Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
B 19/05
Arrêt du 28 juin 2005
IIIe Chambre
Composition
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier : M. Berthoud
Parties
Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, rue Caroline 11, 1003 Lausanne, recourante,
contre
1. A.________,
2. B.________,
intimés, tous les deux représentés par Me Minh Son Nguyen, avocat, rue du Simplon 13, 1800 Vevey
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 10 mai 2004)
Faits:
A.
A.________, né en 1941, et B.________, née en 1943, se sont mariés le 12 décembre 1973. Par jugement entré en force et exécutoire du 4 juillet 2002, le Président du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois a prononcé le divorce des intéressés et ratifié les chiffres 1 à 6 de leur convention sur les effets du divorce. A ce titre, il a ordonné à la Caisse de pensions de l'État de Vaud (la caisse de pension) de prélever du compte de prévoyance professionnelle de A.________ la somme de 191'996 fr. et de verser ce montant sur le compte de B.________, également assurée auprès d'elle.
Le 29 août 2002, la caisse de pensions a avisé le Président du tribunal d'arrondissement qu'elle ne pouvait transférer le montant requis, car A.________, âgé de 61 ans et 2 mois lors du divorce, avait atteint l'âge de la retraite réglementaire et ne pouvait plus prétendre une prestation de sortie. La caisse a maintenu sa position dans une lettre du 22 juillet 2003.
B.
Le 14 janvier 2004, les ex-conjoints ont saisi le Tribunal des assurances du canton de Vaud en concluant qu'ordre fût donné à la caisse de pensions de transférer le montant de 191'996 fr., intérêts en sus, du compte de A.________ à celui de B.________.
Par jugement du 10 mai 2004, notifié le 20 décembre de la même année, la juridiction cantonale a admis la demande et a donné ordre à la caisse de pensions de débiter le compte de A.________ de la somme de 191'996 fr., valeur au 16 juillet 2002, et d'en créditer celui de son ex-épouse, intérêts compensatoires en sus dès cette date.
C.
La caisse de pensions interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Elle conclut à sa réforme en ce sens que la demande de A.________ et de B.________, tendant au partage des fonds de prévoyance du premier dans le cadre du divorce, soit rejetée.
Les intimés concluent au rejet du recours, avec suite de dépens, ce que l'Office fédéral des assurances sociales propose également dans son préavis.
Considérant en droit:
1.
La contestation ici en cause relève des autorités juridictionnelles mentionnées à l'art. 73 LPP, du point de vue de la compétence ratione temporis et de la compétence ratione materiae (ATF 130 V 104 consid. 1.1, 112 consid. 3.1.2, 128 II 389 consid. 2.1.1, 128 V 258 consid. 2a, 120 V 18 consid. 1a et les références); le recours de droit administratif est recevable de ce chef.
2.
Selon l'art. 122 al. 1 CC, lorsqu'un époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du mariage selon les dispositions de la LFLP. D'après l'art. 141 al. 1 CC, lorsque les conjoints sont parvenus à un accord quant au partage des prestations de sortie et aux modalités de son exécution et qu'ils produisent une attestation des institutions de prévoyance professionnelle concernées confirmant le caractère réalisable de cet accord et le montant des avoirs déterminants pour le calcul des prestations de sortie à partager, la convention ratifiée, est également contraignante pour les institutions de prévoyance professionnelle.
Une indemnité équitable est due lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux ou pour les deux ou que les prétentions en matière de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage ne peuvent être partagées pour d'autres motifs (art. 124 al. 1 CC).
3.
Les premiers juges ont considéré que le jugement du 4 juillet 2002 ratifiant la convention des époux quant au partage des avoirs de prévoyance n'était pas opposable à la recourante en l'absence d'une attestation de celle-ci confirmant le caractère réalisable de l'accord passé entre les intéressés. Aussi se sont-ils déclarés compétents pour connaître du litige qui leur était soumis. Au fond, ils ont retenu que les dispositions de la recourante ne contraignaient pas ses affiliés à prendre une retraite anticipée, mais leur en offraient simplement la possibilité. L'autorité de nomination n'ayant pas fait usage de la possibilité de mettre A.________ à la retraite dès l'âge terme minimal et celui-ci n'ayant pas manifesté l'intention de la prendre, l'accord convenu entre les intimés était réalisable. Aussi, les premiers juges ont-ils rendus à l'encontre de la caisse de pension un jugement condamnatoire dans le sens de la convention ratifiée par le juge du divorce, avec suite d'intérêts compensatoires.
Pour la recourante, en l'espèce, le partage de la prestation de sortie acquise durant le mariage n'est pas réalisable. S'agissant de A.________, le cas de prévoyance est survenu le 2 juillet 2001, dès lors que les membres de la caisse sont assimilés à des retraités lorsqu'ils cessent définitivement leurs fonctions après l'âge minimum de la retraite, quel qu'en soit le motif (cas d'invalidité excepté). En outre, selon la recourante, le fait du divorce ne devrait pas justifier le transfert d'une prestation de sortie d'une institution de prévoyance à une autre, si celui-ci n'est pas ou plus possible lorsque un assuré quitte la première pour entrer dans la seconde.
4.
4.1 Lorsqu'une institution de prévoyance refuse d'exécuter un jugement de divorce au motif que le partage prévu n'est pas réalisable, le juge des assurances sociales saisi d'une action par un des ex-époux créancier doit vérifier si le jugement en question est opposable à l'institution de prévoyance. Dans l'affirmative, il doit renvoyer le demandeur à agir par la voie de l'exécution forcée. Dans la négative, il doit entrer en matière sur l'action, vérifier le caractère réalisable de l'accord approuvé par le juge du divorce et rendre un jugement condamnatoire à l'encontre de l'institution de prévoyance ou constater que l'affaire est de la compétence du juge du divorce pour statuer sur l'indemnité équitable (ATF 129 V 444 consid. 4 et 5).
4.2 Dès lors que la recourante refusait d'effectuer le partage des avoirs de prévoyance selon le jugement du 4 juillet 2002, entré en force et exécutoire, les premiers juges ont examiné dans un premier temps si ce jugement lui était opposable. Le juge du divorce ayant ratifié l'accord passé entre les époux sans avoir observé les prescriptions de l'art. 141 CC, soit sans s'être assuré auprès de la recourante du caractère réalisable de la convention qui lui était soumise, les premiers juges ont considéré à juste titre que le jugement de divorce ne liait pas cette dernière et qu'il leur appartenait d'examiner si l'accord des époux quant au partage des prestations de sortie, ratifié par le juge du divorce, était réalisable.
5.
5.1 Si l'assuré quitte l'institution de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie (art. 2 al. 1 LFLP). En règle générale, le cas de prévoyance « vieillesse » se produit, pour les hommes, dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans et, pour les femmes, dès qu'elles ont atteint l'âge de 62 ans ( art. 13 al. 1 let. a et b LPP ; aujourd'hui 64 ans). Les dispositions réglementaires de l'institution peuvent toutefois prévoir que le droit aux prestations de vieillesse prend naissance dès le jour où l'activité lucrative prend fin (art. 13 al. 2 LPP).
L'assuré n'a ainsi droit à la prestation de sortie que s'il quitte l'institution de prévoyance avant d'avoir atteint l'âge réglementaire pour prendre une retraite anticipée. A l'exception des cas où le règlement de prévoyance fait dépendre l'octroi des prestations de vieillesse après l'âge terme minimum d'une déclaration de volonté correspondante de l'assuré (cf. Revue fiscale 58/2003 p. 169), le droit à la prestation de sortie n'est pas donné lorsque la résiliation du rapport de travail intervient à un âge auquel l'assuré peut en vertu des dispositions réglementaires de l'institution de prévoyance prétendre à des prestations de vieillesse au titre de la retraite anticipée (ATF 129 V 381 consid. 4 p. 382; 126 V 89 consid. 5a p. 92 [question laissée ouverte]; 120 V 306 consid. 4a p. 309 [ancien droit]).
La loi sur la caisse de pension de l'État de Vaud (LCP) prévoit que l'assuré qui cesse ses fonctions après l'âge minimum de la retraite, quel qu'en soit le motif (cas d'invalidité excepté), est assimilé à un retraité (art. 47 al. 1 LCP). Aussi, comme le fait valoir la recourante, A.________ ne pouvait-il plus prétendre à une prestation de sortie dès le 2 juillet 2001 s'il quittait la caisse de pension.
5.2 En cas de divorce, la situation est toutefois différente. De même que la survenance de l'âge donnant droit aux prestations de la prévoyance professionnelle chez un conjoint qui n'a jamais travaillé ou qui n'a jamais été affilié à une institution de prévoyance ne fait pas obstacle au partage de la prestation de sortie de l'autre époux (RSAS 2004 p. 572 consid. 5.1), le fait que l'un des conjoints ait atteint l'âge à partir duquel il peut prendre une retraite anticipée, selon les dispositions de son institution de prévoyance, n'empêche pas le partage de la prestation de sortie en cas de divorce (ATF 130 III 297 consid. 3.3.1). Par la survenance d'un cas de prévoyance au sens des art. 122 et 124 CC , il faut entendre la naissance d'un droit concret à des prestations de la prévoyance professionnelle, qui rend impossible le partage des avoirs de prévoyance à la base des prestations servies.
Un conjoint ne saurait en effet être privé de la moitié des avoirs de prévoyance à laquelle il a droit en cas de divorce en vertu de l'art. 122 al. 1 CC. Selon la volonté du législateur, chaque époux a un droit inconditionnel à la moitié des expectatives de prévoyance constituées pendant le mariage (ATF 129 III 577 consid. 4 p. 578; cf. Message concernant la révision du code civil suisse du 15 novembre 1995, FF 1996 I 1 ss, p. 101). En cas de divorce, la survenance du cas de prévoyance « vieillesse » se produit au moment où l'assuré perçoit réellement des prestations de vieillesse de son institution de prévoyance professionnelle, et non pas dès l'instant où il pourrait prendre une retraite anticipée selon le règlement de l'institution (Meyer-Blaser, Die Rechtsprechung vom Eidgenössischen Versicherungsgericht und vom Bundesgericht zum BVG, 2000-2004, in RSAS 2005 p. 264). Tant que l'assuré ne reçoit pas de telles prestations, le partage d'une prestation de sortie est possible et le conjoint y a droit en vertu de l'art. 122 al. 1 CC. Inversement, dès que l'assuré touche des prestations, le droit à la prestation de sortie s'éteint; un partage n'est techniquement plus possible et seule une indemnité équitable peut être fixée conformément à l'art. 124 al. 1 CC (ATF 129 V 444 consid. 5.1 p. 446 et les références).
Cette solution est retenue par la doctrine quasi unanime (Baumann/Lauterburg, Scheidung [éd. Ingeborg Schwenzer], 2005, N. 30ss ad art. 122-124; Geiser, Vorsorgeausgleich: Aufteilung bei Vorbezug für Wohneigentumserwerb und nach Eintreten eines Vorsorgefalls, FamPra.ch 2002 p. 86 et Berufliche Vorsorge im neuen Scheidungsrecht, in Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, n. 2.97; Walser, Commentaire bâlois, n. 4 ad art. 124 CC; Trigo Trindade, Prévoyance professionnelle, divorce et succession, SJ 2000 II p. 493; Kieser, Ehescheidung und Eintritt des Vorsorgefalles der beruflichen Vorsorge - Hinweise für die Praxis, PJA 2001 p. 155, 156; Grütter/Summermatter, Erstinstanzliche Erfahrungen mit dem Vorsorgeausgleich bei Scheidung, insbesondere nach Art. 124 ZGB, FamPra.ch 2002 p. 641, 647; Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, n. 3 ad art. 124 CC; contra: Schneider/Bruchez, La prévoyance professionnelle et le divorce, in Le nouveau droit du divorce, Lausanne 2000, p. 221 et n. 121). Sur ce point, la recourante oublie que l'exclusion du partage des avoirs de prévoyance entre les époux en cas de divorce n'a été retenue par le législateur que pour des raisons techniques et pragmatiques, réalisées notamment lorsque des prestations sont effectivement versées.
5.3 Au jour du prononcé de divorce, de même qu'au jour du jugement attaqué, A.________ exerçait toujours une activité au service de l'État de Vaud. Le partage était réalisable et le recours s'avère mal-fondé.
6.
Le litige ayant pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Succombant, la recourante versera aux intimés une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
La Caisse de pensions de l'État de Vaud versera aux intimés la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 28 juin 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IIIe Chambre: Le Greffier: