BGer 5P.38/2004 |
BGer 5P.38/2004 vom 16.04.2004 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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5P.38/2004 /frs
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Arrêt du 16 avril 2004
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IIe Cour civile
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Composition
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M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
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Nordmann et Escher.
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Greffier: M. Fellay.
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Parties
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X.________,
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recourante, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat,
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contre
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Y.________,
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intimé, représenté par Me Rémy Balli, avocat,
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Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
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Objet
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art. 9 Cst. (mesures provisionnelles; propriété),
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recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
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des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud
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du 15 août 2003.
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Faits:
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A.
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La recourante X.________ et l'intimé Y.________ sont propriétaires à B.________ sur la commune de C.________, respectivement, de la parcelle n° xxx et de la parcelle contiguë n° xxx.
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A proximité de la limite séparant ces deux biens-fonds, se trouve un tilleul centenaire dont le tronc est entièrement enraciné sur le terrain de la recourante. Depuis six ans, un tas de grosses pierres est entreposé au pied dudit tilleul, dans le prolongement d'un mur sis sur la parcelle de l'intimé. En outre, des fûts et autres matériaux sont stockés à environ trois mètres du pied de l'arbre sur la parcelle de l'intimé.
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Au mois de mai 2002, la recourante a constaté que les feuilles du tilleul commençaient à jaunir, puis à tomber. Selon les experts consultés par les parties, ce phénomène était dû soit au tassement de la zone radiculaire par le dépôt des pierres (Richard Olivier, adjoint auprès de la Station cantonale d'arboriculture à Marcelin, Nicolas Béguin, directeur de la société Arboriste conseil Sàrl, Jean Allenbach, paysagiste), soit au manque d'eau affectant la région depuis plus d'une année, à la canicule du mois de juin 2002 et au fait que l'arbre n'était pas taillé, ce qui entraînait un manque de lumière à l'intérieur de la couronne (Georges Baudat et Urbain Girod, pépiniéristes, Georges Jungen, paysagiste).
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Par requête de mesures provisionnelles du 24 octobre 2002, la recourante a conclu devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois à ce qu'ordre soit donné à l'intimé, sous menace des sanctions de l'art. 292 CP, d'enlever dans les dix jours toutes les pierres, tous les fûts, détritus et autres objets se trouvant sur sa propriété au pied du tilleul en cause et ce dans un rayon de cinq mètres à partir du tronc. Par ordonnance du 28 novembre 2002, le président du tribunal d'arrondissement a rejeté la requête pour le motif qu'il apparaissait peu vraisemblable que le tas de pierres ou les matériaux à proximité du tronc aient provoqué la chute des feuilles au printemps. Il s'agissait davantage d'un phénomène naturel, accentué par les conditions climatiques. En outre, même en admettant l'effet du tas de pierres litigieux, l'urgence de son enlèvement n'avait pas été établie.
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B.
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Le 5 janvier 2003, la recourante a ouvert action devant le président du tribunal d'arrondissement en concluant à l'enlèvement, dans les dix jours dès jugement définitif et exécutoire, des pierres, détritus et autres objets se trouvant sur la parcelle de l'intimé dans un rayon de cinq mètres à partir du centre du tronc et à ce qu'interdiction lui soit faite d'entreposer de tels objets dans ce périmètre. Le 18 mars 2003, elle a renouvelé sa requête de mesures provisionnelles en se fondant sur l'avis d'un nouvel expert du 17 avril 2003 (Bertrand Nanchen, jardinier-chef de la ville de Montreux). Au dire de celui-ci, il était impératif, pour assurer une bonne vitalité du tilleul en cause, de faire évacuer dans les meilleurs délais tous les éléments étrangers qui créaient une charge importante et, à cette occasion, un compactage conséquent de la partie racinaire, ainsi qu'une modification sensible de l'hydrologie du sol susceptible de porter un préjudice conséquent au bon développement de l'association symbiotique du mycélium d'un champignon avec les racines de l'arbre. L'expert a en outre précisé, par courrier du 25 avril 2003, qu'il fallait comprendre l'expression "dans les meilleurs délais" en terme d'immédiateté, dès lors que plus on attendait, plus les dégâts causés aux racines pouvaient être importants, voire irrémédiables.
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Par ordonnance du 20 mai 2003, le président du tribunal d'arrondissement a rejeté la requête de mesures provisionnelles. Il a considéré que l'avis du nouvel expert n'était pas de nature à modifier l'appréciation formulée dans son ordonnance du 28 novembre 2002, dès lors que les mesures préconisées ne visaient qu'à assurer une bonne vitalité du tilleul en cause, la condition d'urgence n'étant pas réalisée.
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Saisi par la requérante d'un recours en nullité, le Tribunal cantonal vaudois l'a déclaré irrecevable par arrêt du 15 août, notifié le 30 décembre 2003.
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C.
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Agissant le 29 janvier 2004 par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire, dame X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal.
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Des réponses n'ont pas été requises.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Selon la jurisprudence, récemment confirmée dans l'arrêt 5P.308/2003 du 20 octobre 2003, les décisions statuant sur des mesures provisionnelles prises en dernière instance cantonale (cf. art. 86 al. 1 OJ) peuvent toujours être attaquées par la voie du recours de droit public au regard de l'art. 87 OJ, qu'elles doivent être considérées comme des décisions finales ou, au contraire, comme de simples décisions incidentes causant un préjudice irréparable (cf. ATF 118 II 369 consid. 1; 116 Ia 446 consid. 2 et les arrêts cités; arrêt non publié 4P.155/1994 du 4 décembre 1994, reproduit in RSPI 1996 II 241, consid. 2). La jurisprudence admet en effet qu'en matière de mesures provisoires, un dommage irréparable est toujours à craindre, car la mesure tombe avec le jugement final, rendant impossible un contrôle constitutionnel par le Tribunal fédéral (arrêt 4P.183/1995 du 24 septembre 1996, reproduit in Sic! 1997 p. 414, consid. 1a; ATF 118 II 369 consid. 1; 116 Ia 446 consid. 2).
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En l'espèce, le recours a été interjeté en temps utile (cf. art. 89 al. 1 OJ) contre un arrêt sur mesures provisionnelles rendu en dernière instance cantonale au sens de l'art. 86 al. 1 OJ. Dès lors que la recourante a été déboutée de sa requête de mesures provisionnelles, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
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2.
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En droit vaudois, lorsque la cause est de la compétence du président du tribunal d'arrondissement, l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue par ce magistrat n'est pas susceptible d'appel (art. 111 al. 3 CPC); elle peut en revanche faire l'objet d'un recours en nullité selon l'art. 444 CPC (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd. 2002, n. 1 ad art. 108 CPC), notamment pour violation des règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3 CPC).
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Constitue un moyen de nullité au sens de cette dernière disposition, l'arbitraire dans l'appréciation des preuves selon la définition donnée par le Tribunal fédéral à l'ATF 120 Ia 31 consid. 4b (JdT 2001 III 128 ss), c'est-à-dire l'appréciation manifestement insoutenable, en contradiction évidente avec la situation de fait, reposant sur une inadvertance ou heurtant de façon choquante le sentiment de la justice. Cette appréciation arbitraire des preuves, dont la prohibition constitue l'expression procédurale d'un droit constitutionnel, se distingue à la fois de la fausse appréciation des preuves en ce sens qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution apparaît concevable ou même préférable, et du déni de justice matériel. Ces deux griefs, à la différence de celui d'arbitraire dans l'appréciation des preuves au sens précisé ci-dessus, sont irrecevables dans le cadre du recours en nullité (JdT 2001 III p. 132/133 et les références).
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3.
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Devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal, la recourante a fait valoir que le président du tribunal d'arrondissement avait procédé à une appréciation arbitraire des preuves, contraire à l'art. 9 Cst., en retenant que la condition de l'urgence prévue à l'art. 101 CPC/VD n'était pas remplie. Elle prétendait avoir rendu vraisemblables et la mise en danger du tilleul en cause et l'urgence à agir, se référant à cet égard à l'avis des spécialistes qui considéraient que le jaunissement des feuilles dudit arbre était dû au dépôt des fûts, pierres et détritus au pied de celui-ci.
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La recourante n'établit pas avoir, en instance cantonale de recours, invoqué un grief recevable au sens de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD et, surtout, fait la démonstration que le juge de première instance avait écarté de façon arbitraire, selon la jurisprudence déterminante (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; JdT 2001 III 128 ss), les avis d'experts qu'elle avait produits au profit d'autres avis imputant le jaunissement des feuilles à d'autres facteurs que ceux avancés par elle. Elle a prétendu simplement que, sur la base des avis produits, le juge avait arbitrairement considéré que la condition d'urgence prévue à l'art. 101 CPC/VD n'était pas réalisée. En tant que la recourante faisait valoir ainsi une mauvaise appréciation des preuves administrées et une application arbitraire de la disposition cantonale précitée, son recours était irrecevable au regard de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD, conformément à ce qui a été relevé plus haut (consid. 2). En jugeant ainsi, la Chambre cantonale n'est donc nullement tombée dans l'arbitraire, et c'est à tort que la recourante lui reproche de n'avoir pas examiné ses arguments.
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4.
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Il suit de là que le présent recours doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).
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Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre au recours.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 16 avril 2004
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Au nom de la IIe Cour civile
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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