BGer 4C.276/2004
 
BGer 4C.276/2004 vom 12.10.2004
Tribunale federale
{T 0/2}
4C.276/2004 /ech
Arrêt du 12 octobre 2004
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Aubry Girardin.
Parties
A.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Joanna Bürgisser,
contre
X.________ AG,
défenderesse et intimée, représentée par Me Monica Bertholet.
Objet
contrat de travail; licenciement abusif; harcèlement psychologique ou sexuel; mobbing
(recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève
du 2 octobre 2003).
Faits:
A.
X.________ AG (ci-après: X.________) est une société dont le siège est à Zurich et qui exploite une agence de presse à Genève. Elle a été créée en 1960, notamment par B.________, un journaliste sportif réputé, considéré comme l'un des connaisseurs les plus expérimentés du football helvétique.
Après avoir effectué un stage de journaliste rédactrice chez X.________, A.________ a été engagée auprès de cette société en qualité de journaliste à partir du 1er janvier 1991. A cette époque, le bureau de Genève était dirigé par B.________, qui était également responsable de la rubrique football. C.________ était chef de la rubrique athlétisme et ski-nordique, alors que D.________, le fils de B.________, était le chef de la rubrique tennis.
Selon le contrat d'engagement formellement signé le 20 novembre 1995 par les parties, le salaire mensuel brut de A.________ s'élevait à 5'500 fr., plus 300 fr. de frais de représentation, ainsi qu'un 13ème salaire. Il était précisé que : "Pour tous les points n'étant pas traités par le présent contrat, on se réfère au Code des obligations et à la Convention collective de travail URJ/SSJ".
Le dernier salaire mensuel brut de A.________ se montait à 7'224 fr., y compris la participation forfaitaire de 300 fr.
B.
Jusqu'en 1995, les parties ont entretenu de bonnes relations de travail, le bureau de Genève étant constitué d'une petite équipe, travaillant sans hiérarchie bien établie, dans une ambiance plutôt paternaliste et détendue.
Ainsi, B.________, compte tenu de sa grande différence d'âge, de sa forte personnalité et du fait qu'il connaissait A.________ depuis longtemps, faisait preuve d'aménité à son égard. Considérant qu'elle avait un psychisme fragile ou vulnérable, il estimait normal d'avoir un mot gentil pour elle. Il avait coutume de l'appeler "belle enfant" et il lui est arrivé de lui demander de lui faire un café. D.________ et A.________ se tutoyaient. C.________ appelait A.________ par son prénom ou parfois "bichounette" et celle-ci lui répondait "bichounet".
En ce qui concerne le langage utilisé, il a été retenu qu'il régnait parfois un assez grand stress dans une agence de presse et que chacun s'exprimait de façon crue, y compris A.________. L'usage du langage familier, voire parfois grossier était de mise et celle-ci n'utilisait pas des termes particulièrement châtiés.
Quant à l'attitude de X.________ vis-à-vis des femmes travaillant pour l'agence, il apparaît que l'employeur a pris les mesures adéquates lorsqu'un collaborateur a importuné une collègue. En outre, A.________ n'a pas été traitée de manière différente et ses conditions salariales n'étaient pas inférieures à celles de ses collègues. Elle n'était pas la seule à préparer des cafés pour B.________, d'autres collaborateurs de sexe masculin ne rechignaient pas à rendre ce service.
En 1995, B.________, âgé alors de 65 ans, a transmis la direction du bureau de Genève à C.________, mais il a gardé son activité de chef de la rubrique football. Deux ans plus tard, D.________ a été nommé rédacteur en chef.
A partir de 1995, la situation s'est détériorée entre A.________ et son employeur. Celle-ci a ressenti une très grande déception de ne pas avoir été nommée cheffe de la rubrique football et elle s'est plainte de ce que le travail le plus intéressant lui était peu à peu retiré et qu'elle partait moins souvent en déplacement. Chacun a constaté depuis lors un changement de comportement de la part de cette collaboratrice, qui s'est isolée progressivement. Ses performances ont baissé et elle a manifesté de l'agressivité. Les contacts avec les collègues de travail sont devenus difficiles. A.________ manifestait une insatisfaction quasi-permanente et sa susceptibilité exacerbée rendait impossible les relations de travail avec les autres collaborateurs de X.________, en particulier de sexe féminin.
En août 1995, A.________ avait des problèmes de concentration liés à une dépression. Son travail et son rendement n'étaient pas bons, ce qu'elle admettait. Elle a ensuite souffert de migraines et a pris des antidépresseurs depuis la fin de l'année 1996. Au début du mois de janvier 1998, elle a été victime d'une commotion cérébrale, ce qui a accentué ses problèmes de migraine et de concentration.
X.________ a formulé de nombreux reproches à l'égard de A.________ et s'est plainte, tant oralement que par écrit, de son comportement. L'employeur lui a fait des remontrances, parfois trop vives, dues à l'énervement et au fait que le travail livré ne pouvait pas donner satisfaction. Les critiques reposaient sur des faits objectifs et non sur de faux prétextes destinés à écarter cette collaboratrice de l'entreprise.
Il a été retenu que les difficultés relationnelles et la baisse de performance de A.________ étaient liées à sa déception de ne pas avoir été nommée cheffe de rubrique et à l'état dépressif dont elle a commencé à souffrir depuis 1995 au moins.
En raison d'une dépression profonde, A.________ a été complètement incapable de travailler du 10 juillet au 12 août 2000, puis elle a suivi une cure anti-stress du 13 au 26 août 2000.
A son retour, le 28 août 2000, elle a reçu une lettre de licenciement pour le 28 février 2001, avec dispense de l'obligation de travailler. Dans cette lettre, l'employeur a invoqué la qualité du travail qui n'a cessé de se détériorer, ainsi que la multiplication des erreurs de A.________ et l'attitude de celle-ci au bureau, qui était devenue si exécrable que pratiquement plus aucun rédacteur ne voulait assurer le service avec elle.
Dans la mesure où il a été attesté que A.________ était encore en incapacité de travail le 28 août 2000, le congé lui a été de nouveau signifié le 12 mars 2001, pour le 30 septembre 2001.
C.
Selon le médecin-traitant de A.________, celle-ci est toujours incapable de travailler en raison de cette dépression, qu'elle attribue à un mobbing. Une demande de rente d'invalidité a été présentée.
D.
Le 28 mars 2002, A.________ a introduit une action auprès de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève à l'encontre de X.________, portant sur le versement, par son ancien employeur, de la somme totale de 595'318,52 fr. comprenant : 10'513,75 fr. à titre de différence de salaire pour la période allant de 1999 à 2001, 8'558,60 fr. pour le salaire afférent aux vacances durant cette même période, 4'050,67 fr. à titre de 13ème salaire pour 2001, 22'191 fr. correspondant à une indemnité de trois mois de salaire pour licenciement abusif, 40'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, 10'005 fr. en réparation du dommage effectif et, enfin, 500'000 fr. correspondant à cinq ans de salaire selon la CCT (durée estimée de l'incapacité de travail), sous déduction des prestations sociales. En substance, A.________ a soutenu avoir fait l'objet de mobbing ainsi que de discrimination à raison du sexe, et a reproché à son employeur de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour protéger sa personnalité.
En cours de procédure, l'employeur a versé à A.________ 7'345,15 fr. correspondant aux vacances de l'année 2000.
Par jugement du 20 janvier 2003, le Tribunal de prud'hommes a débouté A.________ de toutes ses conclusions.
A.________ a déposé un appel contre ce jugement. Après avoir entendu de nouveaux témoins, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a, par arrêt du 2 octobre 2003, confirmé le jugement du 20 janvier 2003.
E.
Contre l'arrêt du 2 octobre 2003, A.________ (la demanderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et à la condamnation de X.________ à lui verser la somme totale de 583'204,75 fr., à savoir 40'000 fr. pour tort moral, 22'191 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif et 10'513,75 fr. sous déduction des charges sociales, ces trois montants portant intérêt à 5 % dès le 1er octobre 2001, auxquels s'ajoutent 510'500 fr. à titre de dommages-intérêts liés à son incapacité de travail, sous déduction des prestations éventuelles de l'assurance-invalidité.
X.________ (la défenderesse) propose le rejet de toutes les conclusions de A.________ et la confirmation de l'arrêt attaqué.
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public déposé parallèlement par A.________.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Interjeté par la demanderesse, qui a entièrement succombé dans ses conclusions en paiement, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours porte sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a en outre été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
2.1 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et l'arrêt cité). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
2.2 Tout en rappelant ces principes en début de recours, la demanderesse cherche à se fonder sur des faits ne ressortant pas de l'arrêt entrepris, en invoquant l'existence d'inadvertances manifestes de la part de la cour cantonale. Ce faisant, elle semble oublier que l'inadvertance manifeste, susceptible d'être rectifiée d'office par le Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ, suppose que l'autorité, par simple inattention, ait omis de prendre en considération tout ou partie d'une pièce déterminée, versée au dossier, l'ait mal lue ou mal comprise (cf. ATF 121 IV 104 consid 2b p. 106; 115 II 399 consid. 2a). L'absence de mention d'une pièce dans le cadre de l'appréciation des preuves ne signifie pas encore qu'il y ait inadvertance manifeste. Il faut que ladite pièce n'ait pas été examinée, même implicitement; en d'autres termes que le juge n'en ait pas pris connaissance ou l'ait purement et simplement laissée de côté. L'inadvertance manifeste ne saurait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 4C.149/1995 du 5 décembre 1995 in SJ 1996 p. 353, consid. 3a). La voie du recours en réforme ne permet en effet pas de remettre en cause l'appréciation des preuves (ATF 130 III 145 consid. 3.2 p. 160).
C'est précisément ce que cherche à obtenir la demanderesse, dès lors que, sous le couvert de l'art. 63 al. 2 OJ, elle cite plus de dix extraits de témoignages qui démontreraient le langage non seulement grossier utilisé, mais aussi sexiste, de nature à fonder une discrimination à raison du sexe. Loin d'avoir occulté ces éléments, la cour cantonale a relevé que, dans l'agence de Genève, l'usage d'un langage familier, voire parfois grossier, était de mise et que chacun s'exprimait de façon crue, y compris la demanderesse, ce qui démontre bien qu'elle a tenu compte des déclarations des témoins rapportant les échanges verbaux qui se déroulaient à l'agence. Si les juges n'ont pas retenu l'existence de propos de nature sexiste, ce n'est donc à l'évidence pas à la suite d'inadvertances manifestes répétées, portant sur de nombreuses pièces versées au dossier, mais à la suite d'une appréciation des preuves.
Le grief lié à l'art. 63 al. 2 OJ est donc irrecevable. Il en découle qu'il n'y a pas lieu de compléter les faits ressortant de l'arrêt entrepris, de sorte que c'est exclusivement à leur lumière que la Cour de céans se penchera sur les autres critiques soulevées par la demanderesse.
3.
La demanderesse soutient qu'en niant l'existence de harcèlement sexuel, la cour cantonale a violé les art. 328 CO et 4 LEg. (RS 151.1).
3.1 Le devoir de protection de la personnalité du travailleur par l'employeur est prévue à l'art. 328 CO, qui a été complété, lors de l'introduction de la LEg., par la mention expresse de la protection contre le harcèlement sexuel (ATF 126 III 395 consid. 7b/aa p. 397). Les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants entrent dans la définition du harcèlement sexuel. Bien que l'art. 4 LEg. ne se réfère qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (cf. ATF 126 III 395 consid. 7b/bb p. 397 et les références citées, confirmé in arrêt du Tribunal fédéral non publié 4C.187/2000 du 6 avril 2001, consid. 2b). Le fait que l'employée qui se plaint de harcèlement ait elle-même eu recours au même vocabulaire ne saurait en principe justifier l'admission par l'employeur de remarques sexistes, grossières ou embarrassantes, en particulier de la part d'un supérieur hiérarchique dont le comportement peut déteindre sur celui de ses subordonnés, sous réserve de l'hypothèse où un tel langage aurait été utilisé dans un contexte a priori personnel, comme des messages échangés entre collègues de travail (cf. ATF 126 III 395 consid. 7d p. 399).
3.2 Dans la mesures où, pour démontrer des actes de harcèlement sexuel, la demanderesse se fonde sur des faits non constatés par la cour cantonale, ses critiques ne sont pas admissibles (cf. supra consid. 2).
Si l'on s'en tient aux éléments figurant dans l'arrêt attaqué, il ressort que, dans la société défenderesse, chacun s'exprimait de façon crue et ce depuis de nombreuses années, sans qu'il n'ait été constaté que la demanderesse se serait plainte des propos de ses collègues auprès de son employeur. Si le langage utilisé n'était pas des plus châtié, rien ne permet d'en conclure qu'il ait eu une connotation sexuelle ou qu'il ait été grossier au point de pouvoir être qualifié de comportement importun de caractère sexuel. Dans ce contexte, le fait que D.________ ait traité la recourante de "conne", voire d'"arpette", dans le feu de l'action, notamment parce qu'elle n'avait pas réservé correctement un billet d'avion, ou qu'il soit arrivé au rédacteur en chef, à des moments bien précis, dans le stress d'une agence de presse en fin de journée, de dire que les articles de la demanderesse étaient de la "merde", s'avère certes critiquable, mais ces remarques trop vives étaient dues à de l'énervement et à la mauvaise qualité du travail. Objectivement fondées et exprimées dans le langage habituel de l'agence, de telles critiques ne suffisent pas pour conclure à du harcèlement sexuel. Il en va de même de l'appellation "belle enfant" utilisée par B.________ pour désigner la demanderesse, dès lors qu'il a été constaté que celui-ci faisait preuve d'aménité à l'égard de cette employée, qui par ailleurs ne s'offusquait pas d'être désignée ainsi. La demanderesse ne peut davantage se plaindre de ce que, jusqu'en 1995, C.________ l'ait parfois appelée "bichounette", celle-ci lui répondant alors "bichounet". En effet, il régnait à cette époque, dans l'agence, une ambiance détendue et les relations de travail étaient bonnes, de sorte que l'on ne saurait y voir des propos déplacés, de nature à rendre le climat de travail hostile. De plus, à partir de 1995, dès que C.________ est devenu officiellement directeur, soit le supérieur de la demanderesse, il a cessé de l'appeler ainsi. Enfin, si B.________ a parfois demandé à la demanderesse de lui faire un café, il a été retenu que d'autres collaborateurs de sexe masculin ne rechignaient pas à rendre ce service.
En pareilles circonstances, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, nier l'existence de harcèlement sexuel.
4.
Invoquant l'art. 328 CO, la demanderesse reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir retenu qu'elle avait été victime de harcèlement moral (mobbing).
4.1 L'employeur qui n'empêche pas que son employé subisse un mobbing contrevient à l'art. 328 CO (ATF 125 III 70 consid. 2a p. 73).
Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail (arrêt du Tribunal fédéral non publié 2C.2/2002 du 4 avril 2003, consid. 2.3). II n'y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, qu'il règne une mauvaise ambiance de travail, qu'un membre du personnel serait invité - même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement - à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard du personnel. Il résulte des particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents, mais aussi garder à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées (arrêt du Tribunal fédéral non publié 2P.207/2002 du 20 juin 2003, consid. 4.2).
4.2 Pour démontrer le mobbing, la demanderesse se fonde à nouveau sur d'autres éléments que ceux retenus dans l'arrêt attaqué, se contentant d'une approche partielle de la réalité, limitée aux déclarations des témoins favorables à sa thèse. Dès lors qu'il ne saurait en être tenu compte en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), le grief de la demanderesse perd toute consistance. Quoi qu'en dise l'ancienne employée, les faits constatés ne permettent pas d'en déduire que la défenderesse ou ses collègues se seraient acharnés sur elle, en vue de la marginaliser ou de l'exclure de son lieu de travail, par des propos ou des agissements hostiles et répétés. Il a au contraire été constaté que le comportement de la demanderesse avait changé en 1995, non pas à cause d'actes de mobbing, mais en raison de la déception de ne pas avoir été nommée cheffe de la rubrique football et d'épisodes dépressifs, liés à des problèmes de concentration. La demanderesse s'était ainsi progressivement isolée et était devenue agressive, manifestant une insatisfaction quasi-permanente et une susceptibilité exacerbée, rendant impossible les relations de travail avec ses collègues, en particulier de sexe féminin. Quant aux reproches formulés par l'employeur, ils reposaient sur des faits objectifs et ne constituaient pas de faux prétextes destinés à écarter une collaboratrice de l'entreprise. Bien que la dégradation de ses relations de travail ait pu être ressentie de manière douloureuse par la demanderesse, on ne discerne pas dans les éléments retenus un faisceau d'indices permettant d'en conclure à du mobbing.
5.
La demanderesse invoque en vain le caractère abusif du congé au sens des art. 336 al. 1 CO et 2 CC, au motif que l'employeur aurait été responsable de ses difficultés professionnelles à l'origine du licenciement.
Selon la jurisprudence, un licenciement peut être qualifié d'abusif lorsqu'il est prononcé en raison des mauvaises prestations du travailleur, si celles-ci se révèlent être consécutives à un mobbing (ATF 125 III 70 consid. 2a p. 72 s.). En l'occurrence, on vient de voir que les éléments figurant dans l'arrêt attaqué ne permettent pas d'en conclure à l'existence d'actes de harcèlement sexuel ou de mobbing à l'encontre de la demanderesse. Par conséquent, on ne voit pas que l'employeur puisse être tenu pour responsable de la baisse de la qualité des prestations de la demanderesse et de son comportement difficile à l'origine du licenciement. En considérant que le congé signifié à la demanderesse n'était pas abusif, les juges cantonaux n'ont donc pas violé le droit fédéral.
6.
La recourante soutient que la cour cantonale a grossièrement contrevenu aux art. 3 et 6 LEg., dès lors qu'elle aurait été discriminée en raison de la nomination de B.________ au poste de responsable de la rubrique football.
6.1 L'art. 3 al. 2 LEg. réprime notamment la discrimination à la promotion. Il y a discrimination prohibée en particulier lorsqu'une femme n'est pas retenue pour une promotion, alors qu'elle est mieux qualifiée qu'un collègue masculin promu ou que les femmes ne sont généralement pas promues à certains postes (pour d'autres exemples, cf. Freivogel, Commentaire de la loi sur l'égalité, Lausanne 2000, no 66 ad art. 3 LEg.). L'art. 6 LEg. introduit en ce domaine un assouplissement du fardeau de la preuve par rapport au principe général de l'art. 8 CC, dans la mesure où il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence de la discrimination dont elle se prévaut (ATF 130 III 145 consid. 4.2; 127 III 207 consid. 3b). Pour sa part, le juge n'a pas à être convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment (ATF 130 III 145 consid. 4.2 p. 162 et les référence citées).
6.2 Lorsque la défenderesse affirme que la discrimination a été rendue vraisemblable en renvoyant à son mémoire d'appel, son grief n'est pas recevable (cf. art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 115 II 83 consid. 3 p. 85; 110 II 74 consid. I/1 p. 78).
6.3 Sur la base des faits constatés, il apparaît que B.________ a été désigné comme chef de la rubrique football en fonction de critères objectifs, car il était un journaliste réputé, fondateur de la société défenderesse, qui connaissait très bien le football. Il était ainsi particulièrement qualifié pour exercer cette fonction. Quant à la demanderesse, elle avait une meilleure maîtrise des outils informatiques et des langues, mais moins d'expérience. En outre, elle n'avait même pas postulé.
Aucun de ces éléments ne laissant transparaître la vraisemblance d'une discrimination à la promotion, les juges cantonaux n'ont violé ni l'art. 3 ni l'art. 6 LEg. en ne retenant pas celle-ci.
La demanderesse indique également qu'elle aurait été discriminée dans l'attribution des tâches et l'aménagement des conditions de travail, mais sans expliquer à quel propos la cour cantonale aurait dû retenir de telles discriminations, de sorte que ses critiques ne sont pas recevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).
7.
La demanderesse soutient encore que l'arrêt attaqué méconnaît l'art. 357 CO, dès lors qu'il rejette ses prétentions salariales fondées sur les salaires prévus par la Convention collective URJ/FSJ, alors que les parties se sont référées à ce texte dans le contrat de travail.
7.1 Ce faisant, la demanderesse confond les effet directs et impératifs avec les effets indirects que peuvent déployer les conventions collectives de travail (CCT).
Il découle de l'art. 357 al. 1 CO que les clauses relatives notamment au contenu des contrats individuels de travail n'ont en principe d'effet direct et impératif qu'envers les employeurs et travailleurs qu'elles lient. De telles clauses s'appliquent automatiquement, sans incorporation dans le contrat de travail, et les parties ne peuvent y déroger contractuellement au détriment du salarié (cf. Aubert, Commentaire romand, no 3 s. ad art. 357 CO). Comme l'indique expressément l'art. 357 al. 1 CO, ces effets supposent que les deux parties sont liées. Tel est le cas si l'employeur est personnellement partie à la convention, si l'employeur et le travailleur sont membres d'une association contractante (art. 356 al. 1 CO), ou encore si l'employeur et le travailleur ont fait une déclaration de soumission volontaire au sens de l'art. 356b CO et ont obtenu le consentement des parties (cf. ATF 123 III 129 consid. 3a; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 356b CO no 2 s.). Par ailleurs, le champ d'application de la CCT peut être étendu par décision d'une autorité cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail; RS 221.215.311), de sorte que ses clauses s'appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels elle est étendue (ATF 123 III 129 consid. 3a).
S'agissant des contrats individuels de travail conclus par des employeurs ou des travailleurs non liés, la CCT ne déploie qu'un effet indirect si les parties conviennent de l'appliquer en l'intégrant au contrat. Dans cette hypothèse, la convention ne produit aucun effet impératif, les parties restant libres d'y déroger au détriment du travailleur (Aubert, op. cit., no 8 ad art. 357 CO).
7.2 Le contrat de travail conclu entre les parties en 1995 contenait une clause renvoyant, pour tous les points qu'il ne traitait, pas au Code des obligations et à la Convention collective de travail URJ/FSJ, soit à la CCT conclue entre l'Union romande des éditeurs de journaux et périodiques (URJ) et la Fédération suisse des journalistes (FSJ) du 23 décembre 1994. Or, la défenderesse n'était pas membre de l'URJ ni personnellement partie à la CCT et il n'a pas été allégué qu'elle aurait fait une déclaration de soumission volontaire admise par les parties à la convention au sens de l'art. 356b CO. En outre, la CCT en cause n'a pas été étendue. Par conséquent, le renvoi figurant dans le contrat de travail ne pouvait que déployer des effets indirects, de sorte que les parties restaient libres de déroger au salaire prévu conventionnellement. Ainsi, la défenderesse n'était pas tenue d'octroyer à la demanderesse les augmentations de salaire prévues par le tarif conventionnel. En rejetant les prétentions formulées sur cette base, la cour cantonale n'a donc en rien méconnu le droit fédéral.
Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
8.
Une partie des prétentions réclamées par la demanderesse repose sur l'existence de discriminations à raison du sexe et, dans la présente procédure, celle-ci conteste notamment le refus de la cour cantonale d'admettre des violations de la LEg. Il se justifie donc de ne pas percevoir de frais (cf. art. 12 al. 2 LEg.- RS 151.1 - et art. 343 al. 3 CO). Cela ne dispense pas la demanderesse, qui succombe, de verser des dépens à la défenderesse (art.159 al. 1 CO).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Il ne sera pas perçu de frais.
3.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Lausanne, le 12 octobre 2004
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: