Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2A.159/2004 /fzc
Arrêt du 11 mars 2005
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Betschart et Yersin.
Greffier: M. Vianin.
Parties
X.________, recourant,
représenté par Me Robert Fox, avocat,
contre
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de contributions, avenue Tissot 8, 1006 Lausanne.
Objet
taxe sur la valeur ajoutée; vente de semence bovine,
recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale de recours en matière de contributions du 12 février 2004.
Faits:
A.
X.________ (ci-après: l'assujetti ou le recourant) exploite l'entreprise individuelle Y.________, à A.________, qui a pour but la vente de matériels génétiques bovins. A ce titre, il est immatriculé dans le registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA) depuis le 1er janvier 1997.
B.
Par lettre du 20 mars 1999, X.________ a contesté auprès de l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: l'Administration fédérale ou l'intimée), l'application du taux normal à la vente de semence bovine. Il a sollicité l'application du taux réduit.
Par décision du 27 juin 2001, l'Administration fédérale a confirmé l'imposition des livraisons de semence bovine au taux normal dès le 1er janvier 1997. Compte tenu du fait que, durant les périodes fiscales allant du 1er trimestre 1997 au 4ème trimestre 2000, l'assujetti avait décompté une partie de ses livraisons de semence bovine au taux réduit, elle a par ailleurs fixé à 52'296 fr. plus intérêt moratoire dès le 30 août 1999 le montant que celui-ci devait encore lui verser au titre de la TVA.
L'Administration fédérale a confirmé son prononcé par décision sur réclamation du 1er novembre 2001.
X.________ a déféré cette décision à la Commission fédérale de recours en matière de contributions (ci-après: la Commission de recours ou l'autorité intimée). Il a fait valoir pour l'essentiel qu'il était un concurrent direct de la Fédération suisse pour l'insémination artificielle (FSIA; celle-ci a changé son nom en Swissgenetics à la fin juin 2004), laquelle imposait la livraison de semences d'animaux au taux réduit. Par conséquent, il devait également bénéficier du taux réduit.
Le 12 février 2004, la Commission de recours a rejeté le recours. Elle a considéré que le recourant ne se trouvait pas dans un rapport de concurrence directe avec la FSIA. En effet, l'activité principale de la FSIA était l'insémination artificielle de bovins, alors que celle du recourant était la vente de semences bovines.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de dire que ses livraisons de semence bovine sont imposables au taux réduit, le tout sous suite de frais et dépens. Il fait valoir qu'il se trouve dans une relation de concurrence directe avec la FSIA et que le fait qu'il doit imposer ses livraisons de semence bovine à un taux supérieur à celui applicable aux livraisons de la FSIA viole le principe de la neutralité concurrentielle.
L'Administration fédérale propose le rejet du recours. L'autorité intimée renonce à se déterminer et renvoie à la décision attaquée.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Dirigé contre une décision finale qui a été prise par une commission fédérale de recours (art. 98 lettre e OJ) et qui est fondée sur le droit public fédéral, le présent recours, qui a été déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ ainsi que des art. 54 al. 1 de l'ordonnance fédérale du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RO 1994 II 1464 et les modifications ultérieures) et 66 al. 1 de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20).
2.
L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, a été remplacée par la loi fédérale du même nom, du 2 septembre 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Selon l'art. 93 al. 1 LTVA, les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exécution restent applicables, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridiques ayant pris naissance au cours de leur durée de validité. L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée s'applique dès lors au présent litige, qui porte sur des périodes fiscales allant du 1er trimestre 1997 au 4ème trimestre 2000.
3.
L'art. 27 al. 1 lettre a OTVA (cf. aussi art. 8 al. 2 lettre e ch. 1 disp. trans. aCst.) contient une énumération exhaustive des biens dont les livraisons ou les prestations à soi-même sont imposables au taux réduit (2% jusqu'au 31 décembre 1998, 2,3% du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, 2,4% dès le 1er janvier 2001). Parmi ces biens figure le bétail. Hormis les prestations du secteur de l'hébergement, qui sont imposables à un taux spécial (art. 27 al. 1 lettre abis OTVA), les autres livraisons de biens et prestations de services sont imposables au taux ordinaire (6,5% jusqu'au 31 décembre 1998, 7,5% du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, 7,6% dès le 1er janvier 2001).
Dans ses annexes A et B, la brochure de l'Administration fédérale no 9, relative à la TVA pour les agriculteurs, sylviculteurs, horticulteurs et branches similaires indique le taux de l'impôt pour les différentes livraisons de biens et prestations de services effectuées par les assujettis appartenant à ces catégories professionnelles. Selon l'annexe B, la livraison de semences d'animaux est imposable au taux ordinaire, alors que le taux réduit est applicable à l'insémination du bétail, ainsi qu'aux embryons destinés au bétail.
Lorsque la semence est livrée en relation avec des prestations d'insémination artificielle, elle est considérée comme accessoire à celles-ci. La prestation accessoire partageant le sort de la prestation principale (principe désormais consacré à l'art. 36 al. 4 dernière phrase LTVA), il s'ensuit qu'elle est imposable au même taux - réduit - (cf. Rosmarie Tschannen, in Kompetenzzentrum MWST der Treuhand-Kammer [édit.], Mwst.com, Kommentar zum Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer, Bâle/Genève/Munich 2000, n. 9 ad art. 36 al. 1 lettre a ch. 3 LTVA p. 622). La situation est comparable à celle d'un vétérinaire qui administre lui-même un médicament à un animal lors du traitement: la livraison du médicament est considérée comme accessoire au traitement et elle est imposable au même taux que celui-ci, soit au taux réduit lorsqu'il s'agit d'un traitement thérapeutique donné à un animal faisant partie de ceux mentionnés à l'art. 27 al. 1 lettre a ch. 1 OTVA (brochure de l'Administration fédérale no 20 concernant les vétérinaires, les refuges pour animaux et l'élevage d'animaux, pt 3.1 et 3.5).
4.
4.1 Dans la mesure du possible, la TVA doit être neutre quant à ses effets, soit ne pas influencer la concurrence entre les entreprises. Elle doit ainsi être conçue de manière large et englober de la même façon tous les biens et les prestations de services fournis sur le territoire national. Par ailleurs, un cumul d'impôt provenant de l'imposition des biens et des prestations de services à plusieurs stades de la production et de la distribution, ainsi que lors de l'importation, doit être évité. La déduction de l'impôt préalable sert ce but. La neutralité concurrentielle de la TVA est réalisée lorsque la charge d'impôt finale auprès du consommateur est constante, quel que soit le chemin par lequel le bien ou la prestation de services lui est parvenu.
Ce principe s'adresse en premier lieu au législateur, puis à l'administration; il peut également être pris en compte pour l'interprétation du droit régissant la TVA. Le contribuable ne peut toutefois s'en prévaloir que dans la mesure où les art. 8 et 27 Cst. (auparavant art. 4 et 31 aCst. ) lui confèrent un droit à l'égalité de traitement (ATF 125 II 326 consid. 10a p. 345; 124 II 193 consid. 8a p. 210-211).
4.2 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances; le traitement différent ou semblable injustifié doit se rapporter à une situation de fait importante (ATF 130 V 18 consid. 5.2 p. 31; 129 I 265 consid. 3.2 p. 268-269 et la jurisprudence citée).
Selon le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique découlant des art. 27 et 94 Cst. (qui ont à cet égard la même portée que l'art. 31 aCst., cf. Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I p. 1 ss, p. 176-178 et 298), sont interdites les mesures qui causent une distorsion de la compétition entre concurrents directs, c'est-à-dire celles qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence. On entend par concurrents directs les membres de la même branche qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. A cet égard, les art. 27 et 94 Cst. (comme auparavant l'art. 31 aCst.) offrent une protection plus étendue que celle de l'art. 8 Cst. (auparavant 4 aCst.; ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée).
5.
En l'occurrence, selon l'inscription au registre du commerce, Swissgenetics est une société coopérative qui a son siège à Zollikofen (BE). Ses activités sont les suivantes: pratiquer l'insémination artificielle des bovins, des chevaux et du petit bétail et en particulier produire, conditionner et stocker de la semence; commercialisation de la semence; diffusion de la semence; prestations de services liées aux activités précitées.
Lorsque Swissgenetics se limite à livrer de la semence bovine, elle doit décompter la TVA au taux ordinaire. Dans cette mesure, il y a égalité de traitement avec le recourant.
En revanche, lorsque Swissgenetics fournit des prestations d'insémination artificielle, la livraison de semence bovine est imposable au taux réduit (cf. consid. 3 ci-dessus). Le recourant critique cette solution et l'autorité intimée se demande si l'application du taux réduit à la médecine vétérinaire concernant le bétail, les volailles et les poissons (art. 27 al. 1 lettre a OTVA) est fondée. Comme celle-ci le reconnaît d'ailleurs, cette question sort de l'objet du litige. La contestation porte en effet sur l'imposition des prestations du recourant et non de celles de Swissgenetics. Par ailleurs, le principe même de l'imposition à un taux unique - celui de la prestation principale - de l'ensemble des éléments qui forment une prestation composite n'est pas remis en cause. Il convient donc d'examiner seulement si le recourant peut se prévaloir de l'égalité de traitement avec Swissgenetics, afin d'obtenir que ses livraisons de semence bovine soient imposées également au taux réduit.
Fournir des prestations d'insémination artificielle (y compris la livraison de la semence) n'équivaut pas à livrer la seule semence bovine. Il s'agit de prestations différentes qui satisfont des besoins différents. Peu importe que la livraison de semence constitue l'un des éléments de la prestation (composite) consistant à pratiquer une insémination artificielle. De manière analogue, le Tribunal de céans a jugé que les techniciens-dentistes et les dentistes ne sont pas des concurrents directs, quand bien même leurs prestations respectives ont pour objet les mêmes prothèses dentaires ou appareils orthodontiques (ATF 124 II 193 consid. 8c p. 212-213). Dans un autre registre, la prestation consistant à vendre et servir des boissons et de la nourriture dans les trains (service minibar) n'est pas identique à celle des magasins d'alimentation situés dans les gares, bien que les deux types de prestations portent largement sur les mêmes produits (arrêt 2A.68/2003 du 31 août 2004, consid. 6.3). Par conséquent, dans la mesure où elle pratique l'insémination artificielle, Swissgenetics ne se trouve ni dans une situation comparable, ni dans un rapport de concurrence directe avec le recourant, qui ne peut sur cette base obtenir que ses livraisons soient également imposables au taux réduit.
Swissgenetics et le recourant sont en revanche des concurrents directs dans la mesure où celle-là commercialise de la semence bovine. Comme il a été dit, les prestations de Swissgenetics sont alors imposées au même taux (ordinaire) que celles du recourant, de sorte qu'il n'y a pas, ici non plus, inégalité de traitement prohibée. Les art. 8 et 27 Cst. n'ont donc pas été violés.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
Succombant, le recourant supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la Commission fédérale de recours en matière de contributions.
Lausanne, le 11 mars 2005
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: