BGer 6S.149/2005
 
BGer 6S.149/2005 vom 31.05.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
6S.149/2005 /fzc
Arrêt du 31 mai 2005
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Zünd.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
X.________,
recourant,
représenté par Me Christophe Wilhelm, avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Expulsion (art. 55 CP),
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 23 février 2005.
Faits:
A.
Par jugement du 9 décembre 2004, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a condamné X.________, pour fabrication et mise en circulation de fausse monnaie et infraction à la loi fédérale sur les armes, à la peine de 15 mois d'emprisonnement, partiellement complémentaire à deux autres, infligées, respectivement, le 2 avril 2003 par le Juge d'instruction de Lausanne et le 11 septembre 2003 par le Juge d'instruction de La Côte. Il a en outre prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans.
Saisie d'un recours du condamné, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 23 février 2005.
B.
Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Ressortissant de Serbie et Monténégro, X.________, né en 1969, est titulaire d'un permis B. De 1993 jusqu'au début de l'année 2004, il a travaillé pour une entreprise de jardinage à A.________, à l'entière satisfaction de son employeur. Il vit séparé de sa compagne, avec laquelle il a eu trois enfants, qui vivent auprès de leur mère à Lausanne. Il entretient une relation intime avec une autre femme.
Le casier judiciaire de X.________ fait état de quatre condamnations, prononcées entre le 17 septembre 1998 et le 11 septembre 2003, à des peines d'emprisonnement - respectivement de 10 jours, 20 jours, 139 jours et 14 jours -, dans trois cas assorties d'une amende. Ces peines sanctionnaient essentiellement des infractions à la législation routière, mais aussi à deux reprises des infractions à la législation sur les armes. Les sursis assortissant les deux premières ont par la suite été révoqués.
B.b Vraisemblablement depuis le début de l'année 2004 et jusqu'à son arrestation le 19 mars 2004, X.________ a confectionné une quantité indéterminée de faux billets de banque, de 100 fr. et 200 fr., et les a mis en circulation en Suisse dans des proportions que l'enquête n'a pu établir. Pour ce faire, il s'est muni d'un appareil spécialisé faisant office de photocopieur et de scanner, d'une imprimante couleur et de deux stylos argentés servant à imiter les fils de sécurité et les kinégrams. A son domicile, les enquêteurs ont retrouvé environ 200 fausses coupures ainsi qu'une coupure authentique de 100 fr., collée sur la vitre de l'appareil de reproduction et qui portait le même numéro de série que les faux.
Lors de l'interpellation de X.________, la police a en outre trouvé à son domicile un pistolet CRVENA de calibre 7,65 mm, dont le magasin contenait six cartouches et qui était dissimulé dans l'accoudoir du canapé sur lequel il dormait. Ont également été saisis trois autres pistolets, une boîte de munitions et un accessoire pour fusil de chasse. A cet égard, il a été relevé que seule la détention de la première arme constitue une infraction à la législation sur les armes. Parmi les objets séquestrés, figurent encore une quinzaine de téléphones portables.
B.c En substance, la cour cantonale, devant laquelle seuls ces points étaient contestés, a considéré que tant le principe et la durée de l'expulsion que le refus de l'assortir du sursis étaient justifiés.
C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 55 CP, subsidiairement de l'art. 41 ch. 1 CP en relation avec l'art. 55 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire.
Parallèlement, il a déposé une requête d'effet suspensif, qui a été admise par ordonnance présidentielle du 29 avril 2005.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant n'est pas recevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67; 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).
2.
Le recourant conteste le principe de son expulsion.
2.1 Il fait valoir qu'il vit depuis une douzaine d'années en Suisse, où il est au bénéfice d'un permis B et où il a travaillé pendant une dizaine d'années pour la même entreprise, dans laquelle il pourrait retourner à sa sortie de détention. Il invoque également ses liens avec ses trois enfants, insistant notamment sur les visites qu'ils lui ont rendues pendant sa détention et sur le besoin qu'ils ont de leur père. Il relève encore qu'il n'a que peu d'attaches avec son pays d'origine, où il n'est retourné qu'une seule fois depuis qu'il est en Suisse et que ses enfants, qui sont nés en Suisse, n'ont jamais visité. Il estime que, dans ces conditions, son expulsion ne pourrait se justifier que s'il présentait un danger sérieux pour la sécurité publique, ce qui devrait être nié au vu des infractions, non empreintes de violence, commises.
2.2 Bien qu'elle soit de manière prépondérante une mesure servant à la protection de la sécurité publique, l'expulsion est aussi une peine accessoire réprimant une infraction. Elle doit donc être fixée en tenant compte non seulement du but de sécurité publique qu'elle remplit mais aussi des critères qui régissent la fixation d'une peine, soit d'après la culpabilité du délinquant, eu égard aux mobiles, aux antécédents et à la situation personnelle de celui-ci. Le juge dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que la Cour de cassation n'intervient que s'il s'est fondé sur des critères non pertinents ou s'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en prenant une décision exagérément sévère ou clémente (ATF 123 IV 107 consid. 1 p. 108 s.).
La jurisprudence exige de ne prononcer qu'avec retenue l'expulsion d'un étranger qui vit depuis longtemps en Suisse, y est bien intégré et n'a plus guère de relation avec l'étranger et qu'une expulsion pourrait donc frapper lourdement (ATF 123 IV 107 consid. 1 p. 109; 104 IV 222 consid. 1b p. 223). Elle ne l'exclut cependant pas, même dans le cas d'un étranger au bénéfice d'un permis d'établissement, soit d'un permis C (ATF 123 IV 107 consid. 1 p. 109; 112 IV 70).
2.3 L'argumentation du recourant se réduit très largement, si ce n'est exclusivement, à se prévaloir à nouveau d'éléments qu'il avait déjà invoqués devant la cour cantonale, qui les a examinés et réfutés point par point, sans qu'il ne critique réellement les objections que celle-ci lui a opposées. On peut dès lors s'interroger quant à la recevabilité du grief sous l'angle des exigences minimales de motivation de l'art. 273 al. 1 let. b PPF, qui implique que le recourant expose au moins succinctement dans son mémoire en quoi, sur les points qu'il conteste, le raisonnement de l'arrêt attaqué - qui seul peut faire l'objet du pourvoi (art. 268 ch. 1 PPF) - viole le droit fédéral (ATF 129 IV 6 consid. 5.1 p. 19 et les références citées). Quoiqu'il en soit, pour les motifs exposés ci-après, le grief est infondé.
2.4 S'agissant du fait que le recourant a été mis au bénéfice d'un permis B, l'arrêt attaqué observe qu'un rapport de police du 28 avril 2004 fait apparaître que ce permis serait échu depuis juillet 2004, ce qui n'est en rien contesté. Au demeurant, à lui seul cet élément ne suffirait pas à faire admettre que l'expulsion du recourant viole le droit fédéral, étant rappelé que même le bénéfice d'un permis C n'exclut pas le prononcé d'une expulsion (cf. supra, consid. 2.2).
Contrairement à ce que laisse entendre le recourant, il n'est nullement certain qu'il puisse retrouver son emploi auprès de l'entreprise de jardinage qui l'a occupé pendant une dizaine d'années. L'arrêt attaqué constate en effet que le recourant a pris le parti de quitter délibérément cet emploi au début de l'année 2004, en cessant de se rendre au travail sans en avertir son employeur, pour se lancer dans la fabrication de fausse monnaie. A supposer que le recourant ait réellement l'intention de reprendre cet emploi, son réengagement est donc à tout le moins douteux.
Le recourant insiste par ailleurs vainement sur ses relations avec ses enfants, sur le besoin qu'ils ont de lui et sur le fait qu'ils ne se sont jamais rendus dans son pays d'origine. Cette argumentation repose largement sur le contenu d'un courrier du Service de protection de la jeunesse (SPJ) du 13 janvier 2005 qu'il a produit devant la cour cantonale, qui a déclaré la production de cette pièce irrecevable. Au demeurant, l'arrêt attaqué observe subsidiairement que, de toute manière, cette pièce n'infirme pas le constat des premiers juges selon lequel le recourant, tant qu'il était en liberté, préférait passer ses week-ends avec sa nouvelle amie plutôt qu'avec ses enfants et ne se souciait guère de ces derniers, dont il avait admis, à l'époque où il n'était pas encore sensibilisé à la question de l'expulsion, qu'il les voyait "parfois" et ne leur donnait pas d'argent. Les enfants du recourant, dont on ignore la nationalité, vivent d'ailleurs auprès de leur mère, dont on ignore également la nationalité et dont le recourant vit séparé.
Même si elles ont pour l'essentiel porté sur des infractions mineures, le recourant a déjà fait l'objet, depuis septembre 1998, de quatre condamnations, qui ne l'ont pas dissuadé de la récidive, malgré la révocation de sursis antérieurs. Actuellement, il doit répondre de fabrication et de mise en circulation de fausse monnaie et, pour la troisième fois, d'infraction à la loi fédérale sur les armes. Il ne s'agit pas d'infractions bénignes et, de par leur nature, elles fondent la crainte qu'il ne mette en danger la sécurité publique, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un comportement délictueux isolé et que le recourant a par ailleurs été décrit comme un individu certes intelligent mais retors et comme un menteur effronté. Dès lors et compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués, en particulier du fait que le recourant n'a pas de réelle perspective d'emploi, n'a qu'un lien distendu avec ses enfants et ne peut au reste invoquer aucune véritable attache dans le pays, on ne saurait dire que les juges cantonaux auraient abusé de leur pouvoir d'appréciation en prononçant son expulsion.
Quant à la durée de l'expulsion, elle n'est plus contestée en instance fédérale, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question.
2.5 Le grief de violation de l'art. 55 CP doit par conséquent être rejeté autant qu'il est recevable.
3.
Subsidiairement, le recourant se plaint du refus du sursis à l'expulsion.
3.1 Il invoque essentiellement ses liens avec ses enfants et le fait que l'exécution de l'expulsion aura pour effet de les séparer de lui, reprochant à la cour cantonale de n'avoir pas examiné la question d'un pronostic favorable au regard de cet élément. Evoquant les années qu'il a passées en Suisse en travaillant, il fait également valoir ses meilleures chances de réinsertion sociale dans le pays.
3.2 Le sursis à l'expulsion dépend exclusivement du pronostic relatif au comportement futur du condamné en Suisse. Les éléments à prendre en considération pour poser ce pronostic ont été exposés dans l'ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 111 s., auquel on peut se référer. Il doit toutefois être rappelé que les chances de resocialisation ne jouent ici pas de rôle (ATF 123 IV 107 consid. 4 p. 111; 119 IV 195 consid. 3b et 3c p. 198 et la jurisprudence citée). Pour le surplus, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que sa décision ne sera annulée que si elle apparaît exagérément sévère ou clémente au point qu'on puisse lui reprocher d'en avoir abusé (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198; 117 IV 3 consid. 2b p. 5 et la jurisprudence citée).
3.3 Ainsi qu'il résulte du considérant 2.4 ci-dessus, les relations du recourant avec ses enfants sont loin d'avoir l'importance et l'intensité qu'il leur prête et ne l'ont au demeurant, jusqu'ici, pas dissuadé de la récidive. De même, l'exercice d'un emploi stable, qu'il a d'ailleurs pris l'initiative de quitter pour se livrer à la fabrication de fausse monnaie, ne l'a pas incité à se détourner de la délinquance. Dans ces conditions, il n'y avait pas d'abus du pouvoir d'appréciation à nier, comme l'a fait la cour cantonale, qui a donc examiné la question, que les éléments invoqués puissent suffire à fonder un pronostic favorable quant au comportement futur du recourant.
Le refus du sursis à l'expulsion ne viole donc pas le droit fédéral.
4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 31 mai 2005
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: