Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
7B.100/2004 /fzc
Arrêt du 4 août 2004
Chambre des poursuites et des faillites
Composition
MM. et Mme les Juges Meyer, Juge présidant,
Raselli et Hohl.
Greffier: M. Braconi.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Pascal Labbé, avocat,
contre
Autorité de surveillance pour les offices des poursuites et des faillites du canton de Berne, Hochschulstrasse 17, case postale 7475, 3001 Berne.
Objet
saisie; minimum vital,
recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance pour les offices des poursuites et des faillites du canton de Berne du 9 mai 2004.
Faits:
A.
Le 12 décembre 2001, le Président 4 de l'Arrondissement judiciaire II Bienne-Nidau a prononcé la faillite de A.________. Le 18 janvier 2002, ledit magistrat a ordonné la suspension de la liquidation faute d'actif (cf. art. 230 al. 1 LP). Se fondant sur l'art. 230 al. 3 LP, B.________ - ancienne épouse du débiteur - a introduit une poursuite par voie de saisie à l'encontre de A.________. Ce dernier ayant retiré son opposition au commandement de payer, la poursuivante a requis la continuation de la poursuite, en demandant expressément à l'Office des poursuites du Jura bernois-Seeland de saisir quatre tapis d'Orient d'une valeur de 140'000 fr., un voilier estimé à 70'000 fr., 50 actions nominatives de la société X.________ AG à Y.________, ainsi que d'autres objets dans l'appartement du poursuivi, ses avoirs bancaires, des bijoux et sa montre de luxe; elle a aussi requis l'office de procéder à une saisie de salaire.
B.
Le 26 janvier 2004, l'office a procédé à la saisie au domicile du poursuivi, en présence de l'intéressé et de son mandataire. Le procès-verbal des opérations de la saisie, sous la rubrique «Bemerkungen», mentionne que quatre tapis, un bateau à Z.________ et les actions de la société X.________ AG appartiennent à C.________, femme du poursuivi, et qu'une montre-bijou se trouve actuellement chez le juge d'instruction pénal. Le poursuivi a été entendu au sujet de sa situation financière (revenu et charges). Par décision du 3 février 2004, l'office a fixé le minimum vital du poursuivi à 3'154 fr. et la quotité saisissable de son revenu à 2'400 fr., en retenant les montants suivants:
Calcul du minimum vital débiteur partenaire total
salaire 5'595.00 5'595.00
montant mensuel de base 775.00 775.00
suppléments pour enfants, 50% 350.00 350.00
loyer y compris frais acc. 847.00 847.00
assurance-maladie 502.00 502.00
AVS 630.00 630.00
part aux frais médicaux 50.00 50.00
part au minimum vital 3'154.00 3'154.00
montant excédent le min. vital 2'441.00 2'441.00
arrondi 41.00 41.00
part saisissable du salaire 2'400.00 2'400.00
C.
Statuant le 9 mai 2004, l'Autorité de surveillance pour les offices des poursuites et des faillites du canton de Berne a rejeté la plainte formée par le poursuivi contre la décision de l'office du 3 février 2004.
D.
A.________ exerce un recours à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de la décision de l'autorité de surveillance et à la constatation de l'insaisissabilité de son revenu.
Des observations n'ont pas été requises.
E.
Par ordonnance du 2 juin 2004, la Présidente de la Chambre de céans a attribué l'effet suspensif au recours.
La Chambre considère en droit:
1.
La Chambre de céans fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité (de surveillance) cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ; cf. Pfleghard, Schuldbetreibungs- und Konkursbeschwerde, in: Prozessieren vor Bundesgericht, 2e éd., n. 5.58 ss).
Sont donc irrecevables les (nombreux) faits nouveaux que le recourant allègue pour appuyer ses griefs, sans se prévaloir avec précision de l'une de ces exceptions (par exemple: l'épouse du recourant passe l'essentiel de son temps en Allemagne, pays dans lequel elle est fiscalement imposée, et paye son loyer et ses cotisations sociales; les immeubles dont elle est propriétaire sont fortement hypothéqués; le non-paiement de la somme en poursuite est imputable à la mauvaise conjoncture dans le secteur de la bijouterie et des pierres précieuses; le loyer est versé par le recourant au moyen de son salaire sur le compte hypothécaire de sa femme; les participations de l'épouse dans diverses sociétés allemandes ne génèrent aucun bénéfice).
Doit être aussi écartée du dossier la décision des autorités fiscales allemandes, du 7 mars 2003, concernant la situation financière de la femme du poursuivi, qui a été produite en instance fédérale seulement (art. 79 al. 1 OJ). Compte tenu de l'objet de la présente procédure de plainte (fixation de la quotité saisissable), et du reproche adressé au poursuivi de n'avoir donné aucune indication au sujet du revenu de son épouse, l'affirmation selon laquelle «le recourant n'avait aucune raison de la produire auprès de l'instance inférieure» confine à la témérité. Au demeurant, le devoir de collaborer s'accomplit lors de la saisie déjà, et non uniquement devant le Tribunal fédéral (Pfleghard, op. cit., n. 5.65 et les arrêts cités).
2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 20a al. 2 ch. 4 LP; il reproche à la juridiction cantonale de s'être écartée du mode de calcul ordinairement utilisé pour les couples mariés en se bornant à affirmer qu'elle «est convaincue que [son] épouse [...] dispose de ressources lui permettant de contribuer pour moitié au moins à l'entretien de sa famille».
2.1 Aux termes de l'art. 20a al. 2 ch. 4 LP, la décision de l'autorité de surveillance est motivée. Bien que cette norme concrétise une garantie constitutionnelle découlant du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15), sa violation peut être soulevée à l'appui d'un recours au sens de l'art. 19 al. 1 LP (cf. arrêt 7B.24/2000 du 15 février 2000, consid. 4). Tiré de la transgression d'une prescription de nature formelle (ATF 104 Ia 201 consid. 5a p. 214), ce moyen doit être examiné en premier (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50).
2.2 L'autorité cantonale s'est dit convaincue, à l'instar de l'office des poursuites, que la femme du recourant dispose de ressources qui lui permettent de contribuer pour moitié au moins à l'entretien de la famille. Cette conviction se base sur les indices suivants: l'intéressée a déclaré devant le juge d'instruction pénal qu'elle percevait de la société X.________ AG une rémunération pour ses prestations de service, que le revenu locatif des immeubles dont elle est propriétaire à Y.________ s'élève à 230'000 fr. par an et qu'elle est propriétaire, en tout ou en partie, de sociétés en Allemagne; il ressort de l'attestation de la police des habitants qu'elle a déposé ses papiers à Y.________ le 1er février 1995. Dans ces conditions, il serait inéquitable de calculer le minimum vital du poursuivi, respectivement la part saisissable de son revenu, en retenant l'entier du montant mensuel de base pour le couple et pour les deux enfants communs.
Une telle motivation apparaît suffisante au regard des exigences de l'art. 20a al. 2 ch. 4 LP (à ce sujet: Cometta, Kommentar zum SchKG, vol. I, n. 40 ad art. 20a LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, n. 107 ad art. 20a LP et les références citées). Du reste, il ressort de l'argumentation déduite de l'art. 20a al. 2 ch. 3 LP (cf. infra, consid. 4) que le recourant a saisi le sens et la portée de la décision entreprise (Gilliéron, ibidem, n. 95 et 106).
3.
Le recourant est d'avis que l'autorité cantonale a violé son obligation, découlant de la maxime inquisitoire, d'établir sa situation personnelle aux fins de déterminer le minimum vital. Au lieu de stigmatiser son manque de collaboration et de s'appuyer sur la «fiction» que sa femme contribue pour moitié au moins aux charges de la famille, la juridiction précédente - tout comme l'huissier saisissant- aurait pu réclamer le contrat de bail de l'intéressée en Allemagne, ainsi que les justificatifs de ses charges fixes et ses déclarations fiscales.
3.1 Selon l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP, l'autorité de surveillance constate les faits d'office; elle peut demander aux parties de collaborer et peut déclarer irrecevables leurs conclusions lorsque les parties refusent de prêter le concours nécessaire que l'on peut attendre d'elles (cf. sur la portée de cette norme: ATF 123 III 328). La doctrine enseigne que le devoir de collaborer s'applique pleinement lorsque la partie saisit dans son propre intérêt les autorités de surveillance, ou qu'il s'agit de faits qu'elle est la mieux à même de connaître ou qui ont trait à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (Gilliéron, op. cit., n. 33 ad art. 20a LP; cf. ATF 112 III 79 consid. 2 p. 80 [pour l'ancien droit]).
3.2 D'après les constatations de la décision attaquée, le recourant a déclaré à l'huissier lors de l'exécution de la saisie, le 26 janvier 2004, que «son épouse travaillait en Allemagne et qu'il n'avait aucune idée de ses revenus», et non pas - comme il l'affirme maintenant - qu'il ne connaissait pas les «détails» de ses revenus, que les sociétés sises en Allemagne étaient «dans les chiffres rouges» et que les conjoints sont soumis «au régime matrimonial de la séparation de biens», ou encore que l'huissier saisissant n'a pas «daigné prendre connaissance des informations» qu'il a fournies (art. 63 al. 2 OJ, applicable en vertu du renvoi de l'art. 81 OJ).
Ces points étant précisés, la décision entreprise échappe à la critique. Le recourant ne pouvait certes ignorer - ne serait-ce que pour avoir été précédemment mis en poursuite par l'intimée - que, pour calculer la quotité saisissable du salaire d'un époux poursuivi, il faut déterminer au préalable le revenu des deux époux et leur minimum vital commun (ATF 114 III 12 consid. 3 p. 15/16 et les références); il lui appartenait ainsi de renseigner l'office sur les éléments à prendre en compte, ce d'autant plus qu'il est censé disposer des données pertinentes et qu'il se prévaut de sa situation personnelle «peu courante». A cela s'ajoute que le recourant est mal venu de reprocher à l'huissier saisissant de ne pas l'avoir «questionné de manière circonstanciée [sur] la situation de son épouse», alors même qu'il lui avait dit n'avoir «aucune idée» de ses revenus, assertion dont le but évident était de se soustraire aux investigations de l'office.
4.
Le recourant dénonce encore une violation de l'art. 20a al. 2 ch. 3 LP, qui prévoit notamment que l'autorité de surveillance apprécie librement les preuves.
Ce moyen est irrecevable. Le recourant ne soutient pas que l'autorité cantonale aurait violé le principe de la libre appréciation des preuves en tant que tel, en lui substituant le système des preuves légales (à ce sujet: Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 321 ss; Hohl, Procédure civile, t. I, n. 1100 ss), mais il s'en prend à la manière dont les juges précédents ont apprécié les preuves disponibles (dans le cas présent: l'exposé des faits de la procédure pénale, ainsi que les déclarations faites dans ce contexte par le poursuivi et son épouse). Dirigée contre l'appréciation des preuves, une telle critique ressortit au recours de droit public (arrêt 7B.82/2004 du 18 juin 2004, consid. 3.1; Cometta, op. cit., n. 37 ad art. 20a LP; cf. aussi: arrêt 5C.28/2004 du 26 mars 2004, consid. 5.1 [pour l'art. 254 ch. 1 CC]).
5.
Le recourant fait valoir, enfin, que la décision entreprise consacre un excès, respectivement un abus, du pouvoir d'appréciation.
Selon la jurisprudence, tel est le cas si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte d'éléments pertinents, n'a pas procédé à un examen complet des données du cas concret ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180 et les références citées).
5.1 Dans sa première branche, le moyen est clairement infondé.
Sur la base de sa propre présentation des faits, le recourant rappelle les circonstances dans lesquelles la saisie litigieuse a été opérée, pour en conclure qu'il a «pleinement collaboré à l'établissement des faits, pour autant qu'on l'ait questionné de manière circonstanciée, notamment au sujet de la situation de son épouse». Toutefois, il ne reproche pas à l'autorité cantonale - du moins de façon intelligible - de ne pas avoir fait usage de la latitude que lui confère la loi («peut demander»), mais d'avoir nié à tort qu'il ait satisfait à cette incombance. Ce sont donc les conditions de l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP, qui sont en jeu, et non l'exercice du pouvoir d'appréciation.
5.2 Dans sa seconde branche, le moyen est irrecevable.
Sous le couvert d'un «abus du pouvoir d'appréciation», le recourant critique, en réalité, l'appréciation des preuves relatives à la capacité financière de son épouse, en l'occurrence ses déclarations concernant la valeur économique de ses participations dans diverses sociétés et la portée du dépôt de ses papiers à Y.________; ces critiques ne sauraient être admises devant la Chambre de céans (ATF 120 III 114 consid. 3a p. 116).
5.3 La juridiction précédente aurait également abusé de son pouvoir d'appréciation en ne retenant pas le «loyer effectif», mais un montant inférieur «avec effet immédiat»; or, elle ne pouvait agir de la sorte qu'à l'expiration d'un «délai raisonnable», qui ne saurait être inférieur à six mois.
5.3.1 L'autorité cantonale a confirmé la décision de l'office de ne pas tenir compte du loyer allégué par le poursuivi, à savoir 3'300 fr. par mois. En effet, ce montant est versé par son épouse pour payer les intérêts de la dette hypothécaire grevant les immeubles dont elle est propriétaire; le fait que, lors d'une précédente saisie, l'office ait admis une somme de 3'000 fr. à titre de loyer n'est pas décisif, étant précisé que la poursuivante avait contesté cette mesure à l'époque. L'office, qui connaît bien le marché du logement à Y.________, a estimé qu'un loyer mensuel de 1'694 fr. était adapté aux besoins d'une famille de quatre personnes, conformément aux critères dégagés par la jurisprudence et la doctrine (cf. ATF 119 III 70, spéc. p. 73/74 consid. 3c et d; Gilliéron, op. cit., vol. II, n. 106 ss ad art. 93 LP).
Les magistrats cantonaux ont, au surplus, considéré que, la somme de 3'300 fr. n'étant pas du tout supportée par le poursuivi, il ne s'agit pas pour lui d'un loyer effectif; partant, le loyer adéquat (1'694 fr.) doit être pris en compte immédiatement, sans qu'il faille octroyer à l'intéressé, ainsi qu'il le réclame en se référant à la jurisprudence (cf. ATF 116 III 15 consid. 2d p. 21), un délai raisonnable pour s'adapter. De surcroît, comme les revenus de son épouse doivent être «substantiels», il est justifié d'admettre - à l'instar de la base mensuelle - que l'intéressée contribue pour moitié au paiement du loyer; c'est donc un montant de 847 fr. par mois (1'694 fr. : 2) qui doit être arrêté à titre de loyer dans le minimum vital du poursuivi.
5.3.2 Le recourant ne démontre nullement en quoi la charge locative admise par l'autorité de surveillance résulterait d'un abus du pouvoir d'appréciation, mais s'en tient au loyer allégué, tout en renvoyant - de manière inadmissible (art. 63 al. 2 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ; cf. supra consid. 1) - aux déclarations que lui-même et sa femme ont faites dans le cadre de l'instruction pénale. Pour le surplus, il ne réfute aucunement le motif de la décision attaquée quant à la prise en compte immédiate de sa participation au loyer (847 fr.); le grief est dès lors irrecevable (Pfleghard, op. cit., n. 5.80 et les arrêts cités).
6.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Il n'est pas perçu de frais de justice (art. 20a al. 1 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP).
Par ces motifs, la Chambre prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à Me Heinz Freivogel, avocat à Y.________, pour B.________, à l'Office des poursuites et faillites du Jura-bernois-Seeland, agence du Lac de Bienne et à l'Autorité de surveillance pour les offices des poursuites et des faillites du canton de Berne.
Lausanne, le 4 août 2004
Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier: