BGer U 116/2005
 
BGer U 116/2005 vom 29.06.2005
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
U 116/05
Arrêt du 29 juin 2005
IIe Chambre
Composition
MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme Moser-Szeless
Parties
K.________, recourante, représentée par Me Aba Neeman, avocat, place de l'Eglise 2, 1870 Monthey,
contre
La Bâloise Compagnie d'Assurances, Aeschengraben 21, 4051 Basel, intimée, représentée par Me Christian Grosjean, avocat, rue Etienne-Dumont 1, 1211 Genève
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 22 novembre 2004)
Faits:
A.
A.a K.________, née en 1954, travaille au service de X.________ depuis le 1er janvier 1976; elle y occupe le poste de monteuse depuis 1996. A ce titre, elle est obligatoirement assurée contre les accidents auprès de la Bâloise, Compagnie d'Assurances (ci-après: la Bâloise).
Le 7 mars 2002, l'employeur a adressé à la Bâloise une déclaration de maladie professionnelle concernant la prénommée. Selon un rapport du 19 février 2002 du docteur D.________, spécialiste en chirurgie de la main, la patiente présentait, depuis plusieurs mois, des paresthésies des deux mains, plus marquées à droite, accompagnées, plus récemment, de douleurs des faces interne et plus particulièrement externe du coude droit, développées à la suite d'un changement d'appareillage professionnel. Ce médecin a posé les diagnostics d'épicondylalgies droites, de neuropathie irritative, probablement réflexe, ulnaire au coude droit, de suspicion de syndrome du tunnel carpien bilatéral et de TOS droit.
Le docteur D.________ a adressé la patiente au docteur H.________, spécialiste FMH en neurologie, qui l'a examinée le 27 février 2002. Dans un rapport daté du lendemain, ce médecin a relevé que le status met en évidence des douleurs reproductibles assez diffusément sur l'ensemble du membre supérieur droit, à caractère atypique, évoquant un status fibromyalgique, éventuellement associé à une pathologie plus spécifique de type épicondylite ou épitrochléite; il n'y a pas d'autres anomalies, en particulier du point de vue neurologique.
A.b A la demande de la Bâloise, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a procédé à une enquête approfondie au poste de travail concerné du studio de X.________. Il s'est révélé à cette occasion que, sur treize collaborateurs, six avaient annoncé une maladie professionnelle. D'autres collaborateurs se seraient également plaints de douleurs. Toutes ces personnes attribuent leurs douleurs au nouveau système de montage mis en service en août 2001. Des collaborateurs d'une chaîne de télévision étrangère auraient connu des problèmes identiques. Comme causes des troubles, on évoque quatre facteurs différents: gestes répétitifs (mouvement de balayage avec le stylet sur la plaque tactile); position de travail (en raison des dimensions spécifiques des plaques tactiles, il n'est pas possible de poser les coudes, ce qui entraîne une fatigue); intensité du travail (qui dure entre huit et neuf heures et qui implique un stress et une sollicitation augmentant juste avant la diffusion d'une émission); planification du travail. En comparant les divers dossiers, on remarque l'importante hétérogénéité des diagnostics qui font état soit d'une tendinite grave, soit d'une épicondylite au coude, ou encore d'une ténosynovite au pouce, voire d'une tendinite de Quervain et d'une neuropathie irritante réflexe. On parle également de syndrome du tunnel carpien, de syndrome de thoracic outlet ou encore de tendinite du biceps. Même si les diagnostics posés diffèrent fortement les uns par rapport aux autres, ils ont cependant un dénominateur médical commun. En effet, on peut les regrouper sous la désignation générique de «repetitive strain injuries», termes qui désignent un nombre de troubles non spécifiques en relation avec les activités répétitives, notamment le travail à l'écran. Diverses recommandations ont été formulées afin d'aménager le poste de travail des personnes intéressées (rapport du 17 février 2003 des docteurs V.________, spécialiste FMH en chirurgie et U.________, spécialiste FMH en médecine interne, tous deux rattachés à la CNA).
Le docteur V.________ a en outre établi le 26 février 2003 une appréciation médicale à l'intention de la Bâloise concernant plus particulièrement K.________. Ce médecin estime que, d'un point de vue clinique, les résultats avec la reproductibilité la plus fiable sont les résultats au niveau du coude droit, où les médecins consultés confirment l'existence d'une épicondylopathie radiale et médiale. La façon de travailler de l'assurée a pu être observée le 11 février 2003. Il n'y a pas de facteurs permettant de conclure à une sursollicitation mécanique permanente des muscles radiaux de l'avant-bras dans la zone des insertions proximales du coude droit. L'épicondylopathie du coude est imputable à des altérations dégénératives des insertions au coude des tendons extenseurs radiaux. C'est dans la cinquième décennie que sa fréquence est la plus élevée, soit la classe d'âge dont fera prochainement partie K.________. Sur la base des dernières études histologiques, il faut conclure que des influences mécaniques dans le sens de microlésions peuvent uniquement jouer un rôle algogène dans l'apparition de l'épicondylopathie radiale, même lors d'activités sollicitant le coude, mais qu'elles ne sont pas la cause à proprement parler de l'épicondylopathie. Le docteur V.________ fait au surplus référence à une étude des docteurs Erich Bär et Bertrand Kiener, de la division médicale de la CNA, intitulée «L'épicondylite n'est pas une maladie professionnelle, Un changement de paradigme sur le plan médical» (publiée dans les Informations médicales de la CNA, n° 72, automne 2000, p. 70 sv.).
A.c Par décision du 29 juillet 2003, confirmée par une décision sur opposition du 19 mars 2004, la Bâloise a refusé de prendre en charge le cas, au motif que les troubles présentés par l'assurée ne pouvaient pas être attribués à une maladie professionnelle.
B.
K.________ a recouru contre cette décision. Elle a conclu, notamment, à la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
Statuant le 22 novembre 2004, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté à la fois la demande d'expertise et le recours.
C.
K.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut à ce que les affections relatives à son bras droit soient considérées comme une maladie professionnelle. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au tribunal des assurances pour mise en oeuvre d'une expertise médicale.
La Bâloise conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé à son sujet.
Considérant en droit:
1.
La question litigieuse est de savoir si les troubles présentés par la recourante sont ou non la conséquence d'une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 LAA.
Selon cette disposition, sont aussi réputées maladies professionnelles (selon la clause dite générale) les autres maladies dont il est prouvé qu'elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l'exercice de l'activité professionnelle. Cette clause générale répond au besoin de combler d'éventuelles lacunes qui subsisteraient dans la liste que le Conseil fédéral est chargé d'établir en vertu de l'art. 9 al. 1 LAA (ATF 116 V 141 consid. 5a et les références).
2.
Se fondant sur l'appréciation du docteur V.________ du 26 février 2003, les premiers juges retiennent que l'assurée souffre d'une épicondylopathie radiale et médiale. Ils considèrent, sur la base de cette même appréciation et de l'étude des docteurs Bär et Kiener à laquelle elle se réfère, qu'en raison de l'origine multifactorielle de l'affection, dans laquelle l'âge et la constitution jouent un rôle important, la preuve d'une relation de causalité qualifiée entre l'activité professionnelle de la recourante et l'épicondylopathie dont elle souffre n'est pas rapportée.
3.
3.1 Dans le passé, la CNA reconnaissait, sous certaines conditions, le caractère de maladie professionnelle à l'épicondylite. L'étude des docteurs Bär et Kiener l'a amenée à modifier cette pratique. Dans l'arrêt publié aux ATF 126 V 183, le Tribunal fédéral des assurances s'est exprimé sur cette modification de pratique. Il a estimé ne pas disposer des connaissances suffisantes pour se prononcer sur son bien-fondé, en particulier sur le point de savoir si elle reflétait l'état des connaissances médicales actuelles et largement partagées par la communauté des spécialistes. Aussi bien a-t-il renvoyé la cause à l'autorité judiciaire cantonale (en l'occurrence le Tribunal administratif du canton de Berne) pour qu'il mette en oeuvre une expertise médicale. Cette jurisprudence a été confirmée dans les arrêts G. du 16 avril 2002 (U 307/00) et S. du 16 mai 2003 (U 115/01): dans ces deux affaires, le Tribunal fédéral des assurances a renvoyé la cause à l'assureur pour qu'il complète l'instruction sur le plan médical, étant précisé que ce dernier avait la possibilité de se procurer l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif du canton de Berne.
En revanche, dans deux arrêts, auxquels se réfèrent les premiers juges, le Tribunal fédéral des assurances a fait siennes les conclusions des docteurs Bär et Kiener. Il a dès lors nié l'obligation de l'assureur-accidents de prendre en charge, au titre de maladie professionnelle, les conséquences d'une épicondylite (RAMA 2000 n° U 408 p. 407; arrêt V. du 20 mars 2003 [U 381/01]).
3.2 Dans un arrêt de principe subséquent (du 17 septembre 2004 publié dans SVR 2005 UV n° 6 p. 17), le Tribunal fédéral des assurances a constaté que les deux arrêts qui viennent d'être cités s'écartaient de la jurisprudence de l'ATF 126 V 183 et qu'ils ne pouvaient pas en conséquence être confirmés. En effet, le point de savoir si et à quelles conditions une épicondylite pouvait avoir valeur de maladie professionnelle n'était pas tranché définitivement, puisque le tribunal, dans l'arrêt ATF 126 V 183, avait ordonné une expertise à ce sujet. Aussi longtemps qu'on ne disposait pas d'une expertise qui permettrait soit de confirmer soit d'infirmer le changement de pratique de la CNA, la question posée ne pouvait pas être d'emblée résolue par la négative. Aussi bien le tribunal a-t-il, dans cet arrêt du 17 septembre 2004, confirmé une décision de renvoi du Tribunal des assurances du canton de Zurich.
3.3 Il convient de s'en tenir à cette dernière jurisprudence. Il en résulte en l'espèce que l'on se saurait sans autre examen nier l'existence d'une maladie professionnelle. Entre temps, l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif du canton de Berne a été apparemment rendue. Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à la Bâloise pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il est loisible à l'assureur, en vertu de l'assistance administrative entre autorités (art. 32 al. 1 LPGA), de se procurer auprès du Tribunal administratif du canton de Berne l'expertise en question et, dans la mesure où elle revêtirait une portée générale, d'en faire usage après avoir donné aux parties l'occasion de se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 22 novembre 2004, ainsi que la décision sur opposition de la Bâloise du 19 mars 2004 sont annulés, la cause étant renvoyée à cet assureur pour complément d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
La Bâloise versera à la recourante la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.
4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud est invité à statuer sur les dépens de la procédure cantonale, compte tenu de l'issue définitive du litige.
5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 29 juin 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: