BGer 2A.560/2004 |
BGer 2A.560/2004 vom 01.02.2005 |
Tribunale federale
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2A.560/2004/ADD/elo
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{T 0/2}
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Arrêt du 1er février 2005
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Merkli, Président,
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Hungerbühler et Wurzburger.
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Greffier: M. Addy.
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Parties
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X.________, recourant,
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représenté par Me F.________, avocat,
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contre
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Chambre de surveillance des avocats valaisans, c/o Département de l'économie, avenue de la Gare 39,
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1951 Sion,
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Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité de surveillance des avocats, 1950 Sion.
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Objet
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interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts,
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recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité de surveillance des avocats, du 18 août 2004.
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Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
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1.
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Les époux A.________ et B.________, domiciliés en Italie, ont mandaté Me X.________, avocat à Y.________, pour défendre leurs intérêts en Suisse. Le 10 août 1998, ce dernier a déposé en leur nom une plainte pénale contre inconnus pour abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et faux dans les titres; ces infractions concernaient des valeurs patrimoniales (un dépôt-titres) appartenant à l'épouse, déposées auprès de la banque C.________, à D.________, dont les plaignants soutenaient qu'elles avaient été réalisées sans aucun droit par la banque dépositaire, en vue d'amortir des créances que cet établissement détenait contre B.________.
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Le 11 décembre 2000, Me X.________, agissant au nom de A.________, a déposé une requête en complément d'instruction. Il a notamment exposé qu'au vu des pièces produites par la banque ou séquestrées dans ses locaux, il n'était pas exclu que le délit de gestion déloyal pût également concerner le mari de sa cliente, en précisant que, le cas échéant, le délai de trois mois pour déposer plainte contre des proches était respecté.
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Le 12 décembre 2001, le juge d'instruction du Bas-Valais a clos par un arrêt de non-lieu l'enquête ouverte sur la base des dénonciations précitées des 10 août 1998 et 11 septembre 2000. Le 27 juin 2002, il a ordonné à Me X.________ de ne plus assurer la défense de B.________ en raison du conflits d'intérêts existant entre ce dernier et son épouse; sur plainte, cette décision a été confirmée par la Chambre pénale du Tribunal cantonal le 24 février 2003.
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2.
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Par écriture du 7 février 2002, Me Z.________, avocat de la banque C.________, a dénoncé Me X.________ à la Chambre de surveillance des avocats (ci-après: la Chambre de surveillance); il reprochait à son confrère d'avoir manqué aux obligations de fidélité et de délicatesse, en assurant simultanément la défense de parties dont les intérêts étaient contradictoires.
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Pour sa défense, Me X.________ a fait valoir que ses clients avaient été "expressément orientés" par ses soins du risque de conflit d'intérêts, que chacun d'eux y avait consenti, que l'époux mis en cause avait même été conseillé "de manière l'interne" par un avocat italien, et que l'arrêt de non-lieu prononcé par le juge d'instruction démontrait qu'il n'avait, en sa qualité d'avocat, "ni lésé ni même mis en danger les intérêts de ses clients". Pour le surplus, il a soutenu que la dénonciation avait été déposée par son confrère dans un esprit de vengeance et a invoqué la prescription. Il a également requis la mise en oeuvre de certaines mesures d'instruction (édition de divers dossiers, audition de témoins...).
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Par décision du 17 novembre 2003, la Chambre de surveillance a condamné Me X.________ au paiement d'une amende de 5'000 fr. ainsi qu'aux frais de procédure par 565 fr.; prise sur la base de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (loi sur les avocats, entrée en vigueur le 1er juin 2002, LLCA; RS 935.61), la sanction était fixée en tenant compte, notamment, d'une précédente amende disciplinaire infligée à ce même avocat en 1997 pour des faits comparables. Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité cantonale de surveillance des avocats (ci-après: l'Autorité de surveillance), l'a partiellement admis par jugement du 18 août 2004, en ce sens que, conformément au principe de la lex mitior, il a réduit l'amende à 3'000 fr., soit le montant maximum prévu par l'art. 37 al. 2 lettre c de la loi cantonale du 29 janvier 1998 sur la profession d'avocat et l'assistance judiciaire et administrative (ci-après: aLPAv), abrogée et remplacée le 1er juin 2002 par l'entrée en vigueur de la loi cantonale du 6 février 2001 sur la profession d'avocat pratiquant la représentation en justice (ci-après: LPAv).
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3.
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Dans une écriture intitulée "recours de droit administratif, subsidiairement recours de droit public", Me X.________, représenté par son associé, demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision précitée de l'Autorité de surveillance, sous suite de frais et dépens.
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L'Autorité de surveillance, la Chambre de surveillance et l'Office fédéral de la justice ont renoncé à se déterminer.
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4.
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Déposée en temps utile et dans les formes prescrites, la présente écriture est recevable comme recours de droit administratif, même si la décision attaquée se fonde - pour partie - sur le droit cantonal en vertu du principe de la lex mitior (cf. ATF 130 II 270 consid. 1 p. 272 ss).
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5.
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5.1 A teneur de l'art. 12 lettre c de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (loi sur les avocats, entrée en vigueur le 1er juin 2002, LLCA; RS 935.61), l'avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. A ce titre, il a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois (Walter Fellmann, in: Kommentar zum Anwaltsgesetz, éd. par Fellmann/Zindel, Zurich 2005, nos 96 ss ad art. 12; Franz Werro, Les conflits d'intérêts de l'avocat, in: Droit suisse des avocats, Berne, 1998 p. 243-246), car l'opposition entre les intérêts des deux clients interdit en pareil cas à l'avocat de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence (Jacques Matile, L'indépendance de l'avocat, in: L'avocat moderne, Mélanges publiés par l'ordre des avocats vaudois à l'occasion de son centenaire, Bâle, 1998, p. 207ss, 210).
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5.2 Cela étant, force est d'admettre, avec l'autorité intimée, qu'en déposant la requête en complément d'instruction du 11 décembre 2000, le recourant a violé de manière manifeste et grave l'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts. Dans la mesure où elle évoquait clairement l'éventuelle responsabilité pénale du mari pour des actes d'abus de confiance ou de gestion déloyale commis au préjudice de l'épouse, cette requête emportait en effet un risque concret de conflit d'intérêts entre les époux A.________ et B.________. Le problème n'a d'ailleurs pas échappé au recourant puisqu'il a pris soin, avant d'agir, de rendre "expressément attentifs (ses clients) à l'existence et à la portée des dispositions interdisant à l'avocat de s'occuper de la défense de parties dont les intérêts pourraient être opposés" (cf. déclaration commune des époux A.________ et B.________ du 22 février 2002). Par conséquent, son argumentation confine à la témérité lorsqu'il s'attache à démontrer qu'il ne devait ni ne pouvait savoir qu'en continuant, après la requête en complément d'instruction, d'assurer la défense des intérêts de chacun des époux A.________ et B.________, il se mettait dans un cas de double représentation.
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Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le recourant, le Tribunal fédéral n'a pas rendu d'arrêt récent modifiant le contenu ou la portée de l'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts. Le recourant se garde d'ailleurs bien de préciser quelles seraient ces modifications, se contentant de renvoyer vaguement à une jurisprudence non publiée qui ne fait que rappeler et souligner l'importance de cette "règle cardinale" de la profession d'avocat (arrêt du 18 mars 2003, 1A.223/2002, consid. 5); cette dernière était d'ailleurs clairement énoncée à l'art. 19 al. 2 aLPAv (cf. Stéphane Spahr, Les règles de la profession d'avocat en droit valaisan, RVJ 1988, p. 403 ss, 424-425).
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Enfin, le recourant ne saurait évacuer sa responsabilité en se retranchant derrière le consentement de ses clients, car l'interdiction de la double représentation est absolue en matière de représentation en justice (cf. Fellmann op. cit., no 101 ad art. 12; Werro, op. cit., p. 244 et 250).
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6.
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Le recourant soutient que les autorités de surveillance ont violé l'art. 5 LLCA et les dispositions fédérales et cantonales en matière de protection des données, car elles ont tenu compte, pour fixer la sanction, du fait qu'il avait déjà été condamné en 1997 pour des faits semblables, alors que la mention de cette condamnation ne devait pas ou plus figurer dans le registre des avocats prévu par la disposition précitée.
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Il est douteux que les autorités de surveillance soient empêchées de tenir compte d'antécédents de l'avocat mis en cause qui parviendraient à leur connaissance durant l'instruction, même si ceux-ci portent, le cas échéant, sur des condamnations anciennes qui ont été radiées (sur la portée de la radiation des inscriptions en matière pénale, cf. ATF 121 IV 3 consid. 1c/dd p. 8 ss). Quoi qu'il en soit, il suffit de constater qu'à peine plus de trois ans se sont écoulés entre la première condamnation du recourant et les faits ayant donné lieu à la présente procédure, soit, en toute hypothèse, une durée inférieure au délai de radiation de cinq ans prévu à l'art. 20 al. 1 LLCA pour les amendes. Par conséquent, la prise en compte de cette première condamnation pour apprécier la faute du recourant n'apparaît pas critiquable (cf. Thomas Poledna, in: Kommentar zum Anwaltsgesetz, éd. par Fellmann/Zindel, Zurich 2005, no 24 ad art. 17).
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7.
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Selon le recourant, l'Autorité de surveillance n'aurait pas réduit mais, au contraire, aggravé la sanction prononcée contre lui par la Chambre de surveillance, en ramenant l'amende de 5'000 fr. à 3'000 fr. par l'ap- plication de la lex mitior; en effet, le premier de ces montants correspond seulement au quart de l'amende maximale prévue par l'ancien droit (art. 37 al. 2 lettre c aLPAc), tandis que le second correspond à l'amende maximale prévue par le nouveau droit (art. 17 al. 1 lettre c LLCA). Ce raisonnement est spécieux. En effet, le rapport de un à quatre entre l'amende prononcée par la Chambre de surveillance et le plafond prévu par le nouveau droit pour cette sanction découle précisément du fait que ce plafond est relativement élevé. Le même rapport ne peut donc pas être transposé et appliqué tel quel à l'ancien droit qui prévoyait, à l'inverse, un plafond relativement bas pour l'amende.
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D'ailleurs, s'il fallait suivre le recourant, seule une amende de 750 fr. devrait lui être infligée, soit une sanction inférieure à l'amende qu'il avait écopée en 1997, alors qu'il en était pourtant à son premier man- quement sanctionné aux règles de la profession; au surplus, les faits reprochés étaient sensiblement moins graves que ceux qui font l'objet de la présente procédure, dans la mesure où le conflit d'intérêts était apparu à l'occasion d'une procédure civile et qu'il concernait des anciens clients du recourant.
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8.
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Le recourant allègue également une violation du principe "ne bis in idem", au motif que les faits à l'origine de la sanction disciplinaire prononcée contre lui ont déjà fait l'objet d'une mesure, à savoir la décision du 27 juin 2002, par laquelle le juge d'instruction pénale du Bas-Valais lui a interdit d'assurer la défense de B.________. Cette décision n'avait toutefois nullement le caractère d'une sanction disciplinaire; elle visait en effet simplement à garantir le bon déroulement de la procédure pénale et pouvait faire l'objet - le recourant a d'ailleurs utilisé cette possibilité - d'une plainte auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal. Le grief est donc mal fondé.
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9.
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Le recourant voit également une violation du droit d'être entendu dans le fait que l'autorité intimée a refusé d'administrer certaines preuves qu'il avait proposées en vue d'établir qu'il était victime d'une inégalité de traitement. Plus précisément, il entendait démontrer que, dans certaines affaires, la Chambre de surveillance avait renoncé à sanctionner des confrères pour des faits semblables à ceux qui lui étaient reprochés. Sur ce point, il suffit de renvoyer à l'argumentation de l'Autorité de surveillance (art. 36a al. 3 OJ). Le recourant n'amène en effet aucun élément décisif de nature à remettre en cause l'appréciation de cette autorité, à savoir que les affaires invoquées à titre de comparaison portaient sur des faits sensiblement différents du cas d'espèce.
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10.
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Enfin, le recourant invoque (comme lex mitior) la prescription annale de l'art. 39 al. 1 lettre a aLPAv, dont il prétend que le point de départ ("un an dès la connaissance de l'infraction") remonte au 12 décembre 2000, soit au jour où il a déposé sa requête en complément d'instruction devant le juge pénal. Même si cette disposition n'indique pas expressément que le délai de prescription commence à courir seulement dès que la Chambre de surveillance a eu connaissance de l'infraction, l'autorité intimée pouvait toutefois considérer que, sur ce point, l'ancien droit est identique au nouveau droit, qui dispose clairement que "la poursuite disciplinaire se prescrit par un an à compter du jour où l'autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés" (art. 19 al. 1 LLAC). En effet, tant sous l'ancien que sous le nouveau droit, la poursuite disciplinaire appartient exclusivement aux autorités de surveillance (cf. art. 36 aLPAv; art. 14 LPAv), dont les actes sont seuls susceptibles d'interrompre la prescription (cf. art. 39 al. 3 aLPAv; art. 19 al. 2 LLCA); on comprendrait donc mal que le point de départ du délai de prescription de la poursuite puisse - en l'absence d'une base légale claire - dépendre des actes ou du comportement d'autres autorités. Cette interprétation est d'autant moins critiquable que le délai de prescription est relativement court.
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11.
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Il suit de ce qui précède que le recours est manifestement mal fondé et que la cause peut être jugée selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 36a OJ.
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Succombant, le recourant supportera un émolument judiciaire (art.156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
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Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recou- rant, à la Chambre de surveillance des avocats valaisans, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Autorité de surveillance des avocats, ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
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Lausanne, le 1er février 2005
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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