Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
K 48/04
Arrêt du 15 juin 2004
IVe Chambre
Composition
MM. les Juges Ursprung, Kernen et Maeschi, suppléant. Greffier : M. Berthoud
Parties
ACCORDA ASSURANCE MALADIE SA, route André-Piller 33A, 1762 Givisiez, requérante, représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat, rue du Rhône 84, 1204 Genève,
contre
Département fédéral de l'intérieur, Inselgasse, 3003 Berne, opposant
(arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 26 février 2004)
Faits:
A.
Par décision du 3 septembre 2003, le Département fédéral de l'intérieur (le département) a retiré à ACCORDA SA avec effet au 1er janvier 2004 l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale (1.1) et la reconnaissance en tant que caisse-maladie (1.2), prononcé la résiliation des rapports d'assurance de tous ses affiliés de l'assurance obligatoire des soins et de l'assurance facultative d'indemnités journalières au 31 décembre 2003 (1.3) et arrêté les modalités annexes au retrait de l'autorisation de pratiquer (2.1, 2.2, 2.3 et 2.4).
B.
Par arrêt du 26 février 2004 (K 123/03), le Tribunal fédéral des assurances a rejeté le recours de droit administratif interjeté par ACCORDA SA contre cette décision. Au dernier considérant de son arrêt, il a précisé que la date de résiliation des rapports d'assurance de l'assurance obligatoire des soins et de l'assurance facultative d'indemnités journalières devait être fixée à nouveau par le département.
En exécution de cet arrêt, le département a rendu une nouvelle décision, le 4 mai 2004, aux termes de laquelle il a retiré l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale avec effet au 30 juin 2004. Cette décision fait l'objet d'un recours d'ACCORDA SA, actuellement pendant devant la Cour de céans (K 77/04).
C.
Par écriture du 5 avril 2004, ACCORDA SA demande la révision de l'arrêt du 26 février 2004 en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à la mise en oeuvre d'un nouvel échange d'écritures et à l'annulation de la décision du département du 3 septembre 2003. A l'appui de sa demande, ACCORDA SA fait valoir que l'Autorité de céans n'aurait pas apprécié par inadvertance des faits importants qui ressortent du dossier.
Le département conclut au rejet de la demande de révision.
D.
Par ordonnance du 3 mai 2004, le Juge présidant la IVe Chambre du Tribunal fédéral des assurances a rejeté la requête tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêt du 26 février 2004.
Considérant en droit:
1.
Aux termes de l'art. 136 let. d OJ, en relation avec l'art. 135 OJ, la demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral des assurances est recevable lorsque, par inadvertance, le tribunal n'a pas apprécié des faits importants qui ressortent du dossier.
1.1 L'application de l'art. 136 let. d OJ est limitée au cas où le tribunal a statué en se fondant par inadvertance sur un état de fait incomplet ou différent de celui qui résultait du dossier, et non à ceux où il aurait apprécié de manière erronée soit les preuves administrées devant lui, soit la portée juridique de cet état de fait. Comme l'a relevé la jurisprudence, le verbe français apprécier est ambigu et le terme allemand berücksichtigen, prendre en considération, rend mieux le sens de la loi (ATF 122 II 18 consid. 3; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, ad art. 136 OJ ch. 5 et les arrêts cités).
1.2 L'hypothèse de l'art. 136 let. d OJ suppose en conséquence que le tribunal n'a pas pris en considération un ou des faits importants résultant du dossier. Ne sont importants (erhebliche Tatsachen) que les faits pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle qui a été prise et plus favorable au requérant (Poudret, op. cit., ad art. 136 OJ ch. 5.3). La décision sur le point de savoir si un fait est déterminant en droit relève également de l'appréciation juridique (RJAM 1982 no 479 p. 64 consid. 2a et 1975 no 210 p. 30 consid. 1; cf. aussi ATF 122 II 18).
1.3 L'inadvertance (aus Versehen) implique toujours une erreur grossière et consiste soit à méconnaître soit à déformer un fait ou une pièce. Elle se distingue de la fausse appréciation aussi bien des preuves administrées que de la portée juridique des faits établis. L'inadvertance doit se rapporter au contenu même du fait, à sa perception par le tribunal, mais non pas à son appréciation juridique (ATF 122 II 17, 115 II 399; Poudret, op. cit., ad art. 136 OJ ch. 5.4).
2.
2.1 Par sa décision du 3 septembre 2003, le département a retiré à ACCORDA SA l'autorisation de pratiquer l'assurance maladie sociale et la reconnaissance en tant que caisse maladie, au motif qu'elle n'en remplissait plus les conditions légales et que la gravité de la situation nécessitait une décision urgente. Selon le département, la situation financière d'ACCORDA SA (surendettement au 31 décembre 2002, annonce au juge civil par l'organe de révision le 21 mai 2003, inexistence des réserves légales, bilan provisionnel négatif pour 2003), ainsi que l'organisation déficiente de la société (dysfonctionnements dans la gestion financière, réaction tardive de la direction face aux problèmes financiers, communication avec l'autorité de surveillance et présentation de documents lacunaires) ne permettaient pas de surseoir au retrait de l'autorisation de pratiquer. A cet égard, la demanderesse avait été incapable de présenter au juge civil et aux autorités de surveillance des mesures ou des options de financement, propres à assurer un assainissement à fin 2003, satisfaisantes; d'autre part, une aggravation du risque financier, au détriment de l'intérêt des assurés et du fonds d'insolvabilité de l'institution commune, ne pouvait être exclue.
2.2 Dans son arrêt du 26 février 2004, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que les conditions posées à un retrait de l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale étaient remplies.
2.2.1 Après avoir rappelé que les assureurs devaient être en mesure de remplir leurs obligations financières en tout temps (art. 13 al. 2 LAMal), l'Autorité de céans a précisé que cette condition n'était en tout cas plus remplie en cas de surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO, à tout le moins quand il n'existait pas de perspectives concrètes d'assainissement. Sur ce point, l'ajournement par le juge de la faillite ne faisait pas obstacle à une décision du département de retirer l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale. Le juge prend en considération l'intérêt des créanciers, en revanche, dans le cadre du retrait de l'autorisation de pratiquer, l'autorité de surveillance doit prendre en considération les intérêts des assurés de la caisse, ceux de l'institution commune - c'est-à-dire les intérêts de la l'ensemble des assurés - et l'intérêt public à l'administration irréprochable d'une branche importante de l'assurance sociale de la Confédération. En cas de surendettement, le département était en droit de prendre une décision de retrait de l'autorisation de pratiquer, dès lors que les conditions de l'autorisation n'étaient plus remplies, l'office fédéral ayant la possibilité de tenir compte de la décision du juge dans son examen, avant de proposer au département le retrait de l'autorisation.
2.2.2 Le Tribunal fédéral des assurances a cependant souligné que du point de vue de l'assurance-maladie sociale les mesures d'assainissement devaient pouvoir être réalisées à court terme. En effet, les incertitudes sur la solvabilité d'un assureur-maladie ont des conséquences négatives sur la sécurité juridique des assurés et la crédibilité de la gestion de l'assurance-maladie; les intérêts des assurés devaient prévaloir, indépendamment de ceux de l'institution commune. A cet égard, l'augmentation ordinaire et autorisée du capital social d'ACCORDA SA de 3'000'000 fr. et l'augmentation du capital-participation jusqu'à concurrence de 2'000'000 fr. ne constituaient pas des mesures d'assainissement suffisantes face à la situation de surendettement établie (1'334'808 fr. au 31 décembre 2002; 1'186'721 fr. au 30 juin 2003 selon un bilan intermédiaire tenant compte d'une perte reportée de 7'977'308 fr.). Le succès de la souscription d'actions nouvelles n'était en effet pas garanti, d'autant plus en cas de surendettement, et ACCORDA SA ne pouvait se prévaloir d'engagements fermes de la part de ses actionnaires.
2.2.3 Enfin, l'Autorité de céans a rappelé que les notions d'insolvabilité et de surendettement étaient différentes. Le fait de disposer momentanément de liquidités n'était pas apte à démontrer l'existence d'une situation économique stabilisée, surtout si l'on retenait qu'ACCORDA SA n'avait pas été en mesure de s'acquitter dans les délais de ses obligations vis à vis de l'institution commune en raison de l'absence des provisions nécessaires pour le paiement de sa redevance de risques.
2.2.4 En définitive, le Tribunal fédéral des assurances a conclu que le département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation dans l'examen de la disparition des conditions légales pour pratiquer l'assurance-maladie sociale et sa décision ne violait pas le droit fédéral. Vu l'état de surendettement et l'absence de mesures d'assainissement rapides et satisfaisantes, les intérêts des assurés au sens large et de l'assurance-maladie sociale en général devaient prévaloir. Le retrait de l'autorisation de pratiquer s'imposait, car on ne voyait pas quelle mesure moins lourde l'autorité pouvait être appelée à prendre en cas de surendettement et en l'absence de mesure susceptible de pallier celui-ci rapidement.
3.
3.1 A l'appui de sa demande de révision, ACCORDA SA soutient que le Tribunal fédéral des assurances a omis par inadvertance de tenir compte, dans son analyse, du contrat passé avec l'Hospice général du canton de Genève. En effet, celui-ci portait sur l'assurance obligatoire des soins de près de 5'000 requérants d'asile séjournant dans ce canton, soit une population essentiellement jeune et masculine. Or selon la requérante, ces assurés ont présenté une consommation de soins médicaux quatre fois supérieure environ à la moyenne de celle des assurés genevois de la même classe d'âge et impliqué des charges énormes. Par ailleurs, compte tenu du profil (âge et sexe) de ces assurés, ACCORDA SA fait valoir qu'elle a dû faire face à une cotisation élevée au titre de la compensation des risques à l'égard de l'Institution commune LAMal.
La requérante en déduit qu'il aurait dès lors appartenu à l'Autorité de céans d'examiner d'office si l'Institution commune LAMal n'aurait pas dû demander à l'Office fédéral compétent de fixer les coûts moyens pris en compte pour la compensation des risques selon des principes actuariels (cf. art. 3 al. 3 de l'ordonnance sur la compensation des risques dans l'assurance-maladie du 12 avril 1995, OCoR, RS 832.112.1). Un tel examen aurait ainsi permis de réévaluer les montants des cotisations payées au cours des années précédentes à l'institution et amené le Tribunal fédéral des assurances à juger la situation financière d'ACCORDA SA sur des bases différentes.
3.2 Le raisonnement de la requérante méconnaît totalement la notion et la portée de la compensation des risques prévue par le législateur fédéral et ses mécanismes de mise en oeuvre (art. 105 LAMal; OCoR).
3.2.1 Au titre de la compensation des risques, les assureurs dont les effectifs de femmes et de personnes âgées assurées sont inférieures à la moyenne de l'ensemble des assureurs doivent verser une contribution à l'institution commune (art. 18) en faveur des assureurs dont les effectifs de femmes et de personnes âgées assurées dépassent cette moyenne; cette contribution est destinée à compenser entièrement les différences moyennes des frais entre les groupes de risques déterminants. La comparaison s'effectue, par canton et pour chaque assureur, sur la base de l'effectif des assurés ( art. 105 al. 1 et 2 LAMal ).
3.2.2 Les prétentions de la requérante (l'adaptation de ses redevances à l'institution commune, respectivement des contributions de cette dernière, eu égard au niveau de consommation de soins de certains de ses assurés) sont étrangères au système légal de la compensation des risques. En effet, celui-ci ne fait entrer dans la formule de compensation que les facteurs de l'âge, du sexe et de la région - en l'espèce en défaveur de la requérante - et non l'état de santé des assurés (cf. Stefan Spycher, Assurance-maladie : les effets sous-évalués de la compensation des risques, in Sécurité sociale 1999 pp. 94 ss; du même auteur : Compensation des risques dans l'assurance-maladie : propositions de réforme, in Sécurité sociale 2000 pp. 149 ss).
Il s'ensuit qu'une compensation des risques en faveur de la requérante, au titre du contrat passé avec l'Hospice général du canton de Genève, était exclue d'entrée de cause. Ces éléments n'avaient dès lors aucune pertinence sur l'état de surendettement avéré d'ACCORDA SA, l'absence de mesures propres à garantir un assainissement rapide et le retrait de l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale.
3.3 Faute de faits importants que le Tribunal n'aurait pas pris en considération par inadvertance, dans son arrêt du 26 février 2004, la demande de révision n'est pas fondée.
4.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). La demanderesse en révision, qui succombe, en supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
La demande de révision est rejetée.
2.
Les frais de la cause, d'un montant de 10'000 fr., sont mis à la charge de la requérante et sont couverts par l'avance de frais de 15'000 fr. qu'elle a versée; la différence, d'un montant de 5'000 fr., lui est restituée.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 15 juin 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Juge présidant la IVe Chambre: Le Greffier: