Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5C.86/2004 /frs
Arrêt du 18 août 2004
IIe Cour civile
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.
Parties
X.________, (époux),
défendeur et recourant,
représenté par Me Alain Berger, avocat,
contre
Dame X.________, (épouse),
demanderesse et intimée,
représentée par Me Marie-Paule Honegger, avocate,
Objet
Divorce,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 13 février 2004.
Faits:
A.
A.a Dame X.________ née au Burundi le 3 septembre 1949, de nationalités burundaise et suisse, originaire de Genève, et X.________, né le 2 février 1937 au Burundi, dont il est ressortissant, se sont mariés dans ce pays le 29 mars 1968. Les conjoints n'ont pas conclu de contrat de mariage. Quatre enfants, tous nés à New York et aujourd'hui majeurs, sont issus de cette union.
Entre les mois d'avril 1968 et septembre 1973, les époux ont vécu à New York, Washington et Ottawa en raison de la carrière diplomatique du mari, représentant du Burundi auprès des Nations Unies, des États-Unis et du Canada.
En septembre 1973, ils sont retournés au Burundi où ils sont restés jusqu'en avril 1975, puis, de cette date à avril 1976, ils ont vécu à Paris.
La famille a ensuite habité Genève d'août 1978 à juillet 1986, période durant laquelle le mari était ambassadeur du Burundi en Suisse ainsi que représentant permanent de son pays auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales.
De juillet 1986 à octobre 1988, la famille a de nouveau vécu au Burundi.
En octobre 1988, l'épouse s'est installée définitivement à Genève. Les conjoints ont vécu séparés depuis lors.
En 1990, le mari a envoyé ses deux filles en Suisse et l'un de ses fils en France.
D'août 1997 à janvier 1998, le mari a de nouveau résidé à Genève en tant que représentant permanent de son pays auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales.
En 2002, il a été accrédité comme ambassadeur auprès de la République fédérale d'Allemagne et d'autres pays, dont potentiellement la Suisse, avec résidence à Berlin. Sa nomination en Suisse n'a toutefois pas été agréée par le Conseil fédéral.
Le 8 avril 1998, l'épouse a obtenu la nationalité suisse.
A.b Le 19 octobre 1999, elle a introduit une action en divorce fondée sur l'art. 142 aCC et, après l'entrée en vigueur du nouveau droit, sur l'art. 114 CC.
Statuant par défaut, le Tribunal de première instance de Genève a rendu un premier jugement le 21 décembre 2000, auquel le mari a fait opposition. Le 4 avril 2001, cette juridiction a rendu un deuxième jugement, confirmé par la Cour de justice le 14 décembre 2001, qui rétractait et mettait à néant le premier.
B.
Par jugement du 20 juin 2003, le Tribunal de première instance a, notamment, prononcé le divorce, condamné le mari à verser à sa femme une contribution d'entretien d'un montant de 2'500 fr. par mois, et réservé la question du partage des prestations de sortie LPP ainsi que la liquidation du régime matrimonial.
Statuant le 13 février 2004 sur l'appel du mari, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement.
C.
Le défendeur exerce un recours en réforme contre l'arrêt du 13 février 2004. Il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau en appliquant le droit burundais.
La demanderesse n'a pas été invitée à répondre.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1 p. 67 et les arrêts cités).
1.1 Le recourant soutient que l'autorité cantonale a appliqué à tort le droit suisse au lieu du droit burundais. Le recours est dès lors recevable du chef de l'art. 43a al. 1 let. a OJ.
En ce qui concerne le prononcé du divorce, le recours est recevable car il porte sur un droit de nature non pécuniaire (art. 44 in initio OJ). Il est également recevable, sans égard à la valeur litigieuse, s'agissant des conséquences financières du divorce (cf. ATF 116 II 493 consid. 2b p. 495 et les références; J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 1.4 ad art. 44).
Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par l'autorité suprême du canton, le recours est aussi recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
1.2 L'acte de recours doit contenir l'indication exacte des points attaqués de la décision et des modifications demandées (art. 55 al. 1 let. b OJ). Selon la jurisprudence, des conclusions tendant uniquement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale, sans autres conclusions au fond, ne sont suffisantes que dans l'éventualité où le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait pas à même de statuer au fond mais devrait renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction (ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414; 110 II 74 consid. I/1 p. 78 et les arrêts cités).
Si le Tribunal fédéral devait retenir que la Cour de justice a appliqué à tort le droit suisse à la place du droit étranger, lequel serait seul applicable, il ne pourrait juger lui-même la cause et devrait la lui renvoyer (ATF 121 III 246 consid. 3d p. 248 et les références). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués (art. 64 al. 1 OJ). En dehors de ces exceptions, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 543 consid. 2c p. 547) -, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
En tant que le recourant s'écarte des constatations de fait de la Cour de justice sans se prévaloir de l'une des exceptions susmentionnées, son recours est irrecevable. Tel est le cas de ses allégations relatives aux activités politiques respectives des parties; il en va de même de celles concernant la nationalité et le lieu de résidence de leurs enfants.
3.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé les art. 23 al. 2 et 61 al. 2 LDIP en appliquant à tort le droit suisse à la place du droit burundais. Il soutient que la nationalité effective de l'épouse n'est pas la nationalité suisse, acquise par naturalisation en 1998, mais celle du pays où elle est née, a passé sa prime jeunesse et s'est mariée, à savoir le Burundi. Par ailleurs, il ne saurait être fait application de l'art. 15 al. 1 LDIP.
3.1 Aux termes de l'art. 61 al. 1 LDIP, le divorce et la séparation de corps sont régis par le droit suisse. Ainsi, le droit suisse est applicable, en principe, chaque fois que les tribunaux suisses sont compétents pour connaître du divorce d'époux étrangers; tel est le cas, selon l'art. 59 LDIP, lorsque l'époux défendeur est domicilié en Suisse (let. a) ou lorsque l'époux demandeur est domicilié en Suisse, s'il y réside depuis une année ou est suisse (let. b). L'art. 61 al. 1 LDIP consacre en réalité le rattachement à la lex fori. Ce rattachement est tempéré par l'art. 61 al. 2 LDIP, selon lequel, lorsque les époux ont une nationalité étrangère commune et qu'un seul est domicilié en Suisse, leur droit national commun est applicable, sous réserve de l'éventualité évoquée à l'art. 23 al. 2 LDIP ou de l'exception prévue par l'art. 15 al. 1 LDIP (ATF 118 II 79 ss et les références).
En l'absence de domicile commun en Suisse, la loi nationale commune l'emporte ainsi sur la loi suisse du domicile d'un seul des époux, et ce même si, par hypothèse, leur dernier domicile commun était en Suisse.
Toutefois, aux termes de l'art. 23 al. 2 LDIP, lorsqu'une personne a plusieurs nationalités, celle de l'État avec lequel elle a les relations les plus étroites est seule retenue pour déterminer le droit applicable, à moins que la loi n'en dispose autrement. Lorsque les époux ont plusieurs nationalités, ils n'ont donc une nationalité étrangère commune, au sens de l'art. 61 al. 2 LDIP, que dans la mesure où cette nationalité est celle de l'État avec lequel chacun d'eux a les relations les plus étroites (nationalité dite effective; Andreas Bucher, Le couple en droit international privé, Bâle 2004, n. 316 p. 115/116; Andreas Bucher/Andrea Bonomi, Droit international privé, Bâle 2001, n. 676 p. 180/181). Le moment déterminant pour apprécier si un seul époux est domicilié en Suisse ou si les conjoints ont une nationalité commune est celui de l'ouverture de l'action et non celui du jugement (ATF 118 II 83 consid. 3 p. 86; Bernard Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd., Bâle 2001, n. 7 ad art. 61, p. 188).
Pour désigner le lien national prépondérant, on se réfère en règle générale au domicile, dans la mesure où celui-ci se trouve dans l'un des pays d'origine (ATF 126 III 1 ss). L'art. 23 al. 2 LDIP ne contient cependant pas d'indication ou de présomption en ce sens. Il convient donc de se référer à l'ensemble des circonstances pertinentes (cf. ATF 120 V 421 consid. 2b p. 422 et les arrêts cités; Bucher, op. cit., n. 65 p. 27; Bucher/Bonomo, op. cit., n. 591 p. 159). Un poids prépondérant devra être accordé aux facteurs démontrant une certaine stabilité des liens de la personne avec l'État national à retenir selon l'art. 23 al. 2 LDIP; dans la pratique, le domicile constitue souvent un élément probant à cet égard (Bucher, op. cit., n. 65 p. 27). La formulation ouverte de cette disposition laisse une marge d'appréciation au juge appelé à statuer (Max Keller/Jolanta Kren Kostkiewicz, Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n. 10 ad art. 23).
Bien qu'il ne faille pas conférer une portée absolument prépondérante au domicile et à la résidence habituelle dans l'État dont la nationalité est concernée, ces critères entrent en considération en premier lieu pour déterminer la nationalité effective. Si une personne qui a plusieurs nationalités est domiciliée ou réside dans l'un des États dont elle est ressortissante, ce lien territorial doit être considéré comme un indice de poids, même s'il n'est pas seul décisif. Comme autres éléments importants, peuvent notamment être pris en compte le centre de la vie familiale et professionnelle, le lieu de naissance et d'éducation, la langue, les liens culturels, la religion et l'exercice des droits politiques; ces critères gagnent en importance lorsqu'un double national a sa résidence habituelle, respectivement son domicile dans un État tiers (Keller/Kren Kostkiewicz, op. cit., n. 11, 12 et 13 ad art. 23 et les auteurs cités).
Quant à l'art. 15 al. 1 LDIP, il s'agit d'une clause d'exception au sens strict, qui ne doit être appliquée qu'en cas de nécessité, lorsque les deux conditions (à savoir un lien très lâche avec le droit désigné par la règle de conflit et une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit) sont cumulativement réalisées (ATF 121 III 246 consid. 3c p. 247; 118 II 79 consid. 3 p. 82).
3.2 Après avoir admis la compétence des juridictions genevoises pour connaître de l'action en divorce de la demanderesse (art. 59 let. b LDIP), compétence que les parties ne contestent pas, la Cour de justice a considéré que le droit suisse était applicable à la cause.
L'argumentation de l'autorité cantonale est en substance la suivante: l'intimée est née au Burundi, où elle s'est mariée en 1968, à l'âge de vingt ans (recte: dix-huit ans). Quelques jours après le mariage, elle a quitté son pays d'origine pour suivre son mari aux États-Unis, où ses enfants sont nés. En septembre 1973, les époux sont retournés au Burundi avec leurs enfants, puis se sont déplacés à Genève, en août 1978, en raison de la carrière diplomatique du mari. Après avoir vécu huit ans dans cette ville, la famille a de nouveau passé deux ans au Burundi, à partir de juillet 1986. En octobre 1988, l'épouse a quitté son mari et a décidé de s'installer définitivement à Genève, où elle vit encore actuellement. En 1990, ses deux filles sont également venues en Suisse. Le 8 avril 1998, elle a acquis la nationalité suisse par naturalisation. Lorsqu'elle a ouvert action en divorce, le 19 octobre 1999, l'intimée avait quitté le Burundi et vivait depuis onze ans à Genève, ville dont elle est désormais originaire. Au cours des vingt-et-une dernières années de sa vie, elle n'a passé que deux ans dans son pays d'origine; quatre ans se sont en outre écoulés depuis l'introduction de l'instance. Au vu de ces circonstances, il s'impose de retenir que la Suisse est l'État avec lequel l'intimée a les relations les plus étroites.
Cette opinion ne prête pas le flanc à la critique. Contrairement à ce que prétend le recourant, la cour cantonale n'a pas retenu de critères non pertinents, ni omis de tenir compte d'éléments essentiels pour la résolution du cas d'espèce. Si l'intimée a passé son enfance et son adolescence au Burundi, elle a toutefois quitté son pays natal avant l'âge de vingt ans et elle n'y a que peu vécu depuis lors, ses quatre enfants étant du reste tous nés à l'étranger. Même si ses séjours à Genève étaient dictés par la carrière diplomatique de son mari, elle a manifestement tissé au cours de ceux-ci des liens étroits avec la Suisse, puisqu'elle a décidé de s'y installer définitivement en 1988 et d'en obtenir la nationalité. Le recourant expose que les deux filles du couple résident actuellement aux États-Unis et leurs deux fils au Canada, que les quatre enfants ont la nationalité burundaise et qu'aucun d'eux n'a acquis la nationalité suisse: ces faits ne résultent cependant pas de l'arrêt déféré, de sorte qu'ils ne peuvent être pris en compte (cf. consid. 2 supra); tel est aussi le cas de l'assertion selon laquelle l'épouse n'aurait pas renoncé à sa nationalité burundaise, alors qu'elle en avait la possibilité. De toute manière, au moment où elle a intenté action en divorce, l'intimée vivait en Suisse depuis onze ans. Bien qu'elle n'eût été naturalisée que depuis une année, les juges cantonaux pouvaient accorder à la circonstance du domicile de celle-ci un poids décisif (cf. consid. 3.1 supra).
Il appert ainsi qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, violation des art. 23 al. 2 et 61 al. 2 LDIP. La Cour de justice a appliqué à juste titre le droit suisse au divorce. Dès lors, il est inutile d'examiner le moyen du recourant relatif à la clause d'exception de l'art. 15 al. 1 LDIP.
3.3 L'art. 63 LDIP prévoit que les tribunaux suisses compétents pour connaître d'une action en divorce ou en séparation de corps le sont également pour se prononcer sur les effets accessoires (al. 1). Selon l'alinéa 2 de cette disposition, le droit applicable au divorce ou à la séparation de corps régit les effets accessoires de ceux-ci, sous réserve des dispositions de la LDIP relatives, notamment, à l'obligation alimentaire entre époux (art. 49). Aux termes de ce dernier article, l'obligation alimentaire entre époux est régie par la convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (RS 0.211.213.01). En vertu de l'art. 8 de cette convention, applicable erga omnes, l'obligation alimentaire entre époux divorcés est régie exclusivement par la loi appliquée au divorce. Cette solution s'applique dans l'État contractant où celui-ci est prononcé ou reconnu, que la cause ait des liens avec un État contractant ou non (cf. Andreas Bucher, Droit international privé suisse, Tome II: Personnes, Famille, Successions, Bâle 1992, n. 550 p. 192; Dutoit, op. cit., n. 7 ad art. 1; Bucher/Bonomi, op. cit., n. 40 p. 10).
En l'occurrence, le droit suisse est par conséquent aussi applicable à la contribution d'entretien en faveur de l'épouse.
4.
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et doit donc être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera dès lors les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, une réponse n'ayant pas été requise.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 18 août 2004
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: