Tribunale federale
Tribunal federal
2P.106/2004/RED/elo
{T 0/2}
Arrêt du 3 août 2004
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Meylan, Juge suppléant.
Greffière: Mme Revey.
Parties
X.________, recourante,
représentée par Me Eric Beaumont,
contre
Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève,
boulevard du Pont d'Arve 40, 1211 Genève 4,
Commission de recours de l'Université de Genève, p.a. Tribunal administratif, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 1211 Genève 1.
Objet
recours de droit public contre l'arrêt de la Commission de recours de l'Université de Genève du 10 mars 2004.
Faits:
A.
X.________, née en 1970, a été admise le 14 octobre 1998 à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève (ci-après: la Faculté), en deuxième cycle de la licence en psychologie. Elle avait auparavant étudié dans le même domaine en France, puis subi un échec définitif à l'Université de Lausanne.
A réitérées reprises, X.________ a requis et obtenu de la Faculté le report d'examens ou d'autres aménagements de son cursus en raison de troubles de santé. A l'issue de la session d'octobre 2001, soit à l'échéance de la durée réglementaire maximale de six semestres d'études pour le deuxième cycle en cause, elle n'avait toutefois pas obtenu la licence voulue. Aussi la Faculté lui a-t-elle signifié le 6 novembre 2001 son élimination de la section de psychologie.
Par acte du 13 novembre 2001, X.________ s'est opposée à ce prononcé. Le 12 décembre 2001, la Faculté a annulé son élimination, en l'autorisant "à présenter, une ultime fois, les examens échoués d'ici à la session de juillet 2002 pour tenter d'obtenir la licence de psychologie." L'intéressée n'ayant pas acquis sa licence dans ce délai, la Faculté l'a informée le 12 août 2002 de son élimination définitive.
B.
Le 3 (recte: 16) septembre 2002, l'intéressée a sollicité une nouvelle prolongation, exposant souhaiter se présenter à la session de février-mars 2003. Elle annexait un certificat médical du 11 septembre 2002 rédigé par son médecin traitant, à teneur duquel "X.________ présente des céphalées associées à des difficultés de concentration qui rendent toute activité intellectuelle et tout apprentissage plus lent. Compte tenu de ces constatations, la patiente nécessite un délai supplémentaire pour la réalisation de ses examens."
Le 7 octobre 2002, la Faculté a confirmé la décision d'élimination. Malgré les arguments développés lors de son audition du 2 octobre 2002, l'intéressée n'avait donné aucune garantie, vu son cursus d'études et son état actuel, de réussir dans le délai requis le nombre d'examens nécessaires à l'obtention de sa licence.
X.________ a déféré cette décision le 7 novembre 2002 devant la Commission de recours de l'Université (ci-après: la Commission de recours), invoquant l'efficacité du nouveau traitement neurologique qu'elle suivait et reprochant à la Faculté d'avoir méconnu l'amélioration récente de son état de santé. A l'appui, elle joignait une attestation du 28 octobre 2002 de son médecin traitant, selon lequel elle "présente, malgré ses problèmes de santé, un potentiel suffisant pour suivre les cours de son cursus universitaire dans le cadre de la Faculté de psychologie. Elle est donc capable de reprendre les cours à 100% et de poursuivre le cursus."
Statuant le 10 mars 2004, la Commission de recours a confirmé le prononcé attaqué, fondé sur l'art. 22 al. 3 du règlement du 7 septembre 1988 de l'Université (RU). X.________ souffrait certes de troubles de santé depuis son entrée à la Faculté, lesquels avaient conduit à lui accorder maints arrangements. La Faculté avait déjà prolongé le terme d'élimination en lui accordant un "ultime" délai pour acquérir sa licence, délai qu'elle n'avait cependant pas observé, pas plus qu'elle n'avait sollicité de nouvelle prolongation avant le prononcé d'élimination du 12 août 2002. L'intéressée n'était pas maîtresse de sa santé, mais l'Université se devait aussi de respecter le cadre réglementaire et le principe d'égalité des étudiants; elle n'avait pas vocation de laisser un étudiant poursuivre ses études totalement en marge du règlement.
C.
Agissant le 26 avril 2004 par la voie du recours de droit public, X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission de recours du 10 mars 2004. Elle dénonce une violation du principe de la célérité de la procédure, une violation du droit d'être entendu, une constatation arbitraire des faits et une application arbitraire de l'art. 22 al. 3 RU ( art. 9 et 29 Cst. ; art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 [CEDH; RS 0.101]; art. 18 à 24, 28 à 36 et 77 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA]). Elle annexe un certificat médical daté du 19 avril 2004. Enfin, elle sollicite l'assistance judiciaire et l'effet suspensif au recours.
Par ordonnance du 11 mai 2004, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif ou de mesures provisionnelles.
L'Université et la Commission de recours s'en rapportent à la justice quant à la recevabilité du recours et concluent sur le fond à son rejet.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1).
Le présent recours étant de toute façon mal fondé, point n'est besoin d'examiner sa recevabilité, notamment la question de savoir si l'art. 22 al. 3 RU, qui fonde la décision attaquée, confère à la recourante un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ.
Postérieure à la décision attaquée, la pièce annexée au recours ne saurait être prise en considération (ATF 129 I 49 consid. 3; 128 I 354 consid. 6c; Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd., Berne 1994, p. 369-371).
2.
Invoquant les art. 29 al. 1 Cst., 6 CEDH et 77 LPA, la recourante dénonce une violation du principe de la célérité de la procédure, motif pris que la Commission de recours n'a statué que le 10 mars 2004, soit seize mois après le dépôt du recours le 7 novembre 2002.
Un délai de seize mois semble a priori peu compatible avec l'art. 77 LPA, selon lequel les juridictions administratives doivent en principe statuer sur les recours dans l'année qui suit le dépôt du mémoire de recours. Les motifs suivants rendent néanmoins superflu de trancher définitivement cette question dans la présente procédure:
D'une part, l'art. 29 al. 1 Cst., selon lequel toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable, n'exige pas que la décision finalement prise à l'issue d'un retard inadmissible soit annulée. Quant à l'art. 6 CEDH, il n'accorde pas sous cet angle une protection plus étendue; sa pertinence est du reste fort douteuse, dès lors qu'il ne s'applique pas aux décisions relatives à l'évaluation des examens scolaires ou universitaires, ni à celles portant sur l'admission ou l'exclusion d'établissements d'enseignement publics (ATF 128 I 288 consid. 2.7 et les références citées). D'autre part, la recourante ne requiert pas le Tribunal fédéral - du moins pas de manière suffisamment explicite - de procéder à la constatation d'un retard inadmissible à statuer, constatation pouvant être accordée, selon les domaines et les circonstances, en vue de constituer une forme de réparation, voire d'influer sur la répartition des frais et dépens (cf. ATF 129 V 411 consid. 1.3 et 3.4). Enfin, elle ne sollicite pas davantage le versement de dommages et intérêts, prétention qui relèverait du reste des autorités compétentes pour connaître des actions en responsabilité contre la Confédération ou les cantons (ATF 129 V 411 consid. 1.4).
3.
Selon l'art. 22 RU, l'étudiant éliminé d'une subdivision, d'une faculté ou d'une école ne peut plus s'inscrire aux enseignements de cette subdivision, de cette faculté ou de cette école (al. 1). Est éliminé l'étudiant qui ne subit pas les examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d'études (al. 2 lettre b). La décision d'élimination est prise par le doyen de la faculté ou par le président d'école, lesquels tiennent compte des situations exceptionnelles (al. 3).
En l'espèce, le litige porte sur le refus de la Commission de recours d'accorder à la recourante une seconde dérogation au sens de l'art. 22 al. 3 RU.
4.
La recourante se plaint d'abord de diverses violations de son droit d'être entendue.
4.1 Sous l'angle de l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante reproche à l'autorité intimée d'avoir omis d'entendre son médecin traitant, alors que le recours du 7 novembre 2002 indiquait expressément qu'il pouvait apporter de plus amples renseignements sur son état de santé.
L'art. 29 al. 2 Cst. comporte le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves, lorsqu'elles sont présentées en temps utile et dans les formes requises. Encore faut-il que la preuve fournie soit apte à établir le fait à prouver et que celui-ci soit pertinent, à savoir de nature à influer sur le sort de la décision à prendre. De surcroît, l'art. 29 al. 2 Cst. n'empêche pas le juge de refuser d'administrer une mesure probatoire lorsqu'au terme d'une appréciation anticipée non arbitraire de la preuve proposée, il parvient à la conclusion que les faits pertinents sont déjà établis et qu'un résultat, même favorable au recourant, de la mesure probatoire sollicitée ne l'amènerait pas à modifier sa conviction (ATF 124 I 208 consid. 4a, 241 consid. 2).
En l'espèce, l'audition en cause n'a pas été sollicitée dans les formes requises, puisque la recourante s'est bornée à signaler la possibilité d'obtenir par ce moyen des renseignements complémentaires, sans pour autant demander explicitement une telle mesure probatoire. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner si la Commission de recours était fondée à renoncer à cette audition sur la base d'une appréciation anticipée des preuves. Le grief tiré de l'art. 29 al. 2 Cst. doit ainsi être écarté.
4.2 S'agissant toujours de l'audition du médecin traitant, la recourante soutient de plus que l'art. 19 LPA prévoyant la maxime d'office dictait de toute façon à la Commission de recours de procéder d'office à cette mesure probatoire, car les certificats médicaux déposés ne suffisaient pas à apprécier correctement son état de santé, soit, à bien suivre l'intéressée, la gravité de ses troubles passés ainsi que la portée de la récente amélioration de sa situation sur sa capacité à terminer rapidement ses études.
La Commission de recours a expressément admis que la recourante avait eu une santé fragile dès le début de ses études. Elle n'a du reste pas remis en cause les multiples aménagement octroyés pour ce motif. Dans ces conditions, elle pouvait s'abstenir de procéder à une instruction supplémentaire sur les troubles passés.
En revanche, le jugement attaqué n'est pas entré en matière sur la question de la récente amélioration de la santé de la recourante. En effet, le refus de la Commission de recours d'accorder une seconde dérogation au sens de l'art. 22 al. 3 RU repose uniquement, compte tenu du respect du règlement et du principe d'égalité des étudiants, sur les maints arrangements concédés, sur l'inobservation de l'"ultime" délai octroyé, ainsi que sur l'omission de requérir une nouvelle prolongation avant le prononcé d'élimination du 12 août 2002. Or, la recourante n'expose pas, pour le moins pas de façon suffisante, en quoi l'autorité intimée aurait dû statuer sur l'existence et la portée des progrès allégués. En particulier, elle ne s'attache pas à démontrer que la prise en compte d'une telle évolution aurait été susceptible de conduire à lui octroyer la dérogation sollicitée en dépit des motifs inverses retenus par la Commission de recours. Force est ainsi de considérer que l'autorité intimée pouvait, sans heurter l'art. 19 LPA de manière insoutenable, s'abstenir d'ordonner d'office l'audition en cause.
4.3 Selon la recourante, la Commission de recours a retenu à tort que l'art. 19 LPA n'obligeait pas la Faculté d'instruire plus avant, lors de son audition du 2 octobre 2002, la question de l'évolution de sa santé.
Dans sa requête du 16 septembre 2002, la recourante a exposé ses troubles de santé, certificat médical à l'appui, en sollicitant un report du délai d'élimination à la session de février/mars 2003, à savoir six mois plus tard. Entendue le 2 octobre 2002, soit deux semaines après, la recourante a, selon la décision attaquée qu'elle ne conteste pas sur ce point, mis également l'accent sur l'évolution positive de son état. Dans ces conditions, la Faculté disposait de tous les éléments nécessaires à statuer et n'avait pas à rechercher spontanément de plus amples précisions sur l'étendue et la portée de cette amélioration. Il incombait à la recourante, au vu de son devoir de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA), d'indiquer en quoi ses propres déclarations auraient été incomplètes. Par conséquent, on ne discerne pas en quoi l'art. 19 LPA imposait manifestement à la Faculté d'approfondir l'instruction de la question précitée. Ce grief doit donc être rejeté, à supposer encore qu'il respecte les exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.
5.
Sur le fond, la recourante dénonce une application arbitraire de l'art. 22 al. 3 RU en reprochant à l'autorité intimée d'avoir sous-estimé ses troubles de santé, les efforts fournis sans relâche pour trouver un traitement adéquat, ainsi que l'impact de ces difficultés sur ses études.
Conformément au consid. 4.2 supra, les troubles passés ont été reconnus à suffisance et la récente évolution alléguée ne constitue pas un élément déterminant de la décision attaquée. Par ailleurs, l'intéressée ne s'attache pas à démontrer qu'il serait arbitraire de lui refuser une dérogation au sens de l'art. 22 al. 3 RU en raison des arrangements déjà accordés, de l'inobservation du premier délai octroyé et de l'omission d'en requérir une prolongation avant la décision d'élimination du 12 août 2002 (reçue le 3 septembre suivant selon la recourante). A cela s'ajoute, ainsi qu'il découle des observations de la Faculté, que la recourante a déjà essayé pendant huit ans (de 1994 à juillet 2002) d'obtenir sa licence en Suisse. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'est dès lors pas insoutenable de poser un terme définitif à ses tentatives en dépit d'une certaine amélioration de sa santé.
6.
Quant aux autres moyens avancés, ils sont confus et appellatoires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les examiner (art. 90 al. 1 lettre b OJ).
7.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Ses conclusions étant d'emblée vouées à l'échec, la demande d'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 OJ). Succombant, la recourante doit supporter un émolument judiciaire, qui sera fixé en tenant compte de sa situation financière ( art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, ainsi qu'à la Commission de recours de l'Université de Genève.
Lausanne, le 3 août 2004
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: