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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.266/2004 /ech
Arrêt du 30 novembre 2004
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
Greffier: M. Thélin.
Parties
A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Minh Son Nguyen,
contre
X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Malek Buffat Reymond.
Objet
contrat de travail; heures supplémentaires
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 10 juin 2004.
Faits:
A.
X.________ SA exploite plusieurs cafés-restaurants dans des magasins, en particulier dans des magasins d'ameublement Z.________.
Par une lettre du 8 octobre 1999 que son destinataire a contresignée le 28 du même mois, elle a engagé A.________ en qualité de gérant du Café Z.________. L'activité convenue devait commencer le 1er décembre 1999. Cette lettre fixait le salaire du gérant et sa participation au bénéfice. Elle prévoyait que "les heures supplémentaires nécessitées par le poste de gérant et par ses responsabilités ne pourraient en aucun cas faire l'objet de prétentions que ce soit en espèces ou en récupération par congés". Pour les autres conditions, les parties se référaient à la "convention collective nationale de travail".
En outre, le 1er décembre 1999, les parties ont signé un "contrat de travail pour employé à plein temps" établi sur une formule de la fédération patronale de l'hôtellerie et de la restauration. A cette occasion, elles ont passé une convention nouvelle au sujet du salaire et de diverses indemnités, et elles ont confirmé leur accord antérieur concernant la participation au bénéfice. La formule comporte une clause relative à la durée moyenne de la semaine de travail mais rien n'est précisé au sujet des heures supplémentaires. Selon le ch. 11, "tout point non défini par le présent contrat relève de la CCNT 98 et, ensuite, des dispositions légales suisses de la législation du travail".
A.________ a exercé l'activité convenue jusqu'à fin mars 2001. Par lettre du 30 mars, X.________ SA a résilié le contrat avec effet au 30 avril 2001.
B.
Le 17 octobre 2001, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal de prud'hommes de l'arrondissement de l'Est vaudois. Il demandait le paiement de 19'485 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2001, pour rémunération de 642 heures supplémentaires qu'il disait avoir fournies au service de la défenderesse. Celle-ci a conclu au rejet de cette demande et, reconventionnellement, au paiement de 10'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 6 novembre 2001.
Statuant le 4 septembre 2004 après l'administration de diverses preuves, le Tribunal de prud'hommes a retenu que le demandeur n'était pas parvenu à établir l'accomplissement d'heures supplémentaires. Il a rejeté ses conclusions. Il a également rejeté la demande reconventionnelle.
Sans succès, A.________ a déféré la cause à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par arrêt du 22 avril 2004, cette juridiction a elle aussi constaté que les heures supplémentaires n'étaient pas établies; elle a rejeté le recours et confirmé le jugement.
C.
Le demandeur interjette un recours en réforme par lequel il persiste dans les conclusions déjà prises devant le Tribunal de prud'hommes puis devant le Tribunal cantonal. Il soutient notamment que les preuves ont été appréciées en violation des règles applicables à la relation contractuelle.
La défenderesse conclut au rejet du recours, sans répondre à l'argumentation présentée.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Le recours est interjeté par une partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement. Il est dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
Le recours en réforme est recevable pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut pas être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en résultent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3).
1.3 Le Tribunal fédéral ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (qui ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ) mais il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ) ni par l'argumentation juridique adoptée par la juridiction cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Le Tribunal fédéral peut donc admettre un recours pour des motifs autres que ceux invoqués par le recourant; il peut aussi rejeter un recours en opérant une substitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant une argumentation juridique autre que celle de la juridiction cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine).
2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail et qu'elles se sont référées à la convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés conclue le 6 juillet 1998, ci-après la convention ou CCT, dont le Conseil fédéral a étendu le champ d'application par arrêté du 19 novembre 1998 (FF 1998 V 4856).
Le litige porte d'abord sur la constatation des faits, en ce qui concerne l'accomplissement effectif des heures supplémentaires dont le demandeur veut obtenir rémunération. Celui-ci invoque l'art. 21 CCT, qui a la teneur suivante:
Horaire de travail / contrôle du travail
1 Les établissements ouverts toute l'année sont tenus d'établir des horaires de travail deux semaines à l'avance pour deux semaines et les établissements saisonniers une semaine pour une semaine.
2 L'employeur tient un registre des heures de travail et des jours de travail effectifs. Le collaborateur peut s'informer à n'importe quel moment sur ses heures de travail, jours de repos, jours fériés et vacances qui lui restent à prendre.
3 Si l'employeur n'observe pas [cette] obligation, le contrôle de la durée du temps de travail tenu par le collaborateur sera admis comme moyen de preuve en cas de litige.
Le demandeur soutient que la juridiction cantonale a méconnu l'art. 21 al. 3 CCT, selon lequel, à son avis, il incombait à la défenderesse de prouver que les heures supplémentaires n'avaient pas été fournies.
3.
Il est douteux que cette clause de la convention collective fasse partie des dispositions fédérales en matière de preuve que l'on peut invoquer dans le cadre du recours en réforme (art. 43 al. 3 OJ). La question peut rester indécise car on verra que ladite clause n'était pas applicable à la relation des parties.
4.
4.1 L'art. 2 CCT énumère diverses catégories de travailleurs auxquels la convention ne s'applique pas; il s'agit notamment des "chefs d'établissement" et des "directeurs". Cette exclusion est répétée à l'art. 2 al. 4 let. a de l'arrêté du Conseil fédéral. Parmi d'autres situations, elle vise celle du demandeur qui était le chef de l'établissement dont il assumait la gestion. La convention n'était donc pas directement applicable à la relation contractuelle.
Le demandeur cherche à démontrer que les parties ont néanmoins voulu incorporer la convention au contrat conclu par elles, puisque leurs deux accords écrits se réfèrent expressément à ce texte. Il convient donc de déterminer la portée qui doit être reconnue, sur ce point, à ces accords et, en particulier, au ch. 11 du contrat conclu le 1er décembre 1999.
4.2 Confronté à un litige sur l'interprétation d'une convention, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, il procède à une constatation de fait qui ne peut pas être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. c, 375 consid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa). Déterminer ce que les parties savent ou veulent au moment de conclure relève en effet des constatations de fait (cf. ATF 118 II 58 consid. 3a et les arrêts cités).
En l'espèce, il n'apparaît pas que la juridiction cantonale ait pu déterminer la volonté commune et réelle des parties contractantes quant à l'applicabilité de l'art. 21 CCT à leur relation. En pareil cas, il s'impose d'interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance. Il convient de rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2).
L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, examine librement. Pour résoudre cette question de droit, il doit cependant se référer au contenu de la manifestation de volonté et aux circonstances dans lesquelles elle est intervenue, lesquelles relèvent en revanche du fait (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2).
Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée (art. 18 al. 1 CO). Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne correspond pas à leur volonté (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5).
4.3 Le demandeur soutient avec raison que l'incorporation de la convention, selon le ch. 11 du contrat, ne peut pas inclure l'art. 2 CCT en tant que cette disposition a pour effet d'exclure l'applicabilité de toutes les autres dispositions du même texte. Le ch. 11 se révélerait alors vide de tout sens, ce qui ne saurait correspondre à l'intention présumable des parties.
4.4 Il reste à déterminer si l'incorporation s'étend à l'art. 21 CCT concernant l'horaire et le contrôle du temps de travail. D'après la nature des mesures de planification et de contrôle qu'elle impose à l'employeur, cette disposition-ci n'a pas été conçue à l'intention de cadres responsables d'organiser eux-mêmes leur propre travail; elle vise au contraire des "collaborateurs" dont l'activité est continuellement organisée et surveillée par un supérieur hiérarchique. Le demandeur était engagé en qualité de gérant d'un établissement, soit dans une fonction qui comportait des responsabilités certaines et, d'ailleurs, explicitement mentionnées dans la lettre contresignée le 28 octobre 1999. Il était évident que le gérant ne serait pas lui-même soumis à un encadrement de ce genre. Le demandeur n'a pas pu raisonnablement croire qu'en souscrivant le ch. 11 du contrat, la défenderesse s'obligeait à lui établir un plan de travail de quinzaine en quinzaine, puis à contrôler au fur et à mesure l'exécution de ce plan et les heures d'activité qu'il consacrait à la gestion de l'établissement. Dans ces conditions, il s'impose de retenir que l'art. 21 CCT n'a pas été incorporé au contrat.
L'art. 21 al. 3 CCT n'étant pas applicable, les constatations de la juridiction cantonale ne peuvent pas violer cette disposition. Pour le surplus, les critiques que le demandeur élève contre l'appréciation des preuves sont irrecevables.
5.
Les heures supplémentaires n'étant pas constatées en fait, la prétention litigieuse ne peut pas avoir de fondement en droit. Le recours sera donc rejeté, dans la mesure où il est recevable.
6.
Le montant de la demande principale, qui détermine la valeur litigieuse selon les art. 343 al. 2 CO, était inférieur à 30'000 fr., de sorte que le Tribunal fédéral ne perçoit pas d'émolument judiciaire (art. 343 al. 3 CO; ATF 122 III 495 consid. 4). Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée car celle-ci n'a pas déposé de mémoire (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 30 novembre 2004
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: