Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 244/03
Arrêt du 13 juillet 2005
Ire Chambre
Composition
MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Schön, Kernen et Frésard. Greffière : Mme von Zwehl
Parties
P.________, recourant, représenté par Me Michael Weissberg, avocat, rue Centrale 47, 2502 Bienne,
contre
Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé
Instance précédente
Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève
(Jugement du 20 novembre 2002)
Faits:
A.
Victime d'un grave accident de ski-surf, P.________, né en 1974, est atteint de tétraplégie sensitivo-motrice complète depuis le 27 février 1994. Actuellement, il vit au domicile de ses parents et exerce une activité bénévole.
Le 20 octobre 1998, il a déposé, par l'intermédiaire du service social de l'Hôpital X.________, une demande de prise en charge par l'assurance-invalidité des frais de transformation d'un véhicule Mercedes classe V 230 pour conducteur tétraplégique, indiquant être dépendant d'un membre de sa famille dans tous ses déplacements. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office AI du canton de Genève (ci-après : l'office AI) a requis un compte-rendu de la situation à la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires pour personnes handicapées et âgées (FSCMA). Dans son rapport du 24 mars 1999, la FSCMA a mentionné le nom de trois maisons disposant des connaissances techniques nécessaires pour adapter le véhicule au handicap de l'assuré (K.________, B.________ SA et V.________). Les aménagements consistaient principalement en diverses adaptations de l'accès au poste de conduite (notamment une plate-forme élévatrice automatique permettant à l'assuré de se positionner avec sa chaise roulante) ainsi que divers aménagements pour la conduite (notamment un «mini-manche» ou «joystick» pour la commande centrale de direction, d'accélérateur et de freinage, ainsi qu'un système de commande vocale). D'après les devis établis, le coût de réalisation se situait entre 75'000 et 88'000 francs. Etant donné le prix élevé de ces transformations, la FSCMA préconisait une prise de position de la part de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Cet office s'est prononcé dans le sens d'un refus de la prise en charge demandée, au motif que les transformations requises ne répondaient pas au critère d'un moyen auxiliaire simple et adéquat (préavis du 25 juin 1999). Le 12 août suivant, l'office AI a rendu une décision correspondante.
B.
L'assuré a déféré cette décision devant la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI (ci-après : la commission; aujourd'hui en matière d'assurances sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève).
Dans le même temps, il a fait transformer son véhicule par la maison K.________. Le coût total des transformations, comprenant également l'acquisition d'un fauteuil roulant spécial pour remplacer le siège du conducteur, s'est élevé à environ 103'627 francs. Après avoir subi des tests de fiabilité effectués par le Technicum-Auto à Bienne, la Mercedes classe V 230 a été homologuée le 27 septembre 2002 par le Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève.
Par jugement du 20 novembre 2002, la commission a rejeté le recours.
C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, au renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle décision.
L'office AI conclut au rejet du recours. Invité à se déterminer, l'OFAS a également proposé son rejet et s'est rallié aux arguments retenus par la commission.
D.
A la demande du tribunal, le recourant a produit des pièces relatives au coût de transformation du véhicule et aux modalités de son homologation.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000 a apporté diverses modifications dans le domaine de l'assurance-invalidité. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est toutefois pas applicable au présent litige qui reste soumis au droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).
2.
2.1 Aux termes de l'art. 21 LAI, l'assuré a droit, d'après une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle (al. 1, première phrase). L'assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d'appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu'établira le Conseil fédéral (al. 2).
La liste des moyens auxiliaires indiquée à l'art. 21 LAI fait l'objet d'une ordonnance du Département fédéral de l'intérieur (art. 14 RAI). Conformément à cette délégation, le département a édicté l'ordonnance concernant la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI). L'art. 2 OMAI dispose qu'ont droit aux moyens auxiliaires, dans les limites fixées par la liste annexée, les assurés qui en ont besoin pour se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie personnelle (al. 1). L'assuré n'a droit aux moyens auxiliaires désignés dans cette liste par un astérisque (*), que s'il en a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle ou encore pour exercer l'activité nommément désignée au chiffre correspondant de l'annexe (al. 2).
L'Annexe à l'OMAI mentionne sous chiffre 10.05 les transformations de véhicules à moteur nécessités par l'invalidité. Le chiffre 10.05.4 de la circulaire de l'OFAS concernant la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (CMAI) fixe une limite maximale de 25'000 francs pour les frais de transformation d'un véhicule à moteur. Pour la prise en charge des frais d'un coût supérieur, «une motivation spéciale est alors demandée».
2.2 Dans un arrêt du 21 mars 2003 (I 854/02), le Tribunal fédéral des assurances a laissé ouverte la question de savoir si un coût de transformations d'un véhicule moteur de près de 90'000 francs pour une personne atteinte de tétraplégie devait être pris en charge par l'assurance-invalidité nonobstant la limite de 25'000 francs fixée par le chiffre 10.05.4 de la CMAI. Il subsistait en effet de sérieux problèmes de sécurité liés au système de conduite par «joystick»; par ailleurs, aucun véhicule de ce type n'avait encore été homologué en Suisse.
2.3 A ce jour, ces problèmes techniques semblent surmontés. La Mercedes classe V 230 du recourant, transformée par la maison K.________, a été autorisée à circuler en Suisse par l'autorité cantonale compétente (permis de circulation du 27 septembre 2002). P.________ peut conduire seul son véhicule (cf. attestation du Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève du 3 juin 2005). Il y a dès lors lieu d'examiner si la directive de l'OFAS en matière de transformations d'un véhicule à moteur nécessitées par l'invalidité est conforme à l'ordonnance et à la loi.
A cet égard, le recourant fait valoir qu'il n'existe pas dans son cas de solution plus simple et meilleure marché, de sorte que les transformations de son véhicule doivent être qualifiées de moyen auxiliaire simple et adéquat. En tout état de cause, il estime que l'office intimé aurait dû lui allouer au moins le montant de 25'000 francs en application du droit à la substitution de la prestation.
3.
Comme pour tout moyen auxiliaire, la prise en charge de frais de transformations d'un véhicule moteur doit répondre aux critères de simplicité et d'adéquation (art. 8 al. 1 et art. 21 al. 3 LAI ; ATF 121 V 264 consid. 4). Ces critères, qui sont l'expression du principe de la proportionnalité, supposent, d'une part, que les transformations requises soient propres à atteindre le but fixé par la loi et apparaissent nécessaires et suffisantes à cette fin (ATF 124 V 109-110 consid. 2a et les références) et, d'autre part, qu'il existe un rapport raisonnable entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire (ATF 107 V 88 consid. 2; voir aussi Meyer-Blaser, Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im staatlichen Leistungsrecht, thèse Berne 1985, p. 86). D'après la jurisprudence, les prix limites fixés par l'OFAS dans ses directives concrétisent l'exigence légale du caractère simple du moyen auxiliaire et aussi, dans une certaine mesure, de son caractère adéquat. Une application correcte de la loi suppose que l'on s'en tienne, en principe tout au moins, à ces limites de coûts (ATF 130 V 172 consid. 4.3.1 in fine et les références). Pourtant, il peut arriver que le prix d'un moyen auxiliaire dépasse cette limite et que celui-ci soit néanmoins d'un modèle simple et adéquat, parce que conçu pour un handicap particulier (voir par exemple ATF 123 V 18). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral des assurances avait à juger du droit d'un assuré à un fauteuil roulant électrique d'un montant de 16'835 francs alors que le prix maximum prévu par la directive administrative en ce domaine s'élevait à 13'800 francs. Toutefois, lorsqu'il existe une disproportion manifeste entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire, l'assurance n'a pas à en assumer les frais (cf. ATF 107 V 88 consid. 2).
4.
4.1
4.1.1 Les transformations de véhicules à moteur nécessitées par l'invalidité font partie des moyens auxiliaires mentionnés au chiffre 10 de l'Annexe à l'OMAI, qui règle la remise de véhicules à moteur et véhicules d'invalides. Le chiffre 10 comprend les cyclomoteurs à deux, trois ou quatre roues (chiffre 10.01*), les motocycles légers et motocycles (chiffre 10.02*), ainsi que les voitures automobiles (chiffre 10.04*). En ce qui concerne les véhicules, l'indemnisation a lieu sous la forme de contributions d'amortissement (art. 8 al. 2 OMAI en liaison avec les chiffres 10.01.1*-10.04.1* de la CMAI). Actuellement, les assurés qui peuvent prétendre une voiture automobile à titre de moyen auxiliaire (chiffre 10.04* de l'Annexe à l'OMAI) ont droit à une contribution annuelle de 3000 à 3750 francs selon le type de véhicule employé (non automatique/ automatique; voir l'Annexe 2 à la CMAI). Compte tenu d'un amortissement normal de six ans (ATF 119 V 255), ces contributions correspondent au prix d'achat d'un véhicule de catégorie moyenne inférieure entre 18'000 et 22'000 francs lequel répond à un modèle simple et adéquat au sens de la loi (voir ATF 96 V 81 consid. 2a).
4.1.2 Jusqu'au 31 décembre 1992, tous les moyens auxiliaires figurant sous le chiffre 10 de l'Annexe à l'OMAI étaient subordonnés à la double condition que l'assuré concerné exerce une activité lucrative durable lui permettant de couvrir ses besoins et qu'il ne puisse pas se passer d'un véhicule à moteur personnel pour se rendre au travail. Depuis le 1er janvier 1993, cette exigence a été abrogée en ce qui concerne les transformations de véhicules à moteur nécessitées par l'invalidité. L'objectif était d'étendre le but de la réadaptation à d'autres aspects de la vie sociale des invalides, en particulier la faculté de se déplacer (cf. art. 21 al. 2 LAI; ATF 121 V 261 consid. 3a). Dans ce nouveau contexte, la jurisprudence a encore précisé que la demande visant à obtenir la prise en charge de transformations de véhicules à moteur nécessitées par l'invalidité ne pouvait être refusée pour le motif que l'assuré n'était pas à même de conduire lui-même le véhicule (ATF 121 V 261 ss consid. 3b/bb), qu'il n'était pas le détenteur du véhicule (ATF 121 V 263 consid. 3c) ou encore du fait qu'il était mineur (ATF 126 V 70 ss consid. 4).
4.1.3 La limite de 25'000 francs fixée dans la CMAI en matière de transformations de véhicules à moteur correspond approximativement aux contributions d'amortissement accordés à un invalide pour l'acquisition d'un véhicule aux fins d'exercer une activité lucrative et qui concrétisent les critères de simplicité et d'adéquation en ce domaine. Il n'est pas inadmissible d'établir par voie de directive une certaine corrélation entre ces deux situations. Des frais de transformation d'un véhicule ne sauraient être notablement plus élevés que le prix d'achat d'une voiture de catégorie moyenne inférieure. En cas de disproportion évidente (en l'espèce les frais représentent plus que le quadruple de la limite), on doit en effet admettre que l'on se trouve en présence de modifications fondamentales du véhicule d'ordre structurel, technique ou mécanique qui ne répondent plus à la notion de transformation ou d'adaptation d'un véhicule au sens de l'OMAI.
4.2 Il doit en outre exister un rapport raisonnable entre le coût et l'utilité de la mesure. Les coûts dont le recourant demande le remboursement vont toutefois au-delà de ce qui est nécessaire pour lui permettre de se déplacer compte tenu de son handicap. Le recourant a en effet la possibilité de se faire transporter par un membre de sa famille dans une voiture automobile dont les frais de transformation à cette fin - qui pourraient être pris en charge par l'assurance-invalidité en application des mêmes dispositions topiques - sont assurément inférieurs à 103'627 francs. Ce qui génère en vérité des coûts de transformation de cette importance, c'est son souhait, aussi compréhensible soit-il, de conduire lui-même un véhicule à moteur. Or, il appartient certes à l'assurance-invalidité d'assurer les mesures nécessaires et propres à atteindre le but visé mais non pas celles qui seraient les meilleures dans le cas particulier (cf. ATF 124 V 110 consid. 2a et les références citées). En l'occurrence, il existe des mesures notablement moins coûteuses que celle dont le recourant requiert ici la prise en charge et qui sont susceptibles de lui garantir une certaine autonomie.
4.3 Enfin, il importe, pour des motifs d'égalité de traitement, que la prise en charge des frais de transformation ne soient pas réservés aux seules personnes invalides qui disposent de moyens financiers suffisants pour acquérir une voiture qui puisse s'adapter aux modifications nécessitées par l'invalidité. Cette exigence ne serait pas remplie en l'espèce, car seul un véhicule volumineux et coûteux, de catégorie nettement supérieure à la moyenne, permet les adaptations nécessaires à une conduite de celui-ci par le recourant - ce sont en général des véhicules du type utilitaire (voir les documents de la maison K.________ versés au dossier).
4.4 Vu ce qui précède, on ne saurait dire que la limite posée par le chiffre 10.05.4 de la CMAI sort du cadre de l'ordonnance et de la loi. Sur ce point, la solution retenue par les premiers juges mérite d'être confirmée.
5.
Le recourant se prévaut par ailleurs de la théorie du droit à la substitution de la prestation.
5.1 Le droit à la substitution permet à l'assuré qui, par exemple, a opté pour un moyen auxiliaire dont le coût n'incombe normalement pas à l'assurance-invalidité - alors qu'il aurait pu prétendre le remboursement des frais d'autres mesures - de se faire rembourser, dans certaines circonstances, le moyen auxiliaire choisi. Cela suppose notamment que la substitution ait pour objet deux prestations différentes qui soient interchangeables quant à leurs fonctions. Il est en outre nécessaire que l'on soit en présence d'un droit légal à la prestation sujette à substitution (ATF 127 V 123 consid. 2a et les références).
5.2 Dans le cas particulier, on peut penser que le recourant aurait droit au remboursement des frais de transformations d'un véhicule nécessaires pour se faire transporter par une tierce personne de son entourage. Cependant, comme ni l'office AI ni les premiers juges n'ont examiné la demande du recourant sous cet angle, il convient de renvoyer la cause à l'office intimé afin qu'il se prononce sur le droit éventuel du recourant à la substitution de la prestation. Dans cette mesure, le recours doit être admis.
6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ a contrario). Le recourant, qui n'obtient que très partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est partiellement admis en ce sens que le jugement du 20 novembre 2002 de la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI/APG ainsi que la décision du 12 août 1999 de l'Office AI du canton de Genève sont annulés, la cause étant renvoyée audit office afin qu'il procède conformément aux considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
L'Office AI du canton de Genève versera au recourant, la somme de 1'000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure (fédérale et cantonale).
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 13 juillet 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ire Chambre: La Greffière: