Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 140/03
Arrêt du 18 mai 2004
IIe Chambre
Composition
MM. les Juges Borella, Président, Rüedi et Frésard. Greffier : M. Métral
Parties
B.________, recourant, représenté par Me Adriano D. Gianinazzi, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,
contre
Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé
Instance précédente
Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI
(Jugement du 17 décembre 2002)
Faits:
A.
A.a B.________, né en 1952, travaillait en qualité de concierge d'immeubles pour la société G.________ SA lorsqu'il se blessa la main gauche avec une scie électrique, le 31 octobre 1985. Il se rendit à l'Hôpital X.________ (ci-après : hôpital universitaire), où le docteur E.________ constata une amputation sub-totale de la 3ème phalange de l'index gauche, une plaie superficielle de l'auriculaire et une section du pédicule collatéral radial du pouce gauche. Ces blessures furent traitées par révision chirurgicale, suture nerveuse et suture vasculaire; par la suite, un lambeau d'avancement bipédiculé fut mis en place lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 10 juin 1986.
L'évolution fut ensuite favorable, malgré la persistence d'une raideur de l'index, une diminution de la force de préhension de la main gauche et une moindre efficacité de la pince entre le pouce et l'index, à gauche, selon un rapport établi le 24 février 1987 par le docteur C.________, spécialiste en chirurgie. D'après ce praticien, l'enroulement de l'index blessé demeurait incomplet (à 2 cm de la paume de la main), et l'extrémité de ce doigt était très sensible au toucher et aux différences de température; il s'ensuivait une incapacité partielle à utiliser cette main, en particulier pour les travaux demandant de la force. Pour sa part, le docteur D.________, médecin chef du Département de chirurgie de la main de l'hôpital universitaire, attesta une incapacité de travail totale du 31 octobre 1985 au 30 décembre 1986, puis une incapacité de travail de 50 % jusqu'au 31 mars 1987, et enfin une pleine capacité de travail dès le 1er avril 1987 (rapport du 21 avril 1987). Selon ses constatations, l'assuré disposait en particulier d'une force de préhension de 16 kg à gauche (36 kg à droite) et d'une pince pollicidigitale de 6 kg (10 kg à droite).
B.________, qui avait entre-temps été licencié par son employeur, effectua un stage au Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité de Genève (ci-après : COPAI), du 9 novembre au 4 décembre 1987. Selon les observations effectuées alors, il pouvait se servir de sa main gauche pour conduire et pour quasiment tous les travaux manuels, sous réserve de limitations pour les actions demandant de la force ou une grande finesse; le froid, les chocs et le contact avec les produits corrosifs devaient également être évités. Son rendement était suffisant pour l'exercice d'une activité à 100 % dans le circuit économique (rapport d'observation professionnelle du 16 décembre 1987).
A la suite de ce stage, B.________ suivit une formation pratique de cordonnier, à titre de mesure de reclassement professionnel par l'assurance-invalidité. Au terme de cette formation, l'assurance-invalidité lui alloua une aide en capital, sous la forme d'un prêt de 50'000 fr. en vue de développer une activité indépendante.
A.b L'assuré a ouvert un atelier de cordonnerie le 1er novembre 1990. Le 28 avril 1995, il a déposé une demande de rente d'invalidité en faisant valoir que son handicap de la main gauche limitait son rendement à 50 %. Par décision du 9 avril 1996, l'Office cantonal AI de Genève (ci-après : l'office AI) lui reconnut un taux d'invalidité de 50 % depuis le 1er mars 1991 et lui alloua une demi-rente d'invalidité, avec effet rétroactif au 1er mai 1994.
A.c Par acte du 13 janvier 1999, B.________ a demandé la reconsidération de cette décision, en faisant valoir qu'aucune comparaison de revenus n'avait été effectuée par l'office AI pour évaluer son invalidité et qu'il subissait en réalité une perte de gain lui ouvrant droit à une rente entière.
Par décision du 10 octobre 2001, l'office AI a rejeté cette demande, en précisant que la décision initiale d'allocation de rente était correcte et que l'état de santé de l'assuré était par ailleurs resté stable, ce qui excluait également une révision de son droit à la rente.
B.
L'assuré déféra cette décision à la Commission cantonale genevoise de recours AVS/AI (depuis lors : Tribunal cantonal des assurances sociales), en alléguant notamment souffrir de douleurs dorsales et ne pouvoir désormais travailler qu'à mi-temps. La juridiction cantonale rejeta le recours par jugement du 17 décembre 2002.
C.
B.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, et subsidiairement au renvoi de la cause à l'office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. L'office AI conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
1.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).
1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de l'assurance-invalidité. Compte tenu de la date de la décision administrative litigieuse, ces modifications ne sont pas applicables en l'espèce. De même, la modification du 21 mars 2003 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (4ème révision de l'AI), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, n'est pas applicable dans le cadre de la présente procédure.
2.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales relatives à la notion d'invalidité, à l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité et à la manière de déterminer ce taux. Il convient donc d'y renvoyer sur ces points.
On ajoutera que selon un principe général du droit des assurances sociales, l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 127 V 496 consid. 2c et les arrêts cités). Par ailleurs, selon l'art. 41 LAI (tel qu'en vigueur avant son abrogation par la LPGA), si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).
3.
Le recourant fait d'abord valoir qu'en dépit de son reclassement dans la profession de cordonnier, il subit une diminution de 2/3 au moins de sa capacité de gain en raison de son handicap de la main gauche, ce qui lui ouvre droit à une rente entière d'invalidité. A cet égard, la décision du 9 avril 1996 par laquelle l'office AI lui a alloué une demi-rente d'invalidité serait manifestement erronée, dès lors qu'elle ne repose pas sur une comparaison des revenus qu'il pourrait obtenir avec et sans invalidité. Par ailleurs, B.________ fait valoir une péjoration de son état de santé depuis cette décision, en produisant à l'appui de son recours une expertise réalisée le 24 février 1999 au centre A.________.
4.
4.1 Le recourant part du principe que si une comparaison de revenus avait été effectuée en 1996 - ce qui ne semble effectivement pas avoir été le cas, à tort -, le taux d'invalidité retenu aurait été supérieur à 662/3 %. Ce point de vue ne peut être suivi. Il ressort des rapports médicaux établis en 1987 par les docteurs C.________ et D.________, ainsi que du rapport établi par les responsables du COPAI le 16 décembre 1987, que B.________, qui est au demeurant droitier, pouvait encore largement utiliser sa main gauche blessée, hormis pour les travaux demandant de la force ou une grande finesse. Or, on voit mal en quoi ces limitations l'empêchaient de reprendre son ancienne activité de concierge à plein temps et sans diminution notable de rendement. Le docteur D.________ attestait, du reste, une capacité de travail de 100 % dès le 1er avril 1987.
Compte tenu de cette capacité de travail dans l'activité de concierge, il n'y avait pas lieu de reconnaître à l'assuré, quelques années plus tard, mais sur la base du même état de santé, un taux d'invalidité de 50 %, quand bien même il avait entre-temps bénéficié de mesures de réadaptation contestables dans le métier de cordonnier. Dans cette mesure, la décision du 9 avril 1996 mise en cause par le recourant est effectivement erronée, sans toutefois que celui-ci puisse en tirer argument en sa faveur dans le cadre de la présente procédure.
4.2 Selon l'expertise du 24 février 1999 produite par le recourant, celui-ci souffre d'un syndrome douloureux pan-vertébral entraînant une incapacité de travail de 50 % dans l'activité de cordonnier. Ce métier implique en effet de se tenir souvent penché en avant, ce qui n'est exigible de l'assuré que moyennant des pause fréquentes. Une activité moyennement pénible permettant d'éviter ce type de mouvements, ainsi que les positions statiques prolongées, pourrait en revanche être exécutée à plein temps. Cette expertise répond, pour l'essentiel, aux critères posés par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a), de sorte qu'elle revêt une pleine valeur probante. Cela étant, la capacité de travail résiduelle décrite par les experts est largement compatible avec une activité de conciergerie, telle qu'exercée par l'assuré jusqu'en 1987. Une diminution de la capacité de travail dans cette profession, compte tenu des douleurs dorsales ressenties, n'est certes pas exclue, mais ne serait manifestement pas de nature à entraîner une diminution de la capacité de gain - et donc un taux d'invalidité - supérieure à 66 %. Partant, elle ne saurait fonder la révision du droit à la rente et l'octroi d'une rente entière d'invalidité, contrairement aux conclusions du recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurance sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 18 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: