Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
7B.266/2003 /frs
Arrêt du 24 mars 2004
Chambre des poursuites et des faillites
Composition
Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.
Parties
Office des poursuites de Genève, 1211 Genève 3,
recourant,
contre
Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.
Objet
frais de poursuite,
recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 28 novembre 2003.
Faits:
A.
Le 11 mars 2003, X.________ a requis l'Office des poursuites de Genève de notifier un commandement de payer à Y.________ Sàrl. L'office a établi cet acte le 28 avril 2003 (poursuite n° xxxxx) et l'a remis à la poste pour notification. L'acte n'a toutefois pas été retiré au guichet de la poste et a été retourné le 8 mai 2003 à l'office. Une notification par un notificateur interne de l'office a été tentée ce 8 mai, sans succès, puis le 2 juin suivant, cette fois avec succès. Le 18 juin 2003, l'office a adressé à la créancière l'exemplaire du commandement de payer - non frappé d'opposition - qui lui était destiné. Le 3 juillet 2003, la créancière a requis la continuation de la poursuite.
Dans l'intervalle, le 25 juin 2003, l'office a eu connaissance du fait que la poursuivie avait été déclarée en faillite par jugement du 27 mai 2003. Par décision du 15 août 2003, il a donc annulé la notification dudit commandement de payer, considéré la poursuite en cause comme nulle et de nul effet, et rejeté la réquisition de continuer la poursuite.
B.
Par plainte du 28 août 2003, la créancière a fait valoir devant la Commission cantonale de surveillance que le commandement de payer avait été établi et notifié tardivement, ce qui avait eu pour effet que des frais de poursuite lui avaient été facturés indûment. Elle a conclu notamment au constat de ce retard injustifié et à la restitution de tous les frais et émoluments perçus par l'office, soit au total 150 fr. 40.
Statuant le 28 novembre 2003, la Commission cantonale de surveillance a admis partiellement la plainte, dit que les frais à la charge de la créancière s'élevaient à un total de 84 fr. et ordonné à l'office de restituer à celle-ci tout montant supérieur à ces 84 francs.
C.
Contre cette décision qui lui a été communiquée le 3 décembre 2003, l'office a recouru le (lundi) 15 décembre 2003 auprès de la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral. Au fond et en substance, il la requiert d'annuler la décision attaquée et, statuant à nouveau, d'admettre partiellement la plainte de la créancière, de dire que les frais à la charge de celle-ci sont au total de 94 fr., de donner acte à l'office qu'il restituera à la créancière tout montant supérieur à 94 fr. et de rejeter toutes autres ou contraires conclusions.
La Commission cantonale de surveillance a formulé ses propres observations en transmettant le dossier au Tribunal fédéral (art. 80 OJ). Tout en s'en remettant à l'appréciation de celui-ci sur l'issue à donner au recours, elle se réfère aux motifs de sa décision.
Vu la valeur litigieuse peu importante, la créancière s'est contentée de déclarer persister dans les termes de sa plainte et de renvoyer aux développements et conclusions de la Commission cantonale de surveillance.
La Chambre considère en droit:
1.
L'office recourant soulève des griefs concernant l'interprétation et, partant, l'application des art. 13 et 16 de l'ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP; RS 281.35). En vertu de l'art. 2 de cette ordonnance, il a qualité pour recourir contre la décision sur plainte rendue en l'espèce (cf. ATF 126 III 490 consid. 2).
2.
La Commission cantonale de surveillance a constaté qu'il y avait eu indéniablement du retard dans l'établissement du commandement de payer (consid. 4a), mais que cela ne signifiait pas que tous les frais de la poursuite avaient été indûment mis ou maintenus à la charge de la créancière (consid. 4b). Étaient ou restaient dus par la créancière:
- l'émolument de base prévu par l'art. 16 al. 1 OELP pour le commandement de payer (60 fr.), cet acte ayant été établi au moins un mois avant la faillite de la poursuivie (consid. 5);
- la taxe postale de 5 fr. qui, conformément à l'art. 13 al. 1 OELP, s'ajoutait à l'émolument de base (consid. 6);
- l'émolument de 7 fr. selon l'art. 16 al. 3 OELP pour la tentative infructueuse de notification du 8 mai 2003, antérieure au prononcé de faillite, et un émolument réduit à 2 fr. pour la tentative réussie du 2 juin 2003, cette prestation - effectuée avant que l'office soit informé de la faillite - devant être assimilée à une seconde présentation du commandement de payer telle qu'elle serait effectuée par la poste (consid. 7);
- l'émolument de 5 fr. prévu par l'art. 20 al. 4 OELP pour l'enregistrement de la réquisition de continuer la poursuite et un émolument de 5 fr. selon l'art. 42 OELP pour l'enregistrement de la faillite de la poursuivie (consid. 9 b et c);
- en revanche, l'office ne pouvait pas réclamer à la créancière 5 fr. de taxe de lettre signature pour l'envoi de l'exemplaire du commandement de payer qui lui était destiné, cela en vertu de l'art. 13 al. 3 let. d OELP (consid. 8c).
En conclusion, le total des frais susceptibles d'être mis ou laissés à la charge de la créancière était de 84 fr., montant inférieur de 66 fr. 40 à celui réclamé par l'office.
Le recourant ne conteste la décision attaquée qu'en tant qu'elle retient qu'il ne pouvait réclamer l'émolument prévu à l'art. 16 al. 3 OELP pour la tentative de notification réussie et qu'elle exclut le remboursement des 5 fr. de frais d'envoi de l'exemplaire du commandement de payer destiné à la créancière.
3.
3.1 Selon l'art. 16 al. 1 OELP, l'émolument de base pour le commandement de payer couvre notamment la notification de cet acte, c'est-à-dire sa présentation ouverte à son destinataire ou à la personne habilitée à le recevoir (P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 14 ad art. 72 LP; Karl Wüthrich/Peter Schoch, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 11 s. ad art. 72 LP). A cet émolument de base s'ajoutent, dans la mesure de leur obligation d'être remboursées, les taxes postales (art. 13 OELP; arrêt 7B.251/2003 du 23 février 2004 consid. 3, destiné à la publication). L'art. 16 al. 3 OELP prévoit en outre un émolument de 7 fr. pour chaque tentative de notification.
3.2 Il est constant, selon la décision attaquée, qu'en plus de la tentative infructueuse de notification par la poste, l'office a effectué deux tentatives de notification, dont la seconde a réussi. La Commission cantonale de surveillance considère que dès lors que l'art. 16 al. 1 OELP intègre la notification dans l'émolument de base, il est exclu de facturer l'émolument de 7 fr. prévu par l'art. 16 al. 3 OELP pour une tentative de notification qui réussit, qui est forcément unique et donc intégrée dans l'émolument de base; cela étant, si l'office pouvait percevoir l'émolument de 7 fr. prévu par l'art. 16 al. 3 OELP pour la tentative infructueuse de notification du 8 mai 2003, il ne pouvait et ne devait facturer, en vertu de l'art. 13 al. 2 OELP, ni plus ni moins que le montant que la poste lui facturerait à titre de prestation complémentaire consistant en une seconde présentation du commandement de payer, soit 2 fr. C'est donc un montant de 9 fr. (7 + 2) qui pouvait être ajouté aux 65 fr. d'émolument de base et de taxe postale.
3.3 L'office fait valoir pour sa part que l'art. 16 al. 1 OELP prévoit un émolument de base incluant la première tentative de notification, réussie ou non, que la notification ait lieu par la poste ou par l'office (art. 66 al. 2 et 72 al. 1 OELP); à cet émolument s'ajoute la taxe postale si la notification a lieu par la poste (art. 13 al. 1 OELP) ou le montant de la taxe postale évitée de la sorte si c'est l'office qui procède à la notification (art. 13 al. 2 OELP); s'y ajoutent par la suite, après la première tentative de notification et pour chacune des tentatives, y compris celle qui réussit, l'émolument de l'art. 16 al. 3 OELP, ainsi que, le cas échéant, le montant de la facture de la commune ou de la police selon l'art. 13 al. 1 OELP, si l'office doit transmettre l'acte de poursuite à un employé communal ou à un agent de la police (art. 64 al. 2 LP).
3.4 Le point de vue de l'office peut s'appuyer sur le texte de l'art. 16 OELP, qui ne fait pas de distinction entre tentative infructueuse ou réussie et prévoit, en plus de l'émolument de base couvrant la notification, y compris donc la première tentative de notification (al. 1), un émolument de 7 fr. pour chaque tentative - sous-entendu supplémentaire - de notification (al. 3). Il trouve également confirmation dans la doctrine (Gilliéron, n. 44 ad art. 64 LP; Paul Angst, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 24 ad art. 64 LP). La Chambre de céans peut s'y rallier.
On relève au demeurant, à l'encontre de l'opinion de la Commission cantonale de surveillance, que la seconde présentation à laquelle la poste peut procéder en cas d'absence du destinataire est expressément prévue pour la distribution de la lettre signature et de la lettre assurance (Brochure de La Poste 202.17 "Courrier Suisse" - actuellement "Lettres Suisse" -, édition janvier 2003, p. 11), mais pas pour la distribution des actes de poursuite (ibid. p. 13).
L'émolument pour la tentative de notification réussie du 2 juin 2003 était donc de 7 fr. et non de 2 fr.
4.
L'envoi au créancier de l'exemplaire du commandement de payer qui lui est destiné (art. 76 al. 2 LP) n'est pas visé par l'art. 13 al. 3 let. d OELP; il s'agit d'une communication de l'office selon l'art. 34 LP effectuée par lettre recommandée (lettre signature) et donnant lieu à remboursement sur la base de l'art. 13 al. 1 OELP (arrêt 7B.251/2003 du 23 février 2004 consid. 4, destiné à la publication).
C'est donc à tort que la Commission cantonale de surveillance a refusé le remboursement des 5 fr. de frais d'envoi de l'exemplaire du commandement de payer destiné à la créancière.
5.
Le recours se révélant ainsi bien fondé, il y a lieu de réformer la décision attaquée en ce sens que les frais dus par la créancière pour la poursuite en cause s'élèvent à 94 fr. (84 fr. arrêtés par la Commission cantonale de surveillance + 5 fr. selon consid. 3 ci-dessus + 5 fr. selon consid. 4 ci-dessus).
Par ces motifs, la Chambre prononce:
1.
Le recours est admis.
2.
La décision attaquée est réformée en ce sens que:
a) les frais à la charge de X.________ pour la poursuite n° xxxxx sont de 94 fr.;
b) ordre est donné à l'Office des poursuites de restituer à X.________ tout montant supérieur à 94 fr. qu'il aurait perçu de cette créancière dans la poursuite n° xxxxx.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à Y.________ Sàrl en faillite, p.a. Office des faillites de Genève, et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.
Lausanne, le 24 mars 2004
Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier: