Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.27/2004 /rod
6S.81/2004
Arrêt du 1er avril 2004
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier: M. Denys.
Parties
Les époux Z.________ et leurs enfants S.Z.________ et T.Z.________,
recourants, représentés par Me François Membrez, avocat,
contre
Y.________,
intimé, représenté par Me Franck-Olivier Karlen, avocat,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
Procédure pénale, partie civile,
recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois du 29 décembre 2003.
Faits:
A.
Le 6 avril 2003, un accident de la circulation s'est produit entre les voitures conduites respectivement par l'élève conducteur X.________ et par Y.________. Assis à l'arrière du premier véhicule, R.Z.________ est décédé.
Le Juge de l'arrondissement de La Côte a ouvert une enquête dirigée d'une part contre X.________ pour homicide par négligence, lésions corporelles graves par négligence, conduite d'un véhicule sans être accompagné et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et, d'autre part, contre Y.________ pour homicide par négligence. les époux Z.________ et leurs filles (les parents et les soeurs de la victime) ont déposé plainte contre Y.________.
B.
Par ordonnance du 17 novembre 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a reconnu la qualité de partie civile à Y.________ et à son épouse, en relation avec les lésions subies par ceux-ci dans l'accident.
Par arrêt du 29 décembre 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours des époux Z.________ et de leurs filles et a confirmé l'ordonnance du 17 novembre 2003.
C.
Les époux Z.________ et leurs filles forment un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Ils concluent à son annulation.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
I. Recours de droit public
1.
Le Tribunal fédéral examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 188, 173 consid. 1 p. 174).
2.
Il ressort de l'arrêt attaqué que l'intimé et l'autre conducteur sont en particulier prévenus d'homicide par négligence, que l'intimé a lui-même subi des lésions dans l'accident et que le comportement de l'autre conducteur peut éventuellement être à cet égard constitutif d'une infraction. En application du droit cantonal de procédure, l'arrêt attaqué a reconnu la qualité de partie civile à l'intimé, conformément à la requête de celui-ci.
Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'arrêt attaqué ne saurait être appréhendé comme valant non-lieu en faveur de l'intimé par rapport au décès de la victime. Il a pour seule portée de reconnaître à celui-ci la qualité de partie civile selon le droit cantonal de procédure (art. 93 ss du Code de procédure pénale vaudois).
L'arrêt attaqué, qui admet la qualité de partie civile de l'intimé, est de nature incidente. En effet, il ne met pas fin à la procédure pénale et ne représente qu'une étape vers la décision finale (ATF 129 I 313 consid. 3.2 p. 316/317). La recevabilité du recours de droit public s'examine ainsi selon l'art. 87 OJ. A teneur de cette disposition, le recours de droit public est recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément, ces décisions ne pouvant être attaquées ultérieurement (al. 1). Il n'est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément que s'il peut en résulter un préjudice irréparable (al. 2). Lorsque le recours de droit public n'est pas recevable en vertu de l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3).
Pour qu'il y ait préjudice irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ, il faut que celui-ci soit de nature juridique. Un simple préjudice de fait, tel qu'un préjudice économique ou une prolongation de la procédure, ne suffit pas (ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94).
L'arrêt attaqué ne constitue pas une décision sur la compétence ou sur une demande de récusation. Il ne cause pas non plus aux recourants de préjudice irréparable. En effet, ceux-ci ne sont pas directement touchés dans leur situation juridique par la qualité de partie civile reconnue à l'intimé. On ne discerne pas quel dommage ils pourraient subir. Ils leur incombaient de l'établir (ATF 116 II 80 consid. 2c in fine p. 84), mais ne s'y sont nullement employés.
La jurisprudence admet toutefois la recevabilité d'un recours de droit public dirigé contre une décision incidente lorsque cette décision fait simultanément l'objet d'un pourvoi en nullité recevable sous l'angle de l'art. 268 ch. 1 PPF (ATF 128 I 177 consid. 1.2 p. 180/182). Cette condition n'est pas réalisée en l'espèce (infra, consid. 3).
Il s'ensuit que le recours de droit public est irrecevable.
II. Pourvoi en nullité
3.
En application de l'art. 268 PPF, la recevabilité d'un pourvoi en nullité contre une décision préjudicielle ou incidente, émanant d'une autorité cantonale de dernière instance, présuppose que cette dernière se soit prononcée définitivement sur un point de droit fédéral (ATF 129 IV 179 consid. 1.1 p. 181).
Comme relevé plus haut (consid. 2), l'arrêt attaqué ne vaut pas non-lieu en faveur de l'intimé. Il a pour seule portée de lui reconnaître la qualité de partie civile en application du droit cantonal de procédure (art. 93 ss du Code de procédure pénale vaudois). Il s'agit d'une décision incidente. Que le droit cantonal appliqué en l'occurrence recourt à une notion de droit fédéral, celle de victime LAVI, ne le fait pas changer de nature. La qualité de partie civile reconnue à l'intimé ressortit au seul droit cantonal. En ce sens, l'arrêt attaqué ne tranche pas définitivement un point de droit fédéral. Le pourvoi est ainsi irrecevable. Au demeurant, dans la recherche des responsabilités encourues à la suite d'un accident de la circulation, aucune norme de droit fédéral n'empêche l'un des protagonistes de revêtir à la fois la qualité de partie civile et celle de prévenu en procédure cantonale.
III. Frais et indemnité
4.
Fixés de manière à prendre en compte les deux recours interjetés, les frais doivent être mis à la charge des recourants, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 OJ; art. 278 al. 1 PPF).
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé, qui n'a pas eu à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit public est irrecevable.
2.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.
3.
Un émolument judiciaire de 4000 francs est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 1er avril 2004
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: