BGer 4C.217/2004
 
BGer 4C.217/2004 vom 09.07.2004
Tribunale federale
{T 0/2}
4C.217/2004 /lma
Arrêt du 9 juillet 2004
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre,
Greffier: M. Carruzzo.
Parties
A.________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par Me Carlo Lombardini, avocat,
contre
B.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Alec Reymond, avocat,
Objet
contrat de bail,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 5 avril 2004.
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
1.1 Par contrat du 18 juillet 2001, A.________ SA a sous-loué à B.________ SA une partie des locaux commerciaux qu'elle loue dans un immeuble sis à Genève. Le loyer mensuel a été fixé à 3'000 fr. et l'acompte pour les frais accessoires à 200 fr. par mois. La convention de sous-location comportait une clause ainsi libellée:
"Une période d'essai est convenue entre les parties jusqu'au 31 décembre 2001. Passé ce délai, les parties s'engagent pour une durée indéterminée. Il est prévu un délai de 6 (six) mois pour la fin d'un mois pour dénoncer ladite convention."
Le loyer relatif à la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2001 a été payé par un unique versement intervenu en novembre 2001.
B.________ SA a quitté les locaux sous-loués le 10 janvier 2002. Elle a versé 1600 fr. à A.________ SA pour l'occupation des locaux durant les 10 premiers jours du mois en question.
Par courrier de son conseil du 6 février 2002, A.________ SA a mis un terme au bail de sous-location pour son prochain terme, soit le 31 août 2002. Un avis officiel de résiliation était joint à ce courrier.
Dans une lettre du 14 février 2002, B.________ SA a contesté la position de sa bailleresse, affirmant qu'en date du 11 décembre 2001, celle-ci avait été informée, devant témoins, que la sous-locataire avait décidé de mettre un terme au bail de sous-location pour le 31 décembre 2001. La sous-locataire ajoutait que si elle était demeurée dans les locaux jusqu'au 10 janvier 2002, en réglant un demi-mois de loyer, c'était parce que le déménagement n'avait pas pu avoir lieu plus tôt.
1.2 Le 23 septembre 2002, A.________ SA a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête dirigée contre B.________ SA en vue d'obtenir le paiement de 24'000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 30 avril 2002, montant correspondant aux loyers et charges des locaux loués pour les mois de janvier à août 2002, sous déduction des 1'600 fr. déjà versés. Non conciliée, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, le 6 novembre 2002. B.________ SA a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 30 mai 2003, le Tribunal des baux et loyers a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 24'000 fr. plus intérêts à 5 % dès le 30 avril 2002. Les premiers juges ont vu dans le contrat conclu par les parties un bail de durée indéterminée ne pouvant prendre fin qu'au moyen d'une résiliation. Comme celle-ci devait être faite par écrit, en vertu de l'art. 266l CO, et que tel n'avait pas été le cas de la part de la sous-locataire, il importait peu de connaître la teneur des propos échangés lors de l'entrevue du 11 novembre 2001. Aussi, seule pouvait être prise en considération la résiliation notifiée pour le 31 août 2002 par la bailleresse au moyen de la formule ad hoc. Partant, le loyer était dû jusqu'à cette date.
Statuant par arrêt du 5 avril 2004, sur appel de la défenderesse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a annulé ce jugement et renvoyé la cause à la juridiction de première instance pour instruction complémentaire dans le sens des considérants. Contrairement au Tribunal des baux et loyers, les juges d'appel ont considéré que le contrat de sous-location comportait une période d'essai expirant automatiquement le 31 décembre 2001. Cette période échue, le bail se transformait en un bail congéable. Dès lors que la défenderesse n'avait restitué les locaux que le 10 janvier 2002, il importait de savoir si son représentant avait informé oralement la demanderesse, le 11 décembre 2001, de son intention de quitter les locaux à la fin de la période d'essai et si celui de la bailleresse lui avait effectivement accordé un délai supplémentaire de quelques jours pour quitter les lieux. C'est la raison pour laquelle la cause devait être retournée au Tribunal des baux et loyers, afin qu'il procède à une instruction complémentaire sur ce point.
1.3 La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que l'arrêt cantonal soit annulé et la défenderesse condamnée à lui payer la somme de 24'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 30 avril 2002.
La défenderesse n'a pas été invitée à déposer une réponse.
2.
L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure entre les parties, puisque les juges de première instance doivent rendre une nouvelle décision. Il ne constitue donc pas une décision finale au sens de l'art. 48 OJ. En effet, pour qu'une décision soit qualifiée de finale au sens de cette disposition, il faut, d'une part, qu'elle mette un terme à la procédure entre les parties (ATF 123 III 140 consid. 2a; cf. Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 6) et, d'autre part, que l'autorité cantonale ait statué sur le fond de la prétention ou s'y soit refusée pour un motif qui empêche définitivement que la même prétention soit exercée à nouveau entre les mêmes parties (ATF 127 III 433 consid. 1b/aa p. 435, 474 consid. 1a et les arrêts cités).
Dès lors que le présent recours n'est pas formé pour violation des prescriptions du droit fédéral sur la compétence (art. 49 al. 1 OJ), il n'est recevable qu'aux conditions posées par l'art. 50 al. 1 OJ.
3.
Il ressort de cette disposition que le recours en réforme interjeté directement contre une décision incidente n'est recevable qu'exceptionnellement. Il faut, d'une part, qu'une décision finale puisse ainsi être provoquée immédiatement et, d'autre part, que la durée et les frais de la procédure probatoire apparaissent si considérables qu'il convient de les éviter en autorisant le recours immédiat au tribunal. Ces deux exigences sont cumulatives (cf. ATF 123 III 414 consid. 3b p. 420). Le tribunal décide librement et sans délibération publique si ces conditions sont remplies (art. 50 al. 2 OJ). Au demeurant, étant donné que l'ouverture du recours en réforme, pour des motifs d'économie de procédure, constitue une exception, elle doit, comme telle, être interprétée restrictivement (ATF 122 III 254 consid. 2a; 118 II 91 consid. 1b p. 92). En outre, il appartient au recourant d'exposer pourquoi il s'agit d'un cas exceptionnel (ATF 118 II 91 consid. 1a p. 92; 116 II 738 consid. 1b/aa).
3.1 L'art. 50 al. 1 OJ exige en premier lieu qu'une décision finale puisse être provoquée immédiatement. Tel est le cas lorsque le Tribunal fédéral peut la rendre lui-même (ATF 105 II 317 consid. 3), ce qui suppose qu'il soit en mesure de mettre fin définitivement à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente. En d'autres termes, il faut que la solution inverse de celle retenue dans la décision préjudicielle soit finale au sens de l'art. 48 OJ; tel n'est pas le cas si le Tribunal fédéral peut seulement renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour compléter l'instruction ou appliquer sa procédure et statuer à nouveau (ATF 122 III 254 consid. 2a et les références citées).
En l'espèce, si le Tribunal fédéral retenait, contrairement à la Chambre d'appel et en accord avec les juges de première instance, que le bail de sous-location conclu le 18 juin 2001 était un bail congéable, c'est-à-dire de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), il serait en mesure de faire droit immédiatement aux conclusions en paiement prises par la demanderesse, lesquelles tendent au paiement des loyers échus durant le délai de congé. La première condition d'application de l'art. 50 OJ est donc réalisée dans le cas concret.
3.2 L'application de l'art. 50 al. 1 OJ suppose, en second lieu, que le recours immédiat au Tribunal fédéral permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. S'il découle manifestement de la décision attaquée ou de la nature de la cause que la poursuite de la procédure prendra un temps considérable et exigera des frais très importants, le recourant peut se dispenser d'une longue démonstration sur ce point; si tel n'est pas le cas, celui-ci doit indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses et quelles sont les preuves longues et coûteuses qui devraient être administrées (ATF 118 II 91 consid. 1a; 116 II 738 consid. 1).
In casu, la mission confiée au Tribunal des baux et loyers par la juridiction d'appel est bien délimitée. Il s'agit pour les premiers juges de procéder à des enquêtes afin de déterminer la teneur de la discussion intervenue lors d'un déjeuner du 11 décembre 2001. Selon la demanderesse, seules trois personnes étaient présentes à ce déjeuner. La défenderesse en dénombre, semble-t-il, une quatrième, mais le point est litigieux. Quoi qu'il en soit, la procédure devrait se limiter à l'audition de ces trois ou quatre témoins. Certes, l'un de ceux-ci est domicilié au Texas. Cet état de choses ne paraît toutefois pas constituer une circonstance propre à allonger et à renchérir sensiblement la procédure. On relèvera, au sujet de ce témoin, qu'il s'agit d'une personne de nationalité française, qui parle donc la langue utilisée pour l'instruction de la présente cause, ce qui devrait contribuer à faciliter son audition, même par voie de commission rogatoire. Pour le surplus, il n'y a pas lieu de s'attarder sur l'intention que la demanderesse prête à la défenderesse de faire entendre l'ensemble de son personnel, soit six personnes au moins. En effet, on ne voit pas que l'audition de ces personnes puisse encore s'inscrire dans le cadre bien défini par l'arrêt de renvoi, des circonstances de fait restant à élucider.
Cela étant, on ne se trouve pas en présence d'un cas exceptionnel où la durée et les frais de la procédure probatoire prévisible justifieraient un recours immédiat au Tribunal fédéral. Le recours doit donc être déclaré irrecevable.
4.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, la demanderesse, qui a interjeté un recours irrecevable, devra payer l'émolument judiciaire afférent à la procédure fédérale.
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
Lausanne, le 9 juillet 2004
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: