la lutte qu'elle mène pour le développement de la zone villas et contre une urbanisation excessive et inadéquate du canton; or, ce but idéal pouvait sans arbitraire être considéré comme suffisamment important pour la consulter dans le cadre de modifications législatives portant sur des questions d'aménagement du territoire touchant la zone de villas, sans pour autant suffire à lui conférer la qualité pour recourir au sens de l'art. 145 al. 3 LCI.
3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Ni les autorités concernées, ni la Ville de Carouge, qui s'en est remise à justice, n'ont droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et au Tribunal administratif du canton de Genève ainsi qu'au mandataire de la Ville de Carouge.
Lausanne, le 11 février 2004
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: