BGer H 118/2004
 
BGer H 118/2004 vom 19.05.2005
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
H 118/04
Arrêt du 19 mai 2005
IVe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M. Wagner
Parties
U.________, recourant,
contre
Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève, intimée
Instance précédente
Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève
(Jugement du 7 avril 2004)
Faits:
A.
U.________, né le 16 juillet 1942, a épousé V.________ le 12 septembre 1997, à X.________.
Sans activité lucrative depuis 1996, U.________ est au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité. Celui-ci perçoit également une rente de la Caisse de pensions de l'Helvetia Patria Assurances. Le 30 août 2001, il a rempli à l'attention de la Caisse cantonale genevoise de compensation un questionnaire d'affiliation des personnes sans activité lucrative, dans lequel il indiquait qu'il vivait en Espagne depuis le 8 mai 2000. Comme il avait aussi indiqué qu'il avait un domicile à X.________, le questionnaire a été complété en ce sens qu'il s'agissait de son adresse auprès de S.________ dans cette localité.
Procédant à l'affiliation et à la taxation de U.________ en tant que personne sans activité lucrative à partir du 1er janvier 1998, la Caisse cantonale genevoise de compensation, par quatre décisions du 20 février 2002, a réclamé à celui-ci des cotisations pour janvier à décembre 1998, 1999, janvier à mai 2000, ainsi que des intérêts moratoires.
B.
Le 14 mars 2002, U.________ a formé recours contre ces décisions devant la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI. Il déclarait qu'il était domicilié en Espagne depuis début 1997.
Dans sa réponse du 17 mai 2002, la caisse a conclu au rejet du recours.
Le 8 juillet 2002, U.________ a déposé ses observations. Il produisait copie de permis de résidence espagnols valables entre novembre 1996 et novembre 2002, ainsi qu'un certificat de la commune de Y.________ du 31 août 1998. La caisse a pu se déterminer sur ces documents.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, entré en fonction le 1er août 2003, a repris les compétences exercées jusque-là par la Commission de recours. Par jugement du 7 avril 2004, il a rejeté le recours, confirmant les décisions attaquées du 20 février 2002 en tant qu'elles fixent les cotisations à 2'322 fr. 65 au total pour la période du 1er janvier 1998 au 8 mai 2000.
C.
La juridiction cantonale a transmis au Tribunal fédéral des assurances, comme objets de sa compétence, une lettre du 24 avril 2004 par laquelle U.________ déclare former recours contre le jugement du 7 avril 2004 et une autre lettre datée du 6 mai 2004, dans laquelle celui-ci a produit un certificat de nationalité et d'immatriculation établi le 26 avril 2004 par le Consulat général de Suisse à Barcelone. Dans un courrier expédié le 9 décembre 2004, U.________, par lettre datée du 27 novembre 2004, produit la promesse de mariage avec V.________ du 19 mars 1997.
La Caisse cantonale genevoise de compensation conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.
Considérant en droit:
1.
1.1 Selon la jurisprudence (ATF 127 V 353), on ne peut produire de pièces nouvelles après l'échéance du délai de recours, sauf dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures. Il convient toutefois de réserver le cas où de telles pièces constituent des faits nouveaux importants ou des preuves concluantes au sens de l'art. 137 let. b OJ et pourraient dès lors justifier la révision de l'arrêt du tribunal.
1.2 Il n'y a pas lieu de prendre en considération la lettre du recourant datée du 27 novembre 2004 et la pièce déposée en annexe, l'ensemble de ces documents ayant été produits après l'échéance du délai de recours et ne répondant pas aux conditions prévues par la jurisprudence pour être cependant retenus.
2.
2.1 Le litige a trait au statut du recourant en matière d'AVS, respectivement porte sur le point de savoir s'il était domicilié en Suisse entre le 1er janvier 1998 et le 8 mai 2000 et si des cotisations personnelles sont dues pendant cette période.
2.2 Le litige n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ, selon lequel le Tribunal fédéral des assurances n'est pas lié par les conclusions des parties en matière de contributions publiques, lorsque le litige porte sur la violation du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incomplète des faits.
3.
Les décisions administratives litigieuses ont été rendues avant l'entrée en vigueur (le 1er juin 2002) de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes. Cet accord, en particulier son annexe II qui règle la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne s'applique dès lors pas à la présente procédure (ATF 128 V 315).
4.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, en particulier l'abrogation de l'art. 95a LAVS (en vigueur du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002). Le cas d'espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, conformément au principe général de droit transitoire, selon lequel - même en cas de changement des bases légales - les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 et les références; cf. aussi ATF 130 V 329).
5.
5.1 Sont notamment assurées obligatoirement les personnes physiques domiciliées en Suisse (art. 1 al. 1 let. a aLAVS). Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l'année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans; cette obligation cesse à la fin du mois où les femmes atteignent l'âge de 64 ans, les hommes l'âge de 65 ans (art. 3 al. 1 deuxième phrase LAVS).
Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). La jurisprudence actuelle (ATF 127 V 238 consid. 1, 125 V 77 consid. 2a, 120 III 8 consid. 2a) ne se fonde toutefois pas sur la volonté intime de l'intéressé, mais sur l'intention manifestée objectivement et reconnaissable pour les tiers. L'intention de s'établir peut se concrétiser sans égard au statut de la personne du point de vue de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales (ATF 120 III 8 consid. 2b et les références). Toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau (art. 24 al. 1 CC). Pour savoir quel est le domicile d'une personne, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalisent un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 102 consid. 3 et les auteurs cités).
5.2 L'art. 95a LAVS a été introduit dans la loi par la novelle du 7 octobre 1994 (10e révision de l'AVS). Réglant la définition du domicile, cette disposition légale, en vigueur du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002, prévoyait que le domicile au sens du code civil est déterminant.
Selon la jurisprudence constante rendue par le Tribunal fédéral des assurances avant l'entrée en vigueur des dispositions modifiées par la 10e révision de l'AVS, l'expression « domicilié en Suisse » au sens des art. 42 al. 1 LAVS, 39 al. 1 et 42 al. 1 LAI impliquait que l'assuré ait eu dans ce pays non seulement son domicile d'après les critères du droit civil mais aussi sa résidence effective, avec la volonté de la conserver et de maintenir le centre de toutes ses relations en Suisse (ATF 111 V 182 consid. 4, 105 V 168 consid. 3b; ATFA 1966 p. 23, et les références). Comme l'exigence relative à la « résidence effective » a été codifiée sous les termes de « résidence habituelle » par la 10e révision, on doit considérer que la notion de domicile au sens de l'art. 95a LAVS, en relation avec les art. 42 al. 1 LAVS, 39 al. 1 et 42 al. 1 LAI, correspond à la notion de domicile au sens strict (« domicile d'après les critères du droit civil ») définie par la jurisprudence relative à l'ancien droit (ATF 130 V 405 consid. 5.2).
6.
6.1 Selon les premiers juges, le fait que le recourant ait varié dans ses déclarations au sujet des dates rend vraisemblable qu'il n'a pas déplacé le centre de son existence et de ses relations personnelles en Espagne depuis 1996, voire le début de 1997, et qu'il a conservé son domicile Z.________ pendant la période du 1er janvier 1998 au 8 mai 2000. En effet, celui-ci n'a pas donné d'indications fiables quant à la date de son départ de Z.________ et l'on conçoit mal l'intérêt de l'épouse à quitter l'Espagne pour venir s'établir à Z.________ le 15 avril 1999, de surcroît à l'adresse de son mari, si ce n'est pour le rejoindre. Etant donné que le recourant a déclaré son départ aux autorités genevoises le 8 mai 2000 et que c'est également cette date qu'il a indiquée dans le questionnaire d'affiliation des personnes sans activité lucrative, la juridiction cantonale considère que les allégations de la caisse et les pièces qu'elle a produites établissent que celui-ci était bel et bien domicilié à Z.________ pendant la période litigieuse.
6.2 Le recourant fait valoir qu'il a quitté la Suisse en 1996, qu'il s'est inscrit auprès du Consulat général de Suisse à Barcelone pour pouvoir s'immatriculer et obtenir sa résidence en Espagne, mais qu'il a gardé une boîte aux lettres auprès de S.________, qui était sa voisine à X.________. Il déclare que son épouse est venue dans le canton de Genève pour apprendre la langue française et que, pour se voir, ou c'est lui qui se rendait en Suisse ou c'est sa femme qui venait en Espagne. A l'appui de ses affirmations, il fait remarquer qu'il n'aurait pas pu obtenir à partir de 1996 des permis de résidence en Espagne ni acquérir en 2002 la nationalité espagnole s'il était resté domicilié en Suisse.
6.3
6.3.1 En procédure cantonale, le recourant a produit en annexe à ses observations du 8 juillet 2002 un certificat du 31 août 1998, selon lequel il était domicilié à Y.________. A partir du moment où il informait la juridiction de première instance que le Consulat général de Suisse à Barcelone avait rejeté comme tardive sa demande d'affiliation à l'AVS/AI facultative et où il l'invitait à compléter auprès du Consulat général les recherches en ce qui concerne son domicile, il appartenait à l'instance inférieure de réunir d'office les preuves nécessaires (ATF 121 II 99 consid. 1c et 120 V 485 consid. 1b déjà cités).
6.3.2 Le certificat de nationalité et d'immatriculation établi par le Consulat général de Suisse à Barcelone le 26 avril 2004, atteste que le recourant est inscrit auprès du Consulat général depuis le 18 juin 1996.
Les données communiquées par l'Office cantonal de la population, sur lesquelles se sont fondés l'intimée et les premiers juges, indiquent qu'entre le 1er décembre 1996 et le 8 mai 2000, le recourant avait une adresse dans le canton de Genève auprès de S.________, à X.________. En ce qui concerne l'épouse du recourant, elles indiquent également qu'entre le 15 avril 1999 et le 14 mars 2002, celle-ci avait dans le canton de Genève la même adresse que son mari auprès de S.________, à X.________.
Contrairement aux constatations des premiers juges, les pièces produites par l'intimée ne permettent pas de conclure que le recourant était domicilié à X.________ pendant la période litigieuse du 1er janvier 1998 au 8 mai 2000. Le fait que, selon les données communiquées par l'Office cantonal de la population, celui-ci avait entre le 1er décembre 1996 et le 8 mai 2000 une adresse auprès de S.________ à X.________ est seulement l'indice d'un lien avec X.________. Il en va de même en ce qui concerne V.________ dès le 15 avril 1999, date à partir de laquelle l'épouse du recourant avait la même adresse que celui-ci auprès de S.________ à X.________.
En définitive, l'ensemble des conditions de vie du recourant et de son épouse indiquent que pendant la période litigieuse du 1er janvier 1998 au 8 mai 2000, celui-ci avait conservé un lien avec la Suisse, mais que le centre de son existence se trouvait en Espagne, à Y.________. C'est là, en effet, que se focalisaient un maximum d'éléments concernant la vie personnelle et sociale du recourant et de son épouse, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec X.________ (ATF 125 III 102 consid. 3 déjà cité). Depuis le 18 juin 1996, le recourant est inscrit auprès du Consulat général de Suisse à Barcelone. Son permis de résidence initial à Y.________, du 6 novembre 1996, a été renouvelé le 6 novembre 1997 pour une durée de cinq ans. En 1998, le recourant et son épouse avaient leur domicile à Y.________, ainsi que l'atteste le certificat du 31 août 1998. L'intensité des liens avec ce lieu l'emporte sur les liens existant avec X.________, même si V.________, entre le 15 avril 1999 et le 14 mars 2002, avait dans le canton de Genève la même adresse que son mari auprès de S.________, à X.________.
6.4 Faute d'être domicilié en Suisse pendant la période litigieuse, le recourant ne remplit pas la condition de l'art. 1 al. 1 let. a aLAVS pour être assuré à titre obligatoire. Il ne doit dès lors aucune cotisation personnelle pour la période du 1er janvier 1998 au 8 mai 2000. La question des intérêts moratoires ne se pose pas.
7.
Vu la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, du 7 avril 2004, et les quatre décisions de la Caisse cantonale genevoise de compensation du 20 février 2002 sont annulés.
2.
Les frais de justice, d'un montant de 600 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 600 fr., lui est restituée.
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 19 mai 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
pour le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: