Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.275/2004 /viz
Arrêt du 22 décembre 2004
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
A.________,
requérant, représenté par Maîtres Jean-Noël Jaton
et Philippe Meier, avocats,
contre
B.________,
opposant, représenté par Me Patrick Blaser, avocat,
Succession de feu C.________,
opposante, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat,
Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral
du 28 septembre 2004 (cause 4P.131/2004).
Faits:
A.
C.________ détenait la totalité du capital-actions de la SI X.________, propriétaire de l'hôtel particulier sis à la même adresse, à Genève. Elle était également l'administratrice unique de cette société. Le 6 septembre 1994, elle a confié à son fils, A.________, avocat, le mandat de vendre l'immeuble. C.________ est décédée le 4 octobre 1995. Le mandat de vente a été confirmé le 20 novembre 1995 par l'administratrice d'office de la succession, avant que la communauté héréditaire ne s'y oppose. L'hoirie de feu C.________ est constituée de A.________, dont la part successorale est de 5/8, et de son frère B.________, héritier pour 3/8.
Pendant plus de six ans, A.________ a déployé une intense activité pour la vente de l'immeuble, respectivement des actions de la SI. Il a été en contact avec de nombreux amateurs.
Finalement, c'est par l'intermédiaire d'une agence immobilière genevoise que les actions de la SI ont été vendues le 23 février 2001 pour un montant de 12'500'000 fr.
Le 26 novembre 2001, A.________ a notifié à la succession de feu C.________ une note d'honoraires de 518 505 fr.60 pour les démarches effectuées du 1er octobre 1998 au 9 mars 2001. La communauté héréditaire a refusé de régler cette facture.
B.
Le 11 décembre 2003, A.________ a déposé une requête en taxation de sa note d'honoraires du 26 novembre 2001.
B.________ et le représentant de la communauté héréditaire se sont opposés à la requête. L'un invoquait l'inexistence d'un mandat confié par la succession à A.________ pour la vente de l'immeuble. L'autre faisait valoir que, de toute manière, le travail effectué par A.________ ne relevait pas de l'activité d'avocat, mais de celle de courtier immobilier.
Par décision du 27 avril 2004, la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève s'est déclarée incompétente à raison de la matière.
A.________ a déposé un recours de droit public contre la décision de la commission. Par arrêt du 28 septembre 2004, le Tribunal fédéral a prononcé l'irrecevabilité du recours.
C.
A.________ forme une demande de révision de l'arrêt du 28 septembre 2004. Il conclut à l'admission de la demande et à la révision de l'arrêt en ce sens que le Tribunal fédéral statue sur le fond dans la procédure de recours de droit public.
B.________ et la succession de feu C.________ n'ont pas été invités à se déterminer.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 La demande de révision, fondée sur l'art. 136 let. d OJ, satisfait aux exigences de motivation posées à l'art. 140 OJ. Elle a été présentée dans le délai de trente jours prévu par l'art. 141 al. 1 let. a OJ. Par ailleurs, un arrêt rendu sur recours de droit public peut faire l'objet d'une révision au sens de l'art. 136 OJ (ATF 107 Ia 187 consid. 2 p. 190). La demande est dès lors recevable (cf. ATF 96 I 279 consid. 1; 81 II 475 consid. 1 p. 477).
1.2 Contrairement à ce que le texte français des art. 136 et 137 OJ laisse entendre, les motifs de révision ne sont pas des conditions de recevabilité de la demande; en effet, il est évident que si un motif de révision est réalisé, la demande n'est pas simplement recevable, mais doit être admise. Pour que le Tribunal fédéral puisse connaître d'une demande de révision, il suffit donc que le requérant prétende que les conditions posées aux art. 136 et 137 OJ sont réunies et que son mémoire réponde aux exigences formelles de la loi, ce qui est le cas en l'espèce.
2.
Invoquant l'art. 136 let. d OJ, le requérant soutient que le Tribunal fédéral a considéré par inadvertance que la décision cantonale comportait deux motivations distinctes, alors qu'elle n'en avait en réalité qu'une seule. Comme il avait critiqué celle-ci de manière motivée dans son recours de droit public, le requérant est d'avis que le Tribunal fédéral aurait dû se prononcer sur le fond et vérifier ainsi si la décision d'incompétence de la commission cantonale, à raison de l'activité de courtage immobilier imputée à l'avocat, était arbitraire ou non.
2.1 L'arrêt par lequel le Tribunal fédéral déclare irrecevable un recours de droit public - ou un recours en réforme - est sujet à révision; celle-ci ne peut toutefois être demandée que pour un motif qui affecte cet arrêt, et non le jugement sur le fond rendu par l'autorité cantonale (ATF 118 II 477 consid. 1 et les références citées). Le motif de révision doit porter sur les raisons pour lesquelles le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière (arrêt 4P.69/2004 du 29 juillet 2004, consid. 3).
2.2 Aux termes de l'art. 136 let. d OJ, il y a lieu à révision d'un arrêt du Tribunal fédéral lorsque, par inadvertance, cette autorité n'a pas apprécié des faits importants qui ressortent du dossier. Le verbe «apprécier», utilisé dans le texte français, est ambigu et doit être compris - conformément au texte allemand - dans le sens de «prendre en considération». L'inadvertance, au sens de l'art. 136 let. d OJ, suppose que le juge ait omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'ait mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte; elle se distingue de la fausse appréciation soit des preuves administrées devant le Tribunal fédéral, soit de la portée juridique des faits établis. L'inadvertance doit se rapporter au contenu même du fait, à sa perception par le tribunal, et non à son appréciation juridique; elle consiste soit à méconnaître, soit à déformer un fait ou une pièce. Le motif de révision de l'art. 136 let. d OJ n'entre en ligne de compte que si les faits qui n'ont pas été pris en considération sont «importants»; il doit donc s'agir de faits pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle qui a été prise et favorable au requérant (ATF 122 II 17 consid. 3 p. 18 ss et les références citées).
Sont des faits tous les éléments soumis à l'examen du tribunal, les allégations, déclarations et contestations des parties, le contenu objectif des documents, la correspondance, le résultat univoque de l'administration d'une preuve déterminée. Les faits doivent ressortir du dossier, soit des mémoires, des procès-verbaux, des documents produits par les parties, des expertises (Rolando Forni, Svista manifesta, fatti nuovi e prove nuove nella procedura di revisione, in Festschrift zum 70. Geburtstag von Max Guldener, p. 91 et 92).
2.3 Dans sa décision du 16 mars 2004, la commission s'est déclarée matériellement incompétente pour examiner la quotité des honoraires demandés par l'avocat, parce que ce dernier avait déployé une activité commerciale de courtier immobilier qui ne relevait pas de l'exercice de la profession d'avocat. Elle a également indiqué qu'elle n'était pas compétente pour statuer sur la question du mandat donné à Me A.________. Or, ce dernier, dans son recours de droit public, a précisément reproché à la commission d'avoir ignoré «les spécificités du mandat qui lui avait été confié», en se référant notamment à la procuration établie sur le modèle de l'ordre des avocats de Genève et sur la correspondance adressée au moyen du papier à lettre professionnel de l'intéressé. Plus loin, le requérant a reproché à l'autorité cantonale de ne pas avoir déterminé «à titre préjudiciel (...) s'il y a bien mandat d'avocat au sens de la loi».
En constatant qu'elle n'était pas compétente pour examiner «la question du mandat donné à Me A.________», la commission a cité l'une des causes de son incompétence matérielle pour se prononcer sur la quotité des honoraires résultant de ce mandat contesté. Du reste, le requérant lui-même a évoqué cette question dans son recours de droit public. Sa motivation sur ce point était toutefois insuffisante au regard des exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et, partant, irrecevable, ce qui a conduit le Tribunal fédéral à ne pas entrer en matière sur le recours dans son ensemble, selon la jurisprudence mentionnée dans l'arrêt du 28 septembre 2004 (consid. 1.3 in fine et 1.4).
Lorsqu'il reproche au Tribunal fédéral d'avoir vu dans la constatation de l'incompétence de la commission pour trancher la question de l'existence du mandat une motivation - certes lapidaire - de la décision attaquée par recours de droit public, le requérant se borne à reprendre la discussion juridique, ce qui ne constitue pas un motif de révision. En réalité, il ne traite pas de l'appréciation d'un fait important au sens de l'art. 136 let. d OJ, mais se plaint du raisonnement juridique du Tribunal fédéral à propos de la recevabilité de son recours de droit public.
Il s'ensuit que la demande de révision, fondée sur l'art. 136 let. d OJ, doit être rejetée.
3.
Au demeurant, si elle était entrée en matière sur le fond, la cour de céans aurait estimé que la commission n'avait pas versé dans l'arbitraire en considérant que l'activité déployée par l'avocat en relation avec la vente de l'hôtel particulier ne relevait pas de l'exercice de sa profession, mais du courtage immobilier.
En l'absence de définition légale précise, les contours de la profession d'avocat varient selon les situations visées. Une définition très large est retenue en matière disciplinaire, dès lors qu'il s'agit de protéger le public et de préserver la réputation et la dignité de la profession. Dans ce domaine, l'administration de patrimoines, notamment immobiliers, entre dans le champ de la surveillance (Martin Sterchi, Kommentar zum bernischen Fürsprecher-Gesetz, Berne 1992, p. 96/97; Handbuch über die Berufspflichten des Rechtsanwaltes im Kanton Zürich, Zurich 1988, p. 17/18; Felix Wolffers, Der Rechtsanwalt in der Schweiz, Zurich 1986, p. 179/180). En revanche, ne relève pas de la profession d'avocat l'accomplissement d'actes juridiques à titre privé que tout un chacun est appelé à conclure dans le cadre de la gestion de ses affaires personnelles.
D'un autre côté, l'obligation de respecter le secret professionnel, légal et déontologique, contribue à la définition des devoirs professionnels de l'avocat dans un sens plus restrictif que le droit disciplinaire. Ainsi, l'activité économique de l'avocat, où l'élément commercial prédomine, n'est pas couverte par le secret professionnel, alors qu'elle peut donner lieu, le cas échéant, à une procédure disciplinaire (Lucien Valloni/Marcel Steinegger, Bundesgesetz über die Freizügigkeit der Anwältinnen und Anwälte, Zurich 2002, p. 50).
En l'espèce, indépendamment du fait que le fondement de la créance était litigieux, la Commission de taxation a considéré que les nombreuses pièces du dossier qui lui avait été remises, révélaient une activité relevant du courtage immobilier, et non pas celle d'un avocat agissant à ce titre. Conformément à la jurisprudence constante en la matière, le Tribunal fédéral s'impose une grande réserve dans le contrôle de l'appréciation des preuves et des faits par la juridiction cantonale; il ne s'en écarte que si cette dernière a versé dans l'arbitraire (entre autres, ATF 127 II 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a, 274 consid. 5b, p. 285). En constatant qu'on ne trouvait «que peu de trace dans les dossiers d'une activité juridique proprement dite, si ce n'est celle effectuée par des tiers», la commission n'a pas procédé à une appréciation arbitraire des preuves et des faits de la cause. Il apparaît à cet égard que les efforts développés pour la recherche de clients l'emportaient manifestement sur les quelques actes juridiques figurant dans les dossiers. L'autorité cantonale n'est pas non plus tombée dans l'arbitraire en relevant que l'avocat était intéressé à la vente du bien-fonds. La Commission de taxation n'a ainsi pas rendu une décision insoutenable en estimant que l'activité déployée par l'avocat relevait pour l'essentiel, voire totalement du courtage immobilier et en jugeant qu'elle n'était pas compétente pour déterminer la rémunération du courtier.
4.
Vu le sort réservé à la demande de révision, il y a lieu de mettre les frais judiciaires à la charge du requérant (art. 156 al. 1 OJ).
Ce dernier n'aura en revanche pas à verser de dépens aux opposants, qui n'ont pas été appelés à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La demande de révision est rejetée.
2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge du requérant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève.
Lausanne, le 22 décembre 2004
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: